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02/12/1999 | LUXEMBOURG | N°11421

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 décembre 1999, 11421


N° 11421 du rôle Inscrit le 28 juillet 1999 Audience publique du 2 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … DEMUKAJ contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11421 et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 1999 par Maître Johan BAKEROOT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Gülcan DOYDUK

, avocat inscrit au prédit tableau, au nom de Monsieur … DEMUKAJ, demeurant à L-…, tendant à l...

N° 11421 du rôle Inscrit le 28 juillet 1999 Audience publique du 2 décembre 1999

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Recours formé par Monsieur … DEMUKAJ contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11421 et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 1999 par Maître Johan BAKEROOT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Gülcan DOYDUK, avocat inscrit au prédit tableau, au nom de Monsieur … DEMUKAJ, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 27 janvier 1999, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, et d’une décision implicite de rejet résultant du silence du prédit ministre suite au recours gracieux introduit en date du 6 avril 1999;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 août 1999;

Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en réponse, déposé par le demandeur le 8 octobre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Gülcan DOYDUK et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 11 mai 1998, Monsieur … DEMUKAJ, né le … à …(Kosovo), demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le 19 juin 1998 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 14 décembre 1998, le ministre de la Justice informa Monsieur DEMUKAJ, par lettre du 27 janvier 1999, notifiée le 9 mars 1999, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants: « Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre 1 demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi, une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie (…) ».

Le mandataire de Monsieur DEMUKAJ introduisit un recours gracieux en date du 6 avril 1999 à l’encontre de la décision précitée, recours qui resta cependant sans réponse de la part du ministre de la Justice.

Par requête déposée en date du 28 juillet 1999, Monsieur DEMUKAJ a introduit un recours en réformation sinon en annulation contre la décision ministérielle précitée du 27 janvier 1999 ainsi que contre le silence du ministre de la Justice suite au recours gracieux introduit en date du 6 avril 1999.

L’article 13 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile prévoit un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées infondées, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Il s’ensuit que le recours en annulation, introduit à titre subsidiaire, est à déclarer irrecevable.

Le recours en réformation ayant été formé dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique est basée notamment sur le fait qu’il est musulman, ressortissant du Kosovo où il était persécuté par les autorités serbes. Comme tous les Kosovars, il aurait soutenu activement les mouvements et partis politiques qui lutteraient pour la séparation du Kosovo de la Yougoslavie. Il soutient par ailleurs avoir déserté de l’armée serbe en 1995 et que lors du retour dans son pays, il risquerait d’être exposé à des sanctions pénales. Il affirme que même si à l’heure actuelle, la guerre au Kosovo est terminée, néanmoins sa situation devrait être examinée par rapport aux circonstances de temps et lieu qui l’ont poussées à se réfugier au Luxembourg. Il estime encore que « pour le moment personne n’est capable de savoir quelle est la situation réelle au Kosovo, de sorte que l’on ne saurait déduire de la fin de la guerre [qu’il] n’a plus à craindre pour sa vie ». Il conteste encore le raisonnement mené, à son avis, par les autorités compétentes qui consisterait à rejeter toute demande d’asile, si les demandeurs d’asile ne réussissent pas à prouver le fait qu’ils sont persécutés. Il estime que « cette règle de preuve ne peut pas trouver application alors qu’il s’agit d’un sujet aussi grave que la vie d’un être humain. Que dès lors une personne pourrait être renvoyée dans son pays et tuée si elle n’arrive pas à prouver par A+B que sa vie est en danger ».

Le délégué du gouvernement rétorque qu’il incomberait au tribunal d’examiner la situation du demandeur à la « lumière de la situation actuelle existant dans le pays d’origine du demandeur d’asile ».

Concernant la situation personnelle du demandeur, il estime que les développements contenus dans le recours introductif d’instance, à savoir notamment que le demandeur 2 soutiendrait activement des mouvements et partis politiques qui lutteraient pour l’indépendance du Kosovo, ne correspondraient pas aux déclarations que le demandeur avait fait lors de son audition du 19 juin 1998. En effet, lors de son audition, le demandeur a indiqué qu’il n’avait pas participé à des activités politiques et qu’il n’avait pas effectué son service militaire, même s’il y avait été convoqué en 1995. Le délégué du gouvernement estime donc que le demandeur ne saurait être qualifié de déserteur et qu’il ne risquerait pas d’être condamné de ce chef en cas de retour dans son pays. Il ajoute à titre subsidiaire que, même si le récit relatif à sa désertion serait authentique, il serait de jurisprudence constante que la désertion ne constituerait pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié politique. Comme le demandeur ne ferait état d’aucune autre crainte de persécution, ce serait à bon droit que le ministre de la Justice a décidé que la demande n’est pas fondée.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur le fait qu’au cas où des activités, même dépourvues de mobile politique, seraient considérées par les autorités du pays comme une manifestation d’opposition politique susceptible d’entraîner des persécutions, elles pourraient, le cas échéant, donner droit à la reconnaissance de la qualité de réfugié. Il soutient que tel serait bien le cas en l’espèce.

Il relève encore qu’aucune disposition légale n’exigerait du demandeur d’asile de prouver les faits allégués à l’appui de sa demande et qu’il suffirait qu’il présente un récit crédible et cohérent, ce qui serait également le cas en l’espèce.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

L’examen des déclarations faites par Monsieur DEMUKAJ lors de son audition du 19 juin 1998, telle que celle-ci a été relatée dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments et précisions apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit de raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

3 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 2 décembre 1999, par le premier juge, délégué à cette fin, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11421
Date de la décision : 02/12/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-12-02;11421 ?

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