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06/12/1999 | LUXEMBOURG | N°10924

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 décembre 1999, 10924


N° 10924 du rôle Inscrit le 25 septembre 1998 Audience publique du 6 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … ADEMI contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu le jugement avant dire droit du 20 mai 1999 ayant déclaré irrecevable le recours en annulation après avoir retenu la compétence du tribunal pour connaître du recours en réformation déposé au gref

fe du tribunal administratif le 25 septembre 1998 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, ...

N° 10924 du rôle Inscrit le 25 septembre 1998 Audience publique du 6 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … ADEMI contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu le jugement avant dire droit du 20 mai 1999 ayant déclaré irrecevable le recours en annulation après avoir retenu la compétence du tribunal pour connaître du recours en réformation déposé au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 1998 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ADEMI, sans état particulier, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, déclaré recevable par ailleurs, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l'annulation de deux décisions du ministre de la Justice intervenues respectivement en dates des 27 juillet et 28 août 1998, la première rejetant sa demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié, et la seconde rejetant le recours gracieux exercé contre la première décision, ayant invité, avant tout autre progrès en cause, les parties à prendre position par écrit sur la situation actuelle dans le pays d'origine de Monsieur ADEMI et sur les dangers éventuels qu'il risque d'encourir lors d'un retour au Kosovo et ayant refixé l'affaire pour continuation des débats à l'audience publique du 20 septembre 1999;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 1999;

Vu le mémoire complémentaire déposé au nom du demandeur au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, Maître Philippine RICOTTA PERI, en remplacement de Maître François MOYSE ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 1998, Monsieur … ADEMI, sans état particulier, de nationalité yougoslave et originaire du Kosovo, demeurant actuellement à L-…, a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l'annulation d'une décision du ministre de la Justice du 27 juillet 1998 lui refusant la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ” et d'une décision du 28 août 1998, rendue sur recours gracieux, confirmant la décision initiale.

Par jugement du 20 mai 1999, le tribunal a déclaré le recours en annulation irrecevable, a déclaré le recours en réformation recevable et, avant tout autre progrès en cause, a invité les parties à prendre position par écrit sur la situation actuelle dans le pays d'origine de Monsieur ADEMI et sur les dangers éventuels qu'il risque d'encourir lors d'un retour au Kosovo, en refixant l'affaire pour continuation des débats au 20 septembre 1999. Dans ce même jugement du 20 mai 1999, le tribunal a écarté un premier moyen tiré d'une motivation insuffisante des décisions critiquées et a décidé, quant au fond, qu'en l'état des pièces et éléments figurant au dossier dont disposait le tribunal à l'audience à laquelle l'affaire a été initialement plaidée en date du 29 mars 1999, Monsieur ADEMI n'avait pas fait état de raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte de persécution pour une des raisons énoncées par la Convention de Genève.

Le tribunal a par ailleurs retenu qu'il était obligé de prendre en considération la situation personnelle du demandeur d'asile également au jour où il statue afin d'examiner s'il existe à ce moment-là un risque qu'en cas de retour éventuel dans son pays d'origine le demandeur fasse l'objet de persécutions. C'est dans ce contexte, et au vu de la situation existant au Kosovo à l'époque où le tribunal a statué, et en l'absence d'informations et de prises de position lui soumises de la part des parties, que le tribunal a invité les parties à lui soumettre des mémoires écrits supplémentaires contenant des informations sur la situation actuelle au Kosovo ainsi que sur les dangers éventuels que le demandeur risque d'encourir lors d'un retour dans son pays d'origine.

Dans son mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 1999, le délégué du gouvernement a estimé, d'une manière générale, que la situation au Kosovo serait telle qu'à l'heure actuelle, il n'existerait plus aucun danger au sens de la Convention de Genève, en soulignant notamment qu'il n'y existerait plus de “ pouvoir oppresseur serbe ”, et en insistant encore sur le fait que les forces de l'ONU, actuellement présentes sur le territoire du Kosovo, auraient pour mission de protéger non seulement la minorité serbe mais également le peuple albanais du Kosovo. Le demandeur ne serait partant plus obligé de vivre en cachette comme il l'a indiqué au cours de l'instruction de son dossier par l'administration.

Le représentant étatique conclut en affirmant que s'il est vrai qu'il existe toujours des dangers au Kosovo, “ engendrés notamment par la présence de mines anti-personnelles ou d'actes de vengeances isolés ”, il n'existerait toutefois plus aucun danger au sens de la Convention de Genève.

Dans son mémoire supplémentaire, le demandeur reproche au délégué du gouvernement de ne faire état que de la situation générale au Kosovo sans prendre en considération sa situation particulière.

2 Il fait plus particulièrement valoir que la situation au Kosovo serait “ toujours instable, incertaine ” et que cette instabilité se manifesterait par des actes de vengeances et des règlements de compte. Il estime qu'il remplirait les conditions prévues par la Convention de Genève en vue d'obtenir la reconnaissance du statut de réfugié politique, en se fondant sur sa nationalité ainsi que sur son appartenance au parti politique “ UNICOMB ” et des fonctions actives exercées au sein de ce parti, dans la mesure où il constituerait “ incontestablement une cible parfaite pour les Serbes dans le climat ambiant des règlements de compte ”.

Il y a lieu de rappeler qu'aux termes de l'article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “ réfugié ” s'applique à toute personne qui “ craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d'asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu'elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l'évaluation de la situation personnelle du demandeur, l'examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Dans son jugement du 20 mai 1999, le tribunal a retenu que les motifs tirés de la situation particulière du demandeur, tels qu’ils ont été présentés à ce moment, ne permettaient pas de conclure à un risque de persécution ou à une persécution au sens de la Convention de Genève, compte tenu de la situation générale ayant existé au Kosovo avant l’intervention militaire des troupes de l’OTAN.

L'examen des précisions apportées par le demandeur dans le cadre de son mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 1999, et portant sur sa situation particulière par rapport à la situation générale existant actuellement au Kosovo, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d'établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

3 vidant le jugement avant dire droit du 20 mai 1999;

au fond déclare le recours en réformation non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l'audience publique du 6 décembre 1999 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10924
Date de la décision : 06/12/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-12-06;10924 ?

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