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15/11/1999 | LUXEMBOURG | N°10766

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 novembre 1999, 10766


N° 10766 du rôle Inscrit le 19 juin 1999 Audience publique du 15 novembre 1999 Recours formé par Monsieur … KANKA, Luxembourg contre deux décisions du directeur de l’administration de l’Emploi en matière de contrat de travail (garantie de salaire) Vu la requête inscrite sous le numéro 10766 du rôle et déposée en date du 19 juin 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KANKA, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du directeur

de l’administration de l’Emploi du 19 décembre 1997 portant refus de garantie d...

N° 10766 du rôle Inscrit le 19 juin 1999 Audience publique du 15 novembre 1999 Recours formé par Monsieur … KANKA, Luxembourg contre deux décisions du directeur de l’administration de l’Emploi en matière de contrat de travail (garantie de salaire) Vu la requête inscrite sous le numéro 10766 du rôle et déposée en date du 19 juin 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KANKA, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 19 décembre 1997 portant refus de garantie des créances salariales par lui invoquées dans le cadre de la faillite de la société à responsabilité limitée X., dans la mesure où il ne serait pas en possession d’un contrat de travail conforme à la législation luxembourgeoise ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 avril 1999 par Maître Pierre BERMES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 19 avril 1999 par lequel ce mémoire en réponse a été signifié à la partie demanderesse ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 septembre 1999 par Maître Gilbert REUTER, au nom de Monsieur … KANKA ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 novembre 1999 par Maître Pierre BERMES, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Gilbert REUTER et Pierre BERMES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 novembre 1999.

Considérant que Monsieur … KANKA, de nationalité autrichienne, demeurant à L-…, expose avoir été au service de la société à responsabilité limitée X. comme chauffeur international de poids lourds depuis le mois de février 1995 en vertu d’un contrat verbal conclu suivant les usages en vigueur en Autriche ;

Que la société à responsabilité limitée X. a été déclarée en état de faillite par jugement du tribunal de commerce de Luxembourg en date du 30 août 1996 ;

1 Que suivant déclaration de créance déposée au greffe dudit tribunal en date du 28 novembre 1996, Monsieur KANKA a demandé son admission au passif de ladite faillite à titre super-privilégié pour « la somme de 641.352.- francs (63.169 x 8 + 850 x 160 jours) à titre d’arrières de salaire depuis février 1996, plus deux mois de préavis, plus indemnités journalières selon tarif minimum de la convention FNCTTFEL » ;

Qu’après avoir été contestée en un premier stade, ladite créance a été admise au passif de la faillite en question à titre privilégié du chef de salaires impayés pour la somme de 505.352.- francs, le surplus étant contesté, ainsi qu’il résulte du procès-verbal de vérification des créances supplémentaire du 21 février 1997 ;

Qu’ayant demandé la liquidation en faveur de Monsieur KANKA de la garantie légale prévue par l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, le curateur s’est vu adresser en date du 19 décembre 1997 une communication du directeur de l’administration de l’Emploi libellée en ces termes :

« Maître, Faisant suite à la déclaration de créance introduite en date du 20 mars 1997 en faveur de Monsieur … KANKA, j’ai l’honneur de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire bénéficier l’intéressé de l’application des dispositions des articles 30, 42, 43 et 46 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail.

En effet, l’examen du dossier a fait apparaître que l’intéressé n’est pas en possession d’un contrat de travail conforme à la législation luxembourgeoise, de sorte que les dispositions précitées ne lui sont pas applicables.

