La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/1999 | LUXEMBOURG | N°11293

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 novembre 1999, 11293


N° 11293 du rôle Inscrit le 14 mai 1999 Audience publique du 8 novembre 1999 Recours formé par Madame … ROEDER, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de nomination Vu la requête inscrite sous le numéro 11293 du rôle et déposée en date du 14 mai 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … ROEDER, fonctionnaire auprès de l’administration judiciaire, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêt

é grand-ducal du 21 décembre 1998 portant retrait de l’arrêté grand-ducal du 25 se...

N° 11293 du rôle Inscrit le 14 mai 1999 Audience publique du 8 novembre 1999 Recours formé par Madame … ROEDER, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de nomination Vu la requête inscrite sous le numéro 11293 du rôle et déposée en date du 14 mai 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … ROEDER, fonctionnaire auprès de l’administration judiciaire, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté grand-ducal du 21 décembre 1998 portant retrait de l’arrêté grand-ducal du 25 septembre 1998 portant nomination de Madame ROEDER au grade de chef de bureau adjoint, ainsi que d’une décision confirmative du ministre de la Justice du 19 février 1999 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 1999 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 septembre 1999 par Maître Jean-Marie BAULER pour Madame … ROEDER ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Marie BAULER et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 octobre 1999.

Par arrêté grand-ducal du 25 septembre 1998, Madame … ROEDER, chef de bureau adjoint à l’administration judiciaire, demeurant à L-…, fut nommée chef de bureau à la même administration avec effet au 1er octobre 1998. Suite à un avis émis par la Chambre des Comptes au sujet de cette nomination relevant qu’ « aux termes de l’article 31, paragraphe 1er, huitième alinéa de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, en ce qui concerne les promotions, seule la période des deux premières années du congé pour travail à mi-temps consécutives au congé de maternité ou d’accueil est considérée comme période d’activité de service intégral. Comme l’intéressée bénéficie d’un congé pour travail à mi-temps consécutif à un congé de maternité depuis le 18 novembre 1994, la période postérieure au 17 novembre 1996 est seulement computée pour la moitié, et partant, la condition d’ancienneté de dix années de grade à partir de la première nomination ne se trouve pas remplie à la date du 1er octobre 1998 », l’arrêté de nomination précité du 25 septembre 1998 fit l’objet d’un retrait dans le chef de Madame ROEDER par un nouvel arrêté grand-ducal datant du 21 décembre 1998.

1 Le recours gracieux introduit par Madame ROEDER suivant courrier de son mandataire du 12 février 1999 à l’encontre de l’arrêté grand-ducal précité du 21 décembre 1998 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 19 février 1999, elle a fait déposer en date du 14 mai 1999 un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation dudit arrêté grand-ducal.

Pour soutenir que le tribunal serait en l’espèce compétent pour statuer en tant que juge du fond, la partie demanderesse fait valoir que la fixation des traitements et la promotion du fonctionnaire seraient deux concepts si étroitement liés qu’on ne saurait les traiter de manière différente et admettre le recours en réformation concernant la fixation des traitements et le réfuter s’agissant de la promotion du fonctionnaire.

S’il est certes vrai qu’une promotion a en règle générale des répercussions directes au niveau de la fixation du traitement du fonctionnaire concerné, il n’en demeure pas moins qu’une décision en matière de nomination diffère fondamentalement quant à sa nature d’une décision en matière de fixation des traitements, de sorte que le recours spécifique, dérogatoire au droit commun et partant d’interprétation stricte, prévu par l’article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1974 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ne saurait, à défaut de texte légal afférent, être appliqué en matière de nomination.

Il s’ensuit qu’à défaut de disposition légale prévoyant un recours de pleine juridiction en matière de retrait d’une décision de promotion, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la partie demanderesse conclut d’abord à une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes en faisant valoir que l’autorité administrative aurait dû l’informer de son intention de retirer l’arrêté grand-ducal du 25 septembre 1998 en lui communiquant les éléments de fait et de droit l’amenant à agir ainsi, ceci par voie de lettre recommandée et en lui accordant un délai d’au moins 8 jours pour présenter ses observations.

Le délégué du Gouvernement rencontre ce moyen tenant à la régularité de la procédure suivie en faisant valoir que les dispositions de l’article 8 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 visant expressément le retrait rétroactif d’une décision ayant créé ou reconnu des droits auraient été scrupuleusement observées, et signale que ledit article ne prévoit pas de délai dans lequel la partie concernée peut présenter ses observations.

