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27/10/1999 | LUXEMBOURG | N°10313

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 octobre 1999, 10313


N° 10313 du rôle Inscrit le 29 septembre 1997 Audience publique du 27 octobre 1999 Recours formé par DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A.

contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en présence de Monsieur X. et consorts en matière de comité mixte d’entreprise Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 1997 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A., établie et ayant son siège socia

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N° 10313 du rôle Inscrit le 29 septembre 1997 Audience publique du 27 octobre 1999 Recours formé par DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A.

contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en présence de Monsieur X. et consorts en matière de comité mixte d’entreprise Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 1997 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A., établie et ayant son siège social à …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 21 juillet 1997 par laquelle il a déclaré valable la désignation des représentants des salariés au conseil d’administration de la société, telle qu’effectuée par les délégations des ouvriers et des employés privés ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick HOSS, demeurant à Luxembourg, du 17 septembre 1997, par lequel ce recours a été signifié à Monsieur X., en sa qualité de directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, demeurant à Luxembourg, 26, rue Ste Zithe, à Monsieur Y., en sa qualité de président de la délégation des employés privés, demeurant à L-

…, à Monsieur Z., en sa qualité de président de la délégation des ouvriers, demeurant à L-…, à Monsieur A., demeurant à L-…, à Monsieur B., demeurant à L-… et à Monsieur C., demeurant à L-…;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 avril 1998 ;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 22 mars 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Messieurs Y., Z., A., B., C., préqualifiés ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 18 mars 1999 par lequel ce mémoire en réponse a été signifié à la société anonyme DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A., préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mai 1999 pour compte de la société anonyme DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A., préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

1 Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Victor ELVINGER et Georges PIERRET, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

En date du 14 mars 1997, les représentants des salariés de la société anonyme DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A., ci-après dénommée « DU PONT DE NEMOURS », démissionnèrent du conseil d’administration, afin de manifester leur désapprobation portant sur un projet de transfert du département « informatique » de la prédite société à une société D. S.A., établie à Luxembourg.

En date du 21 avril 1997, les délégations respectives des ouvriers et des employés privés de l’entreprise désignèrent les membres à figurer au conseil d’administration de DU PONT DE NEMOURS, à savoir Messieurs A. et B., en remplacement des membres démissionnaires.

Par lettre du 21 avril 1997, DU PONT DE NEMOURS informa Monsieur Z., en sa qualité de président de la délégation des ouvriers, de ce que « la candidature soumise pour l’élection d’un délégué ouvrier au conseil d’administration de DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A. ne peut être acceptée étant donné que les listes électorales des travailleurs remplissant les conditions pour exercer l’électorat passif n’ont pas été établies (Art. 3 du règlement grand-ducal du 24 septembre 1974 sur les opérations électorales pour désignation des représentants du personnel dans les comités mixtes d’entreprise et les conseils d’administration) ».

Par lettre du 24 avril 1997, DU PONT DE NEMOURS informa Monsieur Y., en sa qualité de président de la délégation des employés privés, de ce que « les candidatures soumises pour l’élection des délégués employés au conseil d’administration de DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A. ne peuvent être acceptées » en indiquant les mêmes motifs que ceux qui ont fondé la décision précitée du 21 avril 1997.

Les présidents respectifs de la délégation des employés privés et de celle des ouvriers informèrent le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, dénommé ci-après le « directeur », par courrier du 12 mai 1997, que « suite à la démission des représentants des salariés de DU PONT DE NEMOURS au conseil d’administration du 14 mars 1997, les délégations des employés et des ouvriers ont nommé le 18 resp. le 22 avril 1997 à l’unanimité Messieurs B, C. et A comme nouveaux représentants salariés au conseil d’administration.

Ci-joint vous trouvez les lettres du 21 resp. 24 avril 1997 nous informant que la direction de DU PONT DE NEMOURS S.A. a refusé d’accepter ces nominations.

Par conséquence nous prenons la respectueuse liberté, de vous prier de bien vouloir vous occuper de cette affaire dans l’intérêt de notre personnel ».

En date du 1er juin 1997, DU PONT DE NEMOURS procéda à un transfert du département « informatique » à la société D. S.A., précitée.

En date du 3 juin 1997, DU PONT DE NEMOURS procéda à l’organisation des opérations électorales en vue de la désignation des représentants des salariés au conseil 2 d’administration et, dans ce contexte, la société procéda en date du 13 juin 1997 à la publication de la liste en vue de l’élection au conseil d’administration en question.

