La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/1999 | LUXEMBOURG | N°11111

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 décembre 1999, 11111


N° 11111 du rôle Inscrit le 2 février 1999 Audience publique du 22 décembre 1999

===============================

Recours formé par Monsieur … SCHOTT contre deux bulletins d’impôt émis par le bureau d’imposition Luxembourg V en matière d’impôt sur le revenu

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête inscrite sous le numéro 11111 du rôle et déposée le 2 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … SCHOTT, fonctionnaire, demeurant à L-…, t

endant à la réformation de deux bulletins de l’impôt sur le revenu portant sur les années 1988 et 1...

N° 11111 du rôle Inscrit le 2 février 1999 Audience publique du 22 décembre 1999

===============================

Recours formé par Monsieur … SCHOTT contre deux bulletins d’impôt émis par le bureau d’imposition Luxembourg V en matière d’impôt sur le revenu

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête inscrite sous le numéro 11111 du rôle et déposée le 2 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … SCHOTT, fonctionnaire, demeurant à L-…, tendant à la réformation de deux bulletins de l’impôt sur le revenu portant sur les années 1988 et 1989, émis le 30 avril 1992 par le bureau d’imposition Luxembourg V de la section des personnes physiques de l'administration des Contributions directes, sa réclamation du 21 juillet 1992, ainsi que la motivation subséquente de celle-ci en date du 2 août 1992 étant restées sans réponse de la part du directeur de l'administration des Contributions directes;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 mai 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 1999 par Monsieur … SCHOTT;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins entrepris;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur … SCHOTT en ses explications, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en ses plaidoiries.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Par requête déposée le 2 février 1999, Monsieur … SCHOTT, fonctionnaire d’Etat, demeurant à L-…, a introduit un recours en réformation à l’encontre de deux bulletins de l’impôt sur le revenu portant sur les années 1988 et 1989, émis le 30 avril 1992 par le bureau d’imposition Luxembourg V de la section des personnes physiques de l'administration des Contributions directes, sa réclamation du 21 juillet 1992, ainsi que la motivation subséquente de celle-ci en date du 2 août 1992 étant restées sans réponse de la part du directeur de l'administration des Contributions directes.

Il expose que dans les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1988 et 1989, le bureau d’imposition compétent n’aurait pas tenu compte des pertes de location qu’il aurait subies en France.

1 Pour ces mêmes années, il demande également “ la déduction des abattements agricoles et forestiers de façon tarifaire pour [ses] différents revenus forestiers. A titre subsidiaire, [il] demande leur déduction comme abattements de revenu ”.

Il relève encore que lors de la détermination de la base d’imposition pour l’année 1988, une perte agricole et forestière aurait été transformée en un bénéfice d’un même montant.

Comme le bureau d’imposition ne l’en aurait pas informé, la question se poserait de savoir si cette omission n’impliquerait pas, au titre de l’article 205 alinéa 3 de la loi générale des impôts modifiée du 21 mai 1931, appelée communément “ Abgabenordnung ” (AO), la nullité du bulletin d’impôt en question.

En dernier lieu, il demande à ce que les impôts indûment payés “ portent l’intérêt légal (pour durée de procédure excessivement longue) depuis le moment où l’impôt a été payé indûment ”.

Au vœu des dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. et 3.

de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours contre un bulletin de l'impôt sur le revenu en cas de silence du directeur durant plus de six mois suite à une réclamation dûment introduite par le contribuable.

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par Monsieur SCHOTT. Le même recours ayant été déposé dans les délai et formes prévus par la loi, il est recevable.

Le délégué du gouvernement se prononce en premier lieu sur le moyen tiré de la violation de l’article 205 alinéa 3 AO. Il relève qu’abstraction faite de ce que le demandeur aurait soulevé contre le bulletin de 1988 un moyen concernant le bulletin de 1989, il résulterait cependant du dossier fiscal que le point critiqué serait dû à une simple “ erreur de plume ” que le bureau d’imposition aurait rectifiée ultérieurement ainsi que le permettrait le paragraphe 92 alinéa 3 AO. Il conclut que le moyen manquerait donc en fait. Il fait encore valoir qu’au cas où le demandeur n’aurait pas reçu notification régulière de la rectification, il appartiendrait au tribunal de suppléer à cette carence par la réformation du bulletin entrepris.

Le paragraphe 205 alinéa 3 AO dispose que: “ Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ”.

Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il envisage de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une “ wesentliche Abweichung ” en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

Le droit ainsi consacré en faveur du contribuable d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, doit être considéré comme un droit élémentaire face à l’administration fiscale, découlant à la fois du principe du contradictoire et des droits de la défense durant la phase précédant l’établissement d’un bulletin d’impôt, pareille façon de procéder étant de plus de nature à éviter des réclamations et recours ultérieurs.

2 La notion de “ wesentliche Abweichung ” en défaveur du contribuable, qui conditionne l’application des formalités prévues par le paragraphe 205 alinéa 3 AO, doit dès lors être interprétée de façon objective en ce sens qu’elle englobe toutes les hypothèses dans lesquelles le bureau d’imposition envisage de retenir un élément de droit ou de fait susceptible d’influer sur la décision d’imposition et qui s’écarte de la situation telle que déclarée par le contribuable, pourvu que cet élément soit de nature à affecter le principe d’imposabilité ou la cote d’impôt tels qu’envisagés par le paragraphe 232 (1) AO.

Il va sans dire que le § 205 alinéa 3 AO ne vise pas les erreurs matérielles commis le cas échéant par le bureau d’imposition. Or, tel est le cas en l’espèce, étant donné que lors de la détermination de la base d’imposition de l’année 1989, une perte agricole et forestière a été transformée erronément par le bureau d’imposition en un bénéfice d’un même montant.

A l’audience, le demandeur a soutenu ne pas avoir reçu de bulletin rectificatif tel que préconisé par le délégué du gouvernement. En l’absence d’éléments permettant d’établir la notification du bulletin rectificatif, ce dernier, même s’il existe, n’est pas opposable au demandeur. Le tribunal est partant amené à procéder au redressement des bulletins de l’impôt sur le revenu pour l’année 1989, conformément au paragraphe 92 (3) AO qui dispose que “ Schreibfehler, Rechenfehler und ähnliche offenbare Unrichtigkeiten können auch nach der Bekanntgabe oder Verkündung berichtigt werden ”, d’autant plus que les parties sont d’accord sur l’erreur matérielle commise par le bureau d’imposition. Partant, par réformation du bulletin d’impôt prévisé, le bénéfice agricole et forestier retenu au titre de l’année 1989 et se chiffrant au montant de 30.191.- francs est à considérer au titre de cette année comme une perte agricole et forestière du même montant.

Concernant la prise en compte de la perte de location française, le demandeur fait valoir plus particulièrement que sur base des articles 3 et 19 de la convention du 1er avril 1958 entre le Grand-Duché de Luxembourg et la France tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, appelée ci-après la “ convention franco-luxembourgeoise ”, ainsi que sur la base de la loi fiscale interne, à savoir l’article 7 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après appelée “ LIR ”, le bureau d’imposition compétent devrait “ tenir compte des pertes exonérées pour déterminer le taux de l’impôt sur le revenu imposable luxembourgeois, ceci pour respecter la faculté contributive du contribuable ”.

Le demandeur soutient encore que les articles 134 et 134ter LIR ne sauraient trouver application, étant donné que leur objet serait de “ déterminer une fraction d’impôt étranger relative à un revenu étranger ” et que “ sur une perte, il n’y a pas d’impôt ” Il estime encore que, comme la loi fiscale interne du Luxembourg ne renfermerait pas “ de clause de progressivité pour les pertes ”, la simple compensation des pertes exonérées avec des revenus indigènes deviendrait possible.

Le délégué du gouvernement donne à considérer que “ les pertes de location réalisées en France auraient dû être contrôlées comme d’autres éléments de la déclaration (§205 al.2 AO) et incorporées au revenu imposable au même titre que d’autres revenus de location.

Dans la mesure où les pertes résisteront au contrôle du Tribunal, le recours est fondé ”. Il fait encore valoir que “ les pertes françaises sont à négliger pour la détermination, selon l’article 134ter LIR, de la fraction d’impôt correspondant aux revenus exonérés parce que la déduction d’une fraction négative aurait le résultat pervers d’augmenter la cote d’impôt ”.

3 Il ressort du dossier fiscal à la disposition du tribunal, que le demandeur, assujetti en tant que résident luxembourgeois, aux dispositions fiscales luxembourgeoises, est propriétaire d’un immeuble situé en France et que pour les années 1988 et 1989, il a indiqué parmi les revenus de location des pertes de location réalisées en France au titre de ces mêmes années. Le bureau d’imposition Luxembourg V a extourné les pertes françaises de la catégorie des revenus de location au motif que les pertes étrangères ne sont pas compensables avec les revenus indigènes et le bureau n’en a tenu compte ni pour le total des revenus ni pour la détermination de l’impôt dû.

