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07/02/2000 | LUXEMBOURG | N°s11239,11256

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 février 2000, s11239,11256


N°s 11239 et 11256 du rôle Inscrits les 9 et 24 avril 1999 Audience publique du 7 février 2000

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Recours formés par les époux … KERSCHEN - X., Luxembourg et Madame Y., veuve …, Luxembourg contre une décision de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg en présence des époux Z., Luxembourg en matière de permis de construire

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I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 11239 du rôle et déposée en

date du 9 avril 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, ...

N°s 11239 et 11256 du rôle Inscrits les 9 et 24 avril 1999 Audience publique du 7 février 2000

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Recours formés par les époux … KERSCHEN - X., Luxembourg et Madame Y., veuve …, Luxembourg contre une décision de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg en présence des époux Z., Luxembourg en matière de permis de construire

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I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 11239 du rôle et déposée en date du 9 avril 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KERSCHEN, retraité, et de son épouse, Madame X., sans état particulier, demeurant ensemble à L-Luxembourg, …, tendant à l’annulation de la décision de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 2 avril 1999 accordant aux époux Z. et …, demeurant ensemble à L-Luxembourg, …, l’autorisation de construire un immeuble résidentiel à quatre appartements sur un terrain situé à Luxembourg, …;

Vu les exploits de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch/Alzette, des 13 et 21 avril 1999, portant signification de ce recours respectivement à l’administration communale de Luxembourg et aux époux Z. et … ;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 10 mai 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 12 mai 1999, portant signification de ce mémoire en réponse aux époux KERSCHEN-X., ainsi qu’aux époux Z.-… ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 mai 1999 par Maître Alain GROSS, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte des époux Z.-…;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 12 mai 1999 portant signification de ce mémoire en réponse aux époux KERSCHEN-X., ainsi qu’à l’administration communale de Luxembourg;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 octobre 1999 par Maître Marc ELVINGER, au nom des époux KERSCHEN-X. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch/Alzette, du 13 octobre 1999 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ainsi qu’aux époux Z.-…;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 novembre 1999 par Maître Jean MEDERNACH au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu la notification de ce mémoire en duplique par actes d’avocat à avocat du 19 novembre 1999;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 11256 du rôle et déposée en date du 22 avril 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame Y., veuve …, enseignante, demeurant à L-Luxembourg, …, tendant à l’annulation de la décision de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 2 avril 1999 précitée ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 19 avril 1999, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ainsi qu’aux époux Z.-… ;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 10 mai 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 12 mai 1999, portant signification de ce mémoire en réponse à Madame Y., ainsi qu’aux époux Z.-… ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 mai 1999 par Maître Alain GROSS, au nom des époux Z.-… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 31 mai 1999 portant signification de ce mémoire en réponse à Madame Y., ainsi qu’à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 décembre 1999 par Maître Charles KAUFHOLD au nom de Madame Y. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 30 novembre 1999 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ainsi qu’aux époux Z.-…;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée;

2 Vu les jugements du tribunal administratif du 14 mai 1999 rendus sur les demandes d’effet suspensif inscrites respectivement sous les numéros 11240 et 11255 du rôle, les déclarant non justifiées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Marc ELVINGER, Fabienne DAUBENFELD, Jean MEDERNACH et Alain GROSS en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 janvier 2000.

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Considérant que suite à une demande introduite par Monsieur FASSBINDER, architecte, au nom et pour compte de Monsieur Z. et de son épouse, Madame …, demeurant ensemble à L-…, en date du 10 novembre 1997, la bourgmestre de la Ville de Luxembourg a accordé le 21 du même mois, sous le numéro …, l’autorisation de construire un immeuble résidentiel à quatre appartements sur le terrain sis … à Luxembourg …;

Qu’en date du 27 décembre 1997, Madame Y., veuve …, Monsieur … KERSCHEN ainsi que Monsieur Jos BIEL, propriétaires des maisons situées respectivement …, ont introduit auprès du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg une réclamation mettant en cause la régularité de l’autorisation précitée, en déclarant en substance refuser les faits accomplis;