Veuillez agréer, ….. » ;

Que Monsieur KANKA a fait réclamer contre cette décision par courrier de son mandataire du 24 décembre 1997 ;

Qu’aucune réponse n’étant intervenue sur cette réclamation, il a fait introduire en date du 19 juin 1998 un recours en annulation dirigé contre la communication directoriale prévisée du 19 décembre 1997, ainsi que contre la décision implicite de refus se dégageant du silence gardé pendant un délai de plus de trois mois par le directeur suite à sa réclamation;

Que par la suite, suivant courrier du 17 septembre 1998, le directeur a étayé la motivation à la base de son refus en visant de façon expresse la non-affiliation de Monsieur KANKA auprès des organismes de sécurité sociale luxembourgeois durant l’époque pour laquelle il affirme avoir été au service de la société faillie précitée ;

Que dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse conclut à voir déclarer son recours recevable à l’égard de la décision du 19 décembre 1997, sinon à l’égard de celle du 17 septembre 1998 ;

Considérant que la partie défenderesse soulève en premier lieu que la lettre directoriale du 19 décembre 1997 précitée aurait toutes les apparences d’une lettre d’information, de sorte que si elle devait être analysée comme n’étant pas une décision de refus attaquable, elle 2 n’aurait pas su faire l’objet d’un recours gracieux entraînant qu’aucun recours contre le silence de l’administration ne serait admissible et que le recours sous analyse serait irrecevable à la fois comme étant dirigé contre la lettre d’information du 19 décembre 1997 et contre la décision de refus implicite y dégagée ;

Qu’il énonce que la véritable décision de refus administrative aurait été prise dans les trois mois du recours, en date du 17 septembre 1998, de sorte que ce dernier devrait encore être rejeté comme étant prématuré ;

Considérant que la décision du directeur de l’administration de l’Emploi ou de son représentant, agissant pour compte du fond pour l’emploi, concernant la garantie relative aux créances salariales des six derniers mois de travail, dans l’hypothèse d’un employeur déclaré en état de faillite, constitue une décision administrative susceptible d’un recours devant les juridictions de l’ordre administratif (trib. adm. 19 février 1997, Reiter, n° 9462 du rôle, confirmé par Cour adm. 9 décembre 1997, n° 9869C du rôle, Pas. adm. 02/99, V° Travail, n° 1, p. 277) ;

Considérant que la lettre directoriale prérelatée du 19 décembre 1997, intervenant après examen du dossier y expressément relevé, s’analyse en une décision de refus, dans la mesure où elle informe le curateur qu’il n’est pas possible de faire bénéficier l’intéressé de l’application des dispositions des articles 30, 42, 43 et 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, étant donné qu’il ne serait pas en possession d’un contrat de travail conforme à la législation luxembourgeoise ;

Que le fait que cette lettre a été envoyée par simple courrier non recommandé et ne comporte pas d’indication sur les voies de recours ne change rien à son contenu au fond et plus particulièrement à la ratio decidendi s’en dégageant ;

Que si du fait de la non-indication des voies de recours aucun délai de recours n’a commencé à courir, la réclamation du 24 décembre 1997 a été introduite en temps utile, le silence de plus de trois mois s’en suivant engendrant une décision de refus implicite sur recours gracieux prenant sa source dans la décision expresse à laquelle elle se rapporte et avec laquelle elle se confond ;

Que le recours sous analyse n’est dès lors pas prématuré ;

Qu’il est recevable à l’égard des deux décisions directoriales, expresse et implicite, confondues pour avoir été par ailleurs introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, le courrier directorial du 17 septembre 1998 étant à analyser, sous l’aspect des décisions actuellement déférées, comme comportant une amplification de la motivation y relative, admissible, dans la mesure où la partie concernée a pu faire valoir utilement ses moyens y relativement ;

Considérant qu’au fond la partie demanderesse fait valoir que s’il n’existait pas d’écrit, instrumentum, retenant les modalités de son engagement au service de la société à responsabilité limitée X., entre-temps faillie, depuis février 1995 jusqu’au jours du jugement déclaratif de faillite, la réalité des relations contractuelles entre parties se dégagerait à travers les éléments produits au dossier, dont notamment les accidents de circulation assurés, ainsi que les bulletins de contrôle et fiches d’immobilisation, concernant l’usage irrégulier de l’appareil de contrôle de la durée des transports ;

