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09/02/2000 | LUXEMBOURG | N°11593

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 février 2000, 11593


Numéro 11593 du rôle Inscrit le 18 octobre 1999 Audience publique du 9 février 2000 Recours formé par Monsieur … PJANIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 11593, déposée le 18 octobre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon

sieur … PJANIC, de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant à la ré...

Numéro 11593 du rôle Inscrit le 18 octobre 1999 Audience publique du 9 février 2000 Recours formé par Monsieur … PJANIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 11593, déposée le 18 octobre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PJANIC, de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 26 juillet 1999, ainsi que d’une décision confirmative sur recours gracieux du même ministre du 14 septembre 1999, les deux portant rejet de sa demande en obtention du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 1999 par Maître Claude DERBAL au nom de Monsieur PJANIC;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Claude DERBAL, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Le 18 février 1999, Monsieur … PJANIC, de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Monsieur PJANIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile en date du 26 mars 1999.

Le 1er juillet 1999, la commission consultative pour les réfugiés émit à l’unanimité un avis défavorable.

Par décision du 26 juillet 1999, notifiée le 5 août 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur PJANIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit :

“ Me ralliant à l’avis de la Commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie (…) ”.

Suite à un recours gracieux daté du 2 septembre 1999 et parvenu au ministère de la Justice le 6 septembre 1999, introduit par le mandataire de Monsieur PJANIC, le ministre réitéra son refus par décision du 14 septembre 1999 “ à défaut d’éléments pertinents nouveaux ”.

Par requête déposée le 18 octobre 1999, Monsieur PJANIC fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions précitées des 26 juillet et 14 septembre 1999.

L’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours en réformation est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est partant à déclarer irrecevable.

Le moyen du demandeur tiré du défaut de sa signature sur l’acte de notification de la décision critiquée du 26 juillet 1999 doit être écarté, étant donné que son mandataire reconnaît que, si la signature du demandeur ne figure pas sur l’original de la décision déférée qui lui a été notifiée, ce dernier a apposé sa signature sur la minute de cette même décision qui a été versée au dossier administratif et que ce “ vice .. n’est plus d’actualité ”.

2 Le demandeur critique ensuite la voie de notification de la décision déférée du 26 juillet 1999 en ce que toute indication écrite rédigée en sa langue maternelle sur les voies de recours à sa disposition à l’encontre de cette décision ferait défaut. Il expose à cet égard qu’il serait d’usage que le ministère de la Justice fasse porter sur les actes de notification des décisions ministérielles une indication formulée dans la langue maternelle de la personne visée “ faisant ressortir de manière non-équivoque que ce dernier a été informé dans une langue compréhensible pour lui de la teneur de la décision et des voies de recours ” et que cette indication serait suivie des signatures de l’agent chargé de la notification, de l’interprète et de la personne visée. Etant donné qu’il incomberait à l’administration d’œuvrer en sorte que chaque demandeur placé dans une situation identique voie sa demande administrée dans les mêmes conditions et que l’obligation d’informer un demandeur d’asile sur les voies de recours à sa disposition perdrait tout sens en cas de non-compréhension de la langue utilisée, le demandeur estime que les décisions déférées devraient encourir l’annulation pour rupture de l’égalité entre administrés placés dans une même situation et en raison de l’impossibilité d’exercer utilement les voies de recours à sa disposition.

Au vœu de l’article 3 de la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues, il peut être fait usage des langues française, allemande ou luxembourgeoise en matière administrative, sans préjudice des dispositions spéciales concernant certaines matières. L’article 4 de la dite loi oblige l’administration à se servir, dans la mesure du possible, de la langue choisie par l’administré si celui-ci s’est adressé à elle en luxembourgeois, français ou allemand. L’article 12 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile dispose certes dans son alinéa 2 que la décision doit être motivée et communiquée par écrit au demandeur d’asile, de même qu’elle doit comporter les informations relatives au droit de recours si elle est négative, mais n’impose pas la rédaction de la décision, y compris l’information sur les voies de recours, dans la langue du demandeur d’asile.