Que la bourgmestre de la Ville de Luxembourg a pris position le 13 février 1998 en faisant valoir que la construction autorisée serait conforme aux dispositions du plan général d’aménagement en vigueur pour la zone d’habitation 3 actuellement prévue pour le terrain en question, étant entendu qu’en l’occurrence l’autorisation de lotissement délivrée en date du 24 octobre 1949, à laquelle les voisins s’étaient référés, aurait perdu ses effets avec le vote du nouveau plan général d’aménagement;

Qu’en date du 3 avril 1998 Madame Y., veuve …, voisine de la construction litigieuse, a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du 21 novembre 1997 en invoquant d’une part la violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 9 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, redressée par la suite comme visant l’article 5, et, d’autre part, celle de la partie écrite du plan général d’aménagement de la Ville de Luxembourg, désigné ci-après par “ PGA ”, en ses articles A.0.4.f, A.0.9, A.3.3 et A.0.7.d;

Qu’en date du 11 mai 1998, les époux … KERSCHEN et X., seconds voisins de l’immeuble litigieux, ont fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision précitée en invoquant sa non-conformité à l’autorisation de lotissement précitée du 24 octobre 1949, ainsi qu’en ordre subsidiaire au plan général d’aménagement de la Ville de Luxembourg pris en ses articles combinés A.3.3 et A.0.14 ainsi qu’aux autres dispositions déjà relevées par Madame Y. dans son recours, ensemble sa non-conformité à l’article 56 alinéa 2 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, en l’absence de condition dans l’autorisation imposant le respect de l’alignement postérieur existant;

Que par jugement du 31 juillet 1998 rendu sur les demandes d’effet suspensif inscrites respectivement sous les numéros 10789 et 10796 du rôle, le tribunal administratif a ordonné le 3 sursis à l’exécution de la décision précitée de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 21 novembre 1997 jusqu’à la décision au fond ;

Que par jugement non appelé du 15 décembre 1998, le tribunal administratif a déclaré les recours en annulation introduits sous les numéros 10655 et 10696 du rôle recevables et fondés, annulant ainsi la décision de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg précitée du 21 novembre 1997, d’une part pour violation des dispositions de l’article A.0.14 b) PGA en ce que la possibilité n’a pas été donnée à Madame Y. de faire valoir ses observations avant la prise de ladite décision et pour défaut de spécification en quoi la décision prise en vertu de la dérogation accordée aurait pris soin de sauvegarder les intérêts publics et privés, ainsi que sur base de l’article 5 alinéa 3 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, en ce que la possibilité n’avait pas été conférée aux époux KERSCHEN-X. de faire connaître leurs observations (Pas. adm. 02/99 V° Urbanisme n°s 44, 45 et 48);

Que par courrier adressé le 15 janvier 1999 à la bourgmestre de la Ville de Luxembourg, Monsieur Z. a réitéré sa demande en autorisation de construire antérieure, en remettant deux jeux de plans de la résidence en question ;

Que par lettre recommandée du 10 février 1999 la bourgmestre a informé les propriétaires des parcelles contiguës du dépôt de ce projet et de leur possibilité d’en prendre connaissance et de formuler leurs observations y relatives dans les 30 jours à partir de ladite notification ;

Que par courriers respectifs du 11 février ainsi que du 11 mars 1999, Maître Marc ELVINGER, au nom des époux KERSCHEN-X., et Maître Charles KAUFHOLD au nom de Madame Y., veuve …, ont présenté à la bourgmestre les objections de leurs mandants quant au projet de construction en question, reprenant en substance les arguments exposés devant le tribunal dans les instances ayant abouti au jugement prédit du 15 décembre 1998 ;

Que par lettre recommandée du 2 avril 1999, la bourgmestre s’est adressée aux mandataires en question, copie étant envoyée à leurs mandants, dans les termes suivants :

“ Maître, Par vos estimées des 11 février 1999 ( et 11 mars 1999) vous m’avez fait part, en tant que conseil de Monsieur et Madame … KERSCHEN-X. (Madame Y., veuve …), des objections de vos clients (votre cliente) quant au projet de construction introduit par Monsieur Z. pour la réalisation d’un immeuble sur le terrain sis …, classé par le plan général d’aménagement en zone d’habitation H3.

