N° 11432 du rôle Inscrit le 2 août 1999 Audience publique du 31 janvier 2000
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Recours formé par Monsieur … FORTES contre le règlement grand-ducal du 29 avril 1999 portant modification du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg Vu la requête inscrite sous le numéro 11432C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 2 août 1999 par Maître Louis TINTI, assisté de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, les deux avocats à la Cour, inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, le premier nommé étant constitué, au nom de Monsieur … FORTES, né le …, de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 29 avril 1999 portant modification du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, publié au Mémorial A n° 48 du 3 mai 1999, pris en tant qu’acte administratif à caractère réglementaire sur base de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ;
Vu le mémoire du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative en date du 26 août 1999 ;
Vu l’article 71 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives et modification de certaines dispositions législatives, suivant lequel le recours introduit sous le numéro 11432C du rôle a été transmis au tribunal administratif sans autre forme de procédure pour y revêtir le numéro 11432 du rôle ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 octobre 1999 par Maître Louis TINTI, assisté de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, au nom de Monsieur … FORTES ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 novembre 1999 ;
Vu les pièces versées au dossier ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 novembre 1999.
1 Considérant que par requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 2 août 1999, Monsieur … FORTES, né le …, de nationalité cap-verdienne, indiquant demeurer à L-…, a formé un recours en annulation enrôlé sous le numéro 11432C du rôle et basé sur l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, contre le règlement grand-ducal du 29 avril 1999 portant modification du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, publié au Mémorial A n° 48 du 3 mai 1999 ;
Que le même jour il a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en annulation enrôlé sous le numéro 11433 du rôle et dirigé à l’encontre de la décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 24 juin 1999 déclarant non fondée sa demande en obtention d’un permis de travail concernant un emploi de manœuvre auprès de la société à responsabilité limitée X. s. à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, suivant déclaration d’engagement non datée entrée le 30 mars 1999 à l’administration de l’Emploi ;
Que Monsieur FORTES de s’emparer du passage de la décision de refus adressée le 24 juin 1999 à la société X. mentionnant qu’“ en violation des dispositions de l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, vous avez engagé l’intéressé avant d’avoir obtenu une autorisation de travail ”, pour justifier ses qualité et intérêt à agir concernant le recours sous analyse ;
Considérant que suivant l’article 71 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives et modifiant un certain nombre de dispositions légales y plus amplement mentionnées, le recours, portant le numéro 11432C du rôle, pour lequel le rapport du magistrat rapporteur n’avait pas encore été présenté devant la Cour administrative à la date du 16 septembre 1999, a été transmis au tribunal administratif sans autre forme de procédure pour y revêtir le numéro 11432 du rôle ;
Considérant qu’en substance Monsieur FORTES fait valoir que le règlement grand-
ducal par lui visé serait vicié dans la mesure où l’urgence invoquée pour voir dire, conformément à l’article 2 (1) de la loi du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d’Etat, que la saisine de ce dernier n’était pas requise, ne pouvait être valablement invoquée en l’espèce, du moins concernant les articles du règlement grand-ducal attaqué n’ayant pas trait au régime spécial d’autorisation d’occupation temporaire y introduit dans le chef de personnes en provenance d’une région en guerre ;
Considérant qu’en premier lieu le délégué du Gouvernement oppose l’irrecevabilité du recours dans la mesure où il ne serait pas dirigé contre un acte administratif à caractère réglementaire au sens de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 précitée ;
Que suivant le représentant étatique le règlement grand-ducal querellé du 29 avril 1999 est un règlement général pris en application de l’article 36 de la Constitution et s’analyserait dès lors en un acte de Gouvernement et non pas en un acte d’une autorité administrative agissant dans l’exercice de ses fonctions ;
2 Que la partie demanderesse de répliquer que le règlement grand-ducal du 29 avril 1999 ne répondrait pas à la notion d’acte de Gouvernement ;
Que l’acte de Gouvernement, discrétionnaire par nature, serait naturellement limité aux objets pour lesquels la loi aurait jugé nécessaire de confier au Gouvernement les pouvoirs généraux auxquels elle aurait virtuellement subordonné le droit particulier des citoyens dans l’intérêt supérieur de l’Etat ;
