Numéro 11298 du rôle Inscrit le 26 mai 1999 Audience publique du 1er décembre 1999 Recours formé par Monsieur … PICARD, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11298 du rôle, déposée le 26 mai 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PICARD, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes ayant rejeté comme non fondée sa réclamation du 31 mars 1998 contre le bulletin de l'impôt sur le revenu pour l’année 1996 émis le 2 janvier 1998;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 septembre 1999;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Alain STEICHEN, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.
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Après avoir travaillé durant sept ans comme adjoint au directeur des ressources humaines auprès de la société CLT, Monsieur … PICARD, demeurant à L-…, est passé au cours de l’année 1993 auprès de la société X. pour y revêtir la fonction de responsable des ressources humaines.
Monsieur PICARD s’est inscrit au 3e cycle universitaire en management d’entreprise DESS-CAAE (diplôme d’études supérieures spécialisées – certificat d’aptitude à l’administration des entreprises) offert à Luxembourg par l’Institut d’Administration des Entreprises de Nancy, la Chambre des Employés Privés luxembourgeoise et l’Université Nancy 2. Alors que ces cours duraient d’octobre 1996 à juillet 1998, Monsieur PICARD a réglé par avance l’ensemble des frais de scolarité et d’inscription afférents s’élevant à un total de … LUF en juillet et septembre 1996.
Par bulletin de l'impôt sur le revenu pour l’année 1996 du 2 janvier 1998, le bureau d'imposition Luxembourg 9 a qualifié ces impenses de frais de formation pour rejeter leur déduction en tant que frais d’obtention dans le cadre des revenus d’une occupation salariée, telle que celle-ci avait été opérée par Monsieur PICARD dans sa déclaration d’impôt afférente.
Suivant courrier recommandé du 29 mars 1998 à l’adresse du directeur de l’administration des Contributions directes, Monsieur PICARD a réclamé contre le dit bulletin d’impôt du 2 janvier 1998 en soutenant que les dépenses en relation avec la formation DESS-
CAAE à laquelle il participait devraient être qualifiées de frais de perfectionnement déductibles.
Cette réclamation a été rencontrée par une décision du directeur du 26 février 1999 la rejetant comme non fondée et confirmant la qualification des dépenses en cause comme frais de formation non déductibles.
Par requête déposée le 26 mai 1999, Monsieur PICARD a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de cette décision directoriale du 26 février 1999.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée Abgabenordnung (AO), et de l’article 8 (3) 1. de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant tranché sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt sur le revenu. Le recours en réformation est dès lors recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Quant au fond, Monsieur PICARD expose, par référence aux textes légaux, ainsi qu’aux jurisprudence et doctrine afférentes, que les frais de formation professionnelle seraient les dépenses engagées pour la préparation à l’exercice d’une profession et engloberaient tous les frais engagés jusqu’à l’entrée dans la vie professionnelle, ainsi que les frais de formation engagés en vue d’un changement de profession. Les frais de perfectionnement professionnel serviraient par contre à améliorer les connaissances du contribuable dans la branche professionnelle dont relève son activité. Le demandeur estime que ce serait ainsi à tort que le directeur a exclu les dépenses par lui invoquées de la catégorie des frais de perfectionnement au seul motif qu’il n’a pas suivi de formation professionnelle initiale dans le domaine de la gestion d’entreprise. La distinction ainsi opérée entre contribuables disposant d’une formation universitaire pour leur profession et les contribuables ayant acquis ces connaissances de manière autodidacte ne reposerait sur aucun fondement légal et heurterait le principe que les frais d’études sont déductibles s’ils sont en relation avec une profession déjà exercée sans considération du niveau d’études antérieur du contribuable.
Il fait encore valoir que si la formation DESS-CAAE est certes ouverte en premier lieu à des titulaires d’un diplôme de niveau bac+4, elle serait également accessible aux cadres dont l’expérience professionnelle a été assimilée à la détention de ce même diplôme. Cette formation supposerait ainsi une connaissance de base que les cours dispensés dans son cadre permettraient d’étoffer.