En date du 21 juillet 1997, le directeur prit la décision qui suit : « Vu l’article 37 (2) de la loi du 6 mai 1974 instituant les comités mixtes dans les entreprises du secteur privé et organisant la représentation des salariés dans les sociétés anonymes ;

Vu la lettre du 12 mai 1997 par laquelle les présidents des délégations ouvrière et employé privé ont saisi le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines d’un litige se résumant à analyser le refus de l’acceptation par DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A. de la désignation des représentants des salariés au Conseil d’administration avant d’avoir organisé des élections proprement dites ;

Vu les lettres du 3 juillet 1997 par lesquelles les parties en cause, ont été valablement convoqués et entendus en leurs explications et arguments, le 9 juillet 1997.

Attendu que le recours a été régulièrement introduit.

Attendu que force a été de constater que les parties en cause reconnaissent les faits suivants : que le 14 mars 1997 les représentants des salariés de DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A. au Conseil d’administration ont démissionné ;

que le 21 avril 1997 les délégations des ouvriers et employés privés procèdent à l’élection des candidats respectifs ;

que le 21 avril 1997 elles présentent la liste des membres effectifs à la direction de DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A. ;

que le 21 avril 1997 la direction refuse d’accepter la désignation des candidats au motif que les listes électorales des travailleurs remplissant les conditions pour exercer l’électorat passif n’ont pas été établies.

Attendu qu’il est constant en cause que la direction a retardé à organiser l’élection des représentants des salariés siégeant au conseil d’administration ;

que la loi du 6 mai 1974 instituant des comités mixtes dans les entreprises du secteur privé et organisant la représentation des salariés dans les sociétés anonymes ne prévoit pas de délai quant à l’organisation de ces élections suite à une démission des représentants des salariés siégeant au conseil d’administration ;

que l’article 25 (1) de la loi précitée dispose que les administrateurs seront désignés par la ou les délégations d’entreprise par vote secret à l’urne, au scrutin de la liste suivant les règles de la représentation proportionnelle parmi les travailleurs occupés dans l’entreprise ;

que l’article 25 (2) de la même loi dispose que les délégations ouvrières et les délégations d’employés procéderont s’il y a lieu, par voie de scrutin séparés à la désignation des représentants du personnel ;

qu’en l’espèce les deux délégations ont procédé suite à un accord solidaire à la désignation des membres effectifs, de sorte que l’organisation d’élections est devenue superfétatoire ;

que partant et à défaut de disposition légale contraire la direction DU PONT DE NEMOURS (Luxembourg )S.A. aurait dû accepter les candidats lui proposés en date du 21 avril 1997 ;

qu’elle est mal venue à soutenir à l’heure actuelle que sur la liste des ouvriers figure un candidat n’ayant pas le statut d’ouvrier ;

3 qu’à l’époque elle aurait dû saisir le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines de cette contestation conformément à l’article 37 (2) de la loi du 6 mai 1974 instituant des comités mixtes dans les entreprises du secteur privé et organisant la représentation des salariés dans les sociétés anonymes.

Attendu que le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines est chargé en vertu de l’article 37 (2) de la loi du 6 mai 1974 précitée des contestations résultant de l’application de cette loi, étant par ailleurs chargé de contrôler l’application des dispositions de celle-ci en vertu de l’article 37 (1);

Le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines :

dit que le recours est partant recevable et fondé ;

dit que DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A. aurait dû accepter les candidats présentés par les délégations respectives désignés à siéger au conseil d’administration ;

invite la direction DU PONT DE NEMOURS (LUXEMBOURG) S.A. à accepter les listes déposées et à se conformer à toutes les obligations instaurées par la loi du 6 mai 1974 précitée ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 1997, DU PONT DE NEMOURS a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du 21 juillet 1997 qui lui a été notifiée par courrier du directeur du même jour.

Le délégué du gouvernement soutient que le directeur serait à considérer comme juge de première instance et que partant le tribunal administratif serait incompétent pour connaître du présent recours.

Messieurs Y., Z., A, B et C., dénommés ci-après les « consorts Y. », se rallient aux conclusions d’incompétence du délégué du gouvernement, en invoquant, d’une part, l’article 37 (2) de la loi modifiée du 6 mai 1974 instituant des comités mixtes dans les entreprises du secteur privé et organisant la représentation des salariés dans les sociétés anonymes et, d’autre part, les articles 5 et 6 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse conteste l’incompétence du tribunal administratif, en soulevant plusieurs arguments tirés notamment de la loi précitée du 6 mai 1974 ainsi que de la loi précitée du 7 novembre 1996.

En premier lieu, la demanderesse invoque l’article 37 (2) de la loi précitée du 6 mai 1974, qui dispose que « les contestations résultant de l’application des dispositions de la présente loi sont soumises à la décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines.