Il est constant que l’article 8 du règlement grand-ducal précité du 8 juillet 1979, en disposant qu’ « en dehors des cas où la loi en dispose autrement, le retrait rétroactif d’une décision ayant créé ou reconnu des droits n’est possible que pendant le délai imparti pour exercer contre cette décision un recours contentieux, ainsi que pendant le cours de la procédure contentieuse engagée contre cette décision. Le retrait d’une telle décision ne peut intervenir que pour une des causes qui auraient justifié l’annulation contentieuse de la décision », énonce une série de conditions dans lesquelles une décision individuelle ayant créé des droits peut être rapportée pour irrégularité par l’autorité compétente.

2 Outre cette limitation spécifique du droit de l’administration de procéder au retrait d’une décision administrative, la procédure administrative non contentieuse telle que réglementée par le règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 énonce cependant encore toute une série de règles consacrant de manière générale le principe du contradictoire en procédure administrative non contentieuse, ceci dans le but d’associer dans la mesure la plus large que possible l’administré concerné à la prise de décision, étant entendu que « le dialogue et l’obligation d’expliquer le pourquoi de la décision la fera plus aisément accepter » (cf. projet de loi réglant la procédure administrative non contentieuse, exposé des motifs, doc. parl. n° 2209, p. 3).

L’article 9 du même règlement grand-ducal, en disposant que « sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir.

Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d’au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations. Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne. …. », traduit la mise en œuvre d’un aspect crucial du principe du contradictoire, en ce qu’il tend à assurer dans le chef des destinataires de décisions à venir y plus particulièrement visées, l’exercice effectif de leur droit fondamental de prise de position et de défense pendant le processus de prise de décision.

En introduisant ainsi « dans le droit luxembourgeois une innovation aussi profonde que celle apportée par l’article 6, en conférant à la procédure administrative non contentieuse un caractère contradictoire » (cf. projet de loi réglant la procédure administrative contentieuse, prévisé, avis du Professeur G. Ph. Bloch, p. 11 et 12), ledit article 9 a vocation à s’appliquer d’une manière générale à chaque fois que l’administration se propose de prendre l’une des décisions plus particulièrement visées dans son alinéa premier, quelles que puissent être les conditions imposées par ailleurs pour certaines catégories de décisions autrement circonscrites, dont notamment celles du retrait visées à l’article 8 du règlement grand-ducal modifié du 8 juin 1979 précité, dès lors que la décision en question s’inscrit dans le champ d’application plus général de l’article 9.

L’arrêté grand-ducal litigieux du 21 décembre 1998, en portant retrait de la décision de nomination de la demanderesse au grade de chef de bureau adjoint avec effet au 1er octobre 1998, constitue certes une décision de retrait au sens de l’article 8 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 et doit dès lors en tout état de cause répondre aux exigences spécifiques y inscrites qui, au-delà d’une prescription spécifique tenant au délai, s’analysent en substance essentiellement en des conditions de fond.

Dans la mesure où ledit arrêté constitue cependant également sinon une décision assimilable quant à ses effets à une révocation d’une décision ayant créé ou reconnu des droits à un particulier, pour le moins une décision intervenue en dehors de l’initiative de la partie concernée au sens dudit article, étant entendu que c’est l’administration même qui, rendue attentive par la Chambre des Comptes sur une irrégularité affectant la nomination intervenue le 25 septembre 1998, a pris l’initiative de procéder au dit retrait, il s’inscrit dans les prévisions de l’article 9 prévisé et doit partant également répondre aux règles plus générales de procédure y prévues.

3 Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que les conditions d’application de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 sont remplies en l’espèce, de sorte qu’il y a lieu de retenir que la méconnaissance non contestée en fait par l’administration de son obligation d’informer la demanderesse préalablement de son intention de retirer l’arrêté grand-ducal de nomination du 25 septembre 1998 et de lui accorder un délai d’au moins huit jours pour présenter ses observations est de nature à entacher l’arrêté grand-

ducal déféré du 21 décembre 1998 confirmé par décision ministérielle du 19 février 1999 d’une illégalité devant entraîner son annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule l’arrêté grand-ducal déféré;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 novembre 1999 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11293
Date de la décision : 08/11/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-11-08;11293 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award