La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/1999 | LUXEMBOURG | N°10738

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 décembre 1999, 10738


N° 10738 du rôle Inscrit le 4 juillet 1998 Audience publique du 22 décembre 1999

===============================

Recours formé par Monsieur … ZIMER, … contre une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation de faire le commerce

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

--

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 1998 par Maître Marc MODERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à

Luxembourg, au nom de Monsieur … ZIMER, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annu...

N° 10738 du rôle Inscrit le 4 juillet 1998 Audience publique du 22 décembre 1999

===============================

Recours formé par Monsieur … ZIMER, … contre une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation de faire le commerce

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

--

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 1998 par Maître Marc MODERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ZIMER, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme du 5 mars 1998, confirmant, sur recours gracieux, le refus dudit ministre de lui accorder l’autorisation d’établissement pour les métiers de retoucheur de vêtements et de nettoyeur à sec - blanchisseur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 septembre 1998 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 1999 par Maître Marc MODERT, au nom de Monsieur … ZIMER ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 1999 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marc MODERT et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 décembre 1999.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

--

Suivant demande présentée en date du 17 février 1997, Monsieur … ZIMER, demeurant à L-…, sollicita auprès du ministre des Classes moyennes et du Tourisme, ci-après appelé “ le ministre ”, une autorisation d’établissement pour la branche “ blanchisserie et nettoyage à sec, atelier de retouche aux vêtements usagés ”.

Dans un premier avis datant du 6 mars 1997 au sujet de la demande précitée, la commission prévue à l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès 1 aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après appelée “ la loi d’établissement ”, proposa au ministre de solliciter l’avis du ministre de la Justice au sujet de la responsabilité de Monsieur … ZIMER dans la faillite de la s.

à r.l. X., dont il était le gérant.

Dans le cadre de l’instruction ainsi suggérée, le dossier fut transmis en date du 23 avril 1997 au procureur général d’Etat avec prière d’avis. Celui-ci le retourna au ministre de la Justice par transmis du 18 novembre 1997 en se ralliant à l’appréciation défavorable du procureur d’Etat de Luxembourg exprimée dans un avis datant du 14 novembre 1997.

Sur base de ces avis, la commission spéciale prévisée émit en date du 11 décembre 1997 un avis négatif au sujet de la demande présentée par Monsieur ZIMER, auquel le ministre se rallia par décision du 23 décembre 1997 pour refuser de faire droit à sa requête en se basant sur l’article 3 de la loi d’établissement.

Le recours gracieux introduit par Monsieur ZIMER suivant courrier de son mandataire du 7 janvier 1998 à l’encontre de la décision précitée du 23 décembre 1997 s’étant soldé par une décision confirmative datant du 5 mars 1998, il a fait déposer en date du 4 juillet 1998 un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation du refus ministériel prévisé du 23 décembre 1997 tel que confirmé en date du 5 mars 1998.

Il résulte de la combinaison des articles 1er, paragraphe 2, 1° et 2, 1. de la loi du 4 novembre 1997 portant modification des articles 2, 12, 22 et 26 de la loi d’établissement, que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation en matière d’autorisations d’établissement sur les requêtes déposées après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, en l’occurrence le 27 novembre 1997. Etant donné que la requête actuellement sous discussion a été déposée le 4 juillet 1998, le tribunal est incompétent pour statuer sur le recours en réformation formulé à titre principal.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur ZIMER fait valoir que ce serait à tort que le ministre s’est rallié à l’avis négatif du parquet du tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour retenir qu’il ne disposerait plus de l’honorabilité requise, alors que ledit avis serait fondé sur des considérations erronées en fait, dues le cas échéant à une lecture superficielle d’un rapport du curateur. Il relève à cet égard que contrairement à l’appréciation du parquet, tous les salaires du personnel, promérités et échus à la date de l’aveu de cessation des paiements de la société, auraient été réglés par ses soins.

