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10/11/1999 | LUXEMBOURG | N°11147

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 novembre 1999, 11147


N° 11147 du rôle Inscrit le 25 février 1999 Audience publique du 10 novembre 1999

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Recours formé par FONDATION GREENPEACE LUXEMBOURG, … contre une décision du ministre de l’Energie en matière d’accès à l’information en matière d’environnement

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Vu la requête déposée le 25 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour

g, au nom de FONDATION GREENPEACE LUXEMBOURG, établie et ayant son siège social à L-…, agissant par...

N° 11147 du rôle Inscrit le 25 février 1999 Audience publique du 10 novembre 1999

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Recours formé par FONDATION GREENPEACE LUXEMBOURG, … contre une décision du ministre de l’Energie en matière d’accès à l’information en matière d’environnement

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Vu la requête déposée le 25 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de FONDATION GREENPEACE LUXEMBOURG, établie et ayant son siège social à L-…, agissant par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation sinon à l'annulation d’une décision du ministre de l’Energie en date du 5 février 1999 refusant la communication du « volet financier » relatif à la construction et l’exploitation d’une centrale à cycle combiné Turbine-Gaz-Vapeur sur le territoire de la commune d’Esch-sur-Alzette;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 avril 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé le 25 mai 1999 au nom de la demanderesse;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée du 5 février 1999;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Fernand ENTRINGER ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Dans le cadre de l’enquête de commodo et incommodo en relation avec la construction et l’exploitation d’une centrale à cycle combiné Turbine-Gaz-Vapeur sur un terrain situé sur le territoire de la commune d’Esch-sur-Alzette, section cadastrale A de Esch/Nord, numéros cadastraux 2178/16661, 2150/16656 et 2280/16667, la FONDATION GREENPEACE LUXEMBOURG adressa au ministre de l’Energie une lettre portant date du 2 février 1999 de la teneur suivante:

« Wir haben in Erfahrung gebracht, dass die Wirtschaftsprüfungsgesellschaft KPMG eine Studie über die Wirtschaftlichkeit der geplanten Gas- und Dampfturbine erstellt hat.

Wir sind der Meinung, dass das Ergebnis dieser Studie die Grösse der geplanten Anlage und somit deren Umweltauswirkungen beeinflusst hat.

Da in Kürze die Commodo/Incommodo - Prozedur für die geplante Gas- und Dampfturbine anlaufen wird, bitten wir Sie uns die Studie baldmöglichst zur Verfügung zu stellen. (…) ».

Par lettre du 5 février 1999, le ministre de l’Energie répondit dans les termes suivants:

« (…) Suite à votre lettre du 2 février 1999 je tiens à vous faire les précisions suivantes:

Dans le cadre de l’élaboration du dossier d’appel d’offres pour la construction et l’exploitation de la centrale TGV, KPMG a effectivement couvert le volet financier. C’est un document interne. En outre on a nullement besoin d’un expert comptable pour constater qu’une centrale de 350 MW est bien plus rentable qu’une centrale de 100 MW.

Dans le cadre de la procédure commodo-incommodo le dossier complet peut être consulté auprès de l’Administration Communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette. (…) ».

Par requête déposée le 25 février 1999, la FONDATION GREENPEACE LUXEMBOURG, ci-après dénommée « GREENPEACE », a introduit un recours en réformation sinon en annulation contre la décision précitée du ministre de l’Energie en date du 5 février 1999 en ce qu’il a refusé la communication du « volet financier » relatif à la construction et l’exploitation de la susdite centrale à cycle combiné Turbine-Gaz-Vapeur.

La loi du 10 août 1992 concernant la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement et le droit d’agir en justice des associations de protection de la nature et de l’environnement, ci-après dénommée « la loi du 10 août 1992 », prévoyant en son article 6, 3.

un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est partant à déclarer irrecevable.

Concernant la recevabilité du recours en réformation, le délégué du gouvernement conteste la capacité d’ester en justice de la demanderesse.

Dans cet ordre d’idées, il souligne que la dénomination de la demanderesse ne serait pas « FONDATION GREENPEACE LUXEMBOURG », mais, aux termes de ses statuts coordonnés, « FONDATION GREENPEACE LUXEMBOURG, ETABLISSEMENT D’UTILITE PUBLIQUE » et qu’ainsi sa dénomination n’aurait pas été correctement énoncée dans la requête introductive d’instance.

La partie demanderesse conclut au rejet de ce moyen d’irrecevabilité au motif qu’il ne s’agirait pas d’une nullité substantielle et que l’Etat n’aurait pas pu se méprendre sur son identité.