Cette décision peut faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat, Comité du Contentieux, statuant comme juge d’appel et au fond », pour soutenir qu’il résulterait non seulement des travaux parlementaires ayant précédé l’adoption de la prédite loi mais également de la terminologie employée par la disposition légale en question que le tribunal administratif, en tant que juridiction de droit commun ayant remplacé le Comité du 4 contentieux du Conseil d’Etat est compétent en première instance pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions prises par le directeur, la référence faite au « juge d’appel et au fond» visant exclusivement à déterminer le type de recours, à savoir, en l’espèce, le recours en réformation, susceptible d’être introduit auprès du tribunal administratif.

Au vu de l’argument ainsi développé, le tribunal est amené à rechercher le sens exact de l’article 37 (2) précité. Il est dans ce contexte intéressant de se référer au projet de loi initialement déposé en date du 26 avril 1973, et ayant eu pour objet d’instituer des comités mixtes dans les entreprises du secteur privé et d’organiser la représentation des salariés dans les sociétés anonymes, dont l’article 40 avait le contenu suivant :

« (1) L’Inspection du Travail et des Mines est chargé de contrôler l’application des dispositions de la présente loi et de ses règlements d’exécution.

(2) Les contestations résultant de l’application des dispositions de la présente loi sont soumises à la décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines », au sujet duquel les rédacteurs notaient dans le commentaire des articles que ce texte avait pour objet d’attribuer « au directeur de l’Inspection du Travail [une] compétence administrative en vue d’intervenir dans les litiges pouvant résulter de l’application des dispositions du projet et de ses règlements d’exécution ». Il y était par ailleurs précisé que « conformément aux principes généraux du droit administratif, les décisions du directeur de l’Inspection du Travail seront susceptibles d’un recours hiérarchique devant le ministre ayant le travail dans ses attributions » et « qu’un recours en annulation est ouvert devant le Comité du Contentieux du Conseil d’Etat contre les décisions prises tant par le ministre du Travail que par le directeur de l’Inspection du Travail » et qu’il n’appartenait toutefois pas au Conseil d’Etat « d’apprécier l’opportunité des décisions prises » (cf. doc. parl. 1689, p. 23).

Il ressort clairement du commentaire de l’article 40 (2) précité du projet de loi que les rédacteurs de la disposition en question n’entendaient pas accorder au directeur une compétence juridictionnelle ou en faire une juridiction administrative spéciale dans la mesure où ils ont clairement énoncé qu’il était prévu de lui attribuer une compétence administrative en confirmant que, dans leur optique, cette décision était bien entendu susceptible d’un recours hiérarchique devant le ministre ayant l’Inspection du Travail et des Mines dans ses attributions. Cette interprétation est encore confirmée par le fait que, concernant le type de recours ouvert contre ce genre de décision administrative, les rédacteurs ont précisé, en l’absence d’une indication dans le projet de l’article 40 (2) précité, que seul un recours en annulation était susceptible d’être introduit devant le Comité du contentieux du Conseil d’Etat.

Il est vrai que le Conseil d’Etat n’a pas entendu suivre cette voie, tel que cela résulte de son avis du 22 janvier 1974 (cf. doc. parl. 16896, page 15), en ce qu’il a proposé, en ordre principal, d’attribuer compétence au tribunal d’arrondissement et en instance d’appel à la Cour Supérieure de Justice, et, à titre subsidiaire, d’attribuer compétence, « en première instance », au ministre du Travail, et en deuxième instance, au Comité du contentieux du Conseil d’Etat, « statuant au fond ». Le Conseil d’Etat entendait en effet imposer la règle du double degré de juridiction et, partant, dans son optique, le ministre du Travail constituait une juridiction de premier degré.

Dans ses amendements, le gouvernement n’a toutefois pas entendu suivre la voie préconisée par le Conseil d’Etat et il a entendu « laisser au directeur de l’Inspection du Travail et des Mines compétence pour toiser les litiges pouvant naître de l’application de la loi ». Il a toutefois repris l’idée avancée par le Conseil d’Etat tendant à l’institution d’un 5 recours en réformation susceptible d’être dirigé contre les décisions du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines (cf. doc. parl. 16897, p.5).

Par la suite, la commission des affaires sociales de la Chambre des Députés s’est ralliée à l’amendement gouvernemental précité (cf. doc. parl. 16898, page 10).

