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27/10/1999 | LUXEMBOURG | N°11595

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 octobre 1999, 11595


N° 11595 du rôle Inscrit le 20 octobre 1999 Audience publique du 27 octobre 1999

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Recours formé par Madame … ASSIS DE CARDOSO contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 octobre 1999 par Maître André MARMANN, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … ASSIS DE CARDOSO, née le …, d

e nationalité brésilienne, ayant été placée au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig...

N° 11595 du rôle Inscrit le 20 octobre 1999 Audience publique du 27 octobre 1999

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Recours formé par Madame … ASSIS DE CARDOSO contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 octobre 1999 par Maître André MARMANN, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … ASSIS DE CARDOSO, née le …, de nationalité brésilienne, ayant été placée au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 28 septembre 1999 ordonnant une mesure de placement à son égard. Cette requête contient en outre une demande tendant au prononcé du sursis à exécution de la décision ministérielle querellée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître André MARMANN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Il ressort d’un procès-verbal daté du 28 septembre 1999 établi par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale qu’en date du 20 septembre 1999, Madame … ASSIS DE CARDOSO, née le 11 janvier 1965, de nationalité brésilienne, a été arrêtée par la police luxembourgeoise. Ledit procès-verbal précise encore que: « Diesmal auf Grund des Signalementes zwecks Ausweisung. Hierüber orientiert Protokoll der Polizei Luxembourg Nr. 10816 SRPS-L vom 20.9.1999, (…).

Am 28.9.1999 hob die "Chambre du Conseil" den "Mandat de dépôt" auf. (…) Eine Abschiebung war zu diesem Zeitpunkt nicht möglich, da ASSIS nicht im Besitz eines Passes war. Da die Freilassung ausserhalb der Bürostunden erfolgen sollte, wurde der Substitut vom Dienst kontaktiert, welcher eine "Mesure de Rétention" anordnete.

ASSIS ist nicht im Besitz eines Ausweisdokumentes und hat lediglich 305.- Franken als Barmittel.

Berichtender kontaktierte die niederländischen Behörden um die aktuelle fremdenpolizeiliche Situation von ASSIS in den Niederlanden zu erfragen. Es wurde mitgeteilt, dass ASSIS im Juni 1999 den Aufenthaltstitel entzogen bekam und sie freiwillig ausreiste. Sie hat in den Niederlanden zur Zeit keine Aufenthaltsberechtigung mehr.

1 Eine Mesure de Placement dürfte angeordnet werden bis eine Abschiebung möglich ist.

Angesichts der Lage bestehen anschliessend zwei Möglichkeiten:

1.- Dortige Stelle beantragt bei den Niederländischen Behörden eine Rücknahme gemäss Art. 7 des Benelux-Abkommens. (Die Ausreise aus den Niederlanden fällt in die Frist von 6 Monaten) 2.- Dortige Stelle beantragt ein Reisedokument bei der brasilianischen Botschaft und weist dieselbe nach Brasilien aus. Somit wäre eine Ausreise aus dem Schengen-Raum gewährleistet. (…) ».

Le ministre de la Justice ayant été informé de cet état des choses, ordonna, par arrêté du 28 septembre 1999, le placement de Madame … ASSIS DE CARDOSO au Centre Pénitentiaire de Luxembourg pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants:

« Vu le rapport no 6/2376 du 28 septembre 1999 du Service de Police Judiciaire;

Vu le mandat de dépôt du 20 septembre 1999, décerné du chef d’infraction à la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers, article 31;

Considérant que l’intéressée a été conduite à la maison d’arrêt le 20 septembre 1999;

Considérant qu’en date du 27 septembre 1999 la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg a ordonné la mise en liberté provisoire de l’intéressée;

qu’elle s’adonne à la prostitution, partant à une activité lui procurant des moyens d’existence sans être en possession d’une autorisation de séjour;

- qu’elle est démunie de toute pièces d’identité et de voyage valables;

qu’en conséquence elle se trouve en séjour illégal au pays;

qu’elle est signalée au SIS par les autorités espagnoles sous le no E15051038221AO et par les autorités luxembourgeoises sous le no L 00000000 15517;

qu’elle a été refoulée vers les Pays-Bas les 23 septembre 1998, 17 novembre 1998, 1er juin 1999 et 21 juillet 1999;

qu’une nouvelle reprise sera demandée aux autorités néerlandaises;

que l’éloignement immédiat de l’intéressée vers les Pays-Bas n’est pas possible;

Considérant que des raisons tenant à la sauvegarde de l’ordre public nécessitent que l’intéressée soit placée au Centre Pénitentiaire de Luxembourg en attendant son éloignement ».

Par requête déposée le 20 octobre 1999, Madame ASSIS DE CARDOSO a introduit un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle de placement précitée du 28 septembre 1999. Ladite requête contient en outre une demande de sursis à exécution de la décision litigieuse.

QUANT A LA DEMANDE DE SURSIS A EXECUTION C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut à l’incompétence du tribunal pour connaître de la demande de sursis à exécution qui lui a été soumise.

2 En effet, au voeu de l’article 11 paragraphe (3) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, entrée en vigueur le 16 septembre 1999, les demandes de sursis à exécution sont à présenter par requête distincte au président du tribunal. En d’autres termes, cette disposition attribue compétence exclusive au président du tribunal pour statuer sur les demandes de sursis à exécution.

Il s’ensuit qu’en l’espèce, la demande de sursis ayant été adressée à la formation collégiale du tribunal administratif, le tribunal est incompétent pour en connaître.

