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19/01/2000 | LUXEMBOURG | N°11394

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 janvier 2000, 11394


N° 11394 du rôle Inscrit le 22 juillet 1999 Audience publique du 19 janvier 2000

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Recours formé par Madame … KILL, veuve X., Luxembourg contre deux bulletins de l’impôt sur le revenu émis par le bureau d’imposition Luxembourg VI en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11394 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 juillet 1999 par Maî

tre Maria DENNEWEALD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au...

N° 11394 du rôle Inscrit le 22 juillet 1999 Audience publique du 19 janvier 2000

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Recours formé par Madame … KILL, veuve X., Luxembourg contre deux bulletins de l’impôt sur le revenu émis par le bureau d’imposition Luxembourg VI en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 11394 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 juillet 1999 par Maître Maria DENNEWEALD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KILL, veuve X., sans état particulier, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de deux bulletins de l’impôt sur le revenus relatifs aux années d’imposition 1995 et 1996, émis le 24 juillet 1998 par le bureau d’imposition Luxembourg VI de la section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes, dans la mesure où les intérêts débiteurs déclarés en relation avec un emprunt bancaire contracté en vue du règlement d’une soulte dans le cadre d’un partage familial comportant l’attribution d’un immeuble dépassant en valeur sa part, n’ont pas été qualifiés de frais d’obtention mais de dépenses spéciales, le recours étant introduit en ordre subsidiaire contre la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes résultant de son silence gardé au-delà d’un délai de six mois depuis l’introduction de sa réclamation du 10 août 1998 ;

Vu le mémoire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 octobre 1999 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins d’imposition critiqués ;

Vu le dossier fiscal déposé ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Maria DENNEWALD et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 décembre 1999.

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Considérant que Madame … KILL, veuve X., sans état particulier, demeurant à L-… et son frère, Monsieur … KILL, retraité, demeurant à L-…, se sont retrouvés en indivision 1 successorale, suite au décès de leurs parents, feu les époux … KILL, décédé le 17 février 1976, et …, décédée le 25 juin 1994 ;

Qu’ils sont ainsi devenus copropriétaires, chacun pour la moitié indivise, d’un immeuble sis à Luxembourg, …, ainsi que de divers éléments d’un immeuble en copropriété, dénommé …, sis à Luxembourg, …, évalués au total à une valeur de … à la date du 29 décembre 1994, à laquelle les consorts KILL ont procédé au partage des effets immobiliers en question par acte passé pardevant Maître Emile SCHLESSER, notaire de résidence à Luxembourg ;

Que suivant ce partage Madame … KILL s’est vu attribuer l’immeuble sis à Luxembourg, …, d’une valeur de …, tandis que son frère et son épouse …, mariés sous le régime de la communauté universelle, se sont vu attribuer les parts dans l’immeuble en copropriété … dépendant de l’indivision d’une valeur de …;

Que Madame … KILL a réglé lors du partage en question entre les mains des époux KILL-… le montant de … de francs, mis à sa disposition par la Banque Internationale à Luxembourg, suivant acte d’ouverture de crédit du même jour passé pardevant le même notaire ;

Que dans ses déclarations pour l’impôt sur le revenu des années 1995 et 1996, Madame … KILL a indiqué au titre de frais d’obtention relativement aux loyers perçus au cours desdites années d’imposition de la location de l’immeuble lui attribué dans le partage prédit, les montants respectifs de … et … francs, réglés au titre d’intérêts débiteurs dans le cadre de l’ouverture de crédit ci-avant accordée ;

Que suivant bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 1995 et 1996, émis par le bureau d’imposition Luxembourg VI en date du 24 juillet 1998, les intérêts débiteurs en question déclarés ont été pris en considération pour chacune des années d’imposition considérées au titre de dépenses spéciales jusqu’à concurrence du plafond légal se situant dans le chef de Madame KILL à chaque fois à 27.000.- francs ;

Que suivant courrier du 10 août 1998, Madame … KILL a contesté les deux bulletins d’imposition en question concernant la qualification des intérêts débiteurs y opérée avec demande de renseignements complémentaires concernant la base légale afférente ;

Que cette réclamation a été suivie d’une entrevue du fils de Madame KILL et de son conseiller fiscal avec un responsable du bureau d’imposition en question, suite à laquelle la réclamation a été réitérée par écrit du 26 octobre 1998, dans lequel la possibilité de faire suivre la motivation a été réservée ;

Que suivant courrier du 27 novembre 1998 de la société civile …, sous la signature de Monsieur …, une motivation détaillée a été jointe à la réclamation ;

Considérant que devant l’absence de décision directoriale, Madame KILL a fait introduire en date du 22 juillet 1999 “ un recours en réformation sinon en annulation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu 1995 et 1996 émis le 24 juillet 1998 par lesquels l’administration des Contributions directes a reclassé les intérêts débiteurs payés en relation avec un emprunt bancaire en dépenses spéciales.

