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15/03/2000 | LUXEMBOURG | N°11234

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 mars 2000, 11234


N° 11234 du rôle Inscrit le 7 avril 1999 Audience publique du 15 mars 2000

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Recours formé par Monsieur … GOBIN et par son épouse, Madame X., … contre une décision du collège des bourgmestre et échevins et contre trois décisions du bourgmestre de la commune de … en matière de permis de construire

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 avril 1999 par Maître Laurence JACOBS, avocat à la Cour,

inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … GOBIN et de s...

N° 11234 du rôle Inscrit le 7 avril 1999 Audience publique du 15 mars 2000

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Recours formé par Monsieur … GOBIN et par son épouse, Madame X., … contre une décision du collège des bourgmestre et échevins et contre trois décisions du bourgmestre de la commune de … en matière de permis de construire

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 avril 1999 par Maître Laurence JACOBS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … GOBIN et de son épouse, Madame X., les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du collège des bourgmestre et échevins prise en date du 10 juin 1998 les informant de l’illégalité de la construction d’un mur implanté le long de la descente de leur garage ainsi qu’à l’arrière de leur maison d’habitation située à l’adresse précitée et de trois décisions du bourgmestre de la commune de … prises respectivement en date des 14 juillet, 1er octobre et 14 décembre 1998, refusant d’accorder une autorisation de construire le mur précité et enjoignant les époux GOBIN-X. à enlever une partie du prédit mur ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 10 mai 1999, par lequel cette requête a été signifiée à l’administration communale de …;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 27 septembre 1999, rendue en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, par laquelle les demandeurs ont été invités à indiquer au tribunal s’ils entendaient maintenir leur recours;

Vu la déclaration de Maître Laurence JACOBS faite à la suite de l’ordonnance précitée du 27 septembre 1999, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 octobre 1999, par laquelle elle a déclaré que ses mandants entendaient poursuivre le présent recours;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 octobre 1999 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de …;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland FUNK, demeurant à Luxembourg, du 25 octobre 1999, par lequel ce mémoire en réponse a été signifié aux époux GOBIN-X.;

1 Vu le jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 15 novembre 1999, rendu en exécution de l’article 70, alinéa 3 de la loi précitée du 21 juin 1999, décidant que la présente affaire sera instruite conformément à la nouvelle loi de procédure;

Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 novembre 1999 par Maître Laurence JACOBS au nom des époux GOBIN-X.;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, préqualifié, du 25 novembre 1999, par lequel ce mémoire en réplique a été signifié à l’administration communale de …;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Laurence JACOBS et Roger NOTHAR, en leurs plaidoiries respectives.

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Le 27 janvier 1997, Monsieur … GOBIN et son épouse Madame X., les deux demeurant actuellement à L-…,ont déposé auprès de l’administration communale de … une demande d’autorisation de construire une maison unifamiliale sur un terrain sis à …, faisant partie des numéros cadastraux …, section A de …, désignés comme lots 10a et 10b selon un plan de situation levé en date du 19 juin 1996 et faisant partie du projet d’aménagement particulier au lieu-dit «…», approuvé par le ministre de l’Intérieur en date du 26 juillet 1994.

L’autorisation de construire a été accordée par le collège des bourgmestre et échevins le 11 mars 1997.

Par lettre du 10 juin 1998, les époux GOBIN-X. ont été informés par le collège des bourgmestre et échevins que « suite à des contrôles effectués par notre service technique, il a été constaté que vous avez construit autour de votre terrain un mur sans autorisation de la part de l’administration communale. Nous tenons à vous informer que ce mur a été donc construit illégalement et devrait en principe être démoli. En effet, aux termes du règlement communal sur les bâtisses, tous les murs, haies, clôtures, implantés en limite de propriété, ainsi que leurs teintes et les matériaux utilisés pour leur construction doivent être préalablement autorisés par le bourgmestre. Celui-ci peut imposer, en bordure des voies publiques, l’implantation et les dimensions de ces aménagements (article 41 du règlement).