2 Monsieur PICARD estime que les enseignements par lui suivis traitent de matières étroitement liées à son domaine d’activité et lui ont permis de perfectionner et d’actualiser ses connaissances nécessaires à l’exercice de sa fonction. L’utilité de la formation litigieuse aurait par ailleurs été reconnue par son employeur qui l’a promu au poste de directeur des ressources humaines avec effet au 1er janvier 1997.
Le délégué du Gouvernement renvoie à la décision directoriale qui, après avoir rappelé que les dépenses d’un premier cycle d’études supérieures constituent en principe des frais de formation professionnelle, retient que la notion même de perfectionnement professionnel implique que les études entreprises le soient dans l’objectif de compléter et d’approfondir des connaissances acquises dans le cadre d’une formation initiale et que l’on ne saurait dès lors parfaire des connaissances qui font défaut ab initio. Etant donné que Monsieur PICARD n’est pas détenteur d’un diplôme de l’enseignement supérieur, la formation DESS-CAAE par lui suivie devrait tenir lieu dans son cas de formation professionnelle pour lui avoir conféré des connaissances nouvelles dans le domaine de la gestion d’entreprise, même si elle constitue par elle-même une formation de 3e cycle.
Aux termes de l’article 12 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 sur l'impôt sur le revenu (LIR), « sans préjudice des dispositions relatives aux dépenses spéciales, ne sont déductibles ni dans les différentes catégories de revenus nets ni du total des revenus nets les dépenses ci-après énumérées:
1. les dépenses effectuées dans l’intérêt du ménage du contribuable et pour l’entretien des membres de sa famille. Rentrent également parmi ces dépenses les dépenses de train de vie occasionnées par la position économique ou sociale du contribuable, même lorsqu’elles sont faites en vue de profiter ou sont susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité;
(…) ».
L’article 105 LIR dispose que « sont considérées comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes » et le point 4 dudit article précise que « les frais d’obtention sont déductibles dans la catégorie de revenus à laquelle ils se rapportent ».
Les frais de formation professionnelle (« Ausbildungskosten ») englobent toutes les dépenses faites en vue d’acquérir les connaissances requises pour l’exercice futur d’une profession ou le changement de profession et rentrent dans le cadre des dépenses mixtes au sens de l’article 12. 1 LIR et ne sont dès lors pas déductibles.
Ils se distinguent des frais de perfectionnement professionnel (« Fortbildungskosten ») qui comprennent les dépenses faites par le contribuable pour actualiser ses connaissances professionnelles, mieux répondre aux exigences de sa profession par une qualification améliorée ou faciliter son avancement dans sa profession, sans que les modifications dans sa situation professionnelle qui s’ensuivent n’impliquent un changement fondamental concernant la profession exercée. Au vu du lien causal direct entre les frais ainsi engagés et l’activité du contribuable, les frais de perfectionnement professionnel rentrent dans le champ des frais d’obtention au sens de l’article 105 LIR.
Cette notion de perfectionnement professionnel ne doit pas être interprétée avec une rigueur excessive, les efforts des salariés en vue de l’amélioration de leurs connaissances et performances professionnelles correspondant à l’intérêt bien compris de l’économie nationale 3 et partant de la société en général (cf. Herrmann, Heuer, Raupach, EStG-Kommentar, § 9, Anm. 270 et références de jurisprudence y citées).
En l’espèce, il est constant que Monsieur PICARD ne détient pas de diplôme universitaire dans le domaine de la gestion des ressources humaines, mais qu’il dispose d’une expérience professionnelle afférente sur une période de quelque 22 années.
La formation DESS-CAAE est qualifiée dans la brochure descriptive versée en cause de diplôme universitaire de 3e cycle présupposant en principe l’existence d’une formation universitaire préalable de quatre années. D’un autre côté, la même brochure précise que ladite formation « est un diplôme orienté davantage vers l’amélioration de connaissances utiles dans le monde professionnel » et que « l’expérience professionnelle est considérée comme réelle valeur ajoutée et est assimilée, sous certaines conditions, à la réussite des deux premiers cycles universitaires ». Le programme porte sur 395 heures d’enseignements et s’étend à un large éventail de domaines utiles à la direction d’une entreprise.