QUANT AU RECOURS EN REFORMATION SINON EN ANNULATION L’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère instituant un recours de pleine juridiction contre une mesure de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Comme le recours en réformation, non autrement contesté sous ce rapport, a également été introduit dans les formes et délai de la loi, il est également recevable. Cette conclusion n’est pas ébranlée par le fait que l’intéressée a été remise aux autorités néerlandaises en date du 25 octobre 1999, tel que l’a précisé le délégué du gouvernement lors des plaidoiries. En effet, s’il est vrai que ni la réformation, ni l’annulation de la décision de placement prise à l’égard de la demanderesse ne sauraient désormais avoir un effet concret, la mesure en question ayant de toute manière cessé, la demanderesse garde néanmoins un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la mesure, de la part de la juridiction administrative, puisqu’en vertu d’une jurisprudence constante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en oeuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé aux particuliers par les décisions en question.

Etant donné que l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision, de sorte que la demande en annulation de la décision critiquée est à déclarer irrecevable.

QUANT AU FOND La demanderesse soutient que la décision de placement violerait l’article 15 paragraphe 1er de la loi précitée du 28 mars 1972 au motif que le Centre Pénitentiaire de Luxembourg ne constituerait pas un établissement approprié au sens de ladite disposition.

Elle estime en outre, sans apporter d’autres précisions et développements, que la décision critiquée violerait les articles 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le délégué du gouvernement expose notamment que le 4 août 1998, la demanderesse se serait vue dresser procès-verbal pour avoir détenu 5,5 grammes de cocaïne et que le 27 mai 1999 elle aurait été condamnée à neuf mois de prison, dont six avec sursis et une amende de 3 20.000.- francs, pour avoir fait usage et importé de la cocaïne et pour avoir enfreint un arrêté d’expulsion.

Le délégué ajoute qu’elle aurait fait l’objet d’une première mesure de rétention ordonnée par le parquet de Luxembourg en date du 13 novembre 1998, « alors qu’elle s’adonnait à la prostitution, était démunie de pièce d’identité et qu’elle avait fait l’objet d’un éloignement vers les Pays-Bas en date du 23 septembre 1998 », qu’en date du 16 novembre 1998, elle aurait fait l’objet d’un arrêté d’expulsion et que le 17 novembre 1998 elle aurait été refoulée vers les Pays-Bas, que le 14 juillet 1999, elle aurait été arrêtée pour encore avoir enfreint l’arrêté d’expulsion précité et que, le 20 septembre 1999, elle aurait été arrêtée sur ordre du parquet pour une infraction identique. Le délégué précise encore que, suite à une décision de mise en liberté provisoire en date du 27 septembre 1999, la décision de placement litigieuse aurait été prise au motif que l’expulsion immédiate de la demanderesse était impossible.

Le délégué du gouvernement estime que les susdits faits démontreraient que la mesure de placement au Centre Pénitentiaire serait nécessaire et justifiée. Il conclut en outre au rejet du moyen tiré de la violation des articles 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme.

En l’espèce, la demanderesse ne conteste ni l’existence d’une décision d’expulsion ou de refoulement légalement prise, ni le fait que son éloignement ne pouvait pas être mis à exécution en raison d’une circonstance de fait ni encore l’existence d’un danger réel qu’elle essaie de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieure, mais elle conteste uniquement que son incarcération au Centre Pénitentiaire de Luxembourg ne serait pas légalement justifiée.

Il est vrai que l’incarcération dans un centre pénitentiaire d’une personne sous le coup d’une mesure de placement ne se justifie qu’au cas où cette personne constitue, en sus des conditions ci-avant énoncées et non contestées en l’espèce, un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.

Or, en l’espèce, les faits, ci-avant retracés, exposés par le délégué du gouvernement, non contestés par la partie demanderesse et documentés à suffisance de droit par les éléments figurant au dossier administratif et plus particulièrement les faits gisant à la base d’un jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 27 mai 1997, par lequel la demanderesse a été condamnée pour avoir, de manière illicite, importé et fait usage d’un stupéfiant et pour être rentrée à deux reprises, en date des 14 janvier et 1er mars 1999, comme étrangère expulsée, au Luxembourg, sans autorisation préalable, caractérisent le comportement d’une étrangère susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et ce comportement justifie dans les circonstances de l’espèce qu’elle soit placée au Centre Pénitentiaire de Luxembourg afin d’éviter qu’elle porte à nouveau atteinte à la sécurité et à l’ordre publics et pour garantir qu’elle soit à la disposition des autorités en vue de son éloignement ultérieur.

En d’autres termes, le Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig est à considérer, en l’espèce, comme constituant un établissement approprié tel que visé par l’article 15 paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972.

Par ailleurs, concernant la prétendue violation de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, le paragraphe 1, point f.) dudit article 5 dispose que « toute 4 personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: f.) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulière d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours ». Il convient de relever que ladite disposition prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Il convient encore de préciser que le terme d’expulsion utilisé à l’article 5 est à entendre dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement d’une personne se trouvant en séjour irrégulier dans un pays. En effet, il est admis que, lorsqu’en raison des circonstances de fait, le refoulement d’un étranger se révèle impossible, sa détention peut être ordonnée conformément à cette disposition. Le moyen afférent est partant à rejeter.

Enfin, il convient également de rejeter le moyen tiré de la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors qu’une détention au Centre Pénitentiaire de Luxembourg ne saurait, en tant que telle, être considérée comme dégradante ou inhumaine si les conditions légalement prévues sont remplies, comme c’est le cas en l’espèce, tel que cela ressort des considérations qui précèdent.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que la demanderesse est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître de la demande de sursis à exécution;

déclare le recours en annulation irrecevable;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié, partant le rejette;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 27 octobre 1999 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11595
Date de la décision : 27/10/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-10-27;11595 ?

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