Dans son avis complémentaire du 27 mars 1974, le Conseil d’Etat s’est rallié à l’amendement gouvernemental, tel qu’adopté par la commission des affaires sociales (cf. doc.

parl. 16899, page 5). Dans ce contexte, il y a lieu de noter que le Conseil d’Etat a employé également la notion d’« appel » qui pourra être porté contre la décision du directeur devant le Comité du contentieux du Conseil d’Etat. Cette version fut finalement adoptée par la Chambre des Députés.

Il ressort des considérations qui précèdent que le Conseil d’Etat semblait, à l’époque, défendre la conception selon laquelle, dans les matières dans lesquelles compétence était attribuée au Comité du contentieux du Conseil d’Etat pour statuer en tant que juge du fond, et qu’il était partant habilité à examiner non seulement le bien-fondé mais également l’opportunité de la décision administrative prise, cette compétence juridictionnelle s’exerçait en deuxième instance et que partant la première instance était représentée par soit le ministre soit un membre de l’administration. Le gouvernement, au contraire, ne semble pas avoir partagé cette opinion, tel que cela ressort de l’exposé des motifs du projet de loi initialement déposé. En l’absence de précisions à ce sujet dans la version qui a été finalement retenue par la Chambre des Députés, il est impossible de déterminer si le gouvernement s’est rallié à la conception du Conseil d’Etat, dont il a repris en partie la proposition de texte et plus particulièrement les expressions de « juge d’appel et au fond », ou si, au contraire, la décision du directeur était à considérer comme une simple décision administrative.

Ce problème de terminologie, qui ne peut d’ailleurs être constaté que dans le contexte des recours en réformation, provient historiquement du fait qu’à l’époque où le Conseil d’Etat fut institué, il n’existait aucune juridiction administrative, le contentieux administratif étant expressément soustrait aux juridictions judiciaires, et que de ce fait naissait la conception du ministre-juge, dont la décision était considérée comme « une espèce de jugement de première instance, susceptible d’être réformé ou annulé par le chef de l’Etat considéré comme le juge suprême de l’administration » (F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 2e édition, 1996, n° 1, p. 13). Cette conception n’a pas fondamentalement changé après la mise en place du Conseil d’Etat, nonobstant le fait qu’à la suite de l’institution au sein de cette institution d’un comité spécial chargé des délibérations en matière de contentieux administratif, simple organe consultatif du Roi Grand-Duc, la décision définitive restant toujours réservée au chef de l’Etat.

Le flou de cette notion se retrouve d’ailleurs dans l’article 29 de la loi modifiée du 8 février 1961 portant organisation du Conseil d’Etat, entretemps abrogé par la loi du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d’Etat, qui, à une époque où l’institution d’une juridiction administrative habilitée à prendre elle-même des décisions juridictionnelles mettait fin à la théorie du ministre-juge, spécifiait que « le Conseil d’Etat, Comité du contentieux, statue en dernière instance et comme juge du fond sur toutes les contestations dont des lois spéciales attribuent connaissance soit au Conseil d’Etat soit au Comité du Contentieux ».

On retrouve ainsi dans ce texte légal, et contrairement à l’article 3 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996, la notion de « juge d’appel » provenant de l’ancien système du ministre-

6 juge, conception dans le cadre de laquelle la décision administrative était considérée comme une sorte de jugement de première instance.

L’ambiguïté de la terminologie utilisée par l’article 37 (2) de la loi précitée du 6 mai 1974 ne fait donc que rappeler celle ayant figuré à l’article 29 de la loi précitée du 8 février 1961 et la notion en question ne saurait donc avoir un sens différent que celui auquel il est fait référence par l’article 29 en question, étant donné que cette dernière disposition légale constitue le principe général d’attribution de compétence à la juridiction administrative des recours en réformation.

En ce qui concerne l’article 29 de la loi précitée du 8 février 1961, il y a lieu de citer le Conseil d’Etat qui, dans son avis du 31 janvier 1958 ayant trait à la proposition de loi modificative de la loi du 16 janvier 1866 sur l’organisation du Conseil d’Etat, a utilisé indifféremment les notions de « juge d’appel » et de « juge de fond » pour désigner la compétence du Comité du contentieux lorsqu’il est amené à statuer sur un recours en réformation (cf. doc. parl. 6002, page 10). En effet, pour distinguer les compétences attribuées au Comité du contentieux en ce qui concerne les recours en réformation et les recours en annulation, le Conseil d’Etat se réfère au « juge d’appel » pour viser le juge du fond, statuant sur un recours en réformation et au « juge d’annulation » lorsqu’il est question des compétences du Comité du contentieux lorsqu’il statue sur un recours en annulation. Ainsi, lorsque le Conseil d’Etat a proposé la version finalement retenue de l’article 29 de la loi précitée du 8 février 1961 et contenant une référence au Comité du contentieux, statuant « en dernière instance et comme juge du fond », il a nécessairement entendu se référer au « juge d’appel » et partant au juge compétent pour statuer sur un recours en réformation au cas où des lois spéciales lui attribuent une telle compétence.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la simple référence par l’article 37 (2) « au Comité du Contentieux, statuant comme juge d’appel et au fond » ne suffit pas pour établir que le directeur, en tant qu’organe rendant des décisions administratives susceptibles d’un recours en réformation devrait de ce seul fait être considéré comme juridiction du premier degré.

