La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2000 | LUXEMBOURG | N°11227

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 février 2000, 11227


N° 11227 du rôle Inscrit le 2 avril 1999 Audience publique du 3 février 2000

============================

Recours formé par Monsieur … MURIC et son épouse Madame X.

contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

---------------------------------------------------------

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11227 et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 1999 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi

eur … MURIC et de son épouse Madame X., les deux étant des ressortissants du Kosovo, demeurant act...

N° 11227 du rôle Inscrit le 2 avril 1999 Audience publique du 3 février 2000

============================

Recours formé par Monsieur … MURIC et son épouse Madame X.

contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

---------------------------------------------------------

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11227 et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 1999 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MURIC et de son épouse Madame X., les deux étant des ressortissants du Kosovo, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 27 janvier 1999, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mai 1999;

Vu les notes additionnelles, déposées en cause, suite à la demande du tribunal, respectivement en nom et pour le compte de l’Etat, le 7 décembre 1999, et aux noms des demandeurs, le 10 décembre 1999 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Nicolas DECKER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 2 février 1998, Monsieur … MURIC, né le … à …(Kosovo), et son épouse Madame X., née le … à … (Kosovo), demeurant actuellement à L-…, introduisirent au Luxembourg auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur MURIC fut entendu le 6 mars 1998 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande. Madame X. fut entendue en dates des 23 et 25 mars 1998.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 20 octobre 1998, le ministre de la Justice informa Monsieur et Madame MURIC-X., par lettre du 27 1 janvier 1999, notifiée le 4 mars 1999, que leur demande avait été rejetée aux motifs suivants:

« Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi, une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie (…) ».

Par requête déposée en date du 2 avril 1999, Monsieur et Madame MURIC-X. ont introduit un recours en réformation contre la décision ministérielle précitée du 27 janvier 1999.

Le tribunal étant compétent, en vertu des dispositions de l’article 13 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, pour statuer en tant que juge du fond en la matière, le recours en réformation, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir qu’ils auraient été propriétaires d’un magasin de légumes et de fruits à Treboviq (Kosovo) et qu’ils auraient possédé deux camions avec lesquels ils fournissaient des détaillants de cette région, qu’ils auraient mené une « vie paisible et aisée au Kosovo et n’avaient à priori aucune raison de se réfugier au Luxembourg ».

Cependant, trois mois avant leur départ, Monsieur MURIC aurait été convoqué et interrogé à plusieurs reprises par la police serbe de Pec et, lors d’un interrogatoire du 19 février 1998, il aurait été torturé, de sorte qu’il aurait décidé de quitter le Kosovo.

A ce sujet, il ressort du procès-verbal d’audition du 6 mars 1998, que Monsieur MURIC a déclaré avoir été entraîneur d’une équipe de football que les Serbes auraient accusé d’être une « équipe de terroristes ». Monsieur MURIC ainsi que les autres membres du comité du club de football auraient été convoqués à deux reprises au poste de police. Monsieur MURIC soutient que la police serbe aurait été irritée du fait que son équipe s’entraînait sur des terrains « officiels », alors qu’elle jouait pour la république indépendante du Kosovo, ce qui serait contraire aux intérêts de l’Etat serbe.

Madame X. ne fait pas valoir de motifs propres de persécution.

Le délégué du gouvernement, ayant déposé son mémoire en réponse le 31 mai 1999, s’est rapporté « à la sagesse du tribunal en ce qui concerne les craintes de persécutions invoquées par les requérants » .

Lors de la première audience à laquelle l’affaire avait été fixée pour plaidoiries, le tribunal a invité les parties à prendre position par écrit sur la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays d’origine du demandeur ainsi que sur l’éventuelle incidence de ladite situation sur la demande d’asile dont il est question en l’espèce.

Par courrier du 2 décembre 1999, déposé au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 1999, le délégué du gouvernement fait valoir que les forces onusiennes se sont 2 installées au Kosovo, de sorte qu’à l’heure actuelle il n’existerait plus de « pouvoir oppresseur serbe » au Kosovo et partant plus de danger au sens de la Convention de Genève dans ce pays.

Le mandataire des demandeurs, dans une lettre déposée le 10 décembre 1999, fait préciser que, même s’il n’y avait plus de pouvoir oppresseur serbe au Kosovo, la paix ne serait toujours pas revenue dans cette région et que la situation des musulmans ou bosniaques du Kosovo resterait « critique ». Il estime que « la situation au Kosovo, même si elle s’améliore, est toujours telle qu’il existe un danger au sens de la Convention de Genève ».

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des demandeurs.

L’examen des déclarations faites par Monsieur et Madame MURIC-X. lors de leurs auditions des 6, 23 et 25 mars 1998, telles que celles-ci ont été relatées dans les compte-rendus figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit de raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

3 Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 3 février 2000, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11227
Date de la décision : 03/02/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-02-03;11227 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award