2 En ordre subsidiaire, le recours est introduit contre la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes ” ;

Considérant que le délégué du Gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours sous un triple aspect en ce que la loi n’admettrait aucun recours en annulation en la matière pas plus qu’un recours dirigé contre une décision implicite de rejet en cas de réclamation non vidée, les bulletins d’imposition attaqués ne pouvant par ailleurs être considérés comme émanant de l’administration des Contributions directes, faute de personnalité juridique et de capacité d’ester en justice de cette dernière ;

Considérant que l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif n’admet l’introduction d’un recours devant le tribunal administratif, en cas de silence du directeur suite à une réclamation, que contre “ la décision qui fait l’objet de la réclamation ”, en l’espèce les bulletins d’impôt prévisés émis le 24 juillet 1998, et non pas contre une décision implicite de rejet du directeur (cf. doc. parl. 3940A2, amendements adoptés par la commission des institutions et de la révision constitutionnelle, p. 5, ad. (3) 3. : “ Par opposition au domaine administratif, le silence de l’administration n’est pas à considérer comme le rejet de la demande… Il en résulte également que dans ce cas le recours est dirigé, non pas contre une décision implicite de rejet mais contre la déclaration initiale contre laquelle la réclamation avait été interjetée) ” ;

Considérant qu’il découle des dispositions conjuguées de l’article 8 (3) 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée et du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, dite “ Abgabenordnung ” (AO), que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les bulletins de l’impôt sur le revenu prévisés relatifs aux années d’imposition 1995 et 1996, à défaut de décision directoriale intervenue suite à la réclamation introduite dans le délai légal et remontant à plus de six mois au moment de l’introduction du recours ;

Considérant que par voie de conséquence le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est irrecevable ;

Considérant que de même le recours en réformation est irrecevable dans la mesure où il a été introduit en ordre subsidiaire à l’encontre de la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes ainsi désignée ;

Considérant que s’il est vrai que l’administration des Contributions directes, corps de fonctionnaires faisant partie intégrante de l’Etat, ne dispose pas d’une personnalité juridique autonome (Cour adm. 11 janvier 2000, Schmitz, n° 11285C du rôle), il n’en reste pas moins que la partie demanderesse a clairement visé les deux bulletins de l’impôt sur le revenu émis le 24 juillet 1998 par le bureau d’imposition Luxembourg VI de la section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes comme étant en ordre principal les décisions déférées ;

Que le recours en réformation dirigé contre lesdits bulletins d’imposition ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai légaux, est dès lors recevable ;

3 Considérant que la partie demanderesse place son argumentation au fond par rapport à l’information du bureau d’imposition Luxembourg VI lui adressée le 13 août 1998 suivant laquelle la position de l’administration serait justifiée par référence à l’article 102 (3) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (LIR), d’après lequel l’acquisition du lot attribué lors d’un partage successoral avec soulte se fait à titre gratuit, même dans l’hypothèse d’une soulte payée, cette dernière étant considérée comme dépense privée, entraînant que pareillement les intérêts débiteurs payés en relation avec le financement de la soulte s’analysent également en dépenses à caractère privé déductibles uniquement comme dépenses spéciales et non comme frais d’obtention relativement au revenu produit par les biens faisant partie dudit lot ;

Que la partie demanderesse tient à préciser qu’elle ne conteste pas la nature privée de la soulte payée dans le cadre du partage successoral en question, estimant que son caractère privé est requis afin de garantir l’équité fiscale ;

Qu’elle admet encore que le transfert de la propriété des immeubles dans le cadre du partage successoral ne donne pas lieu à réalisation des plus-values occultes attachées à ces immeubles dans le chef des héritiers, tout comme au moment de la réalisation des immeubles l’imposition de ces plus-values occultes est dégagée par rapport au prix d’acquisition payé lors de la dernière transmission à titre onéreux ayant précédé ledit partage successoral ;

