Numéro 11159 du rôle Inscrit le 2 mars 1999 Audience publique du 1er décembre 1999 Recours formé par Madame … KLEINBAUER contre deux décisions du comité-directeur du centre commun de la sécurité sociale en matière de licenciement
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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11159 et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 mars 1999 par Maître Patrick GRAFFE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KLEINBAUER, demeurant à L-
…, tendant à la réformation, et subsidiairement à l’annulation 1.) d’une décision du comité-
directeur du centre commun de la sécurité sociale du 24 novembre 1998 portant résiliation de son contrat d’engagement avec effet au 15 juin 1999 et 2.) d’une « lettre de licenciement du 30 novembre 1998 du Président du comité-directeur du centre commun de la sécurité sociale »;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 9 mars 1999 portant signification dudit recours au centre commun de la sécurité sociale;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 8 avril 1999 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte du centre commun de la sécurité sociale;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 9 avril 1999, portant signification de ce mémoire à Madame KLEINBAUER;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 septembre 1999 par Maître Patrick GRAFFE au nom de Madame KLEINBAUER;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, préqualifiée, du 19 août 1999 portant signification de ce mémoire au centre commun de la sécurité sociale;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 septembre 1999 par Maître Patrick KINSCH au nom du centre commun de la sécurité sociale;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Patrick KINSCH et Patrick GRAFFE en leurs plaidoiries respectives.
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Par contrat à durée déterminée de « mise au travail temporaire » du 13 novembre 1978, Madame … KLEINBAUER, demeurant actuellement à L-…, fut engagée par l’Office des assurances sociales en tant qu’auxiliaire temporaire pour la période du 13 novembre 1978 au 9 novembre 1979. Deux nouveaux contrats à durée déterminée furent conclus respectivement pour la période du 10 novembre 1979 au 31 décembre 1980 et pour la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1981. En date du 1er octobre 1982, Madame KLEINBAUER fut engagée par l’Office des assurances sociales en qualité d’employée assimilée à une employée de l’Etat. La relation de travail entre ces mêmes parties s’est transformée en un contrat de travail à durée indéterminée à partir du 1er février 1983 moyennant contrat d’emploi du 31 janvier 1983. Le 2 juillet 1990 fut signé un contrat à durée indéterminée avec le centre commun de la sécurité sociale. Depuis cette époque et jusqu’au 1er juin 1997, Madame KLEINBAUER était affectée au service de l’affiliation des non-salariés et volontaires du centre commun de la sécurité sociale. A partir du 1er juin 1997, elle avait changé d’affectation pour rejoindre le personnel des archives de la section affiliation.
Par lettre du 3 novembre 1998, le centre commun de la sécurité sociale informa Madame KLEINBAUER de ce qui suit: « Le Centre commun se propose de vous licencier par application de l’article 7 paragraphe 3 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat. Cette disposition prévoit que le contrat de travail peut être résilié en cas d’absence prolongée ou d’absences répétées pour raison de santé de l’employé qui ne bénéficie pas encore du régime de pension des fonctionnaires de l’Etat.
Comme l’énumération ci-dessous le montre, vous avez bénéficié de nombreux congés de maladie depuis votre engagement en qualité d’employée non statutaire en 1982: (…) Depuis le 4 août 1997, vous avez produit 27 certificats médicaux affirmant que vous êtes incapable de travailler de façon ininterrompue à partir de cette date. Cette absence prolongée a perturbé le fonctionnement du service auquel vous avez été affectée en juin 1997.
Par ailleurs, il y a lieu de signaler que de nombreux certificats émis par vos différents médecins traitants pendant la période de juillet 1990 à janvier 1993 certifient une importante réduction de votre capacité de travail.
Or, tous les certificats médicaux que vous avez produits semblent être contredits par le contrôle médical de la sécurité sociale qui lors de l’examen médical du 18 juin 1998 arrive à la conclusion qu’il n’existe pas d’invalidité dans votre chef.
Conformément à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, il vous est loisible de présenter vos observations écrites contre cette proposition de licenciement endéans un délai de huit jours ou de demander dans le même délai à être entendue en personne ».
Lors de sa réunion du 24 novembre 1998, le comité-directeur du centre commun de la sécurité sociale décida de licencier Madame KLEINBAUER. Cette décision de licenciement 2 fut portée à sa connaissance par une lettre du président du comité-directeur du 30 novembre 1998 libellée comme suit: « Par lettre recommandée du 3 novembre 1998 vous avez été informée que le centre commun se propose de vous licencier. Vous n’avez pas fait usage de la faculté de présenter vos observations écrites dans la huitaine ou d’être entendue en personne dans le même délai.