Abstraction faite de ce que le moyen soulevé n’a pas trait à la capacité d’ester en justice de la partie demanderesse, mais plutôt aux exigences relatives au contenu des requêtes introductives d’instances, telles que fixées par l’article 1er de l’arrêté royal grand-ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, applicable en l’espèce en vertu de l’article 98 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, qui dispose que la requête introductive 2 doit notamment indiquer les noms et demeures des parties, il échet de relever que l’omission de l’indication de l’identité exacte de la partie demanderesse dans la requête introductive d’instance n’entraîne la nullité de la requête que si cette omission est de nature à violer les droits de la défense (trib. adm. 5 mars 1997, Pas. adm. 2/99, V° Procédure contentieuse, IV.

Requête introductive d’instance, n° 55, page 243).

En l’espèce, force est de constater que l’Etat n’a pas fait soulever une méprise de sa part sur l’identité de la partie demanderesse, que cette identité ressort de manière certaine, sans risque de confusion possible, des énonciations de la requête introductive d’instance et qu’il se dégage du contenu du mémoire en réponse, ensemble le fait que l’Etat a été à même de se procurer les statuts coordonnés de GREENPEACE, que l’Etat ne s’est nullement mépris sur l’identité exacte de la partie demanderesse et a utilement pu préparer sa défense. Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité développé par le délégué du gouvernement est à abjuger pour manquer de fondement.

Le délégué du gouvernement expose ensuite que selon l’article 5 des statuts coordonnés de GREENPEACE, son conseil d’administration serait composé de 5 membres, alors qu’un procès-verbal de réunion du conseil d’administration en date du 25 février 1999, déposé au registre de commerce et des sociétés, renseignerait que le conseil d’administration n’est actuellement composé que de quatre membres, pour en conclure que le conseil d’administration ne serait pas valablement constitué.

La partie défenderesse conclut au rejet de ce moyen et elle estime que « dans la mesure où dans la présente cause la fondation agit "par son conseil d’administration actuellement en fonctions", elle respecte sous ce rapport et la loi et ses statuts et est donc valablement représentée en justice ».

Il se dégage des pièces et informations qui ont été soumises au tribunal que depuis la dernière modification statutaire en date, à savoir depuis une réunion du Conseil d’administration de GREENPEACE en date du 8 mars 1997, le procès-verbal relatif à ladite réunion ayant été enregistré à Esch-sur-Alzette 25 mars 1997 et publié au Mémorial C N°367 du 20 mai 1998, l’article 5 des statuts de GREENPEACE est libellé comme suit:

« L’Etablissement est administré par un Conseil d’Administration composé de 3 à 7 membres.

Le mandat des membres du Conseil d’Administration a une durée de un an ».

Par conséquent, sur base de ce constat, abstraction faite de toutes autres considérations, le moyen d’irrecevabilité et l’argumentation basés sur un non-respect de l’article 5 des statuts de GREENPEACE tirés de ce que son conseil d’administration ne compterait, au vu d’un procès-verbal d’une réunion dudit conseil d’administration en date du 25 février 1999, que 4 membres, en violation dudit article 5 prescrivant un nombre fixe de 5 membres, sont erronés, partant à écarter.

Le représentant étatique soutient ensuite que GREENPEACE ne serait pas valablement représentée dans l’affaire dont le tribunal est appelé à connaître, au motif que le recours n’aurait pas été intenté par son comité exécutif, mais par son conseil d’administration.

Si la partie demanderesse n’a pas expressément pris position quant à ce moyen, il se dégage cependant de sa réponse relativement au moyen ci-avant analysé qu'elle s'estime 3 valablement représentée en justice par une action introduite en son nom par son conseil d'administration.

Il ressort du procès-verbal d’une réunion du conseil d'administration de GREENPEACE en date du 23 février 1994, versé en cause par la partie demanderesse, que lors de ladite réunion le conseil d’administration avait décidé de modifier l'article 13.1 des statuts de GREENPEACE pour lui donner le libellé suivant: « Le Conseil d’Administration désigne à l’unanimité un Comité Exécutif chargé de la gestion journalière de l’Etablissement.

Le Comité Exécutif représente l'Etablissement dans toutes les affaires judiciaires et extrajudiciaires ».

Il ressort encore du procès-verbal précité de la réunion du conseil d'administration de GREENPEACE du 8 mars 1997 que lors de ladite réunion, le conseil d’administration a encore une fois décidé une modification de l'article 13.1 des statuts. Ledit article reçut le libellé suivant: « Le conseil d'Administration désigne à l'unanimité un(e) ou plusieurs gestionnaires(s) chargé(e)(s) de l'Etablissement. Le(s) gestionnaire(s) représente(nt) l'Etablissement dans toutes les affaires judiciaires et extrajudiciaires ». Un libellé identique se dégage encore des statuts coordonnés au 1er juin 1998 de GREENPEACE. Aucune des trois pièces précitées, versées en cause par la partie demanderesse, n’a été contestée par la partie défenderesse.