Qu’elle reconnaît encore que la soulte versée lors de l’attribution d’un immeuble dans le cadre d’un partage successoral ne peut pas rentrer dans le prix d’acquisition de celui-ci et constitue dès lors une dépense privée, de même que la soulte ne peut pas être amortie fiscalement ;

Que la partie demanderesse ne partage plus le point de vue de l’administration dans la mesure où celle-ci retient que les intérêts débiteurs payés en relation avec le financement de la soulte seraient également des dépenses à caractère privé, déductibles par voie de conséquence uniquement au titre de dépenses spéciales avec en l’occurrence un plafond de 27.000.- francs dans son chef ;

Qu’elle fait valoir que la soulte en question rentrerait dans les prévisions de l’article 105 LIR en ce qu’il y aurait un rapport économique direct entre la dette contractée en vue de payer la soulte ayant permis d’acquérir l’acquisition de l’entièreté de la propriété de l’immeuble attribué, incluant ainsi les revenus générés par sa location, établissant ainsi le lien direct entre les intérêts débiteurs à régler sur la dette conclue et les revenus de location dégagés par l’immeuble attribué ;

Que la fiction juridique de l’effet déclaratif du partage successoral engendrant le caractère privé de la soulte sous cet aspect serait tenue en échec par l’appréciation économique des faits (wirtschaftliche Betrachtungsweise) telle que préconisée par la loi d’adaptation fiscale ;

Que le lien de causalité économique établi vaudrait d’autant plus que les dépenses en question, si elles avaient pu être évitées, seraient néanmoins à considérer comme frais d’obtention pour avoir été engagées avec la volonté bien arrêtée de procurer ou de conserver des revenus imposables au contribuable ;

4 Qu’à l’appui de son argumentation elle cite une décision du Bundesfinanzhof du 19 mai 1983 suivant laquelle “ Zinsen für einen Kredit, den ein Miterbe beim Erwerb eines Kommanditanteils im Rahmen einer Erbauseinandersetzung im Hinblick auf die an die anderen Miterben zu leistenden Ausgleichzahlungen aufgenommen hat, sind als Sonderbetriebsausgaben abzugsfähig ”, ayant mis également l’accent sur le lien économique direct entre les intérêts débiteurs en question et les revenus produits par le bien attribué dans le partage successoral ;

Qu’enfin, l’interprétation de l’administration conduirait à une situation d’iniquité fiscale dans la mesure où l’intégralité des revenus de location serait imposée, alors que les intérêts débiteurs en relation avec ces revenus ne seraient déductibles que dans une très minime proportion, situation ne correspondant pas, d’après la demanderesse, à la volonté du législateur ;

Considérant que le délégué du Gouvernement expose que si en règle générale celui qui emprunte pour acquérir une maison de rapport peut déduire les intérêts débiteurs dans la catégorie des revenus de location et que si les intérêts ne sont pas payés directement en vue d’acquérir, assurer ou conserver les recettes, il serait admis qu’entre les uns et les autres il y a un rapport économique direct au sens de l’article 105 alinéa 2 LIR du fait du lien existant entre l’emprunt et le prix du bien acquis, ces règles générales trouveraient exception en matière de partage successoral ;

Que du fait de l’effet déclaratif du partage, il n’y aurait de prix d’acquisition, ni selon le droit civil, ni selon le droit fiscal, qui s’y accrocherait sur ce point, cette règle étant admise avec toutes les conséquences s’en dégageant notamment pour le calcul des plus-values et l’amortissement ;

Que le Bundesfinanzhof ayant statué par ailleurs dans un autre contexte civil et fiscal n'expliquerait pas pourquoi les intérêts débiteurs feraient seuls exception en la matière ;

Considérant que d’après l’alinéa 1er de l’article 883 du code civil, resté inchangé dans sa version originaire de 1803, “ chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, où à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession ” ;

Considérant que l’effet déclaratif du partage ainsi exprimé s’applique pour tous les effets compris dans le lot d’un copartageant et inclut ainsi également l’hypothèse d’un partage avec soulte ;

Considérant que l’article 883 du code civil en question a été complété par deux alinéas subséquents par la loi du 8 avril 1993 repris à l’identique de la loi française du 31 décembre 1976 ;

Considérant qu’en son alinéa second ainsi ajouté, l’article 883 dispose qu’“ il en est de même des biens qui lui sont advenus par tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l’indivision. Il n’est pas distingué selon que l’acte fait cesser l’indivision en tout ou en partie, à l’égard de certains biens ou de certains héritiers seulement ” ;