Lors de sa séance du 24 novembre 1998, le comité-directeur du centre commun a décidé de vous licencier avec effet au 15 juin 1999, en invoquant la perturbation du fonctionnement du service auquel vous avez été affectée en juin 1997 résultant, d’une part, de votre absence ininterrompue pour cause de maladie depuis le 4 août 1997 et, d’autre part, de votre inaptitude certifiée de juillet 1990 à janvier 1993 par vos différents médecins traitants d’exécuter à temps complet des tâches pouvant être confiées à une employée non statutaire de la carrière A. Pendant la durée du préavis, vous êtes dispensée de l’exécution de tout travail.
Cette décision a été prise sur base des articles 20 et suivants de la loi du 4 mai 1989 sur le contrat de travail ainsi que de l’article 7, paragraphe 3 de la loi du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, sur avis favorable du ministre de la fonction publique en date du 4 septembre 1998, la caisse des employés privés ayant constaté le 17 juillet 1998 que vous n’avez pas droit à la pension d’invalidité sur le vu des conclusions du contrôle médical de la sécurité sociale du 18 juin 1998 ».
A l’encontre de la décision du comité-directeur du centre commun de la sécurité sociale du 24 novembre 1998 et de la lettre de licenciement du 30 novembre 1998, Madame KLEINBAUER a fait déposer le 2 mars 1999 un recours en réformation, sinon en annulation.
Quant à la recevabilité L’article 11 alinéa 1er de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, applicable aux employés du centre commun de la sécurité sociale en vertu de l’article 325 du code des assurances sociales et de l’article 1er C.) du règlement grand-ducal du 27 juin 1990 concernant le statut du personnel du centre commun de la sécurité sociale, instaurant un recours de pleine juridiction notamment en matière de contestations résultant du contrat d’emploi d’un tel employé, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours en réformation introduit à titre principal. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.
Le centre commun de la sécurité sociale soulève d’abord l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté en ce que la décision de résiliation du contrat d’emploi a été notifiée à Madame KLEINBAUER en date du 1er décembre 1998, mais que le recours a été déposé seulement le 2 mars 1999, donc en dehors du délai légal de trois mois.
Madame KLEINBAUER conteste « la légalité et la régularité des voies de recours telles qu’indiquées dans la lettre du 30 novembre 1998 ». Elle estime plus précisément que la décision litigieuse n’indiquerait pas les informations quant à la forme de l’introduction du recours, notamment en ce qu’il devrait être introduit par le biais d’un avocat à la Cour. Elle relève encore que les motifs de licenciement invoqués par l’employeur ne correspondraient pas au caractère de précision requis par le législateur. Elle conclut partant que le « délai de forclusion de trois mois n’a pas commencé à courir à [son] encontre (…) ».
3 Il ressort des pièces versées en cause, et notamment d’une copie du courrier recommandé du centre commun de la sécurité sociale du 30 novembre 1998 et d’un accusé de réception remis à la poste, que le courrier précité a été remis aux mains de Madame KLEINBAUER en date du 1er décembre 1998, de sorte qu’elle a reçu notification de la lettre de licenciement à cette date.
Etant donné que l’article 11 alinéa 2 de la loi précitée du 27 janvier 1972, applicable aux employés du centre commun de la sécurité sociale comme indiqué ci-dessus, fixe le délai de recours à trois mois à partir de la notification de la décision, le délai de recours a commencé à courir en l’espèce le 1er décembre 1998 pour expirer le 1er mars 1999 à minuit. Comme le recours n’a été déposé qu’en date du 2 mars 1999, il a, en principe, été introduit en dehors du délai légal.
Cependant aux termes de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes « les décisions refusant de faire droit, en tout ou partie, aux requêtes des parties ou révoquant ou modifiant d’office une décision ayant créé ou reconnu des droits doivent indiquer les voies de recours ouvertes contre elles, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l’autorité à laquelle il doit être adressé ainsi que la manière dans laquelle il doit être présenté ».
L’instruction sur les voies de recours doit partant contenir toutes les informations nécessaires pour permettre à une personne non professionnelle en la matière de savoir comment procéder pour introduire valablement un recours contre la décision en question.
