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09/12/1999 | LUXEMBOURG | N°11145

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 décembre 1999, 11145


N° 11145 du rôle Inscrit le 25 février 1999 Audience publique du 9 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … REISDORF, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 25 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître René FALTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … REISDORF, cultivateur, demeurant à

L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emp...

N° 11145 du rôle Inscrit le 25 février 1999 Audience publique du 9 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … REISDORF, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 25 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître René FALTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … REISDORF, cultivateur, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 8 décembre 1998 refusant l’octroi d’un permis de travail en faveur de Monsieur …, né le…, de nationalité polonaise;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mai 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur au greffe du tribunal administratif le 27 août 1999;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Jean-Luc SCHAUS, en remplacement de Maître René FALTZ, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 18 mars 1998, Monsieur … REISDORF, cultivateur, demeurant à L-… sollicita une autorisation de travail en faveur de Monsieur …, né le…, de nationalité polonaise pour un poste d’ouvrier agricole.

Le 29 avril 1998, Monsieur REISDORF déclara auprès de l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée « l’ADEM », une vacance de poste pour un ouvrier agricole.

Par une déclaration d’engagement datée du 7 juillet 1998, Monsieur REISDORF introduisit auprès de l’ADEM une deuxième demande en obtention d’un permis de travail en faveur de Monsieur ….

1 En outre, par lettre datée du 13 juillet 1998, Monsieur REISDORF sollicita une nouvelle fois l’octroi d’une telle autorisation pour Monsieur ….

Le permis de travail sollicité en faveur de Monsieur … fût refusé par arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le « ministre », en date du 8 décembre 1998 « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes:

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place: 2.146 ouvriers non-

qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi et 4 personnes ont été assignées à l’employeur - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen [E.E.E.] - recrutement à l’étranger non-autorisé - augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’emploi durant les cinq dernières années: 3.526 en 1993, 4.643 en 1994, 5.130 en 1995, 5.680 en 1996 et 6.357 en 1997 ».

Par requête déposée le 25 février 1999, Monsieur REISDORF a introduit un recours en réformation sinon en annulation contre l’arrêté ministériel précité du 8 décembre 1998.

QUANT AU RECOURS EN REFORMATION Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’aucune disposition légale ne prévoit un recours au fond en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2/99, V° Recours en réformation, n° 5, page 267, et autres références y citées).

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction contre une décision de refus d’un permis de travail, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

QUANT AU RECOURS EN ANNULATION Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur soulève en premier lieu l’illégalité du refus ministériel pour défaut ou insuffisance de motivation légale. Dans ce contexte, il soutient que la motivation énoncée dans la décision querellée se réduirait à un simple énoncé de formules générales et abstraites, alors qu’elle devrait préciser concrètement les raisons de fait qui permettent de la justifier.

Le délégué du gouvernement conclut au non fondé de ce moyen d’annulation.

2 Une obligation de motivation expresse exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1.

l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-

d’oeuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.

Dès lors que la motivation expresse d’une décision peut se limiter, conformément à l’article 6 précité, à un énoncé sommaire de son contenu, il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment du refus, quitte à ce que l’administration concernée les complète a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours d’une procédure contentieuse (cf. Cour adm., 13 janvier 1998, Pas. adm.

2/99, V° Travail, II. Permis de travail, n° 23, page 283, et autres références y citées).

En l’espèce, l’arrêté ministériel litigieux du 8 décembre 1998 énonce quatre motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 prévisé, cette motivation étant utilement complétée par le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, de sorte que le demandeur n’a pas su se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il s’agit encore d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision critiquée.

La décision ministérielle de refus déférée est notamment fondée sur le motif tiré du recrutement à l’étranger non autorisé de Monsieur ….

Le délégué du gouvernement expose à cet égard que Monsieur … n’aurait pas été et ne serait toujours pas sous le couvert d’une autorisation de séjour et que, en violation des articles 3 et 4 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux formalités à remplir par les étrangers séjournant au pays, il ne se serait pas déclaré à l’administration communale de son lieu de résidence, à savoir Berdorf. Sur ce, le délégué soutient que Monsieur … serait à considérer comme ayant été recruté à l’étranger par Monsieur REISDORF et que ce dernier aurait dû se faire autoriser préalablement par l’ADEM à procéder à un recrutement de travailleurs à l’étranger, conformément à l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi.