Qu’il s’agirait, dans la conception luxembourgeoise afférente, d’une catégorie en voie de disparition ne pouvant guère être retenue que dans les rapports du Souverain avec un Etat étranger, étant entendu que d’autres actes anciennement considérés comme actes de Gouvernement, tels les arrêtés de grâce, ainsi que les agréations d’options pour la nationalité luxembourgeoise devraient actuellement être qualifiés d’actes discrétionnaires relevant en tant que tels du contrôle des juridictions de l’ordre administratif ;
Que dès lors le règlement grand-ducal du 29 avril 1999, en tant que norme réglementaire rentrerait dans la catégorie des actes administratifs à caractère réglementaire telle que prévue par l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 précitée, en ce que le caractère réglementaire du texte sous analyse découlerait nécessairement du fait qu’il a pour objet de régler de manière abstraite et générale tous les faits dont il fixe les caractères et les suites ;
Considérant que d’après l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996, le tribunal administratif est actuellement appelé à statuer “ sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent ” ;
Considérant que le recours direct contre les actes administratifs à caractère réglementaire représente l’une des innovations majeures introduites en droit luxembourgeois à travers la loi du 7 novembre 1996, étant donné que pareille compétence n’était pas antérieurement dévolue de façon expresse et générale au Comité du contentieux du Conseil d’Etat ;
Considérant que devant les conceptions diamétralement opposées des parties de la notion même d’acte administratif à caractère réglementaire, il importe d’en délimiter le contenu prévu par l’article 7 (1) prérelaté à travers notamment la genèse du texte de loi en question reflétant l’intention du législateur ;
Considérant que dans le cadre du projet de loi portant réforme du Conseil d’Etat (doc.
parl. N° 3940), le Conseil d’Etat, dans son avis du 7 novembre 1995, a proposé un libellé nouveau pour l’article 58 du projet (22 selon le Conseil d’Etat), suivant lequel “ le comité du contentieux statue en outre sur les recours dirigés pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés contre ..b) les normes réglementaires … à condition que l’acte incriminé cause un grief individualisé et ne soit susceptible d’aucun autre recours d’après les lois et règlements … ” ;
Que l’introduction d’un recours généralisé en annulation également à l’égard de normes réglementaires a été guidée par des critiques élevées de non-conformité de certaines plages du droit administratif luxembourgeois par rapport à la Convention de sauvegarde des droits de 3 l’homme et des libertés fondamentales, en abrégé “ Convention Européenne des Droits de l’Homme ”, et notamment à ses articles 6 (procès équitable) et 13 (recours effectif) pour autant que des droits civils au sens de la Convention ou des droits garantis par elle étaient concernés ;
Que relativement à la notion de norme réglementaire par lui proposée, le Conseil d’Etat insiste qu’une décision administrative et un acte réglementaire ne sont par essence pas de la même nature ;
Qu’ainsi, si aux termes de l’article 36 de la Constitution, le pouvoir réglementaire appartient au Grand-Duc et à lui seul, les normes réglementaires, contrairement aux décisions administratives individuelles, sont arrêtées par des organes constitutionnels et légaux autonomes qui ne sauraient déléguer leur pouvoir à l’administration (doc. parl. 39401, Considérations générales pp. 7 et 9 ; Examen du texte, pp. 26 et 27) ;
Considérant qu’après la scission du projet de loi originaire 3940, à l’initiative de la commission des institutions et de la révision constitutionnelle de la Chambre des Députés, celle-ci a présenté un nouveau projet de loi 3940A portant organisation de l’ordre judiciaire administratif et fiscal comportant un article 8 (1) reprenant la proposition du Conseil d’Etat concernant le recours direct contre les normes réglementaires en ces termes : “ la Cour administrative et fiscale statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les normes réglementaires, quelle que soit l’autorité dont elles émanent ” ;
Qu’en prévoyant que pareil recours n’était ouvert qu’aux personnes justifiant d’une lésion ou d’un intérêt personnel direct, actuel et certain, les auteurs du projet ont déclaré suivre la jurisprudence belge dans le but d’éviter à travers ledit article 8 (1) un recours “ populaire ” risquant de mettre en péril le fonctionnement normal de l’appareil étatique ;
Considérant que dans son avis complémentaire du 9 mai 1996 sur le projet de loi 3940A, le Conseil d’Etat a pris position comme suit relativement à l’article 8 prérelaté : “ Les auteurs du projet reprennent la proposition émise par le Conseil d’Etat dans son avis du 7 novembre 1995 de prévoir un recours contre des actes à portée réglementaire à condition qu’ils causent un grief individualisé.
