La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/1999 | LUXEMBOURG | N°11519

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 novembre 1999, 11519


N° 11519 du rôle Inscrit le 3 septembre 1999 Audience publique du 8 novembre 1999

==============================

Recours formé par Madame … WARUGURU contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête déposée le 3 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … WARUGURU,

de nationalité kenyane, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre...

N° 11519 du rôle Inscrit le 3 septembre 1999 Audience publique du 8 novembre 1999

==============================

Recours formé par Madame … WARUGURU contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête déposée le 3 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … WARUGURU, de nationalité kenyane, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 18 août 1999, lui refusant la délivrance d’une autorisation de séjour et contenant une demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse en date du 20 septembre 1999;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 septembre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Dean SPIELMANN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Madame … WARUGURU, née le … à … (Kenya), est entrée au Grand-Duché de Luxembourg en date du 6 mai 1993, munie d’un visa touristique Benelux d’une durée de 3 mois.

Le 6 juillet 1993, Monsieur J.P. S., demeurant à Esch/Alzette, introduisit une demande d’autorisation de séjour en faveur de Madame WARUGURU, en affirmant qu’elle serait « sa concubine » et en y joignant une déclaration de prise en charge.

Le 24 août 1998, un permis de travail fut refusé à Madame WARUGURU et en date du 16 mars 1994, l’autorisation de séjour lui fut refusée.

1 Dans un recours gracieux adressé au ministre de la Justice le 5 avril 1994, le mandataire de Madame WARUGURU a fait valoir que cette dernière aurait l’intention d’épouser Monsieur J.P. S., mais que son divorce serait encore pendant devant un tribunal du Kenya. Il demanda dès lors au ministre de la Justice d’accorder une autorisation de séjour provisoire à sa mandante « vu les circonstances particulières de la présente affaire dont la dimension humaine ne saurait être négligée ».

Par lettre du 8 avril 1994, le ministre de la Justice informa le mandataire de Madame WARUGURU de ce qui suit: « Comme vous faites actuellement état de projets de mariage, je vous prie de bien vouloir me faire parvenir des renseignements sur la procédure de divorce engagée au Kenya et sur la date approximative à laquelle le divorce sera prononcé. En attendant de recevoir ces pièces, je suis d’accord à ce qu’un visa valable jusqu’au 15 mai 1994 soit délivré à Madame WARUGURU ». Suite à la communication d’un certain nombre de pièces, un deuxième accord pour un visa valable jusqu’au 15 juillet 1994 fut accordé le 13 juin 1994 par le même ministre.

En date du 29 mars 1995, le mandataire de Madame WARUGURU adressa au ministère des Affaires Etrangères une lettre au contenu suivant: « concernant autorisation de séjour de Madame WARUGURU - Je me permets de revenir à l’affaire émargée et à ma lettre du 18 octobre 1994 à votre adresse. Je vous prie de bien vouloir me renseigner sur les suites que vous avez réservées à l’affaire émargée ».

Une déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention du permis de travail en faveur de Madame WARUGURU fut introduite par Monsieur Y. L. en date du 24 mars 1999. Il ressort d’un rapport de la brigade de gendarmerie de …, que cette dernière a été informée par l’administration de l'Emploi de Diekirch de la présence de Madame WARUGURU sur le territoire du Luxembourg et que les gendarmes ont procédé à un contrôle de ses papiers d’identité. Il s’est avéré que Madame WARUGURU séjournait au Grand-Duché de Luxembourg de façon ininterrompue depuis 1993 sans être en possession d’une autorisation de séjour et qu’elle y a travaillé sans permis de travail. Le passeport de Madame WARUGURU ayant perdu sa validité depuis le 5 avril 1998, le ministre de la Justice décida le retrait de son passeport en vue d’organiser son rapatriement.

Par lettre du 3 mai 1999, Madame WARUGURU demanda au ministre de la Justice de régulariser sa situation et de lui accorder une autorisation de séjour en précisant que l’Auberge « la Perle d’Or » serait d’accord à l’engager.

L’autorisation d’entrée et de séjour fut refusée à Madame WARUGURU le 18 août 1999 au motif que « l’intéressée ne dispose pas de moyens personnels. Or, selon l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels et suffisants permettant à l’étranger d’assurer son séjour au Grand-Duché, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient lui faire parvenir. En outre, il ressort du dossier administratif que votre mandante est en séjour irrégulier depuis 1993. Si votre mandante est entrée avec un visa touristique éventuellement en vue d’un mariage, il n’a jamais été question qu’elle intègre le marché de l’emploi. Par conséquent, votre mandante est invitée à quitter le territoire dans un délai d’un mois ».