Comme il se dégage de l’article 38 de la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et les fondations sans but lucratif que ce sont les administrateurs d’une fondation qui ont le pouvoir de la représenter dans les actes judiciaires et que le libellé actuel de l’article 13.1 des statuts de GREENPEACE n’implique pas que les administrateurs aient abandonné tout pouvoir de représentation aux gestionnaires éventuellement nommés, mais que ce pouvoir, légalement consacré, leur reste acquis, GREENPEACE est valablement représentée en justice dans la présente cause par la demande introduite en son nom et par son conseil d’administration.

Le délégué du gouvernement fait encore valoir que les comptes annuels relatifs à l’exercice 1993 auraient été publiés au Mémorial, mais que le budget pour 1994 n’aurait pas été publié. Il ajoute que la publication des comptes annuels relatifs à l’exercice 1996 aurait été faite tardivement au cours de l’année 1998. Enfin, les comptes annuels relatifs à l’exercice 1998 ainsi que le budget pour 1999 n’auraient pas encore été publiés au Mémorial C. Sur ce, il soutient que GREENPEACE violerait l’article 34 de la loi précitée du 21 avril 1928 et qu’elle ne saurait se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers.

Concernant cette exception de non-recevoir, GREENPEACE fait soutenir que, comme la loi précitée de 1928 « version 04 mars 1994 » est entrée en vigueur en « plein exercice 1994 » et que « comme GREENPEACE a clôturé l’exercice 93 après l’entrée en vigueur de la loi, il était évident qu’elle devait publier le compte d’exploitation de l’exercice 1993, conformément à la loi en vigueur », mais qu’à ce moment-là, le budget de 1994 aurait déjà été en vigueur depuis le 1er janvier 1994 et que, sous peine d’application rétroactive de la loi, on ne saurait lui demander la publication dudit budget. En outre, elle estime que l’omission d’un seul acte de publication ne saurait tirer à conséquence pour ce qui est des sanctions de non-

publication, cela serait d’autant plus vrai si l’acte à publier remonte à 5 ans. Concernant les comptes de l’année 1996, il serait vrai qu’ils auraient été publiés tardivement, mais que la publication tardive ne saurait tirer à conséquence du moment qu’elle est intervenue avant 4 l’action judiciaire. Elle soutient encore que, contrairement aux affirmations du délégué du gouvernement, les comptes d’exploitation 1998, le bilan 1998, ainsi que le budget de 1999 auraient été enregistrés le 25 février 1999 et déposés au registre de commerce et des sociétés le 26 février 1999 pour publication. Enfin, la demanderesse expose que si elle a pris des retards dans la publication de ses budgets, ce serait parce que, relativement aux délais légaux, elle aurait demandé au ministre de la Justice une dérogation à la législation existante « pour des raisons internes », mais que la réponse à cette demande aurait été négative.

La capacité active d’ester en justice ne saurait être reconnue qu’à des personnes disposant de la personnalité juridique.

L’article 43 actuel de la loi modifiée du 21 avril 1928 dispose qu’en cas d’omission des publications prescrites par la loi, la fondation ne pourra se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers.

En vertu de l’article 34 de la loi modifiée du 21 avril 1928, « les administrateurs d’une fondation sont tenus de communiquer au Ministre de la Justice leur compte et leur budget chaque année dans les deux mois de la clôture de l’exercice.

Le compte et le budget sont publiés dans le même délai aux annexes du Mémorial ».

C’est au moment où la fondation fait état de sa personnalité juridique, notamment par le fait d’agir en justice, qu’il y a lieu de se placer pour contrôler si elle a procédé aux publications et formalités requises par la loi.

En l’espèce, GREENPEACE admet ne pas avoir procédé à la publication d’un budget pour l’année 1994, tel que cela lui a été reproché par le délégué du gouvernement.

Il convient en premier lieu d’écarter pour manquer de fondement l’argumentation consistant à soutenir que GREENPEACE n’était pas tenue de ce faire au motif que cela impliquerait une application rétroactive de la dernière modification législative de la loi précitée de 1928, intervenue en date du 4 mars 1994, étant donné que déjà le texte antérieur de l’article 34 précité disposait que « les administrateurs d’un établissement d’utilité publique sont tenus de communiquer au Gouvernement leur compte et leur budget chaque année dans les deux mois de la clôture de l’exercice » et que lesdits compte et budget « sont publiés dans le même délai aux annexes du Mémorial ». Ainsi, l’obligation, - de même que la sanction prévue à l’article 43 - existait déjà avant la prédite modification législative.

