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28/10/1999 | LUXEMBOURG | N°10583

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 octobre 1999, 10583


N° 10583 du rôle Inscrit le 24 février 1998 Audience publique du 28 octobre 1999 Recours formé par Monsieur … WEBSTER contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en présence de Madame X.

en matière d’impôt sur le revenu Vu le jugement avant dire droit du 11 février 1999 ayant déclaré recevable le recours en réformation déposé au greffe du tribunal administratif le 24 février 1998 par Monsieur Karl-Heinz HORSBURGH, réviseur d’entreprises, aux noms de Monsieur … WEBSTER et de son épouse, Madame X., demeurant ensemble à …, C

anada, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des...

N° 10583 du rôle Inscrit le 24 février 1998 Audience publique du 28 octobre 1999 Recours formé par Monsieur … WEBSTER contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en présence de Madame X.

en matière d’impôt sur le revenu Vu le jugement avant dire droit du 11 février 1999 ayant déclaré recevable le recours en réformation déposé au greffe du tribunal administratif le 24 février 1998 par Monsieur Karl-Heinz HORSBURGH, réviseur d’entreprises, aux noms de Monsieur … WEBSTER et de son épouse, Madame X., demeurant ensemble à …, Canada, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 novembre 1997, qui a déclaré non fondée une réclamation formulée par Monsieur WEBSTER contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années d’imposition 1992 et 1993, émis le 2 février 1995, a dit que Madame X. n’était pas valablement représentée à l’instance, avant tout autre progrès en cause, a ordonné la mise en cause de l’épouse de Monsieur … WEBSTER, à savoir Madame X. et a refixé l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du mercredi 24 mars 1999 ;

Vu le « recours devant le tribunal administratif », inscrit également sous le numéro 10583 du rôle et déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 mai 1999 par Monsieur Karl-Heinz HORSBURGH, préqualifié, au nom de Madame X.-WEBSTER, de nationalité canadienne, demeurant à …, Canada, tendant à la réformation, d’une part, d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 novembre 1997, qui a déclaré non fondée une réclamation formulée par Madame X. contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années d’imposition 1992 et 1993, émis le 2 février 1995, et, d’autre part, des bulletins de l’impôt sur le revenu émis en date du 2 février 1995 par le bureau d’imposition de Capellen au sujet respectivement des années d’imposition 1992 et 1993 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision et les bulletins entrepris ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, Monsieur Karl-Heinz HORSBURGH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 février 1998, Monsieur … WEBSTER, demeurant à …, Canada, avait introduit un recours tendant à la réformation d’une 1 décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 novembre 1997, qui a déclaré non fondée une réclamation formulée par lui contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années d’imposition 1992 et 1993, émis le 2 février 1995.

Par jugement du 11 février 1999, le tribunal a déclaré ce recours recevable, en ce qu’il avait été formulé par Monsieur WEBSTER, en décidant toutefois que son épouse, Madame X., au nom de laquelle la requête introductive d’instance avait également été introduite, n’était pas valablement représentée à l’instance, étant donné que le représentant professionnel de Monsieur WEBSTER, à savoir Monsieur HORSBURGH, ne disposait pas d’un mandat de la part de Madame X. en vue de l’introduction d’un tel recours, et qu’il importait donc, avant tout autre progrès en cause, d’ordonner sa mise en cause, en refixant l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du 24 mars 1999.

Dans ce même jugement du 11 février 1999, le tribunal a écarté un premier moyen d’irrecevabilité tiré du défaut d’indication dans la requête introductive d’instance de la demeure des parties, un deuxième moyen d’irrecevabilité tiré du défaut d’indication du domicile du signataire de la requête et enfin un troisième moyen d’irrecevabilité tiré du défaut de justification d’une habilitation donnée à Monsieur HORSBURGH en vue de représenter Monsieur WEBSTER devant le tribunal administratif.

Par un « recours devant le tribunal administratif » déposé au greffe du tribunal administratif le 27 mai 1999, Madame X., épouse de Monsieur … WEBSTER, demeurant à …, Canada, a introduit une demande tendant, d’une part, à la réformation de la décision précitée du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 novembre 1997, et, d’autre part, des deux bulletins de l’impôt sur le revenu émis par le bureau d’imposition de Capellen en date du 2 février 1995, relatifs respectivement aux années d’imposition 1992 et 1993.

Ledit « recours devant le tribunal administratif » est à qualifier d’intervention volontaire d’une partie intéressée au litige, conformément à l’article 22 de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, applicable au présent litige, nonobstant la terminologie utilisée par la requête en question, dans la mesure où elle a été déposée à la suite de la mise en cause de Madame X., ordonnée par le tribunal administratif dans son jugement précité du 11 février 1999.

L’intervention volontaire de Madame X. ayant été formée dans les formes de la loi, elle est recevable.

