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08/11/1999 | LUXEMBOURG | N°11210

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 novembre 1999, 11210


Numéro 11210 du rôle Inscrit le 25 mars 1999 Audience publique du 8 novembre 1999 Recours formé par Madame … MONTEIRO DOS REIS, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 11210, déposée le 25 mars 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madam

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Numéro 11210 du rôle Inscrit le 25 mars 1999 Audience publique du 8 novembre 1999 Recours formé par Madame … MONTEIRO DOS REIS, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 11210, déposée le 25 mars 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … MONTEIRO DOS REIS, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi lui refusant l’octroi d’un permis de travail;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juin 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté attaqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Michèle OSWEILER, en remplacement de Maître Georges PIERRET, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par déclaration d’engagement du 20 juillet 1998, la société anonyme X, établie et ayant son siège social à L-…, introduisit auprès de l’administration de l’emploi une déclaration d’engagement en faveur de Madame … MONTEIRO DOS REIS, de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…, pour un poste d’ouvière-nettoyeuse.

Par arrêté du 28 janvier 1999, le ministre du Travail et de l’Emploi rejeta cette demande aux motifs suivants:

« - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place: 1.938 ouvriers non-qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - occupation irrégulière depuis le 20.07.1998 - augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi durant les cinq dernières années:

3.526 en 1993, 4.643 en 1994, 5.130 en 1995, 5.680 en 1996 et 6.357 en 1997 ».

Le syndicat LCGB forma, par courrier du 3 février 1999, un recours gracieux pour compte de Madame MONTEIRO DOS REIS qui fut rencontré par une décision confirmative du ministre du 11 février 1999.

A l’encontre de la décision ministérielle du 28 janvier 1999, Madame MONTEIRO DOS REIS fit introduire un recours en annulation par requête déposée le 25 mars 1999.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

La demanderesse reproche en premier lieu à l’arrêté ministériel déféré d’être intervenu, alors qu’elle dispose d’une autorisation de séjour lui délivrée le 6 mai 1997 et valable jusqu’au 6 mai 2002 et « qu’il paraît inconcevable de lui refuser l’autorisation de travail en raison de sa nationalité, alors qu’elle ne saurait jouir de son droit d’exister au Luxembourg à défaut de droit au travail ».

Ce moyen laisse néanmoins d’être fondé, étant donné que, d’après les dispositions légales et réglementaires en vigueur, les conditions de délivrance d’une autorisation de séjour diffèrent des critères d’octroi d’un permis de travail. Cette dualité de régime se manifeste encore au niveau des autorités compétentes qui délivrent les autorisations afférentes, en l’espèce le ministre de la Justice pour l’autorisation de séjour et le ministre du Travail et de l’Emploi pour la délivrance d’un permis de travail. L’obtention d’une autorisation de séjour ne fait dès lors naître aucun droit en faveur de son titulaire en vue de l’obtention corrélative d’un permis de travail (trib. adm. 29 juillet 1998, Calakovic, n° 10656 du rôle, Pas. adm. 2/99, v° Travail, n° 33).

La demanderesse conclut en second lieu à la violation de l’article 11 (4) de la Constitution en ce que le droit au travail y consacré lui serait refusé, cette inconstitutionnalité s’étendant pareillement aux dispositions légales et réglementaires sur lesquelles l’arrêté litigieux est fondé. Elle sollicite la saisine de la Cour Constitutionnelle quant à la question de la conformité de ces dispositions à la Constitution, sans autrement les préciser par ailleurs.

L’article 10 (1) du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 précité dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés au travailleur étranger pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi, compte tenu de la priorité à l’embauche dont bénéficient les ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, conformément à l’article 1er du règlement CEE 1612/68 concernant la libre circulation des travailleurs ».

Cette disposition trouve sa base légale habilitante à la fois dans l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, qui dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail 2 peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi » et dans l’article 1er du règlement CEE précité n° 1612/68, qui dispose que « 1. Tout ressortissant d’un Etat membre, quelque soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet Etat. 2. Ils bénéficient notamment sur le territoire d’un autre Etat membre de la même priorité que les ressortissants de cet Etat dans l’accès aux emplois disponibles ».

Lesdits articles 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, confèrent à l’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail, la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (v. trav. parl. relatifs au projet de loi concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers, 2. le contrôle médical des étrangers, 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, doc.

parl. n° 2097, exposé des motifs, page 2).

Au voeu de l’article 28 de la loi précitée du 28 mars 1972, et de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen sont dispensés de la formalité du permis de travail.

C’est à tort que le demandeur estime que cette réglementation serait tenue en échec par le principe constitutionnel du droit au travail. En effet, l’article 11 (4) de la Constitution, qui détermine que « la loi garantit le droit au travail et assure à chaque citoyen l’exercice de ce droit », s’applique d’abord aux ressortissants luxembourgeois et, ensuite, par assimilation, sur base de la réglementation communautaire, aux ressortissants des Communautés Européennes voire aux ressortissants de l’Espace Economique Européen. S’il est vrai que l’article 111 de la Constitution dispose que les étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché jouissent des mêmes droits que les nationaux, il n’en demeure pas moins que, en vertu de ladite disposition constitutionnelle, la loi peut prévoir des exceptions, comme tel est le cas en la présente matière (trib. adm. 14 janvier 1999, Padjen, n° 10627 du rôle).

Pour autant qu’elle a visé les dispositions précitées de la loi du 28 mars 1972, la demande de saisine de la Cour constitutionnelle quant à la question de leur conformité à l’article 11 (4) de la Constitution est dès lors à écarter sur base de l’article 6 alinéa 2 sub b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle.

Le recours n’étant justifié en aucun de ses deux moyens, il laisse d’être fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, 3 au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 novembre 1999 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT DELAPORTE 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11210
Date de la décision : 08/11/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-11-08;11210 ?

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