Comme vous le soulevez à juste titre dans votre courrier, (Comme indiqué dans mon courrier du 10 février 1999 adressé à votre cliente), la réalisation du projet demande l’application des dispositions spéciales de l’article A.0.14.b) de la partie écrite du plan général d’aménagement.

Ces dispositions permettent de déroger aussi bien aux prescriptions réglementaires en rapport avec la forme et les dimensions des parcelles (une largeur de construction de 9,00 est demandée par l’article A.3.3) qu’à celles traitant des reculs sur les limites (un recul latéral de 4,00 mètres est demandé par l’article A.3.5).

4 Dans l’intérêt des voisins, je me propose de déroger uniquement aux dispositions concernant les formes et dimensions de la parcelle, ceci dans le but d’admettre une construction dont la largeur est inférieure à celle demandée normalement pour les constructions dans une zone d’habitation 3 (7,50 mètres au lieu de 9,00 mètres) tout en maintenant un recul latéral de 4,00 mètres. En effet, la Ville est d’avis qu’une construction de 7,50 mètres de largeur avec un recul latéral de 4,00 (normalement admis suivant l’article A.3.5) est préférable à une construction de 9,00 mètres de largeur avec un recul latéral de seulement 2,50 mètres qui, elle, serait de nature à constituer une gêne pour les voisins.

En ce qui concerne vos autres remarques portant sur la hauteur et la profondeur de la maison, je me dois de soulever que ces dimensions sont en tous points conformes aux prescriptions réglementaires régissant les constructions dans une zone d’habitation 3.

Or, il est un fait que le terrain est classé par le plan général d’aménagement dans une zone d’habitation 3, ce classement ayant fait l’objet de l’approbation ministérielle en date du 6 février 1997 qui, dans sa décision d’approbation, a retenu que “ .. cette voie publique (=

rue de Cessange) constitue une artère principale de la Ville, de sorte qu’il est opportun du point de vue urbanisme que ce quartier présente une certaine densité de construction.. ” et le demandeur est en droit de solliciter un permis de bâtir pour une construction répondant aux critères de cette zone.

De son côté, le bourgmestre est obligé d’examiner la conformité du projet aux prescriptions tant du plan général d’aménagement – partie graphique et écrite – que du règlement sur les bâtisses en vigueur, sous risque de se voir accusé d’abuser de son pouvoir.

Dans le présent cas, l’instruction du dossier doit se faire en application des dispositions réglementaires de l’article A.3. de la partie écrite du plan général d’aménagement.

Comme le projet soumis est conforme aux dispositions réglementaires, je voudrais vous informer, conformément à l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, que je viens de délivrer, en date de ce jour, l’autorisation de bâtir demandée.

Conformément au règlement grand-ducal du 8 juin 1979, relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, je vous prie d’avertir vos clients qu’un recours contre ma décision de refus peut être formé dans les trois mois à partir de la présente notification au tribunal administratif, par requête signée d’un avocat.

Veuillez agréer, Maître, …. ” ;

Que par décision du 2 avril 1999 parallèle à la lettre d’information précitée, référencée sous les numéros 9/259/97 la bourgmestre a accordé l’autorisation de construire un immeuble résidentiel à quatre appartements sur le terrain sis …, à Luxembourg dans le chef de Monsieur Z. conformément à la proposition de l’autorisation de bâtir n° … faite le 24 mars 1999 par l’architecte-directeur de la Ville ;

Considérant qu’en date du 9 avril 1999 les époux … KERSCHEN et X. ont fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision du 2 avril 1999 précitée, inscrit sous le numéro 11239 du rôle, en invoquant sa non-conformité à l’autorisation de lotissement précitée du 24 octobre 1949, ainsi qu’à la partie écrite du plan général d’aménagement de la Ville de Luxembourg pris en ses articles combinés A.3.3 et A.0.14.b) d’une part, ainsi que 5 A.0.4.f), ensemble sa non-conformité à l’article 56 alinéa 2 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, en l’absence de condition dans l’autorisation imposant le respect de l’alignement postérieur existant ;

Considérant que par recours déposé en date du 22 avril 1999, Madame Y., veuve …, a sollicité l’annulation de ladite décision du 2 avril 1999 en se basant sur un argumentaire parallèle à celui avancé par les époux KERSCHEN-X. ;

