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16/12/1999 | LUXEMBOURG | N°10991

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 décembre 1999, 10991


N° 10991 du rôle Inscrit le 24 novembre 1998 Audience publique du 16 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … KASUMI contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10991 et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 1998 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KASUMI, né

le …à …, originaire du Kosovo, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant à ...

N° 10991 du rôle Inscrit le 24 novembre 1998 Audience publique du 16 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … KASUMI contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10991 et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 1998 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KASUMI, né le …à …, originaire du Kosovo, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice en date du 8 octobre 1998, par laquelle ledit ministre n’a pas fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 février 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé le 26 avril 1999 au nom du demandeur;

Vu les notes additionnelles, déposées en cause, suite à la demande du tribunal, respectivement, en nom et pour compte de l’Etat, le 14 octobre 1999 et, au nom du demandeur, le 21 octobre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 12 janvier 1995, Monsieur … KASUMI, né le … à …, originaire du Kosovo, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il ressort d’un rapport en date du 10 avril 1995 dressé par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale qu’en date des 12 janvier et 10 avril 1995, Monsieur KASUMI a été entendu sur les motifs de sa demande d’asile ainsi que sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

1 Les 5 février et 27 mai 1998, Monsieur KASUMI fut encore entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Le 9 septembre 1998, la commission consultative pour les réfugiés émit un avis défavorable.

Par décision du 8 octobre 1998, notifiée le 6 novembre 1998, le ministre de la Justice informa Monsieur KASUMI de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi, une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. (…) ».

Par requête déposée le 24 novembre 1998, Monsieur KASUMI a introduit un recours en réformation contre la décision ministérielle précitée du 8 octobre 1998 pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il est de nationalité yougoslave, originaire du Kosovo et de religion musulmane et qu’il aurait quitté son pays d’origine par crainte d’être enrôlé dans l’armée serbe et de devoir participer à des exactions « condamnées par les Communautés Internationales comme étant contraires aux règles de conduite les plus élémentaires ». Il fait encore soutenir qu’il pourrait raisonnablement craindre, en cas de retour dans son pays, qu’« il serait non seulement sujet à une condamnation pénale militaire sans doute d’une sévérité disproportionnée, mais également à un traitement discriminatoire consistant en de pénibles corvées, des châtiments inhumains et des vexations quotidiennes, voire des tortures, en raison de sa seule appartenance confessionnelle et de son départ irrégulier à l’étranger ».

Le demandeur fait encore soutenir que, dans son pays d’origine, ses droits civils et politiques ne seraient pas respectés, ce qui constituerait également une persécution au titre de la Convention de Genève.

Sur base de ces allégations, il conclut que le ministre de la Justice lui aurait refusé, à tort, la reconnaissance du statut de réfugié politique et que, ce faisant, ledit ministre aurait violé la Convention de Genève ainsi que ses règles d’interprétation, telles que ces dernières auraient été édictées en mars 1987 par le Haut Commissariat aux réfugiés et approuvées par le Conseil européen en application de l’article K.3 du traité de Maastricht.

Selon le délégué du gouvernement, le seul motif de persécution avancé par le demandeur, à savoir les répressions qu’il devrait subir en cas de retour dans son pays d’origine, en raison de son refus de s’enrôler au service de l’armée serbe, ne constituerait pas un motif valable au sens de la Convention de Genève.

2 Par ailleurs, le dossier administratif du demandeur contiendrait certaines contradictions portant sur le voyage qui l’a amené du Kosovo au Luxembourg « de sorte que la crédibilité de son histoire en est entamée ».

Dans sa réplique, le demandeur critique la mise en cause de la crédibilité de son récit au motif que le représentant étatique omettrait de préciser en quoi consisteraient les prétendues contradictions.

Lors de la première audience à laquelle l’affaire avait été fixée pour plaidoiries, le tribunal a encore invité les parties à prendre position par écrit sur la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays d’origine du demandeur ainsi que sur l’éventuelle incidence de ladite situation sur la demande d’asile dont il est question en l’espèce.

En réponse à ladite question, le délégué du gouvernement relève qu’à l’heure actuelle, où les forces onusiennes sont entrées au Kosovo et ce afin de protéger le peuple albanais du Kosovo ainsi que la minorité serbe qui y demeure, il n’existerait plus de pouvoir oppresseur serbe au Kosovo, de sorte que, même si le gouvernement luxembourgeois ne saurait exclure tout danger au Kosovo, « danger engendré par la présence de mines anti-personnelles ou d’actes de vengeance isolés », la situation actuelle au Kosovo serait telle qu’il n’existerait plus de danger au sens de la Convention de Genève.

Le demandeur fait rétorquer que s’il était vrai que la présence des forces onusiennes garantirait une « apparente sécurité », il n’en resterait pas moins que pour les « nombreuses minorités composant la population de la province du Kosovo », cette sécurité ne serait que trompeuse. En ce qui concerne sa situation particulière, il fait état de ce que la simple autonomie du Kosovo, sans qu’on accorde l’indépendance au Kosovo, ne le garantirait pas du risque d’être condamné, en raison de sa désertion des forces militaires, à une peine excessive par une « "juridiction serbe", c’est-à-dire par un tribunal ayant son siège en Serbie », dont il serait connu qu’elle serait « proche du pouvoir central, et à ce titre constitue "le bras vengeur" de ce même pouvoir ».

Etant donné que l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation ayant en outre été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

3 Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Il convient encore de relever que le « Handbook on procedures and criteria for determining refugee status », dont le demandeur demande l’application pour interpréter la Convention de Genève, ne s’est pas vu conférer de force obligatoire par les articles K.1 et K.3 du traité de Maastricht, de sorte que sa violation éventuelle ne saurait être invoquée comme moyen de nullité d’une décision ministérielle de refus de reconnaissance du statut de réfugié (cf. trib. adm. 3 mars 1997, n°9693 du rôle, et 27 février 1997, n°9596 du rôle, Pas. adm. 2/99, V° Etrangers, n°s 11 et 10, et autres références y citées).

En l'espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur KASUMI lors de ses différentes auditions, telles que celles-ci ont été relatées dans les rapports et compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir, à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le recours est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 16 décembre 1999, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10991
Date de la décision : 16/12/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-12-16;10991 ?

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