N° 11670 du rôle Inscrit le 17 novembre 1999 Audience publique du 25 novembre 1999
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Recours formé par Monsieur … ABUDULL RAHIM ZIA contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement
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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 novembre 1999 par Maître Stéphane LATASTE, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Anne LAMBE, avocat inscrit au prédit tableau, au nom de Monsieur … ABUDULL RAHIM ZIA, de nationalité afghane, sans état particulier, ayant été placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 25 octobre 1999 ordonnant une mesure de placement à son égard;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 1999;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Anne LAMBE et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.
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Il ressort notamment d’un procès-verbal du 25 octobre 1999 établi par la brigade du Findel de la gendarmerie grand-ducale qu’en date du même jour, « (…) um mit Flug BA 8143 nach Gatwick zu fliegen wird eine dritte Person vorstellig.
3)…, geboren am … holländischer Pass No. N… -Photoaustausch-
Ausreise wird untersagt. Alle Flugscheine wurden in Luxemburg gekauft. Person ist vorerst nicht bereit zur Angelegenheit auszusagen respective seine richtigen Personalien bekanntzugeben.
Die drei Personen werden im Transitraum einer Sicherheitskontrolle unterworfen.
Die Person Nr 3)…, erklärt bei seiner erneuten Vernehmung, in den Niederlanden unter dem Namen ABUDULL RAHIM ZIA …, geboren …, registriert zu sein. Er erklärt, im Mai 1998 am Flughafen Schiphol als Asylanträger registriert worden zu sein. Anfang 1999 will er in der BRD aufgegriffen und nach den Niederlanden zurückgewiesen worden sein. Heute kam er per Zug aus den Niederlanden nach Luxemburg. Vor diesen Aussagen erklärte er, …, geboren 1975 in …/Afghanistan, zu heissen. (…) ».
1 Il se dégage encore d’un rapport n° 240 de la brigade « Service spécial Aéroport » de la gendarmerie grand-ducale en date du même 25 octobre 1999 que le dénommé … ABUDULL RAHIM ZIA, alias…, alias…, dispose uniquement de la somme de 50 dollars des Etats-Unis d’Amérique ainsi que de quelques pièces de monnaie, non autrement spécifiées.
Par arrêté du 25 octobre 1999, le ministre de la Justice ordonna le placement de Monsieur … ABUDULL RAHIM ZIA au Centre Pénitentiaire de Luxembourg pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.
La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants:
« Considérant que l’intéressé s’est présenté à l’aéroport du Findel en date du 25 octobre 1999 sous l’identité de KONING Bob, né le 5 août 1968, pour se rendre à Londres;
- qu’il a fait usage d’un passeport néerlandais falsifié;
- qu’il est démuni de toutes pièces d’identité et de voyage valables;
- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays;
- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels;
- que l’éloignement immédiat n’est pas possible;
Considérant que des raisons tenant à un risque de fuite nécessitent que l’intéressé soit placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg en attendant son éloignement ».
Par télécopie du 25 octobre 1999, le service de police judiciaire, section police des Etrangers et des Jeux, de la gendarmerie grand-ducale s’est adressé au ministère de la Justice des Pays-Bas pour demander, sur base de l’identité indiquée par Monsieur ABUDULL RAHIM ZIA, s’il était connu des autorités néerlandaises.
Par télécopie du 28 octobre 1999, le prédit service de police judiciaire a recontacté les autorités néerlandaises pour savoir, en application de la Convention relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans un Etat membre des Communautés européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990, si Monsieur ABUDULL RAHIM ZIA était inscrit comme demandeur d’asile aux Pays-Bas, respectivement afin d’obtenir des informations supplémentaires quant à sa personne.
Par requête déposée le 17 novembre 1999, Monsieur ABUDULL RAHIM ZIA a introduit un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de placement précitée du 25 octobre 1999.
L’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère instituant un recours de pleine juridiction contre une mesure de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle déférée.
Le recours ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur invoque une imprécision des motifs contenus dans la décision ministérielle entreprise équivalent à une absence de motivation, en relevant que 2 le ministre de la Justice a utilisé comme seuls motifs des « formules générales et abstraites reprises de la loi, sans aucune précision quant aux raisons de fait concrètes permettant de justifier la décision ». Dans ce contexte, il fait encore valoir que les motifs indiqués seraient identiques à ceux contenus dans deux autres décisions prises le même jour à l’encontre de deux de ses compatriotes afghans.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen au motif que la décision serait motivée tant en fait qu’en droit. Concernant plus spécialement le reproche tiré de ce que la motivation serait identique à celle contenue dans deux autres décisions, il fait valoir qu’un tel état des choses s’expliquerait par une identité de situation dans les trois cas.
Il appert à l’examen du libellé de la décision déférée que, loin de reprendre de prétendues formules passe-partout qui seraient simplement reprises de la loi, l’arrêté ministériel du 25 octobre 1999 énonce expressément la base légale sur laquelle le ministre de la Justice a fondé sa décision, ainsi que les faits que le demandeur a fait usage d’un passeport falsifié, qu’il est démuni de toutes pièces d’identité et de voyage valables, qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays, qu’il n’a pas de moyens d’existence personnels, que son éloignement immédiat n’est pas possible et il se réfère en outre au rapport précité du 25 octobre 1999 de la gendarmerie grand-ducale.
Il s’ensuit que la décision déférée a partant été dûment motivée par une énonciation suffisante des éléments de droit et de fait se trouvant à sa base.
Cette conclusion n’est pas ébranlée par le fait que dans d’autres décisions des libellés similaires voire identiques aient été utilisés, étant donné que pareil état des choses reste sans incidence dans le cas d’espèce.
Le moyen tiré d’une motivation insuffisante est partant à rejeter.