Considérant que dans la mesure où les deux recours sont dirigés contre la même autorisation de bâtir et que les moyens développés par les premier et seconds voisins, propriétaires et habitants des immeubles y existants, sont basés pour l’essentiel sur les mêmes arguments en droit, il échet de joindre les deux rôles pour y statuer, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, par un seul et même jugement;

Quant à la recevabilité Considérant que les époux Z.-… se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité en la pure forme des recours introduits, ainsi que relativement à l’intérêt à agir des parties demanderesses respectives ;

Considérant que la Ville se rapporte à prudence de justice pour ce qui est de la recevabilité des recours, notamment quant à l’intérêt suffisant dont doivent justifier les demandeurs non seulement par rapport à l’objet de la demande, mais également relativement aux moyens qu’ils invoquent ;

Considérant que l’autorité de la chose jugée revêtue par le jugement du tribunal du 15 décembre 1998 précité, non appelé, relevée par ailleurs par les parties demanderesses, s’impose dans la mesure des éléments de la cause restés constants d’une instance à l’autre, dont l’intérêt des parties et leurs argumentaires dirigés contre une nouvelle autorisation délivrée sur procédure préalable ayant en substance une portée semblable à celle annulée par ledit jugement devenu définitif, à défaut d’éléments complémentaires, sinon contraires produits en cause ;

Considérant que l’intérêt des parties demanderesses, prises en leurs qualités respectives de premier et seconds voisins de l’immeuble litigieux est resté constant concernant les diminutions de vue et d’ensoleillement alléguées et s’analyse dès lors en un intérêt personnel distinct de l’intérêt général suffisamment caractérisé dans le chef de chacune d’elles ;

Considérant que par ailleurs le fait que la construction litigieuse soit achevée, raison pour laquelle entre autre le tribunal, par jugement du 14 mai 1999 a déclaré non justifié les demandes d’effet suspensif présentées (n°s 11240 et 11255 du rôle Pas. adm. 02/99 v° Procédure contentieuse n°s 74 et 76, pp 247 et 248) n’est pas de nature à altérer l’intérêt des parties demanderesses en ce que la légalité de la décision déférée par elles critiquée s’apprécie indifféremment de la question de fait de l’exécution de celle-ci par son destinataire ;

Considérant que les recours en annulation ayant par ailleurs été introduits conformément aux exigences légales de forme et de délai, ils sont recevables ;

Quant au fond Considérant qu’en premier lieu les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision déférée comme ayant été accordée en méconnaissance des charges et conditions imposées lors 6 de l’autorisation de lotissement du 24 octobre 1949 précitée, délivrée sous le numéro 83b/85/49 ;

Considérant qu’à défaut d’éléments nouveaux complémentaires soumis au tribunal, il y a lieu de retenir suivant les motifs plus particulièrement énoncés au jugement définitif du 15 décembre 1998, précité, que l’autorisation de lotissement en question accordée par le bourgmestre de l’époque au nom du collège échevinal n’était pas susceptible de créer des droits - notamment en faveur des voisins, valant autant comme charge pour son destinataire – face aux plans généraux d’aménagement consécutivement déposés ;

Que ce premier moyen d’annulation est partant à écarter ;

Considérant qu’en second lieu les demandeurs critiquent l’autorisation délivrée comme étant nulle pour avoir été conférée en méconnaissance des exigences de l’article A.0.14.b) PGA ;

Que s’agissant d’une clause dérogatoire aux règles posées par ailleurs par la réglementation communale d’urbanisme, elle devrait faire l’objet d’une interprétation restrictive impliquant pour le moins une application littérale des dispositions y contenues ;

Que d’après le texte en question une dérogation ne saurait être donnée que concernant les formes et dimensions de la parcelle devant recueillir la construction érigée et non la construction elle-même ;

Que sous le couvert d’accorder une dérogation aux prescriptions réglementaires en rapport avec la forme et les dimensions des parcelles, la bourgmestre aurait en réalité apporté une dérogation aux prescriptions relatives à la largeur de la construction, non prévue par l’article en question ;

