La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2000 | LUXEMBOURG | N°11776

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 février 2000, 11776


N° 11776 du rôle Inscrit le 13 janvier 2000 Audience publique du 10 février 2000

==============================

Recours formé par Monsieur … HRUSTIC et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

--

Vu la requête inscrite sous le numéro 11776 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2000 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1. Monsieur … HRUSTIC et 2. son épouse...

N° 11776 du rôle Inscrit le 13 janvier 2000 Audience publique du 10 février 2000

==============================

Recours formé par Monsieur … HRUSTIC et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

--

Vu la requête inscrite sous le numéro 11776 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2000 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1. Monsieur … HRUSTIC et 2. son épouse, Madame …, tous les deux de nationalité yougoslave, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs deux enfants mineurs Irma et Dzeveda, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 1er septembre 1999, notifiée le 6 septembre 1999, par laquelle leurs demandes en obtention du statut de réfugié politique ont été déclarées manifestement infondées, ainsi que d’une décision confirmative du 10 décembre 1999, rendue sur recours gracieux en date du 4 octobre 1999 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom des demandeurs en date du 31 janvier 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

--

Le 4 juin 1999, Monsieur … HRUSTIC et son épouse, Madame…, tous les deux de nationalité yougoslave, originaires de Bosnie et Herzégovine, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs deux enfants mineurs Irma et Dzeveda, demeurant ensemble à L-… introduisirent au Grand-Duché de Luxembourg une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-

York, le 31 janvier 1967, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Monsieur HRUSTIC et Madame … furent entendus séparément en date du 5 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 5 août 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur HRUSTIC, par lettre du 1er septembre 1999, notifiée le 6 septembre 1999, que sa demande ainsi que celle de son épouse et de leurs deux enfants Irma et Dzeveda avaient été rejetées aux motifs suivants : “ (…) Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, vous n’invoquez aucune crainte sérieuse de persécution pour une des raisons visées de la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ”.

Un recours gracieux formé par le mandataire des consorts HRUSTIC, par lettre du 4 octobre 1999, à l’encontre de la décision précitée du 1er septembre 1999 fut rejeté par une décision confirmative du ministre de la Justice du 10 décembre 1999.

Par requête du 13 janvier 2000, Monsieur HRUSTIC et son épouse, Madame …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs deux enfants mineurs Irma et Dzeveda, ont introduit un recours tendant à la réformation des décisions déférées des 1er septembre et 10 décembre 1999.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’aucun recours au fond n’est prévu en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile.

Le mandataire des demandeurs soutient dans son mémoire en réplique, d’une part, que le ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en déclarant la demande des consorts HRUSTIC comme étant manifestement infondée, et, d’autre part, que même dans le cadre d’un recours en réformation, les demandeurs devraient pouvoir faire valoir des moyens d’annulation à l’encontre des décisions entreprises.

En matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées, l’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 précise que la décision ministérielle de refus ne peut que faire l’objet d’un recours en annulation devant les juridictions administratives et que ledit recours doit être introduit dans un délai d’un mois à partir de la notification de la décision afférente.

Dans une matière dans laquelle seul un recours en annulation est prévu par la loi, le recours introduit sous forme de recours en réformation est néanmoins recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués, à condition d’observer les règles de procédure et les délais sous lesquels le recours en annulation doit être introduit (v. trib. adm. 26 mai 1997, n° 9370 du rôle, Pas. adm. 2/99, V° Recours en annulation, n° 25, p. 266).

2 En l’espèce, la première décision litigieuse date du 1er septembre 1999 et elle a été notifiée le 6 septembre 1999. Un recours gracieux a été introduit à l’encontre de cette décision en date du 4 octobre 1999, à savoir dans le délai d’un mois à compter de la date de notification de la décision initiale. Par ailleurs, la décision confirmative du 10 décembre 1999 a été notifiée en date du 13 décembre de la même année. Comme le recours contentieux a été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 janvier 2000 et qu’il a par ailleurs été introduit dans les formes prévues par la loi, il est recevable comme recours en annulation dans la mesure des moyens de légalité y contenus.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 “ une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement … ”.

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 “ une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ”.

Il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, manifestement dénués de fondement.

Le tribunal doit partant examiner, de manière sommaire, et sur base de l’ensemble des pièces du dossier et des renseignements qui lui ont été fournis, si les faits peuvent être qualifiés de manifestement incrédibles ou manifestement dénués de fondement.

Or, en l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’ils n’ont manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans leur chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays de provenance, à savoir la Bosnie et Herzégovine. – En effet, au cours de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les compte rendu figurant au dossier, Monsieur HRUSTIC et Madame … ont uniquement affirmé avoir quitté leur pays d’origine, à savoir la Fédération de Bosnie et Herzégovine, faisant partie de la Bosnie et Herzégovine, où ils résidaient dans le village musulman de Kalesija depuis l’année 1992, après avoir dû quitter leur village d’origine Kusonja en 1992, qui se trouve actuellement dans la République serbe de Bosnie et Herzégovine, à la suite des violences qui y ont été commises par des groupes paramilitaires serbes, qui ont notamment eu pour conséquence qu’une partie de leur maison familiale a été brûlée et qu’une autre partie de cette même maison a été expropriée au profit des “ Serbes ”, en raison du fait qu’ils n’avaient plus les moyens d’y vivre, alors que l’usine où Monsieur HRUSTIC avait travaillé, avait fait faillite. Concernant les faits et motifs relatifs à leur départ de la République serbe de Bosnie et Herzégovine, c’est à bon droit que le ministre de la Justice n’en a pas tenu compte dans le cadre de leurs demandes d’asile respectives, étant donné que les faits en rapport avec le départ de leur village natal, à savoir Kusonja, se trouvant 3 actuellement dans la République serbe de Bosnie et Herzégovine, s’avèrent être sans relation causale directe avec leur départ de la Fédération de Bosnie et Herzégovine du même pays.

Les demandeurs restent partant en défaut d’établir et même d’alléguer en quoi leur situation particulière ait été telle qu’ils pouvaient avec raison craindre qu’ils feraient ou pourraient faire l’objet de persécutions, au sens de la Convention de Genève, dans leur pays d’origine, à savoir la Fédération de Bosnie et Herzégovine, regroupant essentiellement les communautés musulmane et croate de Bosnie et Herzégovine, et, ainsi, les autorités luxembourgeoises ont été mises dans l’impossibilité d’examiner, en plus de la situation générale régnant en Bosnie et Herzégovine, leur situation particulière et de vérifier concrètement et individuellement s’ils ont raison de craindre d’y être persécutés.

Il résulte des développements qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a déclaré les demandes d’asile des consorts HRUSTIC comme étant manifestement infondées. Il s’ensuit que le recours formé par les demandeurs est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en ce qu’il tend à la réformation des décisions entreprises des 1er septembre et 10 décembre 1999 du ministre de la Justice ;

reçoit le recours en ce qu’il tend à l’annulation des décisions précitées ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 10 février 2000 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11776
Date de la décision : 10/02/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-02-10;11776 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award