La demanderesse invoque en outre un argument tiré d’une prétendue absence d’ordre juridictionnel administratif à l’époque de l’introduction de la loi précitée du 6 mai 1974, en faisant valoir que seule la loi du 12 juillet 1996 portant révision de l’article 95 de la Constitution aurait créé un tel ordre juridictionnel administratif en droit luxembourgeois, pour affirmer que la loi précitée du 6 mai 1974 n’a pas pu donner compétence au directeur pour statuer en tant que juge de première instance en matière administrative, au motif que la Constitution n’aurait pas autorisé, à l’époque, la création d’une telle juridiction.

Au-delà de l’argument invoqué par la demanderesse, il y a lieu de se référer à l’article 86 de la Constitution suivant lequel « nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peuvent être établis qu’en vertu d’une loi. Il ne peut être créé de commissions ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit ». D’après cet article, même si un organe est investi de fonctions juridictionnelles, il ne constituera pas une juridiction, celle-ci devant être instituée formellement par la loi.

En l’espèce, il échet de relever que l’article 37 de la loi précitée du 6 mai 1974, sur lequel se fondent le délégué du gouvernement et les consorts Y. pour conclure à la compétence du directeur en tant que juridiction du premier degré, ne prévoit expressément ni 7 la création ni l’organisation d’une telle instance juridictionnelle. Il n’existe par ailleurs pas d’autre disposition légale ayant accordé au directeur des compétences d’ordre juridictionnel.

C’est encore à bon droit que la demanderesse invoque ensuite l’article 100 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996, en ce que cette disposition prévoit que « dans tous les textes de loi et de règlement, la référence au Comité du Contentieux ou au Comité du Contentieux du Conseil d’Etat ou encore au Conseil d’Etat tout court, si la fonction juridictionnelle du Conseil d’Etat est visée, s’entend comme référence au tribunal administratif…. », pour retenir que la référence figurant à l’article 37 (2) de la loi précitée du 6 mai 1974, en ce qu’il se réfère à un recours susceptible d’être introduit devant le « Conseil d’Etat, Comité du Contentieux » se réfère, de par l’effet de l’article 100 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996, au tribunal administratif, d’autant plus que le paragraphe (2) du même article 100, contenant une exception au principe figurant au paragraphe (1) précité, ne fait pas référence à l’article 37 de la loi précitée du 6 mai 1974 en vue d’attribuer compétence à la Cour administrative pour tout recours dirigé contre une décision rendue par le directeur en matière de comité mixte d’entreprise, par exception au principe général en vertu duquel le tribunal administratif a une compétence de droit commun pour statuer en première instance sur tout recours dirigé contre une décision administrative. S’il est vrai que l’article 6 de la loi précitée du 7 novembre 1996 attribue compétence à la Cour administrative pour statuer « en appel et comme juge du fond sur les recours dirigés contre les décisions d’autres juridictions administratives », il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce il n’existe pas de loi spéciale attribuant des compétences juridictionnelles au directeur, l’article 37 de la loi précitée du 6 mai 1974 ne constituant pas une telle disposition légale spéciale, comme il a été retenu ci-avant. D’ailleurs, le Conseil d’Etat a retenu dans son avis du 9 mai 1996 sur le projet de loi portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et fiscal (doc. parl. 39403 et 3940A1, page 7) qu’il résultait du projet de l’article 6 précité que « l’on ne pourra plus se référer à différentes jurisprudences du Comité du contentieux ayant notamment décidé que tel organe avait un véritable pouvoir décisionnel pour en conclure qu’il s’agit en l’occurrence de juridictions administratives de premier degré. Notre droit positif ne connaît, à part la Chambre des comptes, pas d’autre juridiction administrative ».

La demanderesse se réfère encore à un certain nombre de critères retenus par la Cour de Justice des Communautés Européennes, dans le cadre des questions préjudicielles qui lui ont été adressées sur base de l’article 177 du Traité de Rome, pour retenir qu’aucun des indices retenus par la Cour de Justice n’est rempli par le directeur en vue de sa qualification en tant que juridiction.

