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03/02/2000 | LUXEMBOURG | N°11026

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 février 2000, 11026


N° 11026 du rôle Inscrit le 15 janvier 1999 Audience publique du 3 février 2000

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Recours formé par l’administration communale de Schuttrange contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11026 du rôle, déposée le 14 décembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avo

cat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administrat...

N° 11026 du rôle Inscrit le 15 janvier 1999 Audience publique du 3 février 2000

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Recours formé par l’administration communale de Schuttrange contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11026 du rôle, déposée le 14 décembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Schuttrange, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonction et, pour autant que de besoin, par son bourgmestre, établie à L-5367 Schuttrange, 2, place de l’Eglise, a introduit un recours en réformation contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 17 septembre 1998 par lequel a été rejetée une réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal et le bulletin de l’impôt commercial communal concernant l’année 1979, émis en date du 20 novembre 1989 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 mai 1999 ;

Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mai 1999 par Maître Jean MEDERNACH au nom de l’administration communale de Schuttrange ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Eric FORT, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 25 mai 1979, l’administration communale de Schuttrange, dénommée ci-

après “ la commune ”, procéda à la vente publique de 15 places à bâtir faisant partie d’un lotissement situé à Uebersyren, rue de la Montagne. Les terrains en question, qui appartenaient à la commune, avaient fait l’objet d’un lotissement par celle-ci et de travaux d’infrastructure de façon à les rendre aptes à servir en tant que places à bâtir.

En date du 18 octobre 1989, l’administration des Contributions directes s’adressa à la commune en lui demandant, et ceci pour la première fois, de remettre la déclaration d’impôt sur le revenu des collectivités de 1979 et de l’impôt commercial communal de la même année et ceci pour le 27 octobre 1989 au plus tard.

Par un courrier du 30 octobre 1989, la commune se vit menacée d’une astreinte faute de remettre les déclarations précitées pour le 10 novembre 1989 au plus tard.

Le 6 novembre 1989, la commune fut invitée à signer des renonciations à la prescription en cours pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial communal relatifs aux années 1979 et 1980.

La commune se vit fixer une astreinte de 20.000.- francs en date du 13 novembre 1989, en raison du fait qu’elle n’avait pas remis les déclarations d’impôt exigées.

Le 20 novembre 1989, le bureau d’imposition Luxembourg-Sociétés IV émit, par voie de taxation d’office, d’une part, le bulletin, dénommé bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal et bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 1979 et, d’autre part, le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 1979, le premier fixant une cote d’impôt commercial communal de …- francs et le deuxième fixant une cote d’impôt sur le revenu de …- francs.

Par courrier daté du 29 décembre 1989, parvenu à l’administration des Contributions directes le 4 janvier 1990, le bourgmestre de la commune a introduit devant le directeur de l’administration des Contributions directes une réclamation contre les bulletins d’impôt précités relatifs à l’année 1979.

En date du 9 janvier 1990, la commune déclara au bureau d’imposition Luxembourg-

Sociétés IV “ renoncer à toute prescription en cours et affectant les impôts et autres prestations en principal et accessoires ci-après détaillés dont elle est débiteur : impôt sur le revenu des collectivités 1979, impôt commercial communal 1979 ”.

Par décision n° C 7462 du 17 septembre 1998 le directeur rejeta cette réclamation comme étant non fondée. A l’encontre de cette décision directoriale, la commune a fait introduire un recours en réformation par requête déposée le 14 décembre 1998 et inscrite sous le numéro 11026 du rôle.

Le délégué du gouvernement déclare se rapporter à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en la pure forme.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée Abgabenordnung ( AO), et de l’article 8 (3) 1.

de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant tranché sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt sur le revenu. Il s’ensuit que le recours en réformation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

2 La demanderesse fait tout d’abord valoir qu’à la date de l’émission des deux bulletins d’impôt litigieux, les impôts relatifs à l’année 1979 auraient été prescrits, au motif qu’en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal, la prescription quinquennale de droit commun serait applicable, d’autant plus que le paragraphe 144 AO, prévoyant l’application de la prescription décennale pour tous les cas d’impôt fraudé, ne devrait pas trouver application en l’espèce. Elle estime au contraire qu’il y aurait lieu d’appliquer la prescription quinquennale, telle que prévue par l’article 10 paragraphe (1) de la loi du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes, des droits d’accises sur l’eau de vie et des cotisations d’assurances sociales, telle que remise en vigueur par l’arrêté grand-ducal du 29 octobre 1946, tel que modifié par la suite. Elle soutient encore que la prescription décennale prévue par la même disposition légale, à titre d’exception, au cas où une imposition supplémentaire devient nécessaire pour déclaration incomplète ou inexacte, ne saurait trouver application en l’espèce, à défaut de déclaration introduite par elle auprès du bureau d’imposition.

Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la question de l’applicabilité de la prescription à l’impôt sur le revenu des collectivités et à l’impôt commercial communal pour l’année 1979, en soulevant la question de savoir “ si le régime de droit civil de la prescription permettant la renonciation à la prescription acquise s’applique en matière fiscale ”.

Le tribunal est en premier lieu amené à analyser si la prescription quinquennale est applicable en l’espèce.

L’article 144 AO dispose que “ die Verjährungsfrist beträgt … bei der Grundsteuer drei Jahre, bei den Ansprüchen auf die übrigen Steuern fünf Jahre ; bei hinterzogenen Beträgen läuft sie zehn Jahre. Die übrigen Ansprüche verjähren in einem Jahr ”.

L’article 10 de la loi précitée du 27 novembre 1933, tel qu’il a été modifié et remis en vigueur par l’arrêté grand-ducal du 29 octobre 1946, pris en vertu de la loi du 27 février 1946 concernant l’abrogation des lois de compétence de 1938 et 1939 et l’octroi de nouveaux pouvoirs spéciaux, est libellé comme suit : “ la créance du Trésor se prescrit par cinq ans, toutefois, en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de dix ans.

Ces prescriptions s’appliquent à tous impôts, taxes, cotisations, droits d’accise, amendes, frais et autres perceptions généralement quelconques dont est chargée l’administration des Contributions, sauf la prolongation conventionnelle des droits du Trésor.

La prescription prend cours à partir du 1er janvier qui suit l’année pendant laquelle la créance est née ”.

L’article 3 de la loi du 22 décembre 1951 portant prorogation du délai de prescription de certains impôts directs et précision des conditions dans lesquelles les prescriptions fiscales peuvent être interrompues, est venu préciser les modalités d’interruption des délais de prescription pour l’établissement et le recouvrement des impôts.

Il résulte de la juxtaposition des dispositions qui précèdent que la prescription en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal est régie par l’article 10 de la 3 loi précitée du 27 novembre 1933, telle que remise en vigueur, sous certaines modifications et additions, par l’arrêté grand-ducal du 29 octobre 1946 qui, compte tenu de son libellé amendé, étendu et modifié, est à considérer in globo comme postérieur en date, par rapport à la loi générale des impôts, même analysé sous le couvert de sa loi confirmative précitée du 27 février 1946, faisant que depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté grand-ducal du 29 octobre 1946 ces impôts ne sont plus à considérer parmi les “ übrige Steuern ” visées par le paragraphe 144 AO.

Il n’est pas contesté que pour l’année d’imposition 1979 au cours de laquelle la commune a procédé à la vente publique des places à bâtir faisant partie du lotissement situé à Uebersyren, rue de la Montagne, aucune déclaration n’a été déposée par ladite commune au sujet des bénéfices qu’elle a le cas échéant pu tirer de la vente précitée. Le tribunal est partant amené à analyser si le délai de prescription élargi de dix ans prévu par l’article 10 de la loi précitée du 27 novembre 1933, qui prévoit qu’“ en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse ” est applicable en l’espèce.

La partie demanderesse estime que ladite disposition ne saurait trouver application au cas d’espèce au motif qu’il n’y aurait pas eu de déclaration du tout.

Le délégué du gouvernement n’a pas pris position par rapport à cet argument de la demanderesse.

Les dispositions de l’article 10, tel qu’il a été remis en vigueur sous certaines modifications et additions, retiennent comme principe mis en exergue que les créances du Trésor se prescrivent par cinq ans, et comme exception, annoncée par le terme “ toutefois ” et circonscrite suivant un cas de figure précis, le cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, sans autrement parler de l’hypothèse du défaut de déclaration, voire de celle généralement corrolaire de l’absence d’imposition antérieure en date, par rapport à celle ultérieure, considérée comme étant supplémentaire.

Il résulte ainsi du libellé même du texte de loi en question, n’appelant par ailleurs, de par son contenu aucun besoin supplémentaire d’interprétation ou d’explicitation, que la prescription décennale y est uniquement envisagée en cas d’imposition supplémentaire, supposant implicitement, mais nécessairement une imposition originaire préalable.

Dans la mesure où le même texte ne se réfère encore qu’au cas d’une déclaration incomplète ou inexacte, l’hypothèse même de l’absence de déclaration, en présence d’éléments de revenu soumis à l’obligation de déclaration, n’y est pas visée. Il échet dès lors de retenir que la prescription décennale visée audit article 10 de la loi précitée du 27 novembre 1933 vise uniquement le cas d’une imposition supplémentaire, non vérifiée en l’espèce, de sorte que la prescription quinquennale, de principe, applicable aux créances du Trésor, est à retenir dans la présente affaire.