Que la construction érigée sur le terrain concerné devant en toute occurrence comporter une largeur de 9 mètres au moins, d’après les dispositions de la partie écrite du plan général d’aménagement, la construction litigieuse autorisée encourrait l’annulation en raison d’une largeur de 7,5 mètres, les dispositions de l’article A.0.14.b) PGA n’accordant pas au bourgmestre la faculté de prévoir pareille dérogation ;

Considérant que la Ville confirme s’être placée dans le cadre des dispositions de l’article A.0.14.b) PGA tout en soulignant que le tribunal, dans son jugement du 15 décembre 1998, n’aurait pas tranché, mais réservé la question de savoir dans quelle mesure l’autorité de décision peut déroger au principe de la largeur de la construction de 9 mètres dans la zone d’habitation H3, inscrit en l’article A.3.3 PGA ;

Qu’elle souligne d’abord que l’article A.3.3 PGA n’imposerait pas dans le secteur concerné que la construction ait une largeur effective d’au moins 9 mètres mais prévoirait simplement que la parcelle devrait avoir une forme régulière et des dimensions telles qu’il soit possible d’y construire, en dehors des reculs, un bâtiment sur une base rectangulaire d’une largeur d’au moins 9 mètres, ce qui serait tout à fait autre chose ;

Que l’article A.3.3. PGA, limitant le droit de propriété, en principe absolu, devrait donc s’interpréter de façon restrictive de sorte qu’il imposerait une dimension minimale pour la parcelle et non pour la construction ;

7 Que tout comme l’article A.3.3. PGA serait intitulé “ forme et dimensions des parcelles ” et non pas “ forme et dimensions des bâtiments ”, l’article dérogatoire A.0.14.b) PGA parlerait des “ dispositions concernant les formes et dimensions de la parcelle ” et non pas expressément des dimensions du bâtiment ;

Que l’article A.3.3. PGA déterminerait la dimension de la parcelle à partir d’un double paramètre, à savoir les dimensions de la construction d’une part et les reculs d’autre part ;

Que sans devoir recourir à une interprétation large du texte, la bourgmestre aurait pu déroger aux dispositions du droit commun en agissant sur l’un ou l’autre de ces deux paramètres ou bien sur les deux à la fois ;

Qu’ainsi la bourgmestre pourrait, sous certaines conditions, autoriser une construction moins large ou encore une réduction du recul latéral, toute autre interprétation étant absurde et contraire au texte ;

Qu’en l’espèce, dans l’intérêt de l’ensemble des voisins, mais plus particulièrement des propriétaires de la parcelle sise …, la bourgmestre se serait déterminée à déroger uniquement à la largeur de la construction, mais non au recul latéral, comme elle l’aurait expliqué dans son courrier prérelaté du 2 avril 1999 ;

Qu’une construction large de 9 mètres, au lieu des 7.50 mètres autorisés n’aurait apporté aucun avantage aux demandeurs, de sorte que par ailleurs ils ne justifieraient d’aucun intérêt par rapport au moyen sous analyse, lequel deviendrait irrecevable sinon inopérant ;

Que dans la mesure où le juge de l’annulation serait appelé à vérifier la légalité de la décision attaquée et à vérifier encore l’existence matérielle des faits qui en constituent le fondement, il n’aurait pas compétence pour statuer sur l’opportunité de la décision prise ;

Que les consorts Z. et … font exposer que l’argument tiré d’une violation de l’article A.0.14.b) PGA ne serait pas justifié, alors que si la bourgmestre pouvait déroger en la matière, cette dérogation devrait nécessairement pouvoir profiter aussi par voie de logique à la construction ;

Que les demandeurs de répliquer que l’observation des critères inscrits à l’article A.0.14.b) PGA constituerait une condition de légalité de la décision de la bourgmestre, de sorte qu’il appartiendrait au tribunal d’examiner si sa décision respecte les critères en question, en tenant dûment compte du caractère particulièrement restrictif de la formulation du texte;

Qu’au delà de ce débat d’ordre textuel, la question essentielle serait celle de savoir si la bourgmestre pouvait, en l’espèce, autoriser la construction litigieuse dans les dimensions actuellement retenues ;

