N° 11459 du rôle Inscrit le 11 août 1999 Audience publique du 17 janvier 2000
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Recours formé par Monsieur … BRANDENBURGER, … contre le ministre de la Force publique en matière de discipline
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Vu la requête inscrite sous le numéro 11459 du rôle et déposée en date du 11 août 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BRANDENBURGER, fonctionnaire de la gendarmerie grand-ducale, actuellement en retraite, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Force publique du 25 juin 1999 confirmant la décision du commandant de la gendarmerie grand-ducale référencée sous le numéro 699MM/C01289/97 lui ayant infligé la peine disciplinaire de l’amende de 15.400.- francs ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 1999 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 1999 par Maître Edmond DAUPHIN, au nom de Monsieur … BRANDENBURGER ;
Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement la décision attaquée ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Edmond DAUPHIN et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 janvier 2000.
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A la suite d’un écoulement d’eau qui a eu lieu le 1er mai 1996 avant midi dans le nouveau bâtiment de la gendarmerie grand-ducale à X., les déclarations y relatives de Monsieur … BRANDENBURGER, adjudant-chef de la gendarmerie grand-ducale, à ce moment responsable de service audit bâtiment, ont été recueillies le jour même par le lieutenant …, commandant d’arrondissement d’X., et l’adjudant-chef … Par lettre du 6 mars 1997, ledit commandant d’arrondissement s’est adressé à Monsieur BRANDENBURGER pour lui demander une prise de position au sujet de l’incident du 1er mai 1996. Les explications écrites de l’intéressé lui furent retournées en date du 12 mars 1997. Le commandant d’arrondissement d’X. s’est ensuite adressé au commandant de la gendarmerie par lettre du 15 mai 1997 en lui soumettant les écrits prévisés, ensemble la relatation des faits relatifs à l’incident du 1er mai 1996 et sa conclusion y relative, estimant que l’agissement de Monsieur BRANDENBURGER devrait faire l’objet d’une sanction disciplinaire exemplaire.
Par décision du 27 juin 1997, le commandant de la gendarmerie a alors prononcé la peine disciplinaire d’une amende de 15.400.- francs à l’égard de Monsieur … BRANDENBURGER. Il l’informa par la même décision qu’un appel éventuel serait à adresser par la voie hiérarchique au ministre de la Force publique.
A l’encontre de cette décision, Monsieur BRANDENBURGER a interjeté appel, par l’intermédiaire de son mandataire, auprès du ministre de la Force publique par lettre du 25 août 1997. Aucune décision, à part un accusé de réception datant du 12 novembre 1997, ne lui étant parvenue, il a fait déposer en date du 17 mars 1998 un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision implicite de refus du ministre de faire droit à sa demande, refus découlant du silence dudit ministre depuis plus de trois mois.
Ce recours s’étant soldé par l’annulation de la décision implicite du ministre suivant jugement de ce tribunal du 9 novembre 1998, mais ledit jugement ayant été réformé suivant arrêt de la Cour administrative du 6 mai 1999 avec renvoi du dossier en prosécution de cause au ministre de la Force publique, celui-ci, par décision du 25 juin 1999, a confirmé la sanction prononcée à l’égard de Monsieur BRANDENBURGER, à savoir la peine disciplinaire de l’amende de 15.400.- francs, en retenant plus particulièrement au sujet de la forme de la décision ainsi confirmée que “ l’article 29 (de la loi du 16 avril 1979 concernant la discipline dans la force publique) réglemente la procédure à suivre pour l’application des peines mineures tandis que les articles 30 et 31 imposent une procédure préalable pour la poursuite des fautes disciplinaires majeures, ce qui implique que seul l’article 29 est d’application ” pour soutenir qu’en l’espèce “ il n’est pas nécessaire, comme l’exige l’article 31 sub 3, que le chef hiérarchique notifie au militaire présumé fautif les faits qui lui sont reprochés ; la procédure est prévue et réservée aux peines plus sévères prononcées par le ministre de la Force publique ou même par le Grand-Duc, après instruction préalable contradictoire et sur avis du conseil de discipline ”.
A l’encontre de cette décision ministérielle, Monsieur BRANDENBURGER a fait déposer en date du 11 août 1999 un recours en annulation.
Aucun recours au fond n’étant prévu à l’encontre d’une décision ayant prononcé la sanction disciplinaire de l’amende d’un cinquième d’une mensualité brute du traitement de base, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours la partie demanderesse fait valoir que certaines dispositions de la procédure disciplinaire destinées à garantir les droits de la défense, énoncées tant dans la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après appelé “ le statut général ”, que dans la loi modifiée du 16 avril 1979 concernant la discipline dans la force publique, ci-après appelé, “ la loi du 16 avril 1979 ”, n’auraient pas été respectées, étant entendu que la loi générale serait applicable en l’occurrence concurremment avec la loi spéciale, pour autant qu’il n’existe pas de contradictions entre les deux textes.