Le demandeur avance ensuite à l’encontre de la décision entreprise qu’elle serait viciée par le fait que le ministre aurait omis de prendre une mesure d’expulsion ou de refoulement et qu’il n’y aurait pas non plus impossibilité d’exécuter une telle mesure d’expulsion ou de refoulement au motif que les autorités luxembourgeoises auraient connaissance de ce qu’il est venu des Pays-Bas.
Ensuite, exposant qu’il n’aurait opposé aucune résistance aux autorités luxembourgeoises et qu’il aurait collaboré avec elles en dévoilant son identité exacte, son pays d’origine et l’itinéraire qu’il aurait suivi pour venir au Luxembourg, il soulève qu’il n’existerait pas de danger réel qu’il se soustraie à la mesure d’éloignement.
En outre, il soutient ne pas constituer de danger pour l’ordre et la sécurité publics.
Par ailleurs, il reproche aux autorités luxembourgeoises de ne pas avoir entrepris de démarches suffisantes en vue de l’organisation de son éloignement du territoire luxembourgeois.
Enfin, il estime que la mesure de placement au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig serait disproportionnée et que ledit Centre Pénitentiaire ne constituerait pas un 3 établissement approprié au sens de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972.
Le délégué du gouvernement soutient que les conditions légales justifiant le placement au Centre Pénitentiaire de Luxembourg seraient remplies en l’espèce et il conclut au rejet du recours.
Concernant la justification, au fond, de la mesure de placement, il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.
Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.
Il se dégage du dossier et des renseignements dont dispose le tribunal que le placement de l’intéressé est basé sur l’impossibilité d’exécuter une mesure de refoulement.
Or, une mesure de refoulement peut être prise, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence, « …. 2. qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour; … 4. qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis … ».
En l’espèce, il ressort des éléments du dossier administratif que le demandeur n’était ni en possession de papiers de légitimation valables, ni de moyens personnels.
Il s’ensuit que les conditions justifiant un refoulement sont remplies en l’espèce.
Il appartient encore au tribunal d’analyser si une décision de refoulement a été effectivement prise par une autorité légalement y habilitée.
Aucune disposition législative ou réglementaire ne déterminant la forme d’une décision de refoulement, celle-ci, en l’absence de décision expresse, est censée avoir été prise par le ministre de la Justice à partir du moment où les conditions justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, sont remplies et où, par la suite, une mesure de placement a été décidée à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle décision de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de mise à la disposition du gouvernement, à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion.
Le moyen tiré de l’inexistence d’une décision d’éloignement expresse manque de fondement et doit être écarté.
Il se dégage des considérations qui précèdent que le demandeur était sous le coup d’une décision de refoulement légalement prise et justifiée.
4 C’est à bon droit que le demandeur fait valoir qu’une mesure de placement n’est légalement admissible que si l’éloignement ne peut être mis à exécution en raison d’une circonstance de fait.
En l’espèce, il convient de relever que le demandeur n’était pas en possession de documents d’identité, mais d’un passeport falsifié, de sorte que l’administration était en droit de procéder à des mesures de vérification supplémentaires. Pour le surplus, comme le demandeur avait déclaré être venu au Luxembourg par les Pays-Bas et y être inscrit comme demandeur d’asile, les autorités luxembourgeoises ont dû vérifier ses déclarations auprès des autorités étrangères pour, le cas échéant, entamer par la suite une procédure de reprise par les Pays-Bas. Dans ces circonstances et eu égard au fait que de telles vérifications et demandes requièrent un certain délai, il a valablement pu être estimé que sur base de toutes les circonstances de fait exposées ci-avant, l’exécution immédiate de la mesure d’éloignement était rendue impossible.
On ne saurait par ailleurs pas reprocher aux autorités luxembourgeoises de ne pas avoir entrepris des démarches suffisantes en vue de son éloignement, dès lors qu’il ressort du dossier administratif que, le jour même de la prise de la décision de placement, soit le 25 octobre 1999, les autorités néerlandaises ont été contactées en vue de vérifier les déclarations du demandeur.
Par ailleurs, lesdites autorités ont encore une fois été contactées le 28 octobre 1999.
C’est à juste titre que le demandeur soutient qu’une mesure de placement ne se justifie qu’au cas où il existe dans le chef d’une personne qui se trouve sous le coup d’une décision de refoulement, un danger réel qu’elle essaie de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieure.
C’est cependant à tort que le demandeur conteste l’existence d’un tel danger. En effet, il échet de relever qu’il ressort des éléments du dossier que le demandeur a fait usage au moins de deux fausses identités et d’un faux passeport et qu’il ne possède aucune adresse fixe au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte qu’il existe partant, dans son chef, un risque qu’il essaie de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieure.
L’incarcération dans un centre pénitentiaire d’une personne se trouvant sous le coup d’une mesure de placement ne se justifie qu’au cas où cette personne constitue en outre un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.
En l’espèce, les faits précités, à savoir l’usage par le demandeur de fausses identités et d’un faux passeport, caractérisent à eux seuls le comportement d’un étranger susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et ce comportement justifie dans les circonstances de l’espèce qu’il soit placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg afin d’éviter qu’il porte atteinte à la sécurité et à l’ordre publics et pour garantir qu’il soit à la disposition des autorités en vue de son éloignement ultérieur.
En d’autres termes, le Centre Pénitentiaire est à considérer, en l’espèce, comme constituant un établissement approprié tel que visé par l’article 15 paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur est à en débouter.
5 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en la forme;
au fond le déclare non justifié, partant le rejette;
laisse les frais à charge du demandeur.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 25 novembre 1999 par le vice-président, en présence de M.
Legille, greffier.
Legille Schockweiler 6