Considérant qu’il est constant en cause que la décision déférée a été prise en application des dispositions dérogatoires de l’article A.0.14.b) PGA, libellé comme suit : “ le bourgmestre pourra, sous réserve de la sauvegarde des intérêts publics et privés, accorder exceptionnellement une autorisation de bâtir dérogeant aux dispositions concernant les formes et dimensions de la parcelle et les reculs sur les limites dans le cas de rigueur où des constructions voisines rendraient impropre à la construction une parcelle non construite ;

8 Les propriétaires des parcelles contiguës sont informés du projet par les soins de l’administration communale ; ils peuvent prendre connaissance du projet et formuler leurs objections, par écrit, pendant le délai de 30 jours à partir de la notification qui se fera par lettre recommandée à la poste ” ;

Considérant qu’actuellement aucun grief n’est porté par les parties concernant les éléments d’information des voisins et de participation de ceux-ci à la décision à prendre prévus à l’alinéa second de l’article A.0.14.b) PGA précité, ainsi que par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes et notamment à son article 5, la procédure ayant été poursuivie conformément à la loi, suite au jugement du tribunal du 15 décembre 1998 précité ayant annulé la décision antérieure de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 21 novembre 1997 pour violation des textes en question ;

Considérant que la disposition dérogatoire de l’article A.0.14.b) PGA n’est applicable qu’au cas d’une parcelle non construite, telle celle des époux Z.-… de l’espèce, à la condition qu’elle soit rendue impropre à la construction du chef de constructions voisines telles que visées à son alinéa premier ;

Que la notion de construction voisine doit être rapprochée de celle des propriétaires des parcelles contiguës contenue en l’alinéa second du même article, en ce que la non constructibilité y visée doit résulter de la situation de fait créée par les parcelles adjacentes en ce sens notamment que compte tenu des reculs sur les limites, les dispositions concernant les formes et dimensions de la parcelle, telles que s’imposant par ailleurs à travers la réglementation applicable, ne sauraient être respectées ;

Considérant qu’en l’espèce la construction Y., sise …, érigée à la limite séparative des propriétés respectives n’est dès lors pas par elle-même et à elle seule de nature à rendre impropre à la construction la parcelle Z.-…, sise …, étant entendu que le bâtiment projeté litigieux est appelé à y être accolé ;

Que c’est la construction sise …, du fait du recul latéral par elle observé et en l’absence d’accord écrit entre parties versé en cause, qui oblige l’observation d’un recul latéral de 4 mètres dans le chef de la construction Z.-…, sur base de l’article A.3.5.a) PGA ;

Considérant que l’article A.3.3. PGA intitulé “ forme et dimensions des parcelles ” dispose que “ les parcelles doivent avoir une forme régulière et des dimensions telles qu’il soit possible d’y construire, en dehors des reculs sur les limites imposés, un bâtiment sur une base rectangulaire d’une profondeur d’au moins de 10 mètres et d’une largeur d’au moins neuf mètres ” ;

Considérant que d’après le libellé même de ce texte, la forme régulière des parcelles ainsi que ses dimensions ne constituent pas des fins en soi, mais des moyens indispensables devant permettre d’y construire les maisons d’habitation collectives, d’une importance certaine, auxquelles sont réservées les zones d’habitation 3 et 4 concernées, de telle façon que compte tenu des reculs sur les limites imposés par ailleurs, les bâtiments en question, conçus sur une base rectangulaire, comportent pour le moins une profondeur de 10 mètres, tel qu’exigé encore par l’article A.3.2 PGA et une largeur de 9 mètres ;

9 Que la base rectangulaire minimale de 10 x 9 mètres prévue par l’article A.3.3 PGA pour les maisons d’habitation collectives en question constitue ainsi une constante préalable, les parcelles appelées à recueillir ces constructions devant être délimitées en conséquence ;

Considérant qu’en fait il est constant que la parcelle Z. comporte une largeur émargée de 11,45 mètres, de sorte que sous respect d’un recul latéral de 4 mètres seule une construction d’une largeur de 7,45 mètres a pu être envisagée, ne suffisant pas aux exigences de l’article A.3.3. PGA prérelaté, d’après lesquelles la parcelle en question est dès lors à ce stade inconstructible ;