L’interprétation ainsi retenue par le tribunal rejoint par ailleurs celle contenue dans le rapport du directeur des Contributions du 19 octobre 1951 au ministre des Finances relativement à l’article 1er du projet de loi n° 7 (391) devant aboutir à la loi du 22 décembre 1951 précitée (compte rendu des séances de la Chambre des Députés, session ordinaire 1951-

1952, annexes p. 11, commentaire des articles, ad. art. 1er ) en ce que “ l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933 prévoit deux délais de prescription, un délai de cinq ans qui est le délai de 4 droit commun et un délai de dix ans qui est un délai spécial, restreint aux impositions supplémentaires intervenant en cas de déclaration inexacte ou incomplète ” (cf. trib. adm. 27 mai 1998, n° 10208 du rôle, Pas. adm. 2/99, V° Impôts, IV. Prescription, n° 94, p. 173).

Force est dès lors de constater qu’à défaut de déclaration pour l’exercice 1979, la prescription décennale prévue par l’article 10 de la loi précitée du 27 novembre 1933 est inapplicable en l’espèce.

La prescription prévue par l’article 10 en question visant en son alinéa 1er “ la créance du Trésor ” s’applique d’après son alinéa second à tous impôts de la perception desquelles l’administration des Contributions directes est chargée, dont l’impôt sur le revenu et l’impôt commercial communal.

Les créances du Trésor constituent pour le contribuable des dettes d’impôt, lesquelles sont régies par les dispositions générales des paragraphes 3 et suivants de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934, appelée “ Steueranpassungsgesetz ”, désignée ci-après par “ StAnpG ”. Le paragraphe 3 StAnpG dispose en ses alinéas 1er et 2 comme suit : “ (1) Die Steuerschuld entsteht, sobald der Tatbestand verwirklicht ist, an den das Gesetz die Steuer knüpft. (2) Auf die Entstehung der Steuerschuld ist es ohne Einfluss ob und wann die Steuer festgesetzt wird und wann die Steuer zu entrichten (wann sie fällig) ist ”.

Il découle desdits alinéa 1er et 2ème combinés du paragraphe 3 StAnpG que si le fait générateur (Tatbestand) découlant de la loi qui se trouve à l’origine de la dette fiscale, en déclenchant ainsi l’application à un contribuable des dispositions de la loi d’impôt entraînant que ni la déclaration d’impôt, ni les bulletins d’imposition ne donnent naissance par eux-mêmes à la dette d’impôt.

Dans la mesure où le bulletin d’impôt ne crée pas la dette d’impôt, mais ne fait que la fixer à travers la cote d’impôt par lui dégagée, il n’a par voie de conséquence qu’une valeur déclarative et non constitutive de la dette fiscale (cf. Olinger, Le droit fiscal, in Etudes fiscales, 93 à 95, n° 107, p. 90 ; Steichen, Droit fiscal général, Tome I, 1996, p. 441).

D’après l’alinéa 5 du paragraphe 3 StAnpG “ Die Steuerschuld entsteht. 1. Bei der Einkommensteuer und bei der Körperschaftssteuer : …c) für die veranlagte Steuer : mit Ablauf des Kalenderjahres, für das die Veranlagung vorgenommen wird, soweit nicht die Steuerschuld nach Buchstabe a) oder b) schon früher entstanden ist ”. C’est ainsi que le délai de prescription pour l’établissement et le recouvrement des impôts directs, y compris pour les impôts visés par les bulletins litigieux, court à partir de la naissance du fait générateur (Olinger, Le droit fiscal, op. cit. n° 87, p. 77).

D’après les articles 1er et 10 alinéa 3 de la loi précitée du 27 novembre 1933, pour l’impôt sur le revenu et l’impôt commercial communal, le délai de prescription court à partir du 1er janvier qui suit l’année pendant laquelle la créance fiscale est née.

En l’espèce, la créance fiscale concernant l’impôt sur le revenu et l’impôt commercial communal relatifs à l’année 1979 est née avec effet au 31 décembre 1979 au plus tard, fin de l’année de calendrier.

5 En application des dispositions qui précèdent, le délai de prescription afférent, étant en principe de 5 ans, a commencé à courir pour les impôts en question relatifs à l’année 1979 à partir du 1er janvier 1980.

Il en découle qu’à la date de l’émission des bulletins déférés du 20 novembre 1989, l’impôt sur le revenu ainsi que l’impôt commercial communal pour l’exercice 1979 se trouvaient être prescrits, de sorte que les bulletins afférents encourent l’annulation dans le cadre du recours en réformation introduit, sans qu’il y ait lieu d’analyser plus en détail la valeur de la renonciation à la prescription signée par la commune en date du 9 janvier 1990, c’est-à-

dire après l’émission des bulletins précités.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare justifié, partant, par réformation, annule le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal et bulletin de l’impôt commercial communal pour l’exercice 1979, ainsi que le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année civile 1979, émis tous les deux par le bureau d’imposition Luxembourg-Sociétés IV en date du 20 novembre 1989, pour raison de prescription des impôts concernés ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 3 février 2000, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11026
Date de la décision : 03/02/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-02-03;11026 ?

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