L’instruction sur les voies de recours figurant sur la décision déférée du 30 novembre 1998 est libellée comme suit: “ Un recours contre la présente décision peut être introduit auprès du tribunal administratif dans le délai de trois mois à partir de la notification ».
La demanderesse reproche à cette instruction d’être incomplète dans la mesure où elle ne précise pas quelles sont les personnes habilitées à la représenter devant le tribunal administratif.
La nécessité de préciser au niveau de l’instruction sur les voies de recours quelles sont les personnes habilitées à représenter la partie concernée ou intéressée devant l’instance de recours, est fonction d’une distinction fondamentale tenant à la possibilité accordée, en certaines matières, aux personnes concernées d’introduire elles-mêmes le recours qui leur est ouvert. Lorsqu’elles sont en effet obligées, à l’instar de la demanderesse dans la présente espèce de, par la loi, recourir aux services d’un avocat à la Cour pour se faire représenter dans l’instance de recours, sous peine d’irrecevabilité, il est indispensable pour l’instruction sur les voies de recours de contenir des informations précises au sujet des personnes habilitées à assurer cette représentation. A défaut de contenir cette information dans le présent cas, le délai imparti pour agir en justice n’a pas commencé à courir, de sorte que le recours est recevable sous ce rapport.
Le centre commun de la sécurité sociale soulève en deuxième lieu l’irrecevabilité du recours dans la mesure où il est dirigé contre la « lettre de licenciement du 30 novembre 1998 ». En effet, il estime que cette lettre ne fait que porter à la connaissance de Madame KLEINBAUER la décision de licenciement antérieurement adoptée par le comité-directeur, de sorte que la prédite lettre ne serait pas constitutive d’une décision proprement dite de nature à faire grief.
4 Madame KLEINBAUER n’a pas pris position quant à ce moyen.
L'acte émanant d'une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l'intention de l'autorité qui l'émet, une véritable décision, à qualifier d'acte de nature à faire grief, c'est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l'acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n'est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l'objet d'un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief (trib. adm. 18 mars 1998 n° 10286 du rôle, Biever).
Le tribunal constate que la décision de licenciement a été portée à la connaissance de la demanderesse par la lettre du 30 novembre 1998 précitée. Il ne ressort par ailleurs pas des éléments du dossier ni des renseignements fournis par les parties à l’instance que la demanderesse ait obtenu communication de la décision de licenciement proprement dite prise au sein du comité-directeur lors de sa réunion en date du 24 novembre 1998. La décision de licenciement se matérialise dès lors par l’envoi de la lettre précitée du 30 novembre 1998, faisant expressément référence à la décision de licenciement prise par le comité-directeur en date du 24 novembre 1998, de sorte qu’elle était, dans l’intention de l’autorité l’ayant émis, constitutive d’une décision susceptible de produire par elle-même des effets juridiques.
Par ailleurs, de par sa teneur même, la lettre du 30 novembre 1998 constitue une décision administrative de nature à faire grief dans la mesure où elle porte à la connaissance de la demanderesse, le fait qu’elle a été licenciée, que pendant la durée de son préavis, elle est dispensée de l’exécution de son travail et qu’elle précise par ailleurs, de façon sommaire, les motifs à la base du licenciement. La prédite lettre indique enfin les voies de recours, certes incomplètes, à exercer contre la « présente décision », de sorte que, ainsi qualifiée par l’autorité l’ayant émise, et en tenant compte de son intention, la lettre susvisée est à considérer comme une véritable décision.
Le recours est donc recevable dans la mesure où il a été dirigé contre la décision du 30 novembre 1998, qui englobe, par référence expresse, celle prise en date du 24 novembre 1998.
Il s’ensuit que le recours principal en réformation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes de la loi.
Quant au fond Les moyens avancés par les parties ayant trait essentiellement à trois questions, il y a lieu de les considérer successivement.
Quant à la loi applicable Madame KLEINBAUER soutient dans sa requête introductive d’instance que la loi précitée du 27 janvier 1972 ne trouverait pas application dans le présent litige.
A cet égard, force est de constater que l’article 325 du code des assurances sociales précise que les employés non-statutaires du centre commun de la sécurité sociale sont assimilés aux employés de l’Etat et que l’article 1. C.) du règlement grand-ducal précité du 27 juin 1990 précise encore que « pour autant qu’il n’est pas autrement disposé par le présent règlement, 5 sont applicables [aux employés non-statutaires] les lois et règlements fixant le régime et les indemnités des employés de l’Etat ».