Il signale en outre que les circonstances l’ayant amené à cesser l’activité commerciale et à déposer le bilan fin 1996 résulteraient de son courrier de réclamation adressé au ministre le 7 janvier 1998, aux termes duquel les causes véritables de la déconfiture de la société, abandonnée en 1985 par ses propriétaires économiques de l’époque à un de ses salariés, en l’occurrence Monsieur ZIMER, seraient la vétusté des locaux pris en location en contrepartie du paiement d’un loyer élevé aux anciens exploitants, la vétusté des équipements et machines, le coup dur des inondations de l’Alzette qui à deux reprises avait quitté son lit pour détruire pratiquement à 100% les machines, installations et équipements, ainsi que le poids écrasant des salaires pour une entreprise qui n’avait pas les moyens pour investir dans l’automatisation et 2 dans les nouvelles technologies, causes que le demandeur offre de prouver par expertise commerciale et économique, en vue d’établir les raisons véritables de l’échec de l’entreprise.

La partie demanderesse se réfère encore au rapport du curateur de la faillite au parquet datant du 24 octobre 1997, relevant l’existence d’avoirs en compte et d’avoirs liquides au nom de la société, chiffrés à 2.876.190.- LUF et soutient que le montant des salaires impayés indiqué dans le même avis correspondrait non pas à des salaires échus antérieurs à la faillite, mais aux créances déclarées par les salariés concernés au titre de la législation spéciale en vigueur qui protège leurs intérêts en cas de survenance d’une faillite et qui leur assure le paiement de contrepartie de salaires au-delà de la cessation d’activité de l’entreprise.

Le délégué du Gouvernement, estimant que le ministre a valablement pu entériner l’avis de la commission spéciale dont la consultation est obligatoire, fait valoir que la décision critiquée serait plus particulièrement justifiée du fait qu’il résulterait du dossier administratif que la somme des salaires à payer s’élevait à 3.664.737.- LUF, et que les arriérés de TVA et de cotisations sociales s’élevaient respectivement à 4.929.178.- LUF et 1.125.031.- LUF. Les retards de paiement ainsi accumulés s’analyseraient à son avis en un moyen irrégulier pour maintenir le crédit par le biais de fonds n’appartenant pas à la société, imputable à Monsieur ZIMER en sa qualité de gérant de la société faillie et non concordants avec les agissements honnêtes de la profession.

Il signale en outre que le rôle du tribunal statuant en tant que juge de l’annulation se limiterait à la vérification de la légalité et de la régularité formelle de l’acte administratif attaqué, l’appréciation des faits échappant au juge de la légalité, qui n’aurait qu’à vérifier l’exactitude matérielle des faits pris en considération par la décision.

Il est constant que la décision déférée est basée sur l’avis négatif de la commission prévisée du 11 décembre 1997, qui se réfère lui-même aux avis précités du procureur général d’Etat et du procureur d’Etat à Luxembourg et dont elle a fait siens non seulement les éléments en droit et en fait, mais également l’argumentation se trouvant à la base d’un refus de reconnaissance de l’honorabilité professionnelle.

Dans la mesure où l’avis de la commission, ensemble ceux du procureur général d’Etat et du procureur d’Etat, précités, indiquent de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels est basé le refus de reconnaître à Monsieur ZIMER l’honorabilité professionnelle en vue de l’exercice du métier de retoucheur de vêtements et de nettoyeur à sec - blanchisseur, la motivation de la décision déférée a été portée à suffisance de droit à la connaissance de l’administré.

Aux termes des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 3 de la loi d’établissement “ l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles ”. Au vœu de l’alinéa final du même article 3 “ l’honorabilité s’apprécie sur base des antécédents judiciaires du postulant et de tous les éléments fournis par l’enquête administrative ”. Ainsi, toutes les circonstances révélées par l’enquête administrative et pouvant avoir une incidence sur la manière de l’exercice de la profession faisant l’objet de la demande d’autorisation, doivent être prises en compte par le ministre pour admettre, sinon récuser l’honorabilité dans le chef du demandeur d’une autorisation.