A l’appui de leur recours et intervention volontaire respectives, les époux WEBSTER-

X. font valoir que ce serait à tort que le directeur de l’administration des Contributions directes a refusé de prendre en compte les frais scolaires encourus par eux au sujet de leurs deux enfants communs, en ce qu’ils n’ont pas été admis en tant que charges extraordinaires sur base de l’article 127 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, appelée ci-après « LIR ». Ils estiment que ces frais scolaires devraient être retenus en tant que charges extraordinaires du fait qu’ils n’incomberaient pas à la majorité des contribuables se trouvant dans une situation analogue à la leur, du point de vue de la situation familiale et de l’importance des revenus et de la fortune. Dans ce contexte, ils exposent que du fait que l’engagement de Monsieur WEBSTER auprès de la société anonyme Y. n’avait qu’un caractère temporaire, dans la mesure où il avait pour mission exclusive de créer au Luxembourg, au sein de l’entreprise, un nouveau département ayant trait au marché 2 international du nickel, ils auraient été dans l’obligation d’offrir à leurs deux enfants, âgés en 1992 de respectivement 9 et 6 ans, une école en langue anglaise, ayant un programme scolaire similaire à celui du Canada, pays d’origine, afin d’éviter un retard dans l’éducation des enfants, et leur permettant également de poursuivre leur éducation au Canada lors du retour de la famille dans leur pays d’origine au mois de février 1995. Ils n’auraient partant pas pu inscrire leurs enfants à l’école publique luxembourgeoise, étant donné que le recours à un tel système scolaire « aurait conduit à un retard de 1 à 2 ans dans leur éducation lors de leur retour au Canada ». Au vu de ces considérations, ils auraient partant inscrit leurs enfants à « l’American International School of Luxembourg », école anglo-saxonne privée, entraînant un coût élevé à payer par les parents des enfants, représentant une part significative de leur revenu imposable.

Ces frais, au sujet desquels les deux parties indiquent d’ailleurs des montants légèrement différents, devraient être reconnus en tant que charges extraordinaires sur base de l’article 127 LIR, dans la mesure où, en leur qualité d’expatriés, constituant une minorité des contribuables, ils auraient été obligés de recourir à des « établissements d’enseignement privé plus couteux afin d’assurer une cohérence dans l’éducation de leurs enfants », ce qui les différencierait « de la grande majorité des contribuables résidant [qui] sont dans une situation stable quant à leur résidence au Grand-Duché [ce qui] leur permet en effet de bénéficier du système scolaire offert par le Grand-Duché ».

Ces frais scolaires auraient encore été inévitables pour des raisons matérielles, juridiques ou morales dans la mesure où l’inscription de leurs enfants dans l’enseignement public aurait causé un retard « irrécupérable » dans la formation de leurs enfants. Par ailleurs, ces frais élevés auraient réduit leur capacité contributive de manière considérable au vu du montant des frais scolaires en question.

Le délégué du gouvernement soutient que les frais scolaires invoqués par les époux WEBSTER-X. ne tomberaient pas dans le champ d’application de l’article 127 LIR, en estimant que les trois conditions cumulatives prévues par la circulaire LIR 127/1 du 13 septembre 1991 ne seraient pas remplies en l’espèce, à savoir le caractère extraordinaire et inévitable de la charge en question, ainsi que la réduction considérable, du fait de la charge, de la faculté contributive du contribuable.

Les parties au litige basent leur demande exclusivement sur l’article 127 LIR, en ne contestant pas la décision directoriale déférée en ce qu’elle a refusé l’application de l’article 105 LIR. Par conséquent, il y a exclusivement lieu de statuer sur l’application de l’article 127 en question.

L’article 127 LIR dispose en ses paragraphes 1 à 4 que : « (1) Sur demande le contribuable obtient un abattement de revenu imposable du fait de charges extraordinaires qui sont inévitables et qui réduisent d’une façon considérable sa faculté contributive.

(2) Le contribuable est censé avoir des charges extraordinaires lorsqu’il a des obligations qui n’incombent normalement pas à la majorité des contribuables se trouvant dans une situation analogue quant à la situation familiale et quant à l’importance des revenus et de la fortune. Ne sont toutefois pas à prendre en considération les charges et dépenses déductibles à titre de dépenses d’exploitation, de frais d’obtention ou de dépenses spéciales.

(3) Une charge extraordinaire est inévitable au sens du présent article, lorsque le contribuable ne peut s’y soustraire pour des raisons matérielles, juridiques ou morales.

3 (4) Les charges extraordinaires réduisent la faculté contributive d’une façon considérable dans la mesure où elles dépassent les pourcentages de revenu [désignés au tableau faisant partie intégrante du paragraphe en question] ».

Pour qu’un contribuable puisse faire valoir l’abattement, l’article 127 précité pose trois conditions de fond qui doivent être remplies cumulativement, à savoir a) la charge doit être extraordinaire, b) elle doit être inévitable et c) elle doit réduire la faculté contributive du contribuable de façon considérable.

En ce qui concerne la première condition de fond, il échet de retenir qu’une charge est à qualifier d’extraordinaire à partir du moment où le contribuable doit satisfaire à des obligations « qui n’incombent normalement pas à la majorité des contribuables se trouvant dans une situation analogue quant à la situation familiale et quant à l’importance des revenus et de la fortune ».