5 Que l’acte de partage du 29 décembre 1994 n’ayant porté que sur les deux immeubles en indivision y visés rentre dès lors également sous les prévisions de l’article 883 comme ayant fait cesser l’indivision successorale entre parties à l’égard de certains biens seulement ;

Considérant que parallèlement à la réglementation de l’indivision successorale, la loi du 8 avril 1993 a ajouté un troisième alinéa à l’article 883 suivant lequel “ les actes valablement accomplis soit en vertu d’un mandat des coindivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leur effet quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en fait l’objet ” ;

Que la reconnaissance ainsi faite de l’indivision successorale ne porte cependant pas atteinte à l’effet déclaratif du partage, mais limite seulement certaines plages de rétroactivité fictivement retenues jusque lors en consacrant la validité de certains actes accomplis avant le partage effectué ;

Considérant que l’effet déclaratif du partage doit être recherché dans la nature même du partage et reflète le souci du législateur, resté constant depuis 1803, de rattacher directement les biens recueillis par les héritiers dans la succession à l’auteur dont ils proviennent, sans intermédiaire, suivant le principe général, énoncé par l’article 724 du code civil en sa version spécifiquement luxembourgeoise, résultant de la loi du 26 avril 1979, statuant au-delà de la saisine des héritiers du fait du décès de leur auteur en disposant que “ par le seul effet de l’ouverture de la succession tous les biens du défunt sont transmis à ses héritiers, qui sont tenus de toutes ses dettes et charges ” ;

Considérant qu’en matière fiscale le législateur a, par une loi du 27 juillet 1978 complétant le régime d’imposition des plus-values réalisées lors de la cession de biens du patrimoine privé et modifiant le système d’imposition des revenus extraordinaires, à travers l’article 102 (3) LIR, confirmé de façon expresse l’option prise, du moins concernant les biens du patrimoine privé, pour une application générale du principe déclaratif du partage ;

Considérant que l’article 102 (3) LIR, dans la version applicable aux années d’imposition sous revue, dispose que “ lorsqu’un bien a été acquis à titre gratuit par le cédant, le prix d’acquisition à mettre en compte est celui payé par le détenteur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux. Il en est de même lorsque le bien a été attribué au cédant comme lot à l’occasion d’un partage successoral, même en cas de paiement d’une soulte par l’alloti. Un règlement grand-ducal peut prévoir, pour des cas particuliers des dérogations à la phrase qui précède ”, étant entendu que pour les exercices fiscaux en question aucun règlement grand-ducal n’a été pris ;

Considérant qu’il résulte de l’article 102 (1) LIR que les dispositions précitées de l’article 102 (3) LIR sont à observer en vue de l’application des articles 99bis à 101 LIR ;

Considérant qu’il se dégage du commentaire des articles à la base de l’article 102 LIR que l’entérinement en matière fiscale de l’effet déclaratif du partage, du moins concernant les biens du patrimoine privé du contribuable, est à considérer de façon générale, au-delà des questions d’imposition des plus-values en matières immobilière et mobilière y plus spécifiquement réglées et ce notamment en raison des motifs ayant guidé le choix du législateur, tels qu’ils résultent plus particulièrement in fine dudit commentaire des articles 6 relatif à la disposition sous discussion relaté ci-après en large extrait, comme détaillant au mieux l’intention des auteurs du texte (doc. parl. 2078, pp. 14 et 15, ad. article 102, alinéa 3) :

“ L’alinéa 3, première phrase ne comporte également que la confirmation de la pratique administrative actuelle confirmée formellement par la jurisprudence, en ce qui concerne notamment les participations importantes.

Comme cependant, suivant le projet, la solution faisant l’objet de la jurisprudence trouvera une application beaucoup plus fréquente à l’endroit des terrains il échet néanmoins d’examiner quelles autres solutions seraient possibles et quelle solution se présente comme la plus appropriée.

Lorsqu’un bien est transmis à titre gratuit et que ce bien a déjà acquis une plus-value par rapport à son prix d’acquisition, cette plus-value peut, techniquement, être traitée de trois manières différentes.

En premier lieu elle peut être définitivement exonérée. Cette solution implique que l’acquéreur aura pour prix d’acquisition la valeur estimée de réalisation du bien au jour de la transmission.

En second lieu la plus-value peut être imposée lors de la transmission, comme si le bien était aliéné au prix de sa valeur estimée de réalisation.