3 Que dès lors sa créance salariale reconnue par procès-verbal de vérification des créances s’imposerait à l’administration de l’Emploi, de sorte que le montant émargé de 505.352.- francs devrait lui être bonifié ;

Considérant que si en termes de plaidoiries, la partie défenderesse a reconnu l’usage en Autriche des contrats de travail oraux à l’instar du Luxembourg, elle ne persiste cependant pas moins à mettre en doute la réalité d’une relation de travail entre Monsieur KANKA et la société de droit luxembourgeois X. s. à r.l., laquelle ne serait pas à confondre avec une société de droit autrichien non faillie ayant pour le moins une dénomination analogue ;

Que sans vouloir exclure la possibilité d’un prêt de main-d’œuvre entre les deux sociétés, le défendeur dénote le flou relativement aux modalités de rémunération, d’affiliation à la sécurité sociale et de retenue d’impôt ;

Que si les parties se rejoignent en fait pour admettre la non-affiliation de Monsieur KANKA aux organismes de la sécurité sociale luxembourgeoise pour la période concernée, le mandataire du demandeur a confirmé à l’audience que d’après les informations lui soumises par son mandant, celui-ci n’était pas non plus affilié à un organisme de sécurité sociale autrichien, étant entendu qu’il indique avoir été pour toute la période sous analyse résident luxembourgeois et non pas autrichien ;

Considérant que l’Etat de conclure que le fonds pour l’Emploi ne saurait en aucun cas être dégradé dans l’application de l’article 46 en question à un organisme qui paye automatiquement et aveuglément, de sorte que devant le défaut du demandeur d’apporter les preuves de s’être conformé à la législation sur le contrat de travail, ce dernier devrait être débouté, le contrôle de l’administration devant être d’autant plus pointilleux que des deniers publics seraient en jeu ;

Que l’Etat, en tant que garant légal, serait en quelque sorte à assimiler à une caution, non liée par les décisions intervenues dans le rapport fondamental entre débiteur et créancier pour les créances salariales actuellement sous discussion, par rapport auxquelles il serait habilité à faire valoir des exceptions non autrement soulevées jusque lors par le débiteur en question ;

Considérant que d’après l’article 46 (6) de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée « à la demande du curateur, le fonds pour l’emploi verse au salarié, dans les limites visées au présent article, les sommes impayées figurant sur le relevé des créances présenté par le curateur, visé par le juge-commissaire et vérifié par l’administration de l’emploi. Le relevé prévu au présent alinéa peut être présenté par le curateur avant la clôture du procès-verbal de vérification des créances »;

Considérant que dans la mesure où le relevé des créances peut être présenté avant toute clôture du procès-verbal de vérification des créances, à un moment où aucune autorité de chose jugée ne saurait être reconnue à l’inscription de la créance au relevé prémentionné, et en l’absence de modulation prévue par la loi quant au pouvoir de vérification de l’administration de l’emploi, cette dernière est en droit de procéder à son propre examen des créances qui lui sont soumises, de façon indistincte, étant donné que les garanties salariales assurées par le fonds pour l’Emploi émanent de deniers prélevés au titre d’impôts au profit de l’Etat (cf. trib. adm. 8 octobre 1997, Jean-Paul, n° 9756 du rôle, confirmé par Cour adm. 29 4 janvier 1998, 10423C du rôle et autres décisions y citées, Pas. adm. 02/99, V° Travail, n° 5, p.