Les seules charges qui peuvent par conséquent être retenues en tant que charges extraordinaires sont celles qui ne grèvent pas la généralité des contribuables ou des groupes de contribuables, mais un nombre restreint de personnes par rapport aux groupes se trouvant dans une même situation.

Le tribunal est partant amené à analyser le groupe de personnes dont font partie les époux WEBSTER-X.. A cette fin, il y a lieu de retenir que les époux WEBSTER-X. font partie des ressortissants étrangers qui, ayant conclu un contrat de travail en vertu duquel ils sont amenés à exécuter la prestation de travail sur le territoire luxembourgeois, décident d’établir leur domicile au Luxembourg ensemble avec les autres membres de leur famille, dont font partie un ou plusieurs enfants en âge scolaire, ayant suivi un enseignement scolaire dans un Etat tiers avant leur déménagement vers le Luxembourg, et qui quittent le Luxembourg après une certaine période. La durée du contrat de travail ainsi conclu est dans ce contexte indifférent dans la mesure où, du fait du transfert du domicile d’un Etat tiers vers le Luxembourg, les enfants sont obligés de changer de système scolaire et plus particulièrement de s’adapter notamment aux exigences linguistiques posées par le système scolaire luxembourgeois, et où ce changement de système scolaire risque de poser des problèmes aux enfants, en ce que notamment des retards dans leur progression ou d’autres problèmes plus spécifiques pour des matières données sont susceptibles d’apparaître et où, à ces problèmes initiaux d’intégration au système scolaire luxembourgeois, d’autres problèmes risquent de s’y ajouter du fait du départ dans un avenir plus ou moins lointain des étudiants en question, ensemble avec leur parents, dans soit leur pays d’origine soit dans un autre Etat dans lequel l’un ou les deux parents seront le cas échéant amenés à continuer leur vie professionnelle.

S’il est indéniable que ces changements de système scolaire risquent de causer aux étudiants, ainsi qu’à leurs parents, des problèmes d’intégration difficiles, surtout en ce qui concerne les langues dans lesquelles les matières scolaires sont enseignées, il n’en demeure pas moins que tous les travailleurs étrangers venant s’installer au Luxembourg en vue d’y exécuter leur prestation de travail et ayant l’intention de quitter ce pays dans un avenir plus ou moins lointain, se trouvent dans la même situation et forcément tous ces étrangers ont intérêt à inscrire leurs enfants dans des écoles privées, pour autant qu’elles existent au Luxembourg, voire dans d’autres écoles payantes, dont les programmes scolaires sont similaires voire identiques à ceux des écoles dans lesquelles leurs enfants ont été inscrits avant leur déménagement vers le Luxembourg.

4 Ce groupe de personnes, dont font partie les époux WEBSTER-X., est donc différent de celui auquel appartiennent les ressortissants nationaux et les ressortissants étrangers dont les enfants ont suivi dès la première année scolaire obligatoire un enseignement donné par une école publique luxembourgeoise.

C’est partant à tort que les époux WEBSTER-X. entendent comparer leur situation aux contribuables résidents qui poursuivent un travail salarié au Luxembourg sans avoir eu dans le passé la qualité de salariés dans un Etat tiers. En effet, ce groupe, très large, de contribuables ne se trouve pas dans une situation analogue à celle des époux WEBSTER-X. et il ne saurait partant être pris en considération en vue de comparer la situation de ces époux.

Comme la situation familiale et professionnelle des époux WEBSTER-X. n’est pas différente de celle des autres travailleurs étrangers s’établissant au Luxembourg pour une période déterminée, plus ou moins longue, et comme d’ailleurs les époux WEBSTER-X.

n’ont ni allégué ni établi en quoi leur situation serait différente de ces autres travailleurs étrangers, les dépenses qu’ils avaient encourues du fait de la scolarité de leurs enfants au Luxembourg n’ont rien d’exceptionnel alors qu’elles incombent normalement à tous les contribuables résidents ayant auparavant exercé une activité professionnelle salariée ou indépendante dans un Etat tiers.

Etant donné que l’une des trois conditions cumulatives à remplir par un contribuable résidant en vue de bénéficier de l’article 127 précité n’est pas remplie en l’espèce, les époux WEBSTER-X. ne tombent pas dans le champ d’application de l’article en question, sans qu’il y ait lieu d’analyser si les deux autres conditions sont remplies.

Il suit de ce qui précède que les frais de scolarité dont font état les époux WEBSTER-

X. ne constituent pas une charge extraordinaire, déductible de leur revenu imposable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement avant dire droit du 11 février 1999 ;

reçoit l’intervention volontaire de Madame X. ;

au fond dit le recours inscrit sous le numéro du rôle 10583 non justifié et en déboute ;

déclare le jugement commun à Madame X. ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge 5 Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 28 octobre 1999, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10583
Date de la décision : 28/10/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-10-28;10583 ?

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