La troisième solution consiste à reporter la plus-value sur l’acquéreur du bien, en prévoyant que l’acquéreur sera traité, lors de l’aliénation ultérieure du bien, comme s’il avait acquis le terrain au prix exposé par son auteur.

La première solution manquerait d’équité, puisqu’elle exonérerait définitivement les plus-values au hasard des successions. D’autre part elle nécessiterait l’évaluation de la valeur vénale des biens à la date de l’ouverture des successions, parce que la valeur vénale à cette époque tiendrait lieu de prix d’acquisition pour le calcul de la plus-value réalisée ultérieurement par l’héritier. De plus cette solution ne pourrait pas être appliquée en cas de donation, parce qu’elle provoquerait des donations faites dans le seul but d’obtenir l’exonération des plus-values.

En France la première solution est appliquée à l’endroit des successions et à l’endroit des donations pratiquées avant l’introduction de l’imposition des plus-values. Or, en France, les successions en ligne directe sont soumises à un droit de succession très sensible et les autres successions sont soumises à un droit beaucoup plus élevé que le droit correspondant luxembourgeois. Il ne se recommande pas d’adopter la solution française du moment que le législateur n’envisage pas la modification correspondante des droits de successions.

La deuxième solution est inacceptable, parce qu’elle serait contraire au principe général que l’impôt sur le revenu ne doit frapper que des revenus réalisés.

C’est pour ces raisons que la troisième solution se recommande. Cette solution correspond par ailleurs aux principes appliqués actuellement aussi à l’endroit des transmissions à titre gratuit d’exploitations et d’entreprises.

7 Comme il vient d’être relevé la solution implique que le prix d’acquisition payé lors de la dernière acquisition à titre onéreux soit mis en compte lorsque le terrain a été acquis à titre gratuit.

La solution adoptée soulève un problème en rapport avec le partage successoral qui comporte à son tour deux solutions théoriquement admissibles.

Dans la première solution le partage est considéré comme translatif. Il en résulte que l’attributaire d’un bien ne doit mettre en compte le prix d’acquisition du de cujus qu’à concurrence de sa quote-part héréditaire. Pour le reste il est censé avoir acquis le terrain au prix de ses quotes-parts héréditaires auxquelles il renonce, compte tenu d’une soulte éventuelle. En contrepartie de ce principe les copartageants sont réputés avoir réalisé leurs quotes-parts dans le bien et sont immédiatement imposables du chef de la fraction correspondante de la plus-value.

Dans la deuxième solution le partage est considéré comme déclaratif. L’attributaire du bien est réputé avoir acquis ce bien entièrement du de cujus et le prix d’acquisition entier payé par ce dernier est à mettre en compte ultérieurement par l’attributaire. Aucun des cohéritiers n’est imposé à la suite du partage.

En ce qui concerne les transmissions d’exploitations et d’entreprises, l’une ou l’autre conception du partage est actuellement applicable selon les circonstances.

L’exécution de la solution basée sur la conception translative du partage est cependant compliquée et son exécution pratique n’est possible, à l’endroit des exploitations et des entreprises, que parce que les écritures normalement tenues par les exploitants analysent et enregistrent de toute façon les modifications de valeurs comptables résultant des transferts de propriété en raison de l’effet translatif du partage.

En ce qui concerne, par contre, les biens dépendant du patrimoine privé, le calcul et l’enregistrement comptable du prix d’acquisition se dégageant du partage pour l’attributaire du bien devraient être faits par l’administration.

Eu égard à la fréquence des partages et aux circonstances compliquées dans lesquelles ils s’accomplissent souvent, cette solution ne saurait être envisagée à l’endroit des biens du patrimoine privé.

Il importe donc d’imposer par la loi la solution basée sur l’effet déclaratif du partage, parce qu’elle ne comporte pas de complications et est de ce fait préférable pour le contribuable et l’administration. ” ;

Considérant que la solution basée sur l’effet déclaratif du partage ainsi imposée par le projet de l’article 102 (3) devenu loi est encore corroborée par la considération des auteurs du texte suivant laquelle “ actuellement, dans les cas de transmission d’entreprise ou d’exploitation où les contribuables ont le choix entre la conception translative et la conception déclarative, ils choisissent presque régulièrement la conception déclarative pour la raison qu’elle ne déclenche pas d’imposition immédiate ” (ibidem);