Il semble toutefois important de cerner les contours des actes visés en l’espèce. En effet, on ne saurait admettre des recours contre toutes les décisions qui sont arrêtées sous la forme d’une norme réglementaire.
La disposition visée ne saurait s’appliquer indistinctement à toutes les matières. Une telle interprétation aurait pour résultat de vider de sa substance l’article 95 de la Constitution aux termes duquel “ les Cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois ”.
Le Conseil d’Etat admet en effet qu’il n’est pas dans les intentions des auteurs du projet de loi de limiter à l’avenir le champ d’application de l’article 95 de la Constitution aux matières relevant des seules juridictions de l’ordre judiciaire. La jurisprudence du Comité du contentieux selon laquelle l’exception d’illégalité tirée de l’article 95 de la Constitution peut être soulevée tant devant le juge judiciaire que devant le juge administratif semble devoir dès lors garder toute sa valeur sous l’empire de la future loi.
4 En tout état de cause il semble indispensable, pour mieux cerner l’hypothèse envisagée, de remplacer au paragraphe (1) la notion de norme réglementaire par celle plus précise d’acte administratif à caractère réglementaire. ” (doc. parl. 3940A1, Avis du Conseil d’Etat, ad. Art. 8 (7 selon le Conseil d’Etat), p. 8) ;
Considérant que dans ses amendements proposés suite à l’avis complémentaire du Conseil d’Etat prérelaté, la commission des institutions et de la révision constitutionnelle de la chambre des députés, en date du 24 mai 1996 a encore eu l’occasion de préciser que le but de l’article 7 sous analyse était justement d’effacer une plage de non-droit actuelle pour soulever la question s’il était compatible avec un Etat de droit de permettre l’émergence d’actes illégaux contre lesquels aucune personne ne pourrait recourir en justice pour en soulever l’illégalité, faute justement d’intérêt personnel et direct (doc. parl. 3940A2, p. 3) ;
Considérant que dans son rapport du 5 juillet 1996, ladite commission des institutions et de la révision constitutionnelle de la Chambre des Députés reprend dans un premier temps les considérations générales déjà énoncées relativement à la première mouture du texte ayant comporté la notion de “ normes réglementaires ” pour globalement entériner la version proposée en dernier lieu à travers son second avis complémentaire par le Conseil d’Etat, telle qu’amendée, lequel texte a été par la suite promulgué en tant qu’article 7 (1) de la loi du 7 novembre 1996 tel que prérelaté ;
Considérant que le critère de distinction souligné par les auteurs du texte devenu loi impose que le recours en annulation prévu par l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 précitée “ ne peut entrer en ligne de compte que s’il s’agit d’actes que l’autorité administrative émet en tant que puissance publique dans un domaine où la loi l’habilite à fixer d’autorité des situations juridiques par la voie d’actes administratifs à caractère général qui affectent directement des intérêts privés, sans qu’il soit nécessaire de prendre des actes administratifs individuels ” (cf. deuxième avis complémentaire du Conseil d’Etat du 14 juin 1996, doc. parl.