Aux termes de l’article 3 de la convention franco-luxembourgeoise “ les revenus de biens immobiliers et de leurs accessoires, y compris les bénéfices des exploitations agricoles et forestières, ne sont imposables que dans l’Etat où les biens sont situés ”. La convention accorde donc le droit d’imposer le revenu des biens immobiliers dans l’Etat de la source, c’est-

à-dire dans l’Etat dans lequel est situé le bien immobilier qui produit le revenu, en l’espèce la France. Cependant du fait de son obligation fiscale illimitée, le contribuable résident est soumis à l’impôt dans l’Etat de sa résidence avec son revenu mondial.

A ce sujet, l’article 19 de la prédite convention dispose que “ les revenus qui, d’après les dispositions de la présente convention, ne sont imposables que dans l’un des deux Etats, ne peuvent pas être imposés dans l’autre Etat, même par voie de retenue à la source.

Néanmoins chacun des deux Etats conserve le droit de calculer aux taux correspondant à l’ensemble du revenu du contribuable les impôts directs afférents aux éléments du revenu dont l’imposition lui est réservée ”. La convention retient donc la méthode de l’exonération, c’est-à-dire que l’Etat de la résidence renonce à l’impôt correspondant aux revenus imposables dans l’Etat de la source. L’Etat de la résidence conserve néanmoins le droit de calculer au taux correspondant à l’ensemble des revenus, les impôts afférents aux éléments du revenu dont l’imposition lui est réservée. Il s’agit donc de la clause de progressivité qui, en droit interne, fait l’objet de l’article 134 LIR.

Cet article dispose que “ lorsqu’un contribuable résident a des revenus exonérés par une convention internationale, ces revenus sont néanmoins incorporés au revenu imposable, mais l’impôt est réduit à concurrence de la fraction correspondant à ces revenus exonérés ”.

Le revenu imposable d’un contribuable résident à prendre en considération en vue de la détermination du taux d’imposition, comprend dès lors les revenus indigènes ainsi que les revenus étrangers exonérés par la convention.

En l’espèce, la question se pose de savoir si la clause de progressivité joue si les revenus nets étrangers sont négatifs.

Il convient dès lors de déterminer si la perte étrangère subie en l’espèce par le demandeur peut réduire la charge fiscale luxembourgeoise sur les autres revenus luxembourgeois du contribuable.

La possibilité de bénéficier d’un tel taux effectif est conforme aux prescriptions du droit fiscal luxembourgeois. En effet, l’article 7, alinéa 2 LIR consacre le principe de la compensation en ce que les pertes dégagées pour l’une ou l’autre catégorie énumérées à l’article 10 LIR se compensent avec les revenus nets des autres catégories. Le prédit article accepte donc la compensation des différents revenus positifs et négatifs entre eux, et, en principe, sans distinction suivant la source de ces revenus. Par ailleurs, comme il a été indiqué 4 ci-dessus, les revenus étrangers, exonérés par une convention fiscale, ne sont pas en tant que tels directement imposables au Luxembourg. L’article 134 LIR prévoit simplement leur prise en compte pour le calcul du taux de l’impôt luxembourgeois du contribuable, dans la mesure où cet article ne distingue pas entre les revenus positifs et négatifs. L’article 134 LIR, ainsi que l’article 19 de la convention franco-luxembourgeoise, font seulement référence à la notion de “ revenus exonérés ”, qui peuvent consister à la fois en des bénéfices et en des pertes. Ni le texte de la convention ni le texte de la loi ne faisant une distinction, il n’incombe pas au tribunal d’en faire une sous peine de violer le principe “ ubi lex non distinguit … ”.

En effet, les travaux parlementaires ( doc. parl. n°2160) indiquent que l’article 134 LIR a pour but d’alléger le poids de la double imposition frappant certaines activités économiques orientées vers l’étranger et vise essentiellement à maintenir un système équitable entre les contribuables résidents investissant à l’étranger et ceux qui n’ont que des revenus de source luxembourgeoise.

L’analyse du texte de l’article 134 en ce que l’impôt est calculé d’après le taux correspondant au revenu global du contribuable, en prenant en considération, en vue de la détermination de ce revenu global, non seulement les revenus positifs mais également les revenus négatifs étrangers, est donc conforme à la volonté du législateur.