Cependant, il n’en reste pas moins qu’un budget est un état prévisionnel des recettes et des dépenses pour une période donnée, plus précisément pour l’année à venir, que sa publication est destinée à porter ledit exposé prévisionnel à la connaissance des tiers, que cette information est essentiellement provisoire et éphémère et qu’elle devient obsolète par l’approbation des comptes définitifs relatifs à l’année concernée. Par conséquent, sous peine de vider l’exigence légale de publication annuelle d’un budget de toute finalité sensée, il convient de conclure qu’en l’espèce, l’omission de GREENPEACE de publier un budget pour 1994 a été purgée par l’approbation et la publication des comptes relatifs à ladite année, documentée à suffisance de droit par les pièces produites en cause. Il s’ensuit que la capacité juridique de GREENPEACE ne saurait en pâtir.

5 Par ailleurs, un simple retard de procéder aux formalités prescrites par l’article 34 de la loi précitée du 21 avril 1928, en l’occurrence le fait de n’avoir procédé à la publication des comptes annuels relatifs à l’exercice 1996 que tardivement au cours de l’année 1998, reste sans incidence quant à l’existence de la personnalité juridique de GREENPEACE à l’égard des tiers, dès lors que ladite formalité a été accomplie au moment de l’introduction de son recours contentieux.

Il se dégage encore des pièces produites en cause que, contrairement aux allégations de la partie défenderesse, GREENPEACE a procédé, dans les délais légaux, à l’enregistrement, en date du 25 février 1999, des comptes relatifs à l’année 1998 et du budget relatif à l’année 1999 et qu’elle a entamé les formalités de publication par leur dépôt au registre de commerce et des sociétés en date du 26 février 1999.

Il suit des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la violation de l’article 34 de la loi précitée du 21 avril 1928 est à écarter.

Le recours en réformation est partant recevable, pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

La partie défenderesse expose que l’étude dont il est question en cause constitue « une étude technico-économique de septembre 1996 réalisée par le groupement: FICHTNER, KPMG, SOLELERG Ingénierie, TR Engineering » dans le cadre de la construction et de l’exploitation de la centrale à cycle combiné Turbine-Gaz-Vapeur précitée.

Elle soutient que cette étude devrait être qualifiée de « volet financier » dudit projet de construction et que, comme tel, elle ne serait pas couverte par la définition de ce qu’on doit entendre par information relative à l’environnement au sens de la loi du 10 août 1992, de sorte que cette dernière n’aurait pas vocation à s’appliquer en l’espèce.

La notion « d’information relative à l’environnement » est définie à l’article 1, a) de la loi du 10 août 1992 et englobe notamment les informations concernant les activités, y compris celles qui sont à l’origine de nuisances telles que le bruit, ou les mesures affectant ou susceptibles d’affecter l’état des eaux, de l’air, du sol, de la faune, de la flore, des terres et des espaces naturels, ainsi que les activités ou les mesures destinées à les protéger, y compris les mesures administratives et les programmes de gestion de l’environnement.

Or, il se dégage d’un extrait de l’étude litigieuse, versé par le délégué du gouvernement, que la mission confiée au « groupement FICHTNER, KPMG, SOLELERG Ingénierie, TR Engineering » était « de réaliser une étude technico-économique pour confirmer ou infirmer les résultats des études précédentes [notamment une étude de faisabilité demandée par le gouvernement à ARBED et à SOTEG relativement à la production, au Luxembourg, d’énergie électrique à haut rendement, susceptible de contribuer directement ou indirectement à l’approvisionnement de la sidérurgie et une étude de faisabilité réalisée par le ministère de l’Energie en collaboration avec l’école polytechnique de Zurich, la société ENERGIE et ENVIRONNEMENT ainsi que LUXCONSULT] et pouvoir appréhender le prix de vente de l’électricité produite par la centrale TGV. Cette centrale serait située sur la commune d’ESCH-sur-ALZETTE (terrain appartenant à l’ARBED).