3940A4 – examen des amendements ; p. 3), la commission des institutions et de la révision constitutionnelle de la Chambre des Députés, dans son rapport du 5 juillet 1996 ayant précisé à ce sujet que si un administré faisant l’objet d’une décision prise sur la base d’une disposition réglementaire illégale peut se défendre en excipant de cette illégalité, il n’en resterait pas moins qu’il existe des cas d’actes réglementaires qui créent des droits et devoirs subjectifs sans devoir recourir à l’entremise de décisions d’exécution (doc. parl. 3940A7, p. 23) ;
Considérant que le système finalement instauré par le législateur a été qualifié d’original, tout en étant inspiré des législation et pratique belges (François Biltgen et Luc Frieden – La grande réforme du contentieux administratif et fiscal, - in Articles et conférences, Banque Internationale à Luxembourg, 2/1997, p. 40) ;
Considérant que classiquement le texte légal de base belge en la matière a été l’article 9 de la loi du 23 décembre 1946 portant création d’un Conseil d’Etat prévoyant que “ la section d’administration statue par voie d’arrêts sur les recours en annulation pour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir formés contre les actes et règlements des diverses autorités administratives ou contre les décisions contentieuses administratives ”, ayant donné lieu en Belgique devant ladite section du Conseil d’Etat au contentieux succinctement désigné par “ recours pour excès de pouvoir ”, étant entendu que la doctrine belge considère en général, à l’instar de son 5 homologue français, que l’excès de pouvoir englobe l’ensemble des illégalités objectives de l’acte administratif, bien que la loi ne consacre pas expressément cette désignation (Auby et Fromont, les recours contre les actes administratifs dans les pays de la communauté économique européenne, p. 156) ;
Considérant que si le texte belge vise ainsi sans distinction les actes et règlements des diverses autorités administratives, le législateur luxembourgeois n’a pas retenu à l’article 7 (1) de la loi du 7 novembre 1996 le terme général de “ normes réglementaires ”, tout comme il est convenu de désigner l’ensemble du contentieux en question par “ recours en annulation contre les actes administratifs à caractère réglementaire ” ;
Considérant que quoique tout acte administratif à caractère réglementaire constitue une norme réglementaire, le législateur luxembourgeois, en ne retenant pas cette dernière notion générale, n’a dès lors pas prévu dans le chef des juridictions de l’ordre administratif un recours en annulation ouvert directement contre toute disposition à caractère réglementaire ;
Que concernant plus particulièrement la nature de l’acte administratif visé, le recours en annulation prévu à l’article 7 (1) précité n’est dès lors pas ouvert à l’égard de tout règlement grand-ducal pris en application de l’article 36 de la Constitution ;
Considérant que la possibilité concrète d’invoquer l’exception d’illégalité à l’égard d’un acte administratif à caractère réglementaire dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision administrative peut coexister de fait au moment où le délai de recours est ouvert pour agir directement contre ledit acte réglementaire ;
Qu’il a été soutenu que la voie d’exception donnée écarterait d’office l’action en annulation par la voie directe ;
Considérant que les questions de conformité d’une loi à la Constitution relèvent de la compétence de la Cour constitutionnelle, tandis que toutes les juridictions, dont le tribunal administratif, ont pour mission de procéder à l’examen des questions de conflit entre deux dispositions constitutionnelles (cf. trib. adm. 15 avril 1998, n° 9633 du rôle, Azenha Sansana, Pas. adm. 02/99, V° Lois et Règlements n° 1, p. 197) ;
Considérant que si de façon générale, en vertu de l’article 95 de la Constitution, les Cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois, ce texte représentant la base de l’exception d’illégalité, le recours direct en annulation dirigé contre les actes administratifs à caractère réglementaire, en tant que faisant partie du contentieux administratif, lequel, d’après l’article 95bis de la Constitution, est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative, est appelé à coexister et non pas à s’effacer devant l’exception générale d’illégalité, les deux voies de procéder, l’une indirecte et générale, l’autre directe et particulière, étant distinctes en raison de leurs origine, nature et effets ainsi qu’à travers leurs modalités d’exercice ;