2 Par requête déposée le 3 septembre 1999, Madame WARUGURU a introduit un recours en annulation contre la décision précitée du 18 août 1999.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir qu’il y aurait eu « violation du principe général de droit de la confiance légitime ». Elle expose à ce sujet que les « autorités luxembourgeoises ont adopté une attitude généreuse à l’égard de la requérante. Ensuite, les autorités ont adopté une attitude passive et complaisante. Finalement, les autorités - par un changement brusque de politique - ont adopté une attitude négative en essayant d’éloigner la requérante ». Elle estime que l’attitude généreuse se traduirait notamment par l’avis favorable émis par le ministre de la Justice en vue de l’attribution d’un visa, que l’attitude passive ressortirait de l’absence d’une réponse donnée aux nombreux courriers du mandataire, et que le changement brusque de la politique à son égard, en exigeant qu’elle quitte le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, nonobstant le fait qu’elle y était tolérée depuis 1993, prouverait l’attitude négative adoptée par le gouvernement à son encontre. Elle relève encore que l’invitation à quitter le territoire serait illégale, étant donné qu’en l’absence de décision négative, sa demande de visa serait toujours pendante, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme étant en séjour irrégulier. Elle demande finalement qu’il soit sursis à l’exécution de la décision attaquée.

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu que l’affaire serait en état d’être plaidée et décidée à brève échéance, de sorte que la demande de sursis serait sans objet. Il considère par ail eurs que cette demande serait irrecevable, étant donné que le recours au fond serait dirigé contre une décision négative.

Il conteste ensuite les développements de la demanderesse en ce qu’il serait faux de prétendre que le ministre de la Justice aurait violé le principe général de droit de la confiance légitime et qu’il aurait pris une attitude passive et complaisante à son égard. Il estime qu’il apparaîtrait clairement, au vu des pièces versées, que ce serait la demanderesse qui aurait abusé de l’attitude bienveil ante des autorités « en passant dans la clandestinité ». Quant à l’affirmation que la demanderesse ne se trouverait pas en séjour irrégulier, il relève que la demanderesse est une personne de nationalité kenyane qui ne dispose pas d’un passeport valable et qui est sans moyens d’existence.

Abstraction faite de la considération que le recours est dirigé contre une décision négative, la demande en sursis à exécution de la décision précitée du 18 août 1999 est devenue sans objet, l’affaire étant en état de recevoir une solution au fond.

Le recours en annulation, introduit dans les délai et formes de la loi, est recevable.

Il est constant que suite à une nouvelle demande d’autorisation de séjour introduite en date du 3 mai 1999, le ministre de la Justice a refusé de régulariser la situation de la demanderesse et de lui accorder une autorisation de séjour, au motif qu’elle ne disposait pas de moyens d’existence propres.

Aux termes de l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l'emploi de la main d'oeuvre étrangère, telle que modifiée par la suite, « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger: (…) - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ». Une autorisation de séjour peut donc être refusée lorsque l’étranger 3 ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

Le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l'appui de l’acte administratif attaqué. La mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d'opportunité à la base de l'acte administratif attaqué. Il ne peut que vérifier, d'après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute (trib. adm. 11 juin 1997, Pas. adm. 1/99, V° Recours en annulation, II. Pouvoirs du juge, n°7 et autre référence y citée).

Il ressort des éléments du dossier et des renseignements qui ont été fournis au tribunal, que la demanderesse ne disposait pas de moyens personnels propres au moment où la décision attaquée a été prise.

La demanderesse ne saurait justifier l’existence de moyens personnels suffisants par l’affirmation qu’un employeur est d’accord pour l’engager. En effet, au moment de la prise de décision, elle n’était pas en possession d’un permis de travail et elle n’était dès lors pas autorisée à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et à toucher légalement des revenus provenant de cet emploi.

La demanderesse n’invoque ni, a fortiori, ne prouve l’existence d’autres moyens personnels.

Il ressort des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que le ministre a refusé l’autorisation de séjour sollicitée.

Ce raisonnement ne saurait être énervé par le fait que le ministre, dans un premier temps, avait accordé à la demanderesse une prolongation de son visa Benelux jusqu’au 15 juillet 1994, étant donné qu’il était clairement précisé dans une lettre du 8 avril 1994 que ce visa serait accordé en considération de ses projets de mariage avec une personne habitant le Grand-Duché de Luxembourg.

Comme la demanderesse n’a pas fait parvenir au ministre de la Justice l’acte de mariage avec Monsieur S. et comme aucune nouvelle demande d’autorisation de séjour ne lui est parvenue, faisant état de circonstances qui donneraient droit à l’obtention d’une autorisation de séjour, il a pu conclure, à bon droit, que la demanderesse avait renoncé à sa demande et qu’elle avait quitté le pays, son visa touristique ayant expiré le 15 juillet 1994. En effet, il n’appartient pas au ministre de s’enquérir des suites à donner à une demande d’autorisation de séjour, qui a fait l’objet d’un refus formel. Par ailleurs, il est erroné de soutenir que la demande en obtention d’un visa n’aurait jusqu’à ce jour pas été vidée, étant donné qu’un visa a été accordé jusqu’à une date déterminée, de sorte qu’après cette date, il incombait à la demanderesse, qui bénéficiait de l’assistance d’un avocat, de solliciter, le cas échéant, une nouvelle prorogation de son visa.

Il se dégage de ce qui précède qu’il n’y avait pas de changement brusque d’attitude de la part de l’autorité compétente, étant donné que cette dernière ne s’est pas écartée de son comportement habituel ou de ses engagements pris, le cas échéant, par elle.

4 Le recours en annulation est dès lors à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare la demande en sursis à exécution sans objet, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 8 novembre 1999, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11519
Date de la décision : 08/11/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-11-08;11519 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award