Le régime des employés de l’Etat est un régime propre s’inspirant à la fois du régime légal des employés privés et de celui des fonctionnaires de l’Etat en ce sens que l’engagement est régi par contrat entre l’Etat et les intéressés, mais que ces derniers bénéficient sous des conditions nettement déterminées de certains attributs réservés, en principe, aux fonctionnaires de l’Etat (voir avis du Conseil d’Etat et rapport de la commission de la Fonction publique de la Chambre des Députés, doc. parl. n° 1516, page 2).
La relation entre le centre commun de la sécurité sociale et la demanderesse est ainsi fondée sur un contrat et la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail régit, sur base du renvoi direct opéré par l’article 4 de la loi prévisée du 27 janvier 1972, la forme et les modalités de l’engagement.
Les articles 5, 6 et 7.3.) de la loi précitée du 27 janvier 1972, relatifs à la résiliation du contrat d’emploi, ne comportent par contre pas de renvoi aux dispositions afférentes de la loi précitée du 24 mai 1989, de sorte que la décision prise par le centre commun de la sécurité sociale de résilier le contrat d’emploi doit être qualifiée de décision administrative soumise d’abord au régime spécifique de la loi modifiée du 27 janvier 1972 susvisée et ensuite aux prescriptions générales de la réglementation de la procédure administrative non contentieuse, applicable aux employés de l’Etat.
La loi du 24 mai 1989 n’a en conséquence pas vocation à s’appliquer en tant que réglementation de la résiliation du contrat d’un employé de l’Etat et ainsi, par renvoi, d’un employé du centre commun de la sécurité sociale. Conformément à l’article 1er, al. 1er de la loi prévisée du 27 janvier 1972, elle n’est que de nature à suppléer le cas échéant, dans les limites de sa compatibilité avec les dispositions susvisées, aux lacunes des dispositions combinées de la loi précitée du 27 janvier 1972 et de la réglementation de la procédure administrative non contentieuse.
En effet, contrairement aux affirmations de la demanderesse soutenant que le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n'est pas applicable aux fonctionnaires, ceux-ci n'étant pas à considérer comme administrés dans leurs rapports statutaires avec leur propre administration, pour conclure que « partant le licenciement de Madame KLEINBAUER est à analyser à la lumière de la loi sur le contrat du travail du 24 mai 1989 », il convient de relever que le fonctionnaire, dans ses relations avec sa propre administration, est à considérer comme administré, de sorte qu'en principe, les dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 lui sont applicables dans la mesure où les règles spécifiques régissant son statut ne présentent pas pour lui des garanties équivalentes (trib. adm. 10 juillet 1997, Pas. adm. 2/1999, V° Fonction publique, n° 95, p. 142; v. par analogie, J.P. Luxembourg 22 janvier 1997, n° 468/97, qui a refusé d'écarter les fonctionnaires du champ d'application de la loi du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l'Etat et des collectivités publiques).
Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que tant la loi précitée du 27 janvier 1972 que le règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 ont, en principe, vocation à s’appliquer en matière de résiliation d’un contrat de travail conclu entre un employé d’Etat, et, par assimilation, d’un employé du centre commun de la sécurité sociale et l’Etat voire ledit centre commun.
6 Quant à la procédure Madame KLEINBAUER conteste ensuite la régularité formelle de la résiliation de son contrat d’emploi au motif que l’hypothèse prévue par l’article 7 paragraphe 3 de la loi précitée du 27 janvier 1972 pour résilier un contrat à durée indéterminée ne serait pas donnée en l’espèce, étant donné qu’elle « peut faire valoir une ancienneté de plus de vingt ans de service alors qu’elle a été engagée de manière ininterrompue à partir du 13 novembre 1978 ».
L’article 7 de la loi précitée dispose en son paragraphe 3 que le contrat à durée indéterminée peut être résilié en cas d’absence prolongée ou d’absences répétées pour raison de santé de l’employé qui ne bénéficie pas encore du régime de pension des fonctionnaires de l’Etat visé à l’article 8, régime qui est acquis notamment après vingt années de service à compter de l’entrée en vigueur du contrat à durée indéterminée.