S’il est vrai que la Cour de Justice des Communautés Européennes ne fournit pas de définition exhaustive et exclusive de ce qu’il faut entendre par juridiction susceptible de renvoyer une affaire à la Cour de Justice sur base de l’article 177 du Traité de Rome, il n’en demeure pas moins qu’elle prend en considération des faisceaux d’indices matériels, organiques et procéduraux afin de déterminer si un organe lui ayant renvoyé une affaire est à qualifier de juridiction au sens de l’article 177 précité. (cf. Jurisclasseur, Europe, Tome II, Cour de Justice, Fasc. 360, n°s 19 et suivants).

Comme les critères et indices retenus par la Cour de Justice sont susceptibles d’avoir une influence indirecte sur la qualification d’un organe en tant que juridiction au niveau national, il importe de revoir au moins certains des critères retenus par la Cour de Justice dans ses différents arrêts, afin d’analyser si le directeur est susceptible de remplir l’un ou l’autre des critères ainsi fixés.

8 Ainsi, le directeur constitue un organe permanent en ce qu’il constitue le chef hiérarchique du département de l’Inspection du Travail et des Mines, institué au sein du ministère du Travail et de l’Emploi et il constitue, d’après l’article 37 (2) de la loi précitée du 6 mai 1974, notamment l’organe à saisir obligatoirement en cas de contestation résultant de l’application de la loi en question. Partant, les parties en litige doivent obligatoirement saisir le directeur afin que celui-ci prenne une décision permettant de départager les parties en cause.

Toutefois, comme il a été relevé ci-dessus, il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire qui investit le directeur d’une juridiction obligatoire et fixant plus particulièrement les règles procédurales applicables devant lui, notamment afin d’assurer le principe du contradictoire. Par ailleurs, il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire en vertu de laquelle les décisions à rendre par le directeur ont un caractère exécutoire et qu’elles bénéficient de l’autorité de la chose jugée.

Enfin, en tant que chef hiérarchique d’une administration tombant sous le champ de responsabilité du ministre du Travail et de l’Emploi, le directeur n’est pas à considérer comme étant un organe indépendant, alors qu’il est soumis aux instructions de son ministre de tutelle et, d’une manière générale, du pouvoir exécutif. En outre, comme il est « chargé de contrôler l’application des dispositions de la présente loi et de ses règlements d’exécution », en vertu de l’article 37 (1) de la loi précitée du 6 mai 1974, et qu’il a dans ce cadre pour mission de procéder le cas échéant à des contrôles au sein des entreprises, afin de veiller à ce que celles-

ci appliquent strictement la législation applicable, et qu’il a plus particulièrement pour mission d’assurer la protection des droits des travailleurs, il ne possède pas l’indépendance requise en vue d’être qualifié comme juridiction, ni vis-à-vis des entreprises visées ni vis-à-

vis des travailleurs de celles-ci.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le directeur ne constitue pas une juridiction de première instance et partant les moyens invoqués par le délégué du gouvernement et les consorts Y. tendant à l’incompétence du tribunal administratif en ce que le recours dirigé contre la décision du directeur devrait être déféré à la Cour administrative, est à rejeter.

Il se dégage encore des considérations qui précèdent que les recours contre les décisions du directeur doivent être portés devant le tribunal administratif depuis le 1er janvier 1997, date d’entrée en vigueur de la loi précitée du 7 novembre 1996 (v. travaux préparatoires au projet de loi portant organisation des juridictions administratives, doc. parl. 3940A1, Avis du Conseil d’Etat, examen des articles, p. 7 ; cf. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9662 du rôle, Pas. adm. 02/99, V° Compétence, n°38, p. 59 ; trib. adm. 4 octobre 1999, n° 9760 du rôle, non encore publié) et que le tribunal administratif est compétent pour statuer en tant que juge de la réformation en première instance contre la décision du directeur déférée.

Le recours en réformation, non autrement contesté sous ce rapport, a par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, et il est partant recevable.

Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est à déclarer irrecevable.

Au fond, la demanderesse soulève d’abord un défaut de qualité dans le chef des présidents des délégations des ouvriers et des employés privés, qui ont saisi le directeur, par 9 lettre du 12 mai 1997, du litige ayant donné lieu à la décision dudit directeur du 21 juillet 1997, en estimant que le directeur aurait dû déclarer ladite demande irrecevable, au motif que tant la délégation des ouvriers et que celle des employés privés seraient dépourvues de la personnalité juridique. La demanderesse estime encore que le directeur aurait dû être saisi directement par Messieurs C., B et A qui seraient les seuls à avoir un intérêt direct à saisir le directeur du litige les opposant à DU PONT DE NEMOURS.