En conséquence, pour déterminer le taux d’imposition, il y a lieu de tenir compte des pertes subies par le demandeur en France dans le cadre de la location de son immeuble sis à Valence, sous réserve de leur contrôle par le bureau compétent, en application des dispositions de la loi luxembourgeoise concernant l’impôt sur le revenu.

Le calcul du taux d’imposition doit donc se faire en prenant en considération les revenus imposables du contribuable au Luxembourg et le revenu de location étranger, à savoir la perte étrangère de location qui doit cependant être dûment établie, de sorte que ce taux est déterminé à partir du solde résultant de la déduction du montant total des revenus imposables au Luxembourg des pertes de location françaises. Comme cependant les revenus étrangers exonérés ne sont pas, en tant que tels, imposables au Luxembourg, ils ne sont pris en compte que pour la détermination du taux d’impôt à appliquer au revenu mondial. En effet, au-delà de la prise en considération du revenu négatif étranger pour la détermination du taux d’imposition, ce taux s’appliquera aux revenus mondiaux du contribuable imposables au Luxembourg sans qu’il y ait lieu de déduire des revenus négatifs étrangers exonérés par une convention fiscale internationale.

En ce qui concerne l’article 134ter LIR, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a retenu qu’il ne trouve pas application au présent cas d’espèce dans la mesure où il expose des règles de détermination de la part d’impôt correspond aux revenus exonérés par une convention internationale, qui doit être éliminée de l’impôt total correspondant au revenu imposable englobant ces revenus exonérés. En effet, le demandeur, du fait de ses pertes de location, n’a pas été soumis à un impôt étranger, de sorte que l’article 134ter LIR déterminant la fraction d’impôt luxembourgeois correspondant aux revenus étrangers dans l’hypothèse notamment d’une convention internationale prévoyant la méthode de l’exonération des revenus étrangers assortie de la clause de progressivité, ne trouve pas application dans le cas d’espèce.

Il n’y a pas non plus lieu de retenir qu’à défaut d’application du prédit article, le droit fiscal interne, notamment l’article 7, alinéa 2 LIR serait de nouveau applicable dans toute sa 5 teneur. En effet, les dispositions de la convention franco-luxembourgeoise sont claires et précises en soumettant les revenus de location, qui peuvent être des revenus positifs ou négatifs, au droit d’imposition de l’Etat de la situation de l’immeuble dégageant un tel revenu.

Ce n’est donc que de façon incidente, par le biais de la clause de progressivité, que les autorités luxembourgeoises doivent tenir compte de tels revenus. Il s’ensuit que la compétence d’imposition du revenu du demandeur provenant de son immeuble situé en France et de la déduction éventuelle des frais en relation avec cette habitation revient exclusivement à la France, le Luxembourg n’étant par voie de conséquence ni en droit d’imposer un revenu afférent, ni tenu d’admettre une déduction fiscale y relative.

Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que c’est partant à tort que le bureau d’imposition a refusé de prendre en considération, dans le cadre des déclarations d’impôt du demandeur, les pertes de location subies en France. Les deux bulletins de l’impôt sur le revenu déférés émis le 30 avril 1992 par le bureau d’imposition Luxembourg V encourent partant la réformation, dans la mesure où le prédit bureau n’a pas pris en considération les données lui soumises par le demandeur en ce qui concerne les pertes de location subies en France, alors que les revenus étrangers exonérés étaient à prendre en considération pour la détermination du taux d’impôt et à appliquer au revenu dont l’imposition est réservée au Luxembourg.

Comme le législateur n’a pas entendu faire du tribunal un “ taxateur ” et n’a pas eu l’intention de l’amener à “ s’immiscer dans le domaine de l’administration ” sous peine de “ compromettre son statut judiciaire ” (cf. doc. parl. 3940A2, p. 11, ad (3) 8. et doc. parl.

3940A4, avis complémentaire du Conseil d’Etat, p. 7, ad amendement 5), son rôle consistant à dégager les règles de droit et à opérer les qualifications nécessaires à l’application utile de la législation fiscale, sans pour autant porter sur l’intégralité de l’imposition, ni aboutir à fixer nécessairement une nouvelle cote d’impôt, et au vu de certaines imprécisions contenues dans les pièces déposées par le demandeur, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le bureau d’imposition compétent, en vue de la fixation d’une nouvelle cote d’impôt à la lumière des conclusions du présent jugement.