Le demandeur fait répliquer qu’il n’y aurait en l’espèce pas eu de recrutement d’un travailleur à l’étranger au sens de l’article 16 de la loi précitée du 21 février 1976. Il fait valoir que, par lettres des 7 juillet 1998 et 20 octobre 1998, il aurait entrepris des démarches auprès de l’ADEM. Ainsi, la lettre du 7 juillet 1998, vaudrait déclaration d’embauche, c’est-à-dire demande explicite d’un permis de travail pour le compte et au profit de Monsieur … et que « cette demande explicite vaut demande préalable de recrutement auprès de l’ADEM ». Selon 3 le demandeur les prescriptions de l’article 16 de la loi précitée du 21 février 1976 auraient été respectées.

Par ailleurs, le demandeur fait soutenir que, « lors de la demande de permis de travail », le domicile de Monsieur … se situait à …, de sorte que Monsieur … ne saurait être considéré comme un travailleur étranger soumis aux dispositions de l’article 16 de la loi précitée de 1976.

Enfin, le demandeur semble encore faire soutenir que l’ADEM l’aurait dispensé de l’accomplissement des formalités de l’article 16 précité soit encore qu’elle aurait tacitement marqué son accord à un recrutement à l’étranger.

L’article 16 de la loi précitée du 21 février 1976, dans sa teneur applicable au moment de la prise de l’arrêté litigieux, c’est-à-dire avant sa modification par la loi du 12 février 1999 portant diverses mesures en faveur de l’emploi des jeunes, dispose dans ses deux premiers alinéas que « (1) le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’administration de l’emploi. Tout autre recrutement, sauf celui spécifié au paragraphe qui suit, est prohibé sous peine des sanctions prévues à l’article 41 de la présente loi. Cette disposition ne porte pas atteinte à la réglementation concernant la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté Européenne ; (2) L’administration de l’emploi peut, sur demande préalable, autoriser un ou plusieurs employeurs ou une organisation professionnelle d’employeurs, à recruter des travailleurs à l’étranger ».

D’après la jurisprudence de la Cour administrative, l’article 16 (1) précité fixe, en principe, pour l’ADEM le monopole de procéder au recrutement de travailleurs à l’étranger.

Ainsi, pour prospérer dans son intention d'engager un travailleur résidant à l'étranger, l'employeur doit solliciter préalablement auprès de l’ADEM l'autorisation de recruter un travailleur à l'étranger (Cour adm. 13 janvier 1998, Pas. adm. 2/99, V° Travail, n° 28). En d’autres termes, même si ce sont les règlements grand-ducaux des 28 mars 1972 et 12 mai 1972 qui fixent respectivement les conditions d'entrée et de séjour de certaines catégories d'étrangers faisant l'objet de conventions internationales et déterminent les mesures applicables pour l'emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, il n'en reste pas moins que la loi du 21 février 1976 impose dans son article 16 une condition supplémentaire à l'employeur qui veut recruter un travailleur à l'étranger, à savoir solliciter préalablement l'autorisation auprès de l’ADEM, de sorte que le ministre, ayant compétence pour vérifier le respect de toutes les dispositions légales en la matière, peut refuser le permis de travail en cas d’absence d’une telle autorisation (Cour adm. 10 novembre 1998, Pas. adm.

2/99, V° Travail, n° 28).

En l’espèce, d’une part, abstraction faite de la question de savoir si l’ADEM peut dispenser un employeur de l’accomplissement des formalités prévues à l’article 16, pareille dispense ne se dégage pas des éléments du dossier. De même, il ne se dégage d’aucun élément produit en cause que l’administration aurait marqué son accord à un recrutement à l’étranger.

D’autre part, il est constant en cause qu’au moins depuis le 7 juillet 1998, Monsieur …, de nationalité polonaise, réside au Grand-Duché de Luxembourg, sans qu’il ne justifie de l’existence d’un visa ou d’une autre base légalisant son entrée au pays, voire d’une autorisation de séjour en sa faveur.

4 Dans la mesure où l’on ne saurait admettre qu’un travailleur séjournant irrégulièrement au pays puisse tirer avantage de cette situation illégale et se voir considérer comme travailleur disponible sur le marché du travail interne pour ainsi contourner les contraintes administratives supplémentaires découlant de l’article 16 précité, c’est à bon droit que Monsieur … a été qualifié de travailleur demeurant en dehors de l’Espace Economique Européen et qu’à défaut de preuve d’un séjour régulier au pays, le ministre lui a refusé l’octroi du permis de travail sur cette base.

Il suit des considérations qui précèdent que la décision ministérielle litigieuse se trouve légalement justifiée par le motif analysé ci-dessus et que l’examen des autres motifs à la base de la décision ministérielle, de même que les moyens d’annulation y afférents invoqués par le demandeur, devient surabondant.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 9 décembre 1999 par le vice-président, en présence de M. Legille greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11145
Date de la décision : 09/12/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-12-09;11145 ?

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