Ni le délégué du gouvernement, ni le litismandataire des consorts Y. n’ont pris position par rapport à ce moyen soulevé par la demanderesse.

S’il est vrai, comme l’a signalé à juste titre la demanderesse dans son mémoire en réplique, que les délégations du personnel ne disposent pas de la personnalité juridique, de sorte qu’elles ne sauraient intenter une action en justice, il n’en demeure pas moins que l’article 37 (2) de la loi précitée du 6 mai 1974 ne détermine pas de quelle manière le directeur doit être saisi des contestations résultant de l’application de la loi en question. Ladite disposition légale n’exige notamment pas que les personnes autorisées à porter lesdites contestations devant le directeur doivent être personnellement et directement concernées par ces contestations.

De même, le texte légal en question n’exclut pas la possibilité du directeur de se saisir directement de contestations dont il aurait connaissance, en l’absence de toute intervention d’une tierce personne. Partant, la manière dont est saisi le directeur importe peu. Il a donc pu être saisi valablement par les présidents des délégations des employés et des ouvriers, qui non seulement sont des salariés de la demanderesse, mais qui en outre, en vertu de leur qualité de représentant des différentes délégations des salariés, ont un intérêt à voir respecter la réglementation en matière de désignation des comités mixtes d’entreprises.

Le moyen afférent présenté par la demanderesse est partant à rejeter.

La demanderesse reproche encore au directeur d’avoir retenu, dans sa décision précitée du 21 juillet 1997, qu’elle aurait dû accepter les candidats présentés par les délégations respectives en vue de siéger au conseil d’administration, en l’absence de toute opération électorale organisée par respectivement les délégations des ouvriers et des employés privés, et sans que les autres salariés de l’entreprise aient été consultés.

Dans son mémoire en réponse, le litismandataire des consorts Y. soutient que, dans la mesure où le règlement grand-ducal du 24 septembre 1974 concernant les opérations électorales pour la désignation des représentants du personnel dans les comités mixtes d’entreprise et les conseils d’administration prévoit en son article 3 qu’il appartient au chef de l’entreprise ou à son délégué d’établir « pour chaque scrutin et séparément pour les ouvriers et les employés la liste alphabétique des travailleurs qui remplissent les conditions pour exercer l’électorat passif », les salariés seraient « livrés au bon vouloir de leur direction quant à l’exercice d’un droit qui leur est confié par la loi et par les statuts, à savoir celui d’être représenté au conseil d’administration », d’autant plus que la loi précitée du 6 mai 1974 ne prévoit pas de délai dans lequel il y a lieu de procéder aux élections. Dans cet ordre d’idées, il insiste plus particulièrement sur le fait que la demanderesse aurait retardé l’organisation de nouvelles élections après la démission des représentants des salariés siégeant au conseil d’administration. Il estime encore que les délégations des ouvriers et des employés étaient obligées de procéder par voie de désignation, et de faire abstraction de la tenue d’opérations électorales, du fait que la demanderesse n’aurait pas respecté un « délai raisonnable » en vue 10 de l’organisation des opérations électorales afin de procéder à la désignation des nouveaux représentants des salariés au conseil d’administration. Il fait encore valoir que les délégations auraient procédé « suite à un accord solidaire » à la désignation des membres effectifs au conseil d’administration, « de sorte que l’affichage de listes désignant les salariés disposant du droit de vote passif, ainsi que l’organisation d’élections est devenue superfétatoire ».

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse conteste qu’elle aurait retardé l’organisation de nouvelles élections après la démission des représentants des salariés siégeant au conseil d’administration, en exposant encore qu’elle n’aurait jamais été invitée par les délégations du personnel à organiser de telles élections.

S’il est vrai qu’en vertu de l’article 25 (1) de la loi précitée du 6 mai 1974, les représentants des salariés « seront désignés par la ou les délégations d’entreprise par vote secret à l’urne, au scrutin de liste suivant les règles de la représentation proportionnelle parmi les travailleurs occupés dans l’entreprise ; leur désignation [s’effectuant] au plus tard dans le mois qui précède l’expiration de la période visée au paragraphe (1) de l’article 28 », c’est-à-dire dans le mois précédant la fin de la durée de leur mandat, le paragraphe (3) de l’article 28 de la même loi dispose qu’au cas où un « administrateur cesse ses fonctions pour l’une des raisons énumérées aux paragraphes qui précèdent » notamment en cas de renonciation volontaire à son mandat « il est remplacé a) lorsqu’il a été élu conformément à l’article 25 par le candidat venant immédiatement à la suite des élus de sa liste ; ».