Par conséquent nous vous invitons à présenter sans délai une demande avec les plans nécessaires (longueur, largeur, hauteur, etc. du mur) à l’administration communale afin que nous puissions prendre une décision relative à cette construction. Je tiens dès à présent à vous informer que toute construction déjà érigée, qui ne trouvera pas l’assentiment de la commune, devra être démolie… ».

En réponse à cette lettre, les époux GOBIN-X. ont « redemandé », par courrier du 17 juin 1998, « l’autorisation de construction d’un mur de soutènement pour la descente de garage de notre habitation » en précisant que « la réalisation a été effectuée selon les plans de l’architecte et après autorisation du 11 mars 1997. La hauteur est de 3 m sol brut, d’une longueur de 21 m et d’une épaisseur de 30 cm, ceci afin de retenir la terre du terrain voisin et de réaliser la descente de garage comme indiqué sur les plans du dossier de construction remis par l’architecte (…) ».

2 Par courrier du 14 juillet 1998, le bourgmestre a refusé d’accorder l’autorisation sollicitée au motif qu’il ne serait pas d’accord avec la hauteur du mur tel qu’il a été érigé. Il a par conséquent invité les époux GOBIN-X. « à abaisser la hauteur du mur en enlevant deux blocs sur toute la longueur du mur le long du terrain du voisin … et un bloc sur toute la longueur du mur à l’arrière de votre maison ».

Suite à deux lettres écrites au nom et pour compte des époux GOBIN-X. par l’Union Luxembourgeoise des Consommateurs, datées respectivement des 6 août et 4 septembre 1998, contestant que le mur ait été construit illégalement, étant donné qu’il s’agirait d’un mur de soutènement qui n’aurait pas été « exclu » de l’autorisation de construire du 11 mars 1997, le bourgmestre, dans une lettre datée du 1er octobre 1998, précisait que le mur litigieux, situé à la limite de propriété, serait à considérer comme mur de clôture sujet à autorisation. Dans la mesure où cette autorisation ferait défaut, le mur devrait être démoli, mais il n’insisterait pas à ce que le mur soit complètement démoli.

Le recours gracieux, introduit par le mandataire des époux GOBIN-X. le 22 octobre 1998, a été rejeté par décision du bourgmestre du 14 décembre 1998, par laquelle il a confirmé ses décisions antérieures.

Par requête déposée le 7 avril 1999, les époux GOBIN-X. ont fait introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision précitée du collège des bourgmestre et échevins du 10 juin 1998, ainsi qu’à l’encontre des trois décisions précitées du bourgmestre prises respectivement en date des 14 juillet, 1er octobre et 14 décembre 1998.

A l’appui de leur recours, ils font valoir que le mur litigieux n’entrerait pas dans le champ d’application de l’article 41 du règlement sur les bâtisses, en ce que le prédit mur ne saurait être qualifié « d’enclos », tel que retenu par le bourgmestre et que par conséquent le bourgmestre n’aurait ni pu refuser l’autorisation de construire, ni aurait-il compétence pour ordonner aux époux GOBIN-X. d’enlever une partie de leur mur construit le long de la descente de leur garage et à l’arrière de leur maison.

L’administration communale de … conclut en premier lieu à l’incompétence du tribunal pour connaître du recours en réformation.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n°5, page 310).

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

L’administration communale de … conclut à l’irrecevabilité du recours en annulation, étant donné qu’il serait dirigé contre des actes dépourvus de caractère décisionnel.

Le tribunal est donc appelé à vérifier la recevabilité du recours du point de vue de la nature des actes critiqués.

3 A cette fin, il doit examiner si les actes litigieux sont constitutifs d’une décision administrative au sens de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, c’est-à-dire s’ils constituent une véritable décision affectant les droits et intérêts des demandeurs qui les contestent.

L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame (cf. F.

Schockweiler, Le Contentieux administratif et la Procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 2e éd., 1996, n°59).

En l’espèce, la lettre du 10 juin 1998 émanant du collège des bourgmestre et échevins se borne à informer les demandeurs de ce que le mur litigieux aurait été construit illégalement et qu’il devrait être démoli « en principe ». Les demandeurs sont par ailleurs invités à présenter à l’administration communale « une demande avec les plans nécessaires pour que [elle] puisse prendre une décision relative à cette construction » Il s’agit donc d’une lettre informative qui ne contient aucun élément décisionnel, de sorte que le recours est irrecevable sous ce rapport.

