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20/12/1999 | LUXEMBOURG | N°11141

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 décembre 1999, 11141


N° 11141 du rôle Inscrit le 23 février 1999 Audience publique du 20 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … TUTIC contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11141 et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 février 1999 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Ardavan FATHO

LAHZADEH, avocat, inscrit audit tableau, au nom de Monsieur … TUTIC, né le … à … (Sandjak), san...

N° 11141 du rôle Inscrit le 23 février 1999 Audience publique du 20 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … TUTIC contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11141 et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 février 1999 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat, inscrit audit tableau, au nom de Monsieur … TUTIC, né le … à … (Sandjak), sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 23 septembre 1998, notifiée le 2 décembre 1998, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre en date du 20 janvier 1999, notifiée le 23 janvier 1999, suite à un recours gracieux en date du 30 décembre 1998;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 avril 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 23 octobre 1995, Monsieur … TUTIC, né le … à … (Sandjak), sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, introduisit au Luxembourg une demande en reconnaissance du statut particulier réservé aux demandeurs d’asile de l’ex-Yougoslavie.

Cette demande fut refusée par décision du ministre de la Justice en date du 4 janvier 1996.

Suite à un recours gracieux introduit le 29 janvier 1996, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale par décision du 23 février 1996.

Un recours contentieux introduit le 17 mai 1996 à l’encontre des prédites décisions ministérielles des 4 janvier et 23 février 1996 fut rejeté par le comité du contentieux du Conseil d’Etat par arrêt du 20 décembre 1996.

1 Le 16 janvier 1997, Monsieur TUTIC introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur TUTIC fut entendu en date des 16 janvier et 9 octobre 1997 ainsi que du 31 juillet 1998 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Le 2 septembre 1998, la commission consultative pour les réfugiés émit un avis défavorable.

Par décision du 23 septembre 1998, notifiée le 2 décembre 1998, le ministre de la Justice informa Monsieur TUTIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, vous restez en défaut de prouver qu’en tant que musulman, titulaire d’un diplôme établi à Sarajevo, ayant vécu et travaillé à Sarajevo avant de quitter la Bosnie-

Herzégovine, vous avez un motif fondé de craindre des persécutions en raison de votre race, de votre religion, de vos opinions politiques ou de l’appartenance à un groupe social. Aucun motif de persécution qui justifierait une protection au sens de la Convention de Genève ne s’oppose à votre retour à Sarajevo ou ailleurs dans la partie bosniaque de Bosnie [sic] ».

Le 30 décembre 1998, Monsieur TUTIC introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 23 décembre 1998.

A la suite de ce recours gracieux, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure par décision du 20 janvier 1999, notifiée à Monsieur TUTIC en date du 23 janvier 1999.

Par requête déposée en date du 23 février 1999, Monsieur TUTIC a introduit un recours en réformation contre les décisions ministérielles précitées des 23 décembre 1998 et 20 janvier 1999 « pour violation de la loi, pour défaut de motif, pour erreur manifeste d’appréciation des faits et pour violation des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité ».

Le demandeur fait exposer qu’il est de nationalité bosniaque et originaire du Sandjak, qu’il a résidé avec ses parents à Banja Luka en Bosnie-Herzégovine jusqu'à ce que, suite à l’invasion par les Serbes et à la politique de purification ethnique menée par ces derniers à l’encontre des musulmans de Bosnie, il a été obligé de se réfugier à Sarajevo, où il a effectué ses études, qu’il a quitté la ville de Sarajevo au moment où elle a été attaquée et bombardée par les forces serbes et qu’il lui serait impossible de retourner à Banja Luka au motif que, suite aux accords de Dayton, cette ville est passée sous l’administration serbe et que les Serbes l’auraient exproprié de son domicile.

2 A l’appui de son recours, le demandeur soutient encore que le ministre de la Justice « ne saurait dans un premier temps refuser au requérant le statut ad hoc au motif que ce dernier ne viendrait pas de l’ex-Yougoslavie et dans un second temps, lui refuser le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève au motif qu’il viendrait (…) de Bosnie mais que la vie pourrait lui être tolérable dans le secteur sous administration bosniaque ».

Le délégué du gouvernement soutient que le demandeur ne saurait invoquer l’impossibilité de retourner à Banja Luka en raison du fait que les autorités serbes l’auraient exproprié de sa propriété familiale au motif qu’il se dégagerait de ses déclarations qu’il n’aurait habité à Banja Luka que jusqu’en 1992 et que de 1992 à 1995 il aurait habité à Sarajevo. Le délégué ajoute que le demandeur aurait une soeur qui habite au Sandjak et qu’il ne serait nullement établi qu’il lui serait impossible de retourner à Sarajevo ou dans une autre partie bosniaque de la Bosnie-Herzégovine.

Par ailleurs, le recours manquerait de fondement au motif que le demandeur n’aurait avancé aucun motif fondé sur une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève de la part des autorités bosniaques.

Enfin, le représentant étatique rétorque au dernier argument avancé par le demandeur que le statut ad hoc lui aurait été refusé parce qu’il avait omis de rapporter la preuve d’une venue « directe » de la Bosnie et que sa provenance bosniaque et son séjour à Sarajevo avant de quitter la Bosnie ne seraient pas contestés.

Etant donné que l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles déférées.

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par le demandeur. Le recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

3 En l’espèce, l’appréciation des craintes invoquées par Monsieur TUTIC ne saurait se limiter à un examen de sa situation dans la seule ville de Banja Luka, mais il convient de l’apprécier par rapport à l’ensemble du territoire de son pays d’origine, à savoir la Bosnie-

Herzégovine.

Dans ce contexte, l’examen des déclarations faites par Monsieur TUTIC lors de ses auditions des 16 janvier et 9 octobre 1997 ainsi que du 31 juillet 1998, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés dans son recours gracieux, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit de raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 20 décembre 1999, par le premier juge, délégué à cette fin, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s.Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11141
Date de la décision : 20/12/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-12-20;11141 ?

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