En premier lieu et relativement à la forme, la partie demanderesse invoque la violation de l’alinéa 1er de l’article 29 de la loi du 16 avril 1979 qui exige que le militaire inculpé soit entendu. Estimant que l’audition constitue un acte de procédure essentiel sur lequel toute procédure disciplinaire doit être fondée, le demandeur soutient qu’en l’espèce l’audition à laquelle il fut procédé en date du 1er mai 1996 serait viciée à un double titre en ce que d’abord, 2 il y aurait été convoqué à l’improviste, sans avoir été préalablement informé de l’objet de la convocation, et, partant, sans avoir eu la possibilité de se faire assister par un avocat.
Il conclut ainsi à l’annulation de la décision déférée pour violation de l’article 56 du statut général, précisant notamment sub 3 que le chef hiérarchique informe le fonctionnaire présumé fautif des faits qui lui sont reprochés avec indication si une instruction disciplinaire est ouverte ou non.
Il fait valoir ensuite qu’en vertu des dispositions de l’article 31.2 de la loi du 16 avril 1979, un officier ayant au moins le grade de capitaine aurait dû procéder à l’audition et non, comme en l’espèce, un premier lieutenant.
Le délégué du Gouvernement rencontre cette argumentation en signalant que la peine infligée au demandeur est celle de l’amende ne dépassant pas le cinquième d’une mensualité brute du traitement de base et en faisant valoir que la procédure disciplinaire dépendrait du taux de la peine à infliger, de sorte qu’en l’espèce la procédure prévue à l’article 29 de la loi du 16 avril 1979 serait applicable et que celle-ci s’analyserait en une procédure sommaire, dépourvue de l’exigence d’une instruction préalable telle qu’imposée par les articles 30 et 31 de la même loi pour la poursuite des fautes disciplinaires majeures. Il estime dès lors que dans la mesure où le demandeur avait présenté à l’époque des justifications écrites, il aurait profité des garanties offertes par la loi, de sorte que la procédure disciplinaire n’aurait pas été entachée d’une irrégularité affectant ses droits de la défense, l’audition de Monsieur BRANDENBURGER à laquelle il fut procédé le 1er mai 1996 répondant aux exigences de l’article 29 qui prévoit simplement que le militaire inculpé ait été entendu. Il n’aurait dès lors pas été nécessaire, comme l’exige l’article 31.3 de ladite loi du 16 avril 1979, que le chef hiérarchique notifie au militaire présumé fautif les faits qui lui sont reprochés, la procédure y prévue étant réservée aux peines plus sévères prononcées par le ministre compétent ou même par le Grand-Duc, après instruction préalable contradictoire et sur avis du conseil de discipline.
Il signale en outre que dans la force publique le lien de subordination plus serré et la nécessité d’une discipline plus rigoureuse justifieraient entièrement la spécificité de la procédure disciplinaire militaire qui se traduirait notamment dans l’existence d’une procédure disciplinaire sui generis pour l’application des peines mineures.
L’article 29 de la loi du 16 avril 1979, invoqué en premier lieu par Monsieur BRANDENBURGER, dispose que les peines prévues à l’article 25, notamment sub 2. sont prononcées par décision motivée, “ après que le militaire inculpé a été entendu ”. Le terme “ militaire inculpé ” se comprend comme visant le membre d’un des trois corps de la force armée de l’époque où a été prise la décision déférée, contre lequel est engagée une poursuite disciplinaire, impliquant nécessairement que celui-ci, ayant le droit d’être entendu, ait également été mis au courant du détail des reproches formulés à son égard, notamment à la base de la procédure disciplinaire engagée (cf. trib. adm. 22 juillet 1998, n° 10622 du rôle, Juchem).
Aussi, il y a lieu de relever que si fondamentalement la discipline dans la force publique est régie par la loi du 16 avril 1979 y relative, les dispositions du statut général édictées à la même date et invoquées par le demandeur, ont également vocation à s’appliquer à l’égard des membres des trois corps de la force armée et ce à titre résiduel et complémentaire, dans la mesure de leur compatibilité avec la loi spéciale du 16 avril 1979 (cf. trib. adm. 22 juillet 1998, précité), étant donné que l’article 3 de la loi du 16 avril 1979 précitée précise dans son alinéa 3 1er que les droits et devoirs y visés s’entendent “ en dehors des droits et devoirs prévus par d’autres lois ou règlements grand-ducaux ”.
En visant l’article 56.3. du statut général relatif à l’information du fonctionnaire présumé fautif des faits qui lui sont reprochés, la partie demanderesse a entendu s’emparer des dispositions correspondantes relatives à la discipline dans la Force publique résultant de l’article 31.3. de la loi du 16 avril 1979, disposant que “ le chef hiérarchique notifie au militaire présumé fautif les faits qui lui sont reprochés ”.