En ce qui concerne les lettres des 14 juillet, 1er octobre et 14 décembre 1998, émanant du bourgmestre, elles contiennent, d’une part, un refus de délivrer une autorisation de construire et, d’autre part, l’injonction aux demandeurs de démolir une partie du mur litigieux.

Ces lettres contiennent donc des éléments décisionnels qui sont susceptibles de faire grief, de sorte que le recours est recevable.

L’administration communale de … estime ensuite que le recours en annulation serait irrecevable pour avoir été introduit en dehors du délai contentieux.

Les demandeurs se réfèrent à l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes pour réfuter ce moyen.

L’article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 fait obligation à l’administration d’informer l’administré sur les voies de recours. L’omission, par l’administration, d’informer l’administré sur les voies de recours contre une décision administrative entraîne que les délais impartis pour les recours ne commencent pas à courir.

En l’espèce, il est constant qu’aucune des décisions critiquées ne contient une instruction sur les voies de recours, de sorte que le recours des demandeurs est également recevable sous ce rapport.

L’administration communale de … conteste ensuite l’intérêt à agir des demandeurs, au motif qu’en « introduisant en date du 17 juin 1998 une demande d’autorisation pour la construction d’un mur de soutènement pour la descente du garage de leur maison, les requérants ont acquiescé sans réserve à la recommandation exprimée dans la lettre du collège échevinal du 10 juin 1998. L’acquiescement emporte l’adhésion des requérants à la décision entreprise et les prive de tout recours subséquent ».

4 Les demandeurs, destinataires directs des actes, ont un intérêt certain et légitime pour agir dans la mesure où les décisions déférées leur causent grief. En effet, contrairement aux affirmations du mandataire de l’administration communale de …, les demandeurs n’ont pas « acquiescé » à l’avis exprimé par le collège des bourgmestre et échevins dans leur lettre du 10 juin 1998, en introduisant, suite à leur invitation y afférent, une demande d’autorisation de construire, mais, ce faisant, ils ont agi à titre conservatoire en précisant qu’ils « redemandent l’autorisation de construction du mur de soutènement » et que « la réalisation a été effectuée selon les plans de l’architecte et après autorisation du 11 mars 1997 ». En l’espèce, ils ont donc intérêt à agir dans la mesure où le bourgmestre a refusé d’accorder le permis de construire sollicité.

Le moyen tiré de ce que les demandeurs n’ont pas intérêt à agir est dès lors à rejeter.

L’administration communale de … soulève en dernier lieu un moyen d’irrecevabilité tiré du non respect de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Elle fait valoir qu’aux termes de l’article 4 de cette loi, le demandeur doit signifier la requête introductive d’instance à la partie défenderesse par exploit d’huissier dans le mois du dépôt du recours, à peine de caducité de ce dernier. Elle fait relever que le recours a été déposé le 7 avril 1999 au greffe du tribunal administratif, mais que la signification n’est intervenue qu’en date du 10 mai 1999, soit plus d’un mois après le dépôt de la requête.

Force est de constater qu’en application de l’article 69 de la loi précitée du 21 juin 1999, cette dernière n’est entrée en vigueur que le 16 septembre 1999, de sorte que les dispositions de l’article 4 n’étaient pas encore applicables au moment de l’introduction du recours en date du 7 avril 1999.

L’article 70 de la loi précitée prévoit certes des mesures transitoires pour les affaires introduites avant l’entrée en vigueur de ladite loi, mais il ne contient aucune disposition par laquelle un effet rétroactif est accordé à la loi en question.

Partant, le moyen tiré de la caducité du recours est à rejeter.

Quant au fond, les demandeurs reprochent aux décisions critiquées une absence sinon une insuffisance de motivation pour conclure à leur annulation. Ils estiment plus particulièrement qu’il s’agirait de décisions purement arbitraires qui ne seraient ni motivées par un texte légal ni par un élément de fait concret.

L’administration communale de … soutient que les décisions seraient suffisamment motivées en ce qu’elles retiendraient que la construction érigée n’aurait pas fait l’objet d’une autorisation préalable.

En vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé.

En ce qui concerne les décisions prises par le bourgmestre en date des 14 juillet, 1er octobre et 14 décembre 1998, il y a lieu de constater qu’il s’agit, d’une part, d’un refus d’accorder une autorisation de construire un mur, au motif que la hauteur du mur serait trop 5 élevée et, d’autre part, de l’injonction de démolir une partie du prédit mur. Les décisions du bourgmestre sont motivées par le fait que le prédit mur aurait été construit illégalement, alors qu’en application de l’article 41 du règlement des bâtisses, une autorisation serait requise pour une telle construction.

Le tribunal constate que la formulation retenue dans les décisions déférées est claire et précise, de sorte que les décisions déférées sont motivées à suffisance de droit et les demandeurs n’ont pas su se méprendre sur la portée à attribuer aux décisions déférées et ils ont utilement pu introduire un recours en vue de la défense de leurs droits.

Il y a dès lors lieu de rejeter le moyen tiré d’une absence ou d’une insuffisance de motivation concernant les prédites décisions.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font exposer qu’il ressortirait des plans de construction soumis à autorisation au collège des bourgmestre et échevins que le mur litigieux y est indiqué et qu’il a été autorisé lors de l’octroi de l’autorisation du 11 mars 1997. Ils soutiennent par ailleurs que le mur aurait été construit conformément aux prédits plans. Ils font encore préciser qu’il s’agirait d’un mur de soutènement destiné à retenir notamment les fonds du terrain voisin, de sorte que la réserve figurant sur l’autorisation de construire indiquant que « la présente autorisation n’est pas valable pour la construction d’un enclos » ne saurait jouer dans le cas d’espèce.

Ils concluent également à la non-application de l’article 41 du règlement sur les bâtisses au motif que ce dernier concernerait uniquement les constructions en bordure d’une voie publique et qu’en l’espèce, il s’agirait d’un mur construit à la limite de deux fonds privés, de sorte que le bourgmestre ne disposerait d’aucun pouvoir décisionnaire pour l’implantation de ce mur.

L’administration communale de … soutient que le mur litigieux ne serait pas couvert par le permis de construire délivré le 11 mars 1997 et qu’au contraire, le texte du prédit permis serait formel pour exclure la construction d’un « enclos ». Elle relève d’autre part que le bourgmestre est chargé de l’exécution des lois et règlements de police et qu’à ce titre il doit veiller à ce que les dispositions du règlement des bâtisses soient respectées. En l’espèce, il s’agirait d’une construction illicite et le bourgmestre, de par son pouvoir de police, pourrait exiger sa démolition.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés (Cour adm. 4 mars 1997, Commune de Kehlen, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 01/2000, V° Recours en annulation, n° 7, p. 305 et autres décisions y citées) .

En l’espèce, il est constant que l’autorisation de construire du 11 mars 1997 a été accordée par le collège des bourgmestre et échevins dans le cadre d’un projet d’aménagement particulier au lieu-dit «…», approuvé par le ministre de l’Intérieur en date du 26 juillet 1994.

6 Il convient d’examiner en premier lieu si le « mur », tel qu’il a été exécuté par les demandeurs, a été autorisé par le collège des bourgmestre et échevins et d’analyser ensuite la régularité des décisions du bourgmestre par rapport au règlement des bâtisses, tel qu’invoqué par les parties.

Il ressort des plans autorisés que l’architecte des demandeurs y a indiqué un « mur » par un trait, sur toute la longueur du côté droit du terrain. Les plans ne contiennent cependant aucune référence ni quant à la hauteur, épaisseur et longueur du mur en question, ni quant à la destination exacte du prédit mur. Il ressort par contre de l’autorisation de construire du 11 mars 1997, qu’elle « n’est pas valable pour (…) la construction d’un enclos ».

A défaut des indications précitées, le bourgmestre, en ce qu’il a enjoint aux demandeurs de démolir le mur précité, a légitimement pu estimer que ce « mur » n’a pas fait l’objet d’une autorisation en bonne et due forme par le collège échevinal et il a, sur base de ses pouvoirs de police, découlant de l’article 50 du décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités et de l’article 3 du titre XI du décret des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, pu ordonner la démolition du mur.