6 Le but de cette étude a été, également, d’aborder les problèmes techniques, juridiques et financiers ».

L’objet, ainsi délimité, de l’étude technico-économique du projet de construction et d’exploitation de la centrale TGV en cause dépasse le cadre de la simple analyse des moyens de financement du projet et laisse conclure que l’étude, - en ce qu’elle contient une évaluation des données et résultats de deux études de faisabilité antérieures, c’est-à-dire d’études ayant examiné si le projet est réalisable eu égard aux données techniques, un examen des problèmes techniques ainsi que de la rentabilité économique de la centrale TGV, - contient, soit directement, soit indirectement, des informations relatives aux nuisances potentielles dudit projet. En effet, même si une telle étude ne devait pas impliquer directement une analyse concrète des répercussions du projet sur l’homme et son environnement, il est indéniable que l’étude est de nature à avoir influé le processus décisionnel, notamment en ce qui concerne l’ampleur finalement retenue du projet et qu’il sera possible d’en dégager des incidences du projet sur l’environnement.

Le moyen tiré de l’inapplicabilité de la loi du 10 août 1992 est partant mal fondé et est à rejeter.

Par ailleurs, le motif de refus encore développé par le délégué et tiré de ce que l’étude technico-économique dont il est question en cause serait à qualifier de document interne, au sens de la loi du 10 août 1992, n’est pas non plus fondé. En effet, l’objet ci-avant décrit de l’étude montre qu’elle est tournée vers l’extérieur et qu’il ne s’agit nullement d’un document à usage simplement interne.

Pour justifier sa décision de refus, la partie défenderesse fait encore valoir que l’étude en question « a été commandée par un groupement d’intérêt économique pour la promotion de la construction d’une centrale Turbine-Gaz-Vapeur. L’appel d’offres lancée pour la construction de la centrale TGV a été remporté par la société de droit belge Tractebel S.A..

La société de droit belge Electrabel S.A., appartenant au même groupe que Tractebel S.A., va réaliser la construction de la centrale qui sera finalement exploitée par TWINerg S.A.. Il résulte de ce qui précède que la loi du 10 août 1992 ne trouve pas à s’appliquer ».

Le champ d’application de la loi du 10 août 1992 est défini à la fois par rapport à la nature des informations visées et par rapport aux autorités qui en sont détentrices, sans que pour autant la loi pose des conditions quant aux auteurs de ces informations. Au regard de l’applicabilité de la loi, il est dès lors sans incidence que l’étude dont la communication est demandée ait été réalisée par une autorité publique ou une instance privée, dès lors qu’il est constant qu’elle est détenue par une autorité publique (trib. adm. 22 décembre 1997, Pas. adm.

2/99, V° Environnement, IV Information en matière d’environnement, n°29, page 79).

Or, en l’espèce, comme il se dégage, implicitement mais nécessairement, de la décision litigieuse du 5 février 1999 que l’étude dont il est question est détenue par une autorité publique, à savoir en l’espèce par le ministre de l’Energie et comme le délégué du gouvernement a expressément reconnu que ledit ministre en détient une copie, le motif de refus précité manque de fondement.

Enfin, le représentant étatique soutient que l’étude « analyse également les prix de l’électricité par kWh » et que l’évaluation du prix de production de l’électricité dans un marché 7 de l’électricité libéralisé serait confidentielle par nature, pour en conclure que le ministre de l’Energie aurait été autorisé à refuser l’accès à l’étude en cause comme portant atteinte au secret en matière commerciale et industrielle, y compris la propriété intellectuelle.

Le droit d’accès aux informations relatives à l’environnement, tel que consacré par le législateur en 1992, étant le principe et le secret l’exception, l’obligation de devoir tenir l’étude litigieuse secrète, alléguée par la partie défenderesse, n’est pas de nature à justifier la décision de refus querellée, dès lors que la partie défenderesse reste en défaut de justifier de manière suffisamment pertinente en quoi l’accès à l’étude litigieuse impliquerait la divulgation de secrets de procédés et d’informations économiques et financières risquant de porter préjudice à la capacité concurrentielle du futur exploitant de la centrale TGV.

Il suit des considérations qui précèdent que l’étude litigieuse est à mettre à la disposition de la partie demanderesse.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

déclare le recours en annulation irrecevable;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le dit justifié;

partant réforme la décision de refus du 5 février 1999 du ministre de l’Energie;

dit que l’étude technico-économique de septembre 1996 établie par le groupement FICHTNER, KPMG, SOLELERG Ingénierie, TR Engineering dans le cadre de la construction et de l’exploitation d’une centrale à cycle combiné Turbine-Gaz-Vapeur sur un terrain situé sur le territoire de la commune d’Esch-sur-Alzette est à mettre à la disposition de la partie demanderesse;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge et lu à l’audience publique du 10 novembre 1999, par le premier juge, en présence de M.

Legille, greffier.

8 Legille Campill 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11147
Date de la décision : 10/11/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-11-10;11147 ?

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