Considérant dès lors que même si la question de la légalité du règlement grand-ducal du 29 avril 1999 en question a également été soulevée par voie d’exception dans le cadre du recours parallèle introduit contre la décision ministérielle de refus du permis de travail sous le numéro 11233 du rôle et toisée par jugement de ce jour, cette possibilité donnée ne suffit pas 6 pour rendre le recours direct dirigé contre le même règlement grand-ducal irrecevable de façon dirimante ;
Considérant qu’il convient à ce stade de mettre en exergue l’autre souci exprimé par le Conseil d’Etat, notamment au regard des articles 6 et 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, en ce qu’il importe, dans l’intérêt de la légalité, d’assurer la possibilité de vérification de la légalité des actes administratifs à caractère réglementaire, parallèlement à la voie d’exception ouverte de façon générale, également par voie directe dans la mesure des critères fixés y relativement par la loi ;
Considérant que le tribunal est amené à dégager à partir de l’ensemble des développements qui précèdent qu’au-delà de la voie indirecte de l’exception d’illégalité et d’après l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 l’acte administratif à caractère réglementaire à la base du recours direct en annulation y prévu est à entendre en ce sens que tout en étant une norme à caractère réglementaire, il n’en a pas moins un effet direct sur les intérêts privés d’une ou de plusieurs personnes dont il affecte immédiatement la situation, sans nécessiter pour autant la prise d’un acte administratif individuel d’exécution (cf. Cour adm. 23 juillet 1997 n° 10128 du rôle, Linster);
Considérant qu’en l’espèce Monsieur FORTES fait valoir qu’il serait directement touché par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999 déféré, du fait qu’à travers la décision de refus du permis de travail du 24 juin 1999 intervenue à son égard, le motif de refus indiqué à sa base serait l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 précité en résultant ;
Considérant que les modifications apportées par le texte sous analyse aux articles 4, 5 et 10 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 précité, ainsi que l’adaptation terminologique opérée à ses articles 4, 5, 6 et 11 ne sont pas de nature à affecter directement les intérêts privés de Monsieur FORTES, avant même qu’une décision à caractère individuel sur base de ces dispositions ne soit prise à son encontre ;
Que cette conclusion s’impose à plus forte raison en ce que concrètement la décision intervenue le 24 juin 1999 de la part du ministre du Travail et de l’Emploi à son encontre, portant refus de son permis de travail sollicité, tout en se basant sur l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972, porte cependant application de ses alinéas non abrogés et plus particulièrement de son alinéa premier, dont le libellé, mise à part l’adaptation terminologique relative à l’administration de l’Emploi, sans incidence directe en l’espèce, est issu de la réglementation antérieure au règlement grand-ducal du 29 avril 1999 sous analyse, lequel, à travers les modifications par lui prévues n’a dès lors créé de façon immédiate aucun droit, ni aucun devoir subjectifs dans le chef de Monsieur FORTES, ni affecté de manière certaine et actuelle ses intérêts privés ;
Considérant qu’il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre le règlement grand-ducal du 29 avril 1999, ce dernier n’étant pas à comprendre parmi les actes administratifs à caractère réglementaire visés par l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996, à défaut d’effet direct porté sur la situation individuelle du demandeur, impliquant par ailleurs l’absence d’un intérêt direct et actuel dans son chef au sens de l’alinéa second dudit article 7, laquelle serait de nature à déboucher sur l’irrecevabilité du recours;
7 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours ;
laisse les frais à charge du demandeur.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 janvier 2000 par :
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
Schmit Delaporte 8