3 Si le seul fait d’avoir été impliqué dans une faillite n’entraîne pas nécessairement et péremptoirement le défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef du demandeur, toujours est-il que des faits permettant de conclure dans le chef du gérant d’une société à l’existence d’actes personnels portant atteinte à l’honorabilité professionnelle, constituent des indices suffisants pour refuser l’autorisation sollicitée (cf. trib. adm. 5 mars 1997, Pas. adm. 2/99, v° autorisation d’établissement, n° 20, page 37).

En l’espèce, l’autorisation d’établissement est refusée à Monsieur ZIMER au motif qu’il ne possèderait pas l’honorabilité professionnelle requise à la suite de son implication en tant que gérant dans la faillite de la société à responsabilité limitée EXPRESS NETTOYAGE A SEC prononcée par jugement du 20 décembre 1996.

Il se dégage des pièces versées au dossier que dans le cadre de l’instruction administrative de la demande d’autorisation d’établissement litigieuse, le premier substitut du procureur d’Etat a retenu, dans son avis du 14 novembre 1997, que la somme des salaires impayés s’élève à 3.664.737 LUF, somme qu’il qualifie de “ très élevée, même pour une société occupant 26 salariés ” pour en déduire que “ certains salariés n’ont pas perçu leur salaire intégral pendant au moins deux mois ” et pour conclure que “ le gérant aurait dû faire l’aveu au plus tard au moment où la société ne payait plus l’intégralité des salariés ”.

S’il se dégage certes de la lettre adressée en date du 26 novembre 1998 par le curateur de la faillite de la société X., Maître …, “ que les créances salariales dans la faillite correspondent toutes aux indemnités prévues à l’article 30 de la loi du 24 mai 1989, à savoir le mois subséquent et la moitié du préavis ”, et qu’il y est précisé, contrairement aux affirmations précitées du premier substitut, que “ les salaires avaient déjà été payés pour le mois de la faillite (décembre 1996), le jugement déclaratif de la faillite ayant été rendu en date du 20 décembre 1996 ”, il n’en demeure cependant pas moins qu’il se dégage des pièces versées au dossier auxquelles se réfère ledit avis, que la société accusait des dettes élevées envers le centre commun de la sécurité sociale et l’administration de l’enregistrement de l’ordre respectivement de 1.125.031 et 4.929.178 LUF.

S’il est ainsi bien vrai que le gérant d'une société a assuré le règlement des salaires jusqu’à la survenance du jugement déclaratif de faillite, il n’en reste pas moins que, dans la mesure où le passif accumulé de la société dépasse largement l’actif récupéré à travers la vente du fonds de commerce, l’importance des autres dettes accumulées par la société permet à elle seule de conclure dans le chef du gérant qu’il a maintenu le crédit de la société par le biais desdits retards accumulés, plutôt que de faire l’aveu de la faillite à un stade antérieur, fait de nature à porter atteinte à son honorabilité professionnelle.

La finalité de la procédure d’autorisation préalable consistant à assurer la sécurité du commerce et d’éviter l’échec de futures exploitations commerciales, cette conclusion ne saurait être mise en échec ni par le fait établi à travers les pièces versées en cause qu’il n’y avait pas d’arriérés de salaires proprement dits au moment du dépôt du bilan, ni encore par la considération alléguée que l’entreprise n’était économiquement plus viable en raison de son infrastructure vétuste et des dégâts, certes importants, causés par les crues de l’Alzettte.

Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le ministre a dès lors légitimement pu justifier sa décision de refus en se basant sur les implications de Monsieur ZIMER dans la faillite de la société dont il fut le gérant.

4 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 décembre 1999 :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10738
Date de la décision : 22/12/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-12-22;10738 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award