Considérant que c’est par conséquent à juste titre que la bourgmestre s’est placée sur base de l’article A.0.14.b) PGA, aucune autorisation de construire n’ayant pu être délivrée sans le secours de cette disposition dérogatoire dans l’hypothèse vérifiée de l’espèce où des constructions voisines rendent impropre à la construction la parcelle Z.-…, non construite, à travers le recul latéral de 4 mètres imposé ;

Considérant que la question posée est celle de la portée des dérogations prévues par l’article A.0.14.b) PGA;

Considérant qu’au vu du caractère à la fois exceptionnel et dérogatoire à la réglementation générale sur l’urbanisme des pouvoirs conférés au bourgmestre à travers l’article A.0.14.b) PGA, ses dispositions appellent une interprétation stricte ;

Considérant que d’après le libellé même de l’article sous revue la faculté accordée à titre exceptionnel au bourgmestre est celle de déroger “ aux dispositions concernant les formes et dimensions de la parcelle et les reculs sur les limites ” ;

Considérant que le contrôle de la légalité conféré au juge de l’annulation doit porter vérification de la consistance des éléments de la réglementation générale sur l’urbanisme auxquels il a été dérogé, lesquels ne peuvent concerner, d’après le libellé même de l’article sous revue, que les formes et dimensions de la parcelle concernée, ainsi que les reculs sur les limites ;

Que s’il est vrai que le bourgmestre, se mouvant dans le cadre précis ainsi tracé, peut à la fois déroger aux deux séries d’éléments en question, sinon à l’une ou à l’autre d’entre elles, le contrôle de l’opportunité proprement dite de ce choix n’est pas soumis en tant que tel au tribunal, étant entendu que ce dernier est cependant amené à vérifier les conditions d’application de la dérogation décidée, notamment concernant son caractère exceptionnel et le cas de rigueur dans le cadre duquel elle se place, ainsi que l’existence et la consistance des modalités de sauvegarde des intérêts publics et privés arrêtées, telles que ces exigences sont prévues par l’article A.0.14.b) PGA ;

Considérant qu’en l’espèce la bourgmestre a expressément déclaré ne pas avoir dérogé au recul sur les limites, sa décision ne portant que sur la largeur de la construction autorisée “ inférieure à celle demandée normalement pour les constructions dans une zone d’habitation 3 (7,50 mètres au lieu de 9 mètres) ” ;

Considérant qu’une dérogation à la largeur de la construction proprement dite n’est pas admise par l’article A.0.14.b) PGA dont les termes clairs ne prévoient pareille faculté que relativement aux formes et dimensions des parcelles, étant constant que sur base de l’article 10 A.3.3. PGA seules des constructions ayant une largeur minimale de 9 mètres sont admises dans la zone d’habitation H3 réservée aux maisons d’habitation collective ;

Considérant qu’en l’espèce face aux exigences de l’article A.3.3. PGA, après constat que la parcelle litigieuse d’une largeur de 11,45 mètres est insuffisante pour accueillir une construction à la largeur irréductible de 9 mètres tout en respectant un recul latéral réglementaire de 4 mètres, les dispositions dérogatoires de l’article A.0.14.b) PGA auraient tout au plus permis à la bourgmestre de déroger relativement au recul latéral sur les limites prévu par la réglementation générale, en statuant toujours sous réserve de la sauvegarde des intérêts publics et privés, le fait d’accorder une dérogation restant en toute occurrence une faculté dans le chef de l’autorité communale compétente;

Considérant que l’autorisation déférée délivrée au delà des prévisions des dispositions dérogatoires contenues en l’article A.0.14.b) PGA, encourt dès lors l’annulation ;

Que par voie de conséquence l’analyse des autres moyens d’annulation proposés devient surabondante ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

joint les recours respectivement introduits sous les numéros 11239 et 11256 du rôle;

déclare les recours recevables ;

les dit également fondés ;

partant annule la décision déférée et renvoie l’affaire devant le bourgmestre de la Ville de Luxembourg ;

fais masse des frais et les impose pour moitié à la Ville de Luxembourg et pour l’autre moitié aux époux Z.-….

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 février 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : s11239,11256
Date de la décision : 07/02/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-02-07;s11239.11256 ?

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