Il s’ensuit qu’aucune disposition légale n’oblige le ministre à rédiger l’instruction sur les voies de recours à la suite d’une décision de refus du statut de réfugié politique dans la langue de la personne concernée, de sorte qu’une rédaction dans la langue française suffit en l’espèce aux exigences légales prévisées.

Le délégué du Gouvernement exposant par ailleurs que toute décision en matière de réfugié politique est traduite oralement lors de sa notification par un agent du ministère de la Justice, il y a lieu d’admettre, à défaut de contestation de la part du demandeur concernant l’accomplissement de cette information dans son cas, que les droits de la défense de celui-ci n’ont pas été violés en l’espèce, vu qu’il a été mis en mesure d’exercer toutes les voies de recours administratives et contentieuses lui permettant de faire valoir ses moyens, la signature de l’interprète sur l’acte de notification ne constituant point une condition de forme obligatoire dont l’absence affecterait la validité de la notification.

Cette conclusion ne saurait être ébranlée par l’existence alléguée d’un usage constant d’indication écrite des voies de recours à disposition du demandeur d’asile dans sa langue maternelle, de manière à ce que ce moyen laisse d’être fondé.

Le demandeur expose en troisième lieu que son mandataire avait sollicité, dans son courrier du 2 septembre 1999 valant recours gracieux, la délivrance d’une copie du dossier administratif, sinon la fixation d’une date pour consulter ce dernier afin de compléter ce même recours gracieux par une missive complémentaire. En rejetant le recours gracieux par décision confirmative du 14 septembre 1999, tout en invitant le mandataire du demandeur à prendre 3 contact pour consulter le dossier, le ministre l’aurait mis dans l’impossibilité d’user utilement de la voie de recours gracieuse reconnue par la loi.

L’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes confère à l’administré “ le droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l’être, par une décision administrative prise ou en voie de l’être ”. Cette disposition, visant à la fois l’hypothèse d’une décision déjà intervenue et celle d’une décision en gestation, n’impose pas au ministre l’obligation de suspendre la prise d’une décision sur recours gracieux en attendant l’exercice effectif de ce droit de communication ou de consultation par le demandeur d’asile ou son mandataire, de sorte que le moyen afférent est encore à rejeter.

Quant au fond, le demandeur expose avoir accompli son service militaire au cours de l’année 1992 et avoir été appelé en réserve pour reprendre du service lors de la guerre du Kosovo et de l’intervention des forces de l’ONU. Refusant l’idée de devoir combattre ses frères kosovars en révolte contre un régime qu’il réprouverait, il n’aurait pas intégré la réserve et serait dès lors considéré comme déserteur dans son pays d’origine.

Il fait valoir en outre être originaire d’une région bosniaque directement frontalière avec la République serbe où tant la police que les milices civilistes serbes auraient notoirement persécuté la population bosniaque sur base de considérations d’ordre ethnique et religieux et qu’il serait donc susceptible de subir, en cas de retour, des exactions de leur part.

Le délégué du Gouvernement rétorque qu’il ne serait pas prouvé et qu’il ne ressortirait d’aucun élément du dossier que le demandeur aurait fait l’objet d’une persécution quelconque en Bosnie. Il estime encore que l’on ne saurait sérieusement affirmer la subsistance, à l’heure actuelle, de persécutions au sens de la Convention de Genève, de même que le simple fait d’être originaire de la Bosnie ne serait pas suffisant pour se voir reconnaître la qualité de réfugié.

Le demandeur fait répliquer que la police et des milices serbes s’attaqueraient encore actuellement à la population de la région frontalière bosniaque en raison de rivalités territoriales et ethniques, de sorte qu’il craindrait avec raison des persécutions sur base de son appartenance ethnique et de son domicile dans cette région frontalière.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

4 Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l'espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 26 mars 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés dans son recours gracieux ainsi qu'au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir, à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le recours est partant à rejeter comme non fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 février 2000 par:

Mme LENERT, premier juge, Mme LAMESCH, juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11593
Date de la décision : 09/02/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-02-09;11593 ?

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