En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties à l’instance que les trois représentants du personnel au sein du conseil d’administration de la demanderesse, à savoir Messieurs R.I., N.W et F.S. ont démissionné avec effet immédiat, par lettre du 14 mars 1997 adressée au président du conseil d’administration de la demanderesse.

Il découle de ce qui précède que c’est à tort qu’à la fois la partie demanderesse et les consorts Y. admettent qu’en principe des élections auraient dû se tenir en vue de la désignation des représentants des salariés au conseil d’administration de la demanderesse, la première entendant par ce moyen obtenir l’annulation de la décision déférée du 21 juillet 1997 et les consorts Y. arguant que l’organisation d’élections aurait été devenue superfétatoire du fait d’un soi disant « accord solidaire » ayant existé entre les salariés en vue de la désignation des membres effectifs en question, étant donné qu’en vertu de l’article 28, paragraphe (3) point a) de la loi précitée du 6 mai 1974, l’organisation de telles élections n’est pas requise du moment qu’il existe d’autres candidats « venant immédiatement à la suite des élus de [la] liste ».

En l’espèce, les candidats ayant obtenu, lors des dernières élections en vue de la désignation des représentants des salariés au conseil d’administration de la demanderesse, un nombre de voix immédiatement inférieur à celui obtenu par le ou les candidats élus, auraient dû être désignés en vue de siéger au conseil d’administration, en respectant par ailleurs la règle du prorata fixée au paragraphe (2) de l’article 25 de la loi précitée du 6 mai 1974. Ce n’est qu’en l’absence de l’existence de tels candidats élus, que des opérations électorales auraient dû être organisées conformément à l’article 25 de la loi précitée et des dispositions du règlement grand-ducal précité du 24 septembre 1974.

En l’absence de telles désignations, voire élections, des représentants des salariés au conseil d’administration de la demanderesse, c’est à tort que le directeur a décidé que la 11 demanderesse aurait dû accepter les candidats présentés par les délégations respectives et la décision déférée est partant à annuler de ce chef.

La demanderesse a encore critiqué la décision déférée dans la mesure où celle-ci a retenu qu’un candidat n’ayant pas le statut d’ouvrier était susceptible de représenter la délégation des ouvriers.

Le litismandataire des consorts Y. estime que ni la loi précitée du 6 mai 1974 ni le règlement grand-ducal précité du 24 septembre 1974 n’exigeraient que le représentant des ouvriers devrait nécessairement avoir la qualité d’ouvrier lui-même.

Il ressort non seulement du paragraphe (2) de l’article 25 de la loi précitée du 6 mai 1974 mais également de l’article 2, paragraphe (3) du règlement grand-ducal précité du 24 septembre 1974 que les élections se font « par voie de scrutin séparé par la délégation ouvrière et délégation d’employé » et que « la répartition de ces administrateurs entre ouvriers et employés se fera au prorata de l’importance numérique respective des ouvriers et des employés occupés dans l’entreprise par rapport à l’effectif global du personnel de l’entreprise ». Il découle nécessairement de ces dispositions légales et réglementaires que l’objectif de celles-ci était d’assurer une représentation proportionnelle des deux catégories de salariés au conseil d’administration de l’employeur et que chaque catégorie de salariés est obligée de désigner un représentant de leur délégation en vue de siéger au conseil d’administration.

En l’espèce, le directeur, dans la mesure où il a admis qu’un employé privé puisse représenter au conseil d’administration la délégation des ouvriers, a violé la loi et la décision est également à annuler de ce chef.

Conformément au principe selon lequel le juge qui est amené à statuer sur un recours en réformation, peut se limiter à ne prononcer que l’annulation de la décision critiquée et à renvoyer l’affaire devant l’administration, le tribunal est amené à ne prononcer que l’annulation de la décision déférée et à renvoyer le dossier au directeur afin que celui-ci puisse prendre les mesures qui s’imposent, pour assurer soit l’application de l’article 28, paragraphe (3), point a), soit la tenue d’élections par les délégations des ouvriers et des employés en vue de la désignation des représentants des salariés au conseil d’administration de la demanderesse.

Monsieur X. n’ayant pas fait déposer de mémoire en réponse, à la suite de la signification de la requête introductive d’instance en ses mains propres en date du 17 septembre 1997, il y a lieu de statuer par défaut à son égard.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant par défaut à l’égard de Monsieur X. et contradictoirement à l’égard des autres parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le dit justifié, 12 partant annule la décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 21 juillet 1997 et renvoie l’affaire pour prosécution de cause audit directeur, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 27 octobre 1999 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 13


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10313
Date de la décision : 27/10/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-10-27;10313 ?

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