En effet, en application de ces articles, il incombe au pouvoir communal de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et voies publics, ainsi que de la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques.

En vertu de l’article premier de la loi du 29 juillet 1930 concernant l’étatisation de la police locale, le bourgmestre est chargé de l’exécution des lois et règlements de police, l’article 67 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 allant dans le même sens.

Si l’article 28 de cette dernière loi dispose que le conseil communal règle tout ce qui est d’intérêt communal, cette disposition laisse intact le droit du bourgmestre de prendre toutes les mesures que l’exécution d’une loi de police peut comporter.

Le bourgmestre a donc, à titre personnel, le droit et le devoir d’assurer l’exécution desdites lois, au nombre desquelles figurent les décrets susmentionnés, ainsi que la législation sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire.

Etant donné que l’article 67 de ladite loi prévoit parmi les attributions du bourgmestre celle d’être chargé de l’exécution des lois et règlements, notamment de police, compétence également visée par l’article 1er de la loi du 29 juillet 1930 concernant l’étatisation de la police locale, l’injonction de démolir un mur construit illégalement rentre dans la sphère de compétence du bourgmestre.

Comme le mur se situant sur le côté droit du terrain des demandeurs a été construit sans que les demandeurs ne disposent d’un permis de construire afférent, le bourgmestre, en donnant l’injonction de le démolir, n’a pas outrepassé ses pouvoirs et ne s’est pas rendu coupable ni d’un détournement de pouvoir ni d’une violation de la loi.

Comme le terrain des demandeurs se situe toutefois dans une zone couverte par un plan d’aménagement particulier, le bourgmestre n’était pas compétent pour refuser l’autorisation de construire le mur litigieux, cette compétence revenant au collège des bourgmestre et échevins 7 d’après l’article 20 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes.

Même si la demande d’autorisation a été adressée par le demandeur au bourgmestre, ce dernier, en refusant la demande sans la transmettre à l’autorité compétente, a outrepassé ses pouvoirs. Dans cette mesure, le refus d’accorder l’autorisation de construire un mur tel que sollicité par les demandeurs dans leur lettre du 17 juin 1998, refus se matérialisant dans les décisions du bourgmestre des 14 juillet, 1er octobre et 14 décembre 1998, encourt l’annulation pour incompétence.

En ce qui concerne le mur situé à l’arrière de la maison des demandeurs, il ressort d’une photographie versée en cause, qu’il s’agit d’un mur de soutènement qui contrebute des terres de remblai. Comme un tel mur a été indiqué sur les plans autorisés par le collège échevinal en date du 11 mars 1997 et comme il s’agit d’un mur de soutènement non expressément exclu de l’autorisation de construire, le tribunal retient que ce mur n’a pas été construit illégalement et qu’il est couvert par l’autorisation de construire précitée, de sorte que les décisions du bourgmestre des 14 juillet, 1er octobre et 14 décembre 1998 sont à annuler sur ce point.

Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et de les imposer pour moitié à chacune des parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

déclare le recours en annulation irrecevable dans la mesure où il vise la lettre du collège des bourgmestre et échevins du 10 juin 1998 et le déclare recevable pour le surplus ;

au fond le dit partiellement justifié ;

annule les décisions du bourgmestre des 14 juillet, 1er octobre et 14 décembre 1998 dans la mesure où elles ont trait au mur situé à l’arrière de la maison des demandeurs et dans la mesure où elles ont trait au mur situé du côté droit du terrain des demandeurs en ce que le bourgmestre a refusé l’autorisation de construire le mur et, dans cette mesure, renvoie le dossier pour prosécution devant le collège des bourgmestre et échevins ;

déclare le recours non fondé pour le surplus ;

fait masse des frais et les impose pour moitié à l’administration communale de … et pour moitié aux demandeurs.

Ainsi jugé par:

8 M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 15 mars 2000 par le vice-président, en présence de Monsieur Legille, greffier.

Legille Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11234
Date de la décision : 15/03/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-03-15;11234 ?

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