8 Considérant que la commission des Finances et du Budget de la Chambre des Députés s’est expressément ralliée à la façon de voir des auteurs du projet en ce qu’elle “ pose moins de problèmes sur le plan d’exécution pratique et qu’elle ne déclenche pas d’imposition immédiate ” (doc. parl. 20786, p. 7) ;

Considérant qu’il se dégage de l’ensemble des motifs à la base de la législation luxembourgeoise ci-avant relatée que du moins pour les biens du patrimoine privé la règle de l’effet déclaratif du partage s’impose de manière générale au-delà des dispositions de l’article 102 (3) LIR concernant l’imposition des plus-values mobilières et immobilières et implique entre autres également l’impossibilité d’amortissement notamment des valeurs immobilières transmises à défaut du prix d’acquisition, abstraction faite des possibilités encore ouvertes dans le chef du de cujus concernant un transfert de propriété antérieur, continuées comme telles à son héritier, conséquence par ailleurs admise par la partie demanderesse ;

Considérant que d’après l’article 105 (1) LIR “ sont considérés comme frais d’obtention les dépenses faites directement au vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes ” ;

Que suivant l’article 105 (2) alinéa 1er “ constituent également des frais d’obtention :

… les intérêts débiteurs, dans la mesure où il y a un rapport économique direct avec les revenus d’une des catégories mentionnées sub 4 à 8 de l’article 10 ” incluant sous le numéro 7 les revenus nets provenant de la location de biens ;

Considérant que l’adoption générale des conséquences de l’effet déclaratif du partage concernant la transmission de biens du patrimoine privé implique nécessairement à travers l’absence de prix d’acquisition en découlant que la condition des dépenses faites dans le but de l’acquisition d’un bien et à travers elle le dessein d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes en découlant ne se trouvent pas être remplies à la base, en vertu de la nature même du partage opéré, fût-il avec soulte ;

Qu’adopter toute autre solution reviendrait à mettre par ailleurs en échec les termes mêmes du partage et l’égalité entre copartageants y inhérente, étant entendu que plus particulièrement la possibilité de déduire les intérêts débiteurs revendiqués par la partie demanderesse impliquerait l’existence d’un prix d’acquisition entraînant lui-même la découverte d’une plus-value dans le chef du copartageant cédant traité sous cet angle de vue comme auteur à la place du de cujus, au-delà de toute considération de cohérence du système législatif établi et de la volonté du législateur à sa base ;

Considérant que le principe de l’appréciation économique des faits “ wirtschaftliche Betrachtungsweise ” tel que préconisé par la loi d’adaptation fiscale et invoqué par la partie demanderesse ne saurait à son tour être invoqué en vue de mettre en échec la cohérence globale des règles de droit fiscal applicables aux biens du patrimoine privé d’un contribuable, au regard du principe de l’effet déclaratif du partage découlant de la nature même de l’opération de transmission directe de biens à cause de mort tel que mis en avant par le législateur de façon expresse pour les situations de fait ainsi concernées ;

Que c’est au contraire la qualification juridique spécifiquement posée par la loi pour les effets du partage successoral sur les biens du patrimoine privé qui s’impose face au principe d’appréciation général invoqué par la demanderesse ;

9 Considérant qu’étant intervenu dans un contexte de droits civil et fiscal différent de celui spécifiquement luxembourgeois ci-avant détaillé, l’arrêt du Bundesfinanzhof du 19 mai 1983 invoqué à l’appui de sa demande par Madame KILL ne saurait confluer à déterminer de façon pertinente la solution à donner aux questions soulevées par la demanderesse, ce d’autant plus que la décision en question est intervenue en dehors du cadre des biens du patrimoine privé du contribuable concerné ;

Considérant que dans la mesure où globalement considérée, la solution dégagée par le bureau d’imposition Luxembourg VI sur base des éléments de législation luxembourgeoise spécifiques applicables fondés sur le principe de l’effet déclaratif du partage assure un traitement égal de tous les copartageants, héritiers recueillant des biens faisant partie du patrimoine privé, l’équité fiscale est à rechercher au niveau de la cohérence globale du système légal instauré et aucune iniquité ne saurait être induite à partir d’un aspect particulier y afférent considéré de façon isolée ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en réformation irrecevable dans la mesure où il est introduit contre une décision directoriale implicite de rejet ;

le déclare recevable pour le surplus ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

laisse les frais à charge de la partie demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 janvier 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 10 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11394
Date de la décision : 19/01/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-01-19;11394 ?

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