N° 11538 du rôle Inscrit le 16 septembre 1999 Audience publique du 26 janvier 2000
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Recours formé par Monsieur … ZECOVIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique
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Vu la requête inscrite sous le numéro 11538 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 septembre 1999 par Maître Pierre SCHLEIMER, avocat à la Cour, assisté de Maître Raphaël COLLIN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ZECOVIC, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 16 août 1999, notifiée le 20 août 1999, refusant de faire droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 1999 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 1999 par Maître Pierre SCHLEIMER, assisté de Maître Raphaël COLLIN, au nom de Monsieur … ZECOVIC ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Raphaël COLLIN, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 janvier 2000.
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Le 22 juin 1999, Monsieur … ZECOVIC, né le … à … (Kosovo), demeurant actuellement à L-…, introduisit au Luxembourg une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.
En date du 24 juin 1999, Monsieur ZECOVIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.
Le 20 juillet 1999, la commission consultative pour les réfugiés émit un avis défavorable au sujet de cette demande.
Par décision du 16 août 1999, notifiée le 20 août 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur ZECOVIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit : “ Me ralliant à l’avis de la Commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.
En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie (…) ”.
Par requête déposée le 16 septembre 1999, Monsieur ZECOVIC a introduit un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 16 août 1999.
Le tribunal étant compétent, en vertu des dispositions de l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, pour statuer en tant que juge du fond en la matière, le recours en réformation, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique serait justifiée en ce qu’il remplirait les conditions prévues par la Convention de Genève. Il expose à cet effet être de religion musulmane et de ne relever ni de l’ethnie serbe, ni du mouvement indépendantiste albanais, ainsi que d’avoir toujours adopté une position neutre par rapport aux événements récents au Kosovo. Dans la mesure où il aurait été forcé d’intégrer l’armée yougoslave et qu’il l’aurait désertée au bout de quinze jours, il devrait s’attendre à l’heure actuelle à des représailles aussi bien de la part des autorités yougoslaves que des indépendantistes au Kosovo, étant entendu que des menaces afférentes auraient été exprimées à son encontre de la part de ses voisins et que la force internationale de paix installée au Kosovo serait impuissante face aux sentiments de haine des Kosovars albanais et aux exactions commises actuellement à l’encontre des Serbes au Kosovo et de ceux apparentés à l’ethnie serbe.
Le délégué du Gouvernement rétorque que le demandeur resterait en défaut de prouver son exposition à un danger quelconque de la part des albanais du Kosovo et qu’en tout état de cause ces derniers ne sauraient être assimilés à des agents de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné qu’il serait généralement admis que des actes commis par des groupes de population ne peuvent être considérés comme des persécutions que s’ils sont sciemment tolérés par les autorités ou si les autorités refusent ou sont incapables d’offrir une protection efficace. Il estime à cet égard qu’il ne serait pas établi que la force internationale actuellement établie au Kosovo soit incapable de protéger le demandeur ou tolère sciemment la persécution à son égard et signale en outre que de facto, les autorités yougoslaves ne seraient plus établies au Kosovo et que dès lors aucune persécution ne saurait en émaner à l’heure actuelle.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur la réalité du danger par lui encouru compte tenu des menaces exprimées par ses voisins et surtout en raison de l’impuissance de la force internationale face aux sentiments de haine des Kosovars albanais. Il 2 signale en outre que depuis son arrivée au Luxembourg, il n’a pu établir aucun contact avec sa famille restée au Kosovo, circonstance qui ne lui semble présager rien de bon quant à un éventuel retour et il relève par ailleurs qu’il ne faudrait pas perdre de vue qu’il est extrêmement difficile pour un demandeur d’asile de prouver matériellement tous les faits qu’il avance pour la simple raison que dans la plupart des cas la personne concernée a été forcée de quitter son pays dans la précipitation.
Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.
Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur ZECOVIC lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans les rapport et compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés au cours de la procédure contentieuse, et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir, à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.
Le recours est partant à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en la forme ;
au fond le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge 3 et lu à l’audience publique du 26 janvier 2000 par le premier juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Lenert 4