Il ressort encore des éléments de l’espèce que Monsieur PICARD s’est vu reconnaître son expérience professionnelle équivalente à la réussite des deux premiers cycles universitaires par la commission d’équivalence de l’Institut d’Administration des Entreprises de Nancy suite à des épreuves de sélection et de motivation en vue de l’admission à la formation DESS-CAAE.
C’est à juste titre que le directeur a retenu dans sa décision déférée que les dépenses en relation avec des études supérieures sont à considérer, par principe, comme des frais de formation professionnelle dès lors qu’il s’agit d’un premier cycle d’études supérieures (« Erststudium ») et que la notion même de perfectionnement professionnel implique que les études soient entreprises dans l’objectif de compléter et d’approfondir des connaissances antérieurement acquises. Le principe ainsi retenu ne saurait cependant signifier que la formation professionnelle supérieure initiale doit nécessairement prendre la forme d’un cycle d’études et que la notion de perfectionnement professionnel ne se conçoit que dans le but d’approfondir les connaissances acquises dans le cadre de ce premier cycle d’études. Dès lors en effet que des autorités universitaires compétentes ont reconnu une expérience professionnelle de longue durée et d’une qualité certaine comme équivalente à l’accomplissement d’études universitaires menant à un diplôme de niveau bac+4 pour admettre un candidat à des études de 3e cycle, cette assimilation doit également valoir dans le cadre de la qualification fiscale des dépenses encourues aux fins de la formation de 3e cycle en cause. Il échet dès lors de vérifier si la formation DESS-CAAE suivie par Monsieur PICARD rentre pour son cas particulier dans la notion de frais de perfectionnement professionnel.
Au moment de son inscription à cette formation, Monsieur PICARD était responsable des ressources humaines auprès de la société X.. On ne saurait objectivement dénier qu’un cadre d’une entreprise est mieux qualifié pour occuper le poste de responsable général des ressources humaines s’il dispose, en sus des connaissances spécifiques dans le domaine des ressources humaines, d’un savoir général concernant la gestion globale d’une entreprise afin de mieux asseoir ses décisions d’affectation et de gestion du personnel, de manière qu’il améliore ses chances d’avancement en ce sens par l’accomplissement d’une formation afférente (cf. par analogie BFH 19 avril 1996, VI R 24/95, BStBl. 1996, II, 452 ; 19 juin 1997, IV R 4/97, BStBl. 1998, II, 239). La formation DESS-CAAE en cause, tout en étant qualifiée de 3e cycle universitaire, confère un tel savoir général, de manière à compléter et diversifier les connaissances préexistantes de Monsieur PICARD sans lui conférer une formation 4 autonome nouvelle. Au vu de ses caractéristiques, la formation précitée ne peut non plus être considérée comme étant destinée à permettre un changement de profession à Monsieur PICARD qui reste dépourvu d’une formation universitaire de base. Il ressort également des éléments du dossier que l’intention de celui-ci était de mettre à profit les connaissances acquises à travers la formation de 3e cycle en question afin d’augmenter sa qualification et d’obtenir un avancement dans sa carrière.
Au vu de la situation spécifique de Monsieur PICARD au regard notamment de sa formation antérieure et de sa position professionnelle ainsi que des modalités d’accès à la formation DESS-CAAE en cause, ensemble le contenu du programme y enseigné, il y a par voie de conséquence lieu de qualifier celle-ci de perfectionnement professionnel dans le chef du demandeur.
Il résulte des développements qui précèdent que la décision directoriale déférée du 26 février 1999 encourt la réformation en ce sens que les frais de scolarité et d’inscription à la formation DESS-CAAE d’un total de 154.956 LUF, tels que payés par Monsieur PICARD au cours de l’année 1996, constituent des frais de perfectionnement professionnel déductibles en tant que frais d’obtention dans le cadre des revenus d’une occupation salariée.
PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en réformation recevable, le dit également fondé, partant, par réformation de la décision directoriale déférée du 26 février 1999, dit que les frais de scolarité et d’inscription à la formation DESS-CAAE d’un total de 154.956 LUF déboursés par Monsieur PICARD constituent des frais de perfectionnement professionnel déductibles en tant que frais d’obtention dans le cadre des revenus d’une occupation salariée au titre de l’année d’imposition 1996, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes, condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 1er décembre 1999 par M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.
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