Dans son recours, le demandeur expose encore qu’il est propriétaire de différentes propriétés forestières situées au Luxembourg. Il fait valoir que les commentaires relatifs à l’article 74 LIR retiendraient que “ chaque terrain forestier peut être considéré comme un bien distinct ”. Il en conclut que “ l’exploitant se trouve en face à autant d’entreprises forestières qu’il possède de terrains forestiers distincts et comme les revenus de ces entreprises sont à considérer séparément, il y a lieu d’appliquer les abattements prévus à l’article 128 LIR à chaque revenu ”. A titre subsidiaire, il demande la déduction des abattements agricoles comme abattements de revenu, au motif que, selon une interprétation littérale de la loi, “ les déductions ne mèneront pas à des pertes puisque toutes les exploitations sont déjà en pertes. Partant les abattements sont déductibles ”.

Le demandeur soutient par ailleurs que l’article 128 LIR se référerait aux contribuables disposant d’un bénéfice agricole et forestier, de sorte que “ le nombre d’abattements dont on doit tenir compte est donc fonction du nombre de contribuables qui font partie du ménage, et ceci malgré le fait qu’ils sont imposables collectivement ”.

Le délégué du gouvernement fait valoir que l’abattement de l’article 128 LIR ne serait ni un abattement tarifaire ni un abattement du revenu imposable, mais qu’il s’agirait d’un abattement, qui aux termes de la loi, pourrait seulement être déduit du bénéfice agricole et 6 forestier. S’agissant d’un abattement, il s’appliquerait au solde de la catégorie de revenus nets et non au résultat de chaque exploitation, même au cas où il serait possible de distinguer plusieurs exploitations agricoles ou forestières d’un même contribuable. Il conclut donc au non-fondé du recours à ce sujet.

L’article 128 LIR, dans la teneur lui conférée par la loi du 18 décembre 1986 promouvant le développement de l’agriculture, applicable pour les années d’imposition 1988 et 1989, dispose que “ (1) les contribuables disposant d’un bénéfice agricole et forestier peuvent déduire de ce bénéfice un abattement de 70.000.- frs. L’abattement est majoré de 70.000.- frs pour le conjoint. (…) (2) La déduction de l’abattement visé à l’alinéa 1er ne peut pas conduire à une perte ”.

D’après les termes clairs et précis de cet article, l’abattement y prévu peut seulement être déduit du bénéfice agricole et forestier. Par ailleurs, la déduction de l’abattement ne peut pas conduire à une perte susceptible d’être compensée avec d’autres revenus positifs, ni par conséquent augmenter un résultat déjà négatif, comme l’a remarqué à juste titre le délégué du gouvernement. Il s’agit d’un abattement à appliquer au solde de la catégorie des revenus nets provenant d’une exploitation agricole et forestière. Dans cette optique, il est faux de prétendre que l’abattement s’appliquerait au résultat de “ chaque exploitation ”, prise au sens du demandeur, à savoir à ce que chaque terrain forestier serait à considérer comme un bien distinct, de sorte que les exploitants se trouveraient “ face à autant d’entreprises forestières qu’ils possèdent de terrains forestiers distincts ”. Il est dès lors erroné de soutenir que les revenus de ces entreprises sont à considérer séparément et qu’il y aurait lieu d’appliquer les abattements prévus à l’article 128 LIR à chacun de ces revenus.

En ce qui concerne le nombre des contribuables à prendre en considération, il découle des termes non équivoques de l’article 128 LIR que l’abattement est accordé à l’exploitant d’une entreprise agricole et forestière, ainsi qu’à son conjoint en cas d’imposition collective, à l’exclusion de toute autre personne imposable collectivement avec le contribuable.

En considération des développements qui précèdent, c’est à bon droit que le bureau d’imposition compétent n’a pas accordé l’abattement prévu par l’article 128 LIR, étant donné que l’exploitation forestière était déficitaire au courant des années d’imposition 1988 et 1989 et, qu’aux termes du prédit article, la déduction n’est permise que si elle ne conduit pas à une perte.

Le demandeur requiert finalement que les impôts indûment payés portent “ l’intérêt légal majoré ”.

Le représentant étatique estime que le tribunal administratif, saisi d’un recours contre une imposition, serait incompétent pour examiner ce que “ le receveur a ou n’a pas perçu et il ne saurait par conséquent se prononcer sur ce qui sera, le cas échéant, sujet à restitution ni sur une demande d’intérêts, qui n’est qu’une modalité de la restitution ”.

