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20/01/2000 | LUXEMBOURG | N°11330C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 janvier 2000, 11330C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11330C Inscrit le 14 juin 1999 Audience publique du 20 janvier 2000 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre Gutland s. à r. l.

en matière de:

retenue d’impôt sur les revenus de capitaux - Appel -

(Jugement entrepris du 3 mai 1999, n° du rôle 10544)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 14 juin 1999 par le délé

gué du Gouvernement Gilles Roth, en exécution d’un mandat du ministre des Finances du 10 juin 1999 contr...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11330C Inscrit le 14 juin 1999 Audience publique du 20 janvier 2000 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre Gutland s. à r. l.

en matière de:

retenue d’impôt sur les revenus de capitaux - Appel -

(Jugement entrepris du 3 mai 1999, n° du rôle 10544)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 14 juin 1999 par le délégué du Gouvernement Gilles Roth, en exécution d’un mandat du ministre des Finances du 10 juin 1999 contre un jugement rendu en matière de retenue d’impôt sur les revenus de capitaux par le tribunal administratif à la date du 3 mai 1999 à la requête de la s. à r. l. Gutland, ci-après qualifiée, contre un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux pour l’année 1988 émis par le bureau d’imposition Sociétés 4 en date du 13 mai 1993.

Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Pierre Kremmer à la date du 14 juin 1999.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 5 août 1999 par Maître Paul Beghin, assisté de Maître Jean Schaffner, avocats à la Cour, au nom de la s. à r. l.

Gutland, établie et ayant son siège social à L-… Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 9 novembre 1999 par le délégué du Gouvernement.

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 novembre 1999 par Maître Paul Beghin, assisté de Maître Jean Schaffner.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 3 mai 1999.

Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport et le délégué du Gouvernement Gilles Roth ainsi que Maître Jean Schaffner, en remplacement de Maître Paul Beghin en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro du rôle 10544 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 février 1998 par Maître Paul Beghin, assisté de Maître Jean Schaffner, tous les deux avocats à la Cour, la société à responsabilité limitée Gutland, établie et ayant son siège social à L-…, a demandé la réformation sinon l’annulation d’un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux pour l’année 1988, émis par le bureau d’imposition Sociétés 4 en date du 13 mai 1993, suite au silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions directes postérieurement à une réclamation introduite auprès de lui en date du 5 août 1993.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, a déclaré le recours en annulation irrecevable, a reçu le recours en réformation en la forme, l’a déclaré partiel-

lement justifié, a annulé le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux pour l’année 1988, émis le 13 mai 1993 et a renvoyé l’affaire devant le directeur de l’adminis-tration des Contributions directes.

L'État du Grand-Duché, représenté par son ministre des Finances a interjeté appel contre ce jugement moyennant requête signifiée le 14 juin 1999 et déposée le 14 juin 1999 au greffe de la Cour administrative.

L’appelant reproche au tribunal d’avoir à tort décidé que le bureau d'imposition, qui doit instruire en faveur comme en défaveur du contribuable (§204 alinéa ler AO), implique une obligation de discuter avec le contribuable l'application du droit. Il serait significatif qu'en Allemagne le principe repris par le Tribunal administratif serait considéré comme suffisamment respecté si le Finanzamt s'y est au moins conformé au cours de la procédure contentieuse de l'Einspruch.

Il demande le renvoi devant le Tribunal administratif pour statuer sur le bien-fondé du bulletin.

La s. à r. l. GUTLAND a déposé un mémoire en réponse en date du 5 août 1999.

A titre principal et quant à la forme, l’intimée est d’avis que l'existence d'un vice de forme doit entraîner la nullité absolue du bulletin d'imposition litigieux.

Le paragraphe 205 alinéa 3 AO serait en effet très clair en ce que si l'administration envisage de dévier de la déclaration initiale d'un contribuable («..wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll… »), elle doit communiquer au préalable au contribuable les points sur lesquels une modification substantielle en sa défaveur est considérée («..sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Aeusserung mitzuteilen. »). La doctrine allemande pourrait utilement être consultée pour réfuter les arguments du délégué du Gouvernement puisqu'elle préciserait que le premier objectif de la disposition litigieuse, à côté de la protection des droits du contribuable, serait d'éviter des recours inutiles.

L’intimé demande principalement de déclarer l’appel non fondé, partant d’en démettre et de confirmer le jugement entrepris dans toute ses forme et teneur.

A titre subsidiaire et quant au fond, l’intimée fait valoir que l'annulation d'un bulletin litigieux et le renvoi devant l'administration compétente, tel que décidé en première instance, ne permettraient pas de trancher le litige quant au fond. Les paragraphes 204 (1) et 205 alinéa 3 2 AO ayant été instaurés pour assurer une meilleure administration de la justice en évitant des recours inutiles, un examen du litige quant au fond en instance d'appel s’imposerait, la violation de la procédure d'imposition ne représentant qu'un volet secondaire du présent litige.