Un contrat d’engagement d’un employé de l’Etat ou assimilé, conclu depuis moins de 20 ans au moment de sa résiliation est susceptible de résiliation si l’un des motifs susvisés est établi. Il convient dès lors d’examiner en premier lieu, si Madame KLEINBAUER bénéficiait ou non d’une ancienneté de service d’au moins vingt années pour écarter le cas échéant l’application de l’article 7 paragraphe 3 de la loi précitée du 27 janvier 1972.
Indépendamment de la question de savoir si la période passée au service de l’employeur par des contrats successifs à durée déterminée, à savoir du 13 novembre 1978 au 31 décembre 1981, suivie d’une interruption de service du 1er janvier 1982 au 1er octobre 1982, est à prendre en considération pour le calcul de son ancienneté au service de l’employeur, il découle d’une pièce produite par le centre commun de la sécurité sociale, intitulée « état des services de Madame … KLEINBAUER », que, même en prenant en considération cette période, il est établi qu’à la date de l’expiration du délai de préavis, à savoir le 14 juin 1999, Madame KLEINBAUER ne remplissait pas les conditions de l’article 8 de la loi précitée, étant donné que la durée totale pendant laquelle elle a été au service de l’Etat, en tant qu’auxiliaire temporaire et en tant qu’employée assimilée à une employée de l’Etat, comportait une durée inférieure à 20 années à savoir de 19 ans, 10 mois et 2 jours.
C’est partant à tort que Madame KLEINBAUER querelle d’irrégularité le licenciement en ce que l’article 7 paragraphe 3 de la loi précitée du 27 janvier 1972 ne lui aurait pas été applicable.
Quant aux fautes reprochées Concernant les reproches ayant conduit à son licenciement, la demanderesse conteste d’abord leur précision.
L’obligation d’indiquer les motifs est une règle de forme qui oblige l’administration d’exposer de façon complète et précise les raisons de fait et de droit qui sont à la base de sa décision. Il est cependant admis que les motifs ont été portés à suffisance de droit à la connaissance de l’administré lorsqu’une décision attaquée ensemble avec les lettres antérieures adressées au même destinataire indiquent de manière détaillée et circonstanciée les motifs sur lesquels l'administration s’est basée pour justifier sa décision.
En l’espèce, il se dégage tant de la lettre du 3 novembre 1998, informant la demanderesse que le centre commun de la sécurité sociale propose de procéder à son 7 licenciement et détaillant en conséquence les griefs formulés à son encontre afin qu’elle y prenne, le cas échéant, position, que de la lettre de résiliation du contrat d’engagement du 30 novembre 1998, que les griefs formulés à son encontre revêtaient un degré de précision suffisant pour lui permettre d’en mesurer le caractère pertinent et concluant.
L’existence de motifs ayant été vérifiée, il s’agit encore d’examiner si les motifs sont de nature à justifier la décision de licenciement.
Madame KLEINBAUER conteste le motif de licenciement tenant à la perturbation du fonctionnement du service. Elle estime par ailleurs que des reproches remontant à la période de juillet 1990 à janvier 1993 ne pourraient justifier une décision de licenciement avec préavis notifiée seulement le 30 novembre 1998. Elle estime encore que l’application de l’article 7 paragraphe 3 de la loi précitée du 27 janvier 1972 se ferait à « la lumière de la jurisprudence du droit du travail et de la loi sur le contrat de travail du 24 mai 1989 ». Dans ce contexte, elle donne à considérer qu’elle n’aurait jamais fait l’objet d’une mesure disciplinaire ou autre avertissement. A titre subsidiaire, elle offre de prouver que ses absences n’auraient entraîné aucune gêne considérable du fonctionnement du service des archives du centre commun de la sécurité sociale.
La partie défenderesse fait préciser que le motif l’ayant déterminé à procéder au licenciement de Madame KLEINBAUER serait basé sur l’absence ininterrompue de celle-ci depuis le 4 août 1997. Ce motif justifierait à lui seul la résiliation du contrat de travail sans qu’il serait nécessaire d’établir une perturbation du service dans lequel Madame KLEINBAUER était affectée. Le centre commun de la sécurité sociale affirme par ailleurs qu’il ne suffirait pas de contester tout simplement la motivation de la décision entreprise, mais qu’en matière de contentieux administratif, il appartiendrait à l’administré de renverser, par les éléments de preuve qu’il invoque, la présomption de légalité qui s’attache aux décisions de l'administration. A titre subsidiaire, il offre de prouver que l’absence prolongée de Madame KLEINBAUER aurait perturbé le service des archives auquel elle été affectée.