La perception de l’impôt se divise en trois phases, à savoir la phase d’assiette, la phase de liquidation de l’impôt et la phase de recouvrement de l’impôt (cf. Jean Olinger, Le droit fiscal, études fiscales n°s 93-95, p. 63).

Un bulletin d’impôt sur le revenu ne porte que sur les deux premières phases, à savoir la détermination du revenu imposable et la fixation de la cote d’impôt sur le revenu. Les 7 questions relatives respectivement à l’obligation du contribuable de régler un solde d’impôt et à la restitution d’un impôt déjà payé, une demande tendant au paiement d’intérêts légaux sur le solde à rembourser au contribuable n’étant qu’une modalité de la restitution, relèvent de la phase de recouvrement.

Dans le cadre de l’établissement de l’impôt sur le revenu et dans l’hypothèse d’une réformation d’un bulletin par une instance de recours, le contribuable tire à la fois de l’article 154 LIR et du paragraphe 151 AO, un droit au remboursement du trop-payé à titre d’impôt sur le revenu.

Si l’administration n’entend pas exécuter le remboursement dans la mesure voulue par le contribuable, il lui incombe, conformément au paragraphe 150 (2) AO, de matérialiser son refus par un bulletin qui constitue ainsi une décision autonome propre à la phase de recouvrement d’impôt et qui est soumise aux voies de recours prévues par le paragraphe 235, n° 5 AO.

En l’espèce, le tribunal n’a pas connaissance d’une décision intervenue sur base du paragraphe 150 (2) AO, mais il se trouve uniquement saisi de deux bulletins de l’impôt sur le revenu déterminant le revenu imposable dans le chef de Monsieur SCHOTT au titre des années fiscales 1988 et 1989 et fixant une cote d’impôt sur les revenus afférents, sans comporter aucun élément décisionnel relativement à une quelconque restitution d’impôt.

En l’absence d’une décision de l’administration, préalablement contestée devant le directeur de l’administration des Contributions directes, sur le remboursement d’un trop-perçu d’impôt sur le revenu dans le chef de Monsieur SCHOTT et faute d’une disposition légale investissant le tribunal d’un pouvoir spontané pour ordonner un remboursement d’impôts, le tribunal, bien qu’étant en principe compétent pour connaître de ces contestations, ne saurait statuer à ce stade sur la demande en restitution, y compris la demande tendant au paiement des intérêts légaux sur la somme éventuellement sujet à restitution, laquelle encourt par voie de conséquence l’irrecevabilité (cf. trib. adm. 29 juillet 1998, Spielmann, n° 10166 du rôle, Pas.

adm. 02/99, V° Impôts, n° 81).

Chaque partie ayant partiellement succombé dans ses moyens, il échet de faire masse des frais et dépens et de les mettre à charge de l’Etat à raison des deux tiers et du demandeur à raison d’un tiers, dans la mesure du mal-fondé de leurs prétentions respectives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation;

le dit recevable;

au fond le dit partiellement justifié;

en conséquence, réformant les bulletins entrepris du 30 avril 1992, dit, d’une part, que le bénéfice agricole et forestier de 30.191.- francs retenu au titre de l’année d’imposition 1989 est à considérer comme perte agricole et forestière d’un même montant et, d’autre part, que 8 l’impôt sur le revenu à payer par le demandeur pour les années 1988 et 1989 doit être calculé d’après le taux applicable à son revenu mondial;

dit encore que pour déterminer ce taux, il y a lieu de tenir compte des pertes subies par le demandeur en France dans le cadre de la location de son immeuble sis à Valence, sous réserve de leur contrôle par le bureau compétent, en application des dispositions de la loi luxembourgeoise concernant l’impôt sur le revenu;

dit que les bulletins d’impôts litigieux sont à modifier en conséquence;

confirme les bulletins déférés pour le surplus;

déclare le recours irrecevable dans la mesure de la demande en restitution des impôts payés avec les intérêts mis en compte, respectivement avec le taux d’intérêt légal, renvoie l’affaire devant le directeur en vue de sa transmission au bureau d’imposition compétent pour exécution;

fait masse des frais et les impose à raison de deux tiers à l’Etat et à raison d’un tiers au demandeur.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 22 décembre 1999, par le premier juge, délégué à cette fin, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11111
Date de la décision : 22/12/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-12-22;11111 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award