Au cas où il serait donné suite à un examen au fond, l’intimée développe en détail des éléments de fait et de droit susceptibles d’appuyer sa thèse d’après laquelle la réduction de son capital social aurait été motivée par une réduction de son activité, partant justifiée pour des raisons économiques.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réplique en date du 9 novembre 1999 dans lequel il demande, malgré l'effet dévolutif de l'appel, de limiter les débats à la question de l'application du §205 alinéa 3 AO au cas d'espèce. Il serait dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de renvoyer l'affaire pour le surplus devant les premiers juges, le fond de l'affaire devant bénéficier du double degré de juridiction.

Quant au fond l'Etat reprend son argumentation développée en première instance à savoir que même si l'on admettait que dans les circonstances de l'espèce la dépréciation du terrain à Peppange pouvait suggérer une réduction du capital, la lecture du bilan suggérerait cependant que cette dépréciation n'aurait été qu'une occasion et qu'en réalité la réduction du capital aurait surtout servi à éponger le compte-courant de l'associé.

L’intimée a répondu dans un mémoire en duplique déposé en date du 24 novembre 1999.

Elle y fait valoir que l’administration des Contributions directes n'aurait pu s'écarter de sa déclaration qu'en lui offrant la possibilité de prendre position sur le redressement envisagé, de discuter la portée de l'article 97 (3) LIR et l'existence de motifs économiques sérieux.

Elle est d’avis que le droit du contribuable à être entendu ("Recht auf ausreichendes Gehör") en cas de redressement fiscal significatif doit être garanti en toute circonstance.

Elle demande, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'examiner dès à présent pourquoi elle a procédé à une réduction de capital en 1988 et quelles étaient ses motivations économiques alors qu’il résulterait de l'examen du fond de l'affaire qu’elle avait de sérieuses raisons économiques pour procéder à une réduction de capital, mais qu’elle n'a jamais été en mesure de s'expliquer à ce sujet.

L’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le paragraphe 205 alinéa 3 AO dispose que: « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ».

C’est à bon droit et pour des motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont décidé que le paragraphe 205 alinéa 3 AO constitue une application du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu par le bureau d’imposition (« Anspruch auf Gehör ») tel qu’il résulte du paragraphe 204 alinéa 1er AO et que l’application de ce principe général a pour conséquence qu’il n’est pas possible de fixer une imposition correcte de la situation patrimoniale d’un contribuable sans consultation appropriée. (v. Becker, Riewald, Koch:

Reichsabgabenordnung, Kommentar, Band II, Carl Heymanns Verlag, 1965, 6. Das Recht auf Gehör, page 288 et s.) 3 En l’espèce, la s. à r. l. Gutland n’a pas soumis de déclaration de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux pour l’année 1988, faute de distribution de dividendes au cours de l’année en question, en estimant que la réduction du capital social de 17.500.000.- francs n’était pas à considérer comme constituant une telle distribution.

Le bureau d’imposition a procédé à une interprétation divergente de ces faits en requalifiant la réduction du capital social opérée comme distribution de bénéfices passible d’une retenue d’impôt sur les revenus de capitaux, ceci sans information préalable.

Par cette façon de procéder, la s. à r. l. Gutland s’est retrouvée dans l’impossibilité de justifier les raisons économiques sérieuses qui, à son avis, justifient l’opération accomplie et n’a ainsi pu éviter des réclamations et des recours ultérieurs.

C’est par une analyse exacte que la Cour partage que le tribunal a annulé le bulletin d’impôt sur les revenus de capitaux pour l’année 1988, émis le 13 mai 1993, au terme d’une procédure viciée pour violation du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu par le bureau d’imposition.

C’est finalement à juste titre que les premiers juges se sont limités à prononcer l’annulation du bulletin déféré face au non-respect d’une formalité substantielle lors de l’instruction du dossier par le bureau d’imposition, le recours à cette procédure permettant à la s. à r. l. Gutland de présenter son argumentation devant le bureau d’imposition tout en assurant aux parties en cause un double degré de juridiction.

Le jugement dont appel est partant à confirmer.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant contradictoirement;

reçoit l’appel en la forme;

le dit non fondé et en déboute;

partant confirme le jugement entrepris du 3 mai 1999;

condamne la partie appelante aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par Monsieur Georges KILL, président Monsieur Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller Monsieur Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny MAY.

Le greffier en chef Le président 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11330C
Date de la décision : 20/01/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-01-20;11330c ?

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