278);

Considérant que dans la mesure où l’administration de l’Emploi est ainsi amenée à vérifier notamment les limites de la garantie exorbitante du droit commun accordée au salarié d’un employeur failli en application des dispositions de l’article 46 en question, elle est nécessairement appelée à s’attacher plus particulièrement aux conditions donnant ouverture aux relations contractuelles de travail entre les parties concernées sur base de la législation applicable;

Considérant qu’il est constant que la légalité d’une décision administrative vérifiée par le juge saisi dans le cadre du recours en annulation lui soumis, s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise (trib. adm. 27 janvier 1997, KAYO, n° 9724 du rôle et autres, Pas. adm. 02/99, V° recours en annulation, n° 12, p. 264 et autres décisions y citées);

Considérant que la garantie salariale prévue par l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée présuppose à sa base que les créances salariales y visées répondent notamment aux exigences posées par les dispositions combinées des alinéas (1) et (4) du même article 46 dont les quatre premiers alinéas sont conçus comme suit :

« (1) En cas de faillite de l’employeur, le fonds pour l’emploi garantit les créances résultant du contrat de travail sous les conditions et dans les limites fixées au présent article.

(2) Sont garanties jusqu’à concurrence du plafond visé à l’article 2101, paragraphe (2) du code civil, les créances des rémunérations et indemnités de toute nature dues au salarié à la date du jugement déclaratif de la faillite pour les six derniers mois de travail et celles résultant de la rupture du contrat de travail.

(3) En cas de continuation des affaires par le curateur de la faillite, la garantie visée au présent article est applicable, dans les limites visées à l’alinéa qui précède, aux créances des rémunérations et indemnités de toute nature dues au salarié le jour de la résiliation du contrat de travail et celles résultant de la résiliation du contrat de travail.

(4) Pour l’application des dispositions des alinéas qui précèdent, sont considérées les créances de rémunération et d’indemnité, déduction faite des retenues fiscales et sociales obligatoires en matière de salaires et de traitements. » ;

Considérant qu’il se dégage de la combinaison des deux textes prérelatés que les créances garanties de rémunération et d’indemnité sont nécessairement celles pour lesquelles des retenues fiscales et sociales obligatoires en matière de salaires et de traitements, ont pu se faire ;

Considérant que la retenue sociale obligatoire à opérer présuppose l’existence d’une affiliation à un organisme de sécurité sociale telle qu’exigée par les dispositions pertinentes de droit international, sinon luxembourgeois applicables;

Considérant qu’il se dégage des pièces versées et renseignements fournis, notamment par les mandataires à l’audience, que suivant les éléments soumis actuellement au tribunal, Monsieur KANKA n’a pas été affilié auprès des organismes de sécurité sociale 5 luxembourgeois pour la période de travail à la base des créances salariales pour lesquelles la garantie légale est réclamée, son mandataire ayant précisé à l’audience qu’à sa connaissance et d’après les indications de son mandant aucune affiliation à un organisme de sécurité sociale pour la période correspondante n’a eu lieu en Autriche, ni ailleurs ;

Considérant que les créances salariales de rémunération et d’indemnité, pour lesquelles aucune affiliation à un organisme de sécurité sociale compétent n’existe à la base conformément aux exigences de l’article 46 (4) précité, ne répondent pas aux critères d’éligibilité posés par ledit article 46, notamment en ses alinéas 1 et 4 combinés, de sorte que c’est à juste titre que la décision directoriale déférée du 19 décembre 1997 a retenu la non-

existence d’une relation contractuelle de travail conforme audit article 46 engendrant ainsi à bon droit le rejet de la demande en garantie posée ;

Considérant que dans la mesure où la décision déférée est justifiée sur base des dispositions légales par elle invoquées, le recours est à rejeter, abstraction faite des autres éléments présentés à la base du recours n’interférant pas autrement relativement à la légalité de la décision directoriale et de son refus implicite confirmatif déférés ;

Considérant qu’au regard de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée par la partie demanderesse est également à écarter ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme en tant que dirigé contre la décision directoriale du 19 décembre 1997 et le refus implicite confirmatif y afférent ;

le déclare irrecevable pour le surplus ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

écarte la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 novembre 1999 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10766
Date de la décision : 15/11/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-11-15;10766 ?

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