Contrairement à ce qui est affirmé tant par le ministre que par le représentant étatique, les dispositions de l’article 31 de la loi du 16 avril 1979 ayant trait plus particulièrement à l’instruction disciplinaire ne se rapportent pas exclusivement aux peines visées à l’article 30 de la même loi, mais couvrent d’une manière générale toute la procédure disciplinaire, indifféremment de la peine qui sera le cas échéant retenue à l’issue de cette procédure.
Il se dégage en effet du libellé même de l’article 31.5 que c’est en fonction du dossier tel que constitué à travers la procédure disciplinaire prévue audit article 31 en ses points 1 à 4 que le chef de corps “ prend une des trois décisions suivantes : a) il classe l’affaire lorsqu’il résulte de l’instruction que le militaire n’a pas manqué à ses devoirs ou qu’il estime que l’application d’une sanction n’est pas indiquée ; b) il applique la sanction lorsqu’il est d’avis que les faits établis par l’instruction constituent un manquement à sanctionner de l’avertissement, de la réprimande, des arrêts ou de l’amende ne dépassant le cinquième d’une mensualité brute du traitement de base ou de l’indemnité moyenne ; c) il transmet le dossier au conseil de discipline de la force publique lorsqu’il estime que les faits établis par l’instruction constituent un manquement à réprimer par une sanction plus sévère que celles mentionnées sous b) ”, de sorte que l’hypothèse d’un manquement à sanctionner, comme en l’espèce, par l’amende ne dépassant pas un cinquième d’une mensualité brute du traitement de base, loin d’être écartée du champ d’application de l’article 31, s’y trouve expressément inscrite. Il s’ensuit que ledit article 31 de la loi du 16 avril 1979 est applicable en l’espèce.
Par différence avec l’article 56.3. du statut général retenant que le chef hiérarchique “ informe ” le fonctionnaire présumé fautif des faits qui lui sont reprochés, l’article 31.3 de la loi du 16 avril 1979 emploie le terme “ notifie ”, étant entendu que la notification présuppose une information écrite devant contenir d’après le libellé même de cet article pour le moins l’énumération des faits qui sont reprochés au militaire présumé fautif.
Les parties étant en accord pour admettre que la seule audition à laquelle il fut procédé en l’espèce s’est déroulée en date du 1er mai 1996, il y a lieu d’examiner en premier lieu si cette audition répond aux exigences des dispositions précitées qui sont d’ordre public comme touchant aux droits de la défense de la personne contre laquelle une procédure disciplinaire est ouverte.
Il résulte des pièces versées au dossier administratif que la “ Vernehmung ” établie à X.
le 1er mai 1996, signée par Monsieur BRANDENBURGER, ainsi que par le lieutenant … et l’adjudant-chef …, commence par les termes suivants: “ (Brandenburger ….), derselbe mit dem Gegenstand der Vernehmung vertraut gemacht, erklärt zur Sache folgendes … ”. Il découle du contenu de cette pièce que Monsieur BRANDENBURGER n’a pas été entendu à proprement parler, mais a rédigé dans la première personne du singulier, la “ Vernehmung ” en question, à l’image d’un rapport à son supérieur hiérarchique avec les conséquences inhérentes.
4 Dans la mesure où l’information donnée d’après la “ Vernehmung ” du 1er mai 1996 à Monsieur BRANDENBURGER sur l’objet de celle-ci a été simplement orale, elle ne suffit pas aux exigences de l’article 31.3. précité qui prévoit une notification écrite, outre les impératifs de précision des faits reprochés.
S’il est bien vrai que par lettre du 6 mars 1997 le commandant d’arrondissement d’X. a demandé à Monsieur BRANDENBURGER de prendre position par rapport aux événements du 1er mai 1996, il n’en reste pas moins que cet écrit ne saurait utilement combler la carence de la notification préalable concernant les faits lui reprochés, alors que cet écrit est postérieur à l’audition ainsi qualifiée du 1er mai 1996 et repose par ailleurs pour le moins en grande partie sur les déclarations de Monsieur BRANDENBURGER recueillies le même jour, en l’occurrence celui de la survenance des faits en question.
Aucun autre écrit valant notification n’ayant été versé en cause, la procédure disciplinaire engagée contre Monsieur BRANDENBURGER est viciée quant à sa forme.
La décision ministérielle déférée encourt dès lors l’annulation pour violation des dispositions essentielles destinées à sauvegarder les droits du militaire présumé fautif concerné, prévues plus précisément à l’article 31.3 de la loi du 16 avril 1979.
Dans la mesure où le département ministériel ayant dans ses attributions la force publique ainsi expressément visé par l’avant-dernier alinéa de l’article 29 de la loi du 29 avril 1979, n’existe plus en tant que tel depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté grand-ducal du 11 août 1999 portant constitution des ministères, il y a lieu de renvoyer l’affaire au Premier ministre chargé de la détermination des moyens et mesures d’application dudit arrêté en vertu de son article second.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
déclare le recours recevable et fondé;
partant annule la décision ministérielle déférée et renvoie l’affaire devant le Premier ministre;
condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 janvier 2000 par:
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Delaporte 5