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06/12/1999 | LUXEMBOURG | N°11213

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 décembre 1999, 11213


N° 11213 du rôle Inscrit le 26 mars 1999 Audience publique du 6 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … OSMANI contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11213 et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mars 1999 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … OSMANI, né le …, s

ans état particulier, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la...

N° 11213 du rôle Inscrit le 26 mars 1999 Audience publique du 6 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … OSMANI contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11213 et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mars 1999 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … OSMANI, né le …, sans état particulier, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 21 septembre 1998, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre en date du 25 février 1999, suite à un recours gracieux en date du 5 novembre 1998;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mai 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé le 1er octobre 1999 au nom du demandeur;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 14 juillet 1997, Monsieur … OSMANI, né le …, de nationalité macédonienne, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il ressort notamment d’un procès-verbal en date du 14 juillet 1997 du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale que « gemäss telefonischer Nachfrage beim BGS Wasserbilligerbrück war OSMANI bereits als Asylbewerber in Deutschland, jedoch ist er seit dem 9. März 1996 nicht mehr bei Ihnen aufhaltsam. Sein letzter Aufenthaltsort in Deutschland war Kaiserslautern ».

1 Le lendemain, 15 juillet 1997, Monsieur OSMANI fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande. Il fit encore l’objet d’une audition complémentaire en date du 4 mars 1998.

Le 14 juillet 1998, la commission consultative pour les réfugiés émit un avis défavorable.

Par décision du 21 septembre 1998, notifiée le 9 octobre 1998, le ministre de la Justice informa Monsieur OSMANI de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi, une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. (…) ».

Par lettre datée du 5 novembre 1998, entrée au ministère de la Justice le lendemain, 6 novembre 1998, Monsieur OSMANI introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 21 septembre 1998.

Par décision du 25 février 1999, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée le 26 mars 1999, Monsieur OSMANI a introduit un recours en réformation contre les décisions ministérielles précitées des 21 septembre 1998 et 25 février 1999.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il est « de nationalité macédonienne, est originaire du Kosovo et de religion musulmane », qu’il aurait travaillé comme policier au service de l’Etat macédonien, qu’il aurait déserté de son poste et quitté son pays d’origine, en raison « d’une crainte légitime d’avoir à subir les répressions violentes et injustes des autorités policières et militaires de Macédonie, et de participer à des exactions auxquelles il refuse de s’associer et condamnées par les Communautés Internationales comme étant contraires aux règles de conduite les plus élémentaires ». Dans ce contexte, il fait préciser qu’au début du mois de mars 1997, la troupe dont il faisait partie aurait dû rejoindre la frontière entre la Macédoine et l’Albanie pour aider les casques bleus à y assurer la paix, qu’à un certain moment les forces albanaises auraient commencé à tirer sur eux et qu’un casque bleu finlandais aurait été blessé, que, lorsque son supérieur hiérarchique lui aurait ordonné de tirer sur les Albanais, il aurait simplement tiré en l’air tout en exhortant les Albanais à se retirer afin d’éviter un massacre et qu'il aurait ensuite aidé à transporter le casque bleu finlandais dans un hélicoptère. Il fait encore soutenir qu’il aurait été condamné à cinq ans de prison du chef de son abandon de poste. Afin de documenter cette condamnation, il verse une copie d'un jugement en date du 9 mai 1997.

2 Il estime que les faits par lui allégués seraient analysés par les autorités de son pays comme l’expression d’une conviction politique « contraire aux intérêts en place ». Ainsi, une persécution ou risque de persécution serait vérifié et le ministre aurait dû l'admettre au statut de réfugié politique sollicité.

Enfin, il fait encore soutenir que cette conclusion serait confortée par des faits qui se seraient produits postérieurement à son départ de son pays d’origine, à savoir que sa mère aurait été frappée par des policiers qui étaient à sa recherche et qu’elle serait décédée des suites de ces coups. Dans ce contexte, le demandeur produit en cause une attestation qui émanerait de son frère, ainsi qu’un certificat de décès.

Le délégué du gouvernement relève que le dossier du demandeur contiendrait certaines incohérences. Ainsi, le demandeur aurait déclaré lors de sa première audition être parti de la ville de Debar le 19 mai 1997 et qu’il serait revenu sur cette version lors de sa deuxième audition, lors de laquelle il aurait indiqué que la date de son départ aurait été le 19 avril 1997, date qui serait également mentionnée dans le jugement de condamnation produit en cause. Or, le passeport du demandeur renseignerait « certains cachets d’entrée et de sortie qui portent tous la date du 24 ou 25 mai 1997 », ce qui, d’après le délégué, irait plutôt dans le sens de la première version.

Le représentant étatique relève encore le fait que le jugement produit en cause porterait deux dates auxquelles « il semble avoir été rendu, l’une le 3 mai 1997 qui était un samedi et l’autre le 9 mai 1997 ».

Par ailleurs, lors de sa première audition, le demandeur aurait menti aux autorités luxembourgeoises en leur cachant qu’il avait séjourné et demandé l’asile en Allemagne dans les années 1995 et 1996.

Il relève encore que le certificat de décès versé par le demandeur ne renseignerait pas sur les circonstances du décès de sa mère et que l’attestation émanant prétendument du frère du demandeur n’aurait que peu de valeur probante au motif qu’elle ne serait pas signée et que l’identité de l’auteur ne serait pas clairement établie.

Sur base de ces considérations, le délégué du gouvernement conclut que le demandeur n’invoquerait pas de façon crédible une crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine en cas de retour.

Le demandeur fait répliquer que, lors de sa première audition, il aurait simplement confondu la date du 19 avril 1997 avec celle du 19 mai 1997, sans avoir une quelconque intention de cacher la vérité. Il estime encore qu’on ne saurait lui reprocher une simple erreur matérielle quant aux dates.

Il admet avoir tenté de cacher qu’il avait été demandeur d’asile en Allemagne en 1995 et 1996, mais que ce « comportement doit cependant lui être excusé et compris en ce sens qu’il s’explique par sa peur de ne pas obtenir asile au Grand-Duché de Luxembourg ». Par ailleurs, ledit mensonge resterait sans pertinence en l’espèce « alors qu’il n’était d’aucune utilité pour le requérant dont la demande reste recevable » car fondée sur des faits qui se seraient déroulés après son retour dans son pays d'origine en 1996-1997.

3 Concernant l’attestation versée en cause, il fait état des difficultés et risques qu’encourrait son frère en l’émettant et il demande au tribunal d’« apprécier l’exigence de la preuve avec une rigueur adaptée à la nature des éléments de la cause, c’est-à-dire avec une certaine "indulgence" ».

Etant donné que l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les deux décisions ministérielles déférées. Le recours en réformation ayant en outre été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l'espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur OSMANI lors de ses deux auditions en date des 15 juillet 1997 et 4 mars 1998, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes-rendus figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés dans son recours gracieux ainsi qu'au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir, à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le recours est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, 4 condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 6 décembre 1999, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11213
Date de la décision : 06/12/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-12-06;11213 ?

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