Il y a tout d’abord lieu de faire abstraction des moyens tirés de l’application de la loi précitée du 24 mai 1989, loi qui n’est pas applicable en ce qui concerne la résiliation du contrat d’emploi, tel qu’il résulte des développements qui précèdent.
L’article 7 paragraphe 3 de la loi précitée du 27 janvier 1972 dispose que « les dispositions des paragraphes 1 et 2 [en vertu desquels la résiliation du contrat de travail est impossible, sauf à titre de mesure disciplinaire, lorsqu’il est en vigueur depuis dix ans et que l’employé est âgé de trente-cinq ans au moins] ne portent pas préjudice au droit du ministre compétent de résilier le contrat en cas d’absence prolongée ou d’absences répétées pour raison de santé de l’employé qui ne bénéficie pas encore du régime de pension des fonctionnaires de l’Etat visé à l’article 8. Cette résiliation ne pourra être prononcée que sur avis du ministre de la Fonction publique et après que la Caisse de pension des employés privés, à la requête du ministre compétent et suivant des modalités à déterminer par règlement grand-ducal, se sera prononcée sur l’invalidité professionnelle de l’employé au sens des dispositions légales concernant l’assurance-pension des employés privés ». Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que les compétences, notamment en ce qui concerne la résiliation du contrat de travail pour les employés, qui sont exercées par le « ministre compétent » aux termes du texte susvisé, sont exercées, conformément aux dispositions de l’article 15 alinéa 7 du règlement grand-ducal précité du 27 juin 1990, par le comité-directeur du centre commun de la sécurité sociale.
8 La partie défenderesse a conclu à bon droit qu’il découle de cette disposition que si un employé est absent pour des raisons de santé et que cette absence excède, soit par sa durée, soit par son caractère répété, un niveau raisonnable, le contrat de travail peut être résilié indépendamment de la question de savoir s’il y a ou non désorganisation du service public concerné. Le texte tend en effet à sanctionner les périodes de maladie excessives. Cependant, si le but en est de prévenir des abus, néanmoins le texte impose à l'administration de faire intervenir la caisse de pension des employés privés qui doit se prononcer sur une éventuelle invalidité professionnelle de l’employé au sens des dispositions légales concernant l’assurance-
pension des employés privés. En l’espèce, le médecin-conseil du contrôle médical de la sécurité sociale, lors de l’examen médical du 18 juin 1998, arrive à la conclusion qu’ « il n’existe pas d’invalidité au sens de l’article 187, alinéa 1 du Code des assurances sociales ». Il conclut qu’un droit à une pension d’invalidité de la part de cette caisse n’existe pas. Dans cette hypothèse, c’est-à-dire au cas où le fonctionnaire est reconnu comme étant apte au service, l’article 7 paragraphe 3 a pour but d’ouvrir en toute hypothèse le droit au congédiement chaque fois que son état de santé met l’employé dans l’impossibilité de reprendre son service d’une façon régulière et suivie (doc.parl. n°1516, p.12).
En l’espèce, Madame KLEINBAUER était absente de façon ininterrompue depuis le 4 août 1997 jusqu’à la décision de licenciement intervenue le 24 novembre 1998, matérialisée par la lettre du 30 novembre 1998. Pendant cette période, elle a produit 27 certificats médicaux affirmant qu’elle était incapable de travailler. Les conditions telles qu’énoncées par l’article 7 paragraphe 3 sont dès lors remplies, étant donné qu’il n’est pas contestable que son absence s’analyse en une absence « prolongée » pour raison de santé.
Il se dégage des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le comité-
directeur du centre commun de la sécurité sociale a résilié le contrat d’engagement de Madame KLEINBAUER.
Il y a dès lors lieu de rejeter les offres de preuve formulées aussi bien par la partie demanderesse que par la partie défenderesse comme étant superfétatoires.
Concernant « l’indemnité de départ » réclamée par la partie demanderesse au titre de l’article 24 de la loi précitée du 24 mai 1989, il y a lieu de retenir qu’elle est constitutive d’une demande purement pécuniaire qui ne relève pas de la compétence du tribunal administratif.
Il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé.
PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, rejette les offres de preuve formulées par les parties demanderesse et défenderesse comme étant superfétatoires, le déclare non fondé et en déboute, 9 déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, se déclare incompétent pour connaître de la demande en allocation d’une indemnité de départ, condamne la partie demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 1er décembre 1999 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
Legille Schockweiler 10