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25/10/1999 | LUXEMBOURG | N°11066

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 octobre 1999, 11066


N° 11066 du rôle Inscrit le 11 janvier 1999 Audience publique du 25 octobre 1999

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Recours formé par Madame … MUSLI contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 11 janvier 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy LOESCH, avocat à la Cour, assisté de Maître Isabelle SCHMIT, avocat, les deux étant inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour

g, au nom de Madame … MUSLI, femme de charge, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annul...

N° 11066 du rôle Inscrit le 11 janvier 1999 Audience publique du 25 octobre 1999

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Recours formé par Madame … MUSLI contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 11 janvier 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Guy LOESCH, avocat à la Cour, assisté de Maître Isabelle SCHMIT, avocat, les deux étant inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … MUSLI, femme de charge, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 12 octobre 1998 lui refusant l’octroi d’un permis de travail;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mars 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé le 20 septembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Isabelle SCHMIT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la demanderesse;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Isabelle SCHMIT, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par déclaration datée du 10 juin 1998, entrée le 11 juin 1998 à l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée « l’ADEM », le propriétaire du restaurant « … », avec adresse à …, introduisit une demande en obtention d’un permis de travail, pour un poste de « femme à tout faire », en faveur de Madame … MUSLI, de nationalité yougoslave, demeurant à L-… La prédite déclaration indiquait comme date d’entrée en service le 8 octobre 1997 et fixait la rémunération brute à … francs par mois.

Le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le « ministre », refusa la délivrance d’un permis de travail par arrêté du 12 octobre 1998 «pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes:

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place: 1987 ouvriers non- qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - occupation irrégulière depuis le 08.10.1997 - augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi durant les cinq dernières années: 3.526 en 1993, 4.643 en 1994, 5.130 en 1995, 5.680 en 1996 et 6.357 en 1997».

Par requête déposée le 11 janvier 1999, Madame … MUSLI a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation contre ledit arrêté ministériel du 12 octobre 1998.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, la loi ne prévoyant pas un recours de pleine juridiction en la matière.

Ni la loi du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l'emploi de la main d'oeuvre étrangère, telle que modifiée par la suite, ni aucune autre disposition légale ne prévoyant un recours en réformation en matière de refus du permis de travail, le tribunal est incompétent pour connaître de ce recours introduit en ordre principal.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir principalement que la décision critiquée serait insuffisamment motivée dans la mesure où les motifs énoncés dans l’arrêté ministériel litigieux seraient trop généraux et ne contiendraient aucune référence à sa situation particulière. Elle considère que la décision de refus d’un permis de travail devrait être motivée d’après les éléments de fait objectifs tirés du marché de l’emploi et qu’il faudrait dans cette optique analyser la situation particulière du demandeur d’emploi en question, ce que le ministre aurait omis de faire dans le cas d’espèce.

Le délégué du gouvernement rétorque que la motivation de l’arrêté litigieux serait légale, réelle et suffisante.

Il est constant qu’une obligation de motivation expresse exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi précitée du 28 mars 1972, ni par le règlement grand-ducal d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.

Dès lors que la motivation expresse d’une décision peut se limiter, conformément à l’article 6 précité, à un énoncé sommaire de son contenu, il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment du refus, quitte à ce que l’administration concernée les complète a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours d’une procédure contentieuse (cf.

Cour adm., 13 janvier 1998, Pas. adm. 2-99, V° Travail, II. Permis de travail, n° 23 et autres références y citées).

En l’espèce, l’arrêté du 12 octobre 1998 énonce 5 motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère et il suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, cette motivation étant utilement complétée par le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, de sorte que la demanderesse n’a pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il s’agit encore d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision critiquée.

Concernant le motif tiré de la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) et que des demandeurs d’emploi appropriés seraient disponibles sur place, la demanderesse fait valoir que la décision critiquée n’expliquerait pas en quoi les demandeurs d’emploi visés seraient appropriés ni en quoi ils correspondraient aux attentes et exigences de l’employeur pour le poste pour lequel le permis est sollicité. Elle considère en outre que le ministre n’aurait fourni aucune indication quant au nombre, à l’identité et au profil professionnel de ces personnes, de sorte que la disponibilité concrète de ces personnes n’aurait pas été rapportée par l’ADEM.

La législation spécifique existant en matière de permis de travail vise à réglementer l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire luxembourgeois et conditionne l’exercice d’un emploi salarié à l’obtention d’un permis de travail préalablement à l’entrée en service, tout en fixant notamment l’accès prioritaire des ressortissants de l’Espace Economique Européen.

L’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail a la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (v. trav. parl. relatifs au projet de loi n° 2097, exposé des motifs, page 2).

Au voeu de l’article 28 de la loi précitée du 28 mars 1972, et de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union européenne (U.E.) et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E. sont dispensés de la formalité du permis de travail.

En l’espèce, la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’U.E et de l’E.E.E. se justifie donc, en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité yougoslave, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’U.E. et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E.

Après avoir vérifié que la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’U.E. et de l’E.E.E. est, en principe, justifiée en l’espèce, le tribunal doit encore examiner si des demandeurs d’emploi prioritaires aptes à occuper le poste vacant étaient concrètement disponibles sur le marché de l’emploi.

S’il faut, en principe, que le ministre établisse, in concreto, la disponibilité sur place de ressortissants d’un Etat membre de l’E.E.E., susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé, il n’en reste pas moins que l’employeur doit mettre l’ADEM en mesure d’établir cette disponibilité concrète de ressortissants de l’E.E.E., en introduisant auprès d’elle une déclaration de vacance de poste. La déclaration de poste vacant, qui peut ressortir le cas échéant d’autres pièces ou documents introduits auprès de l’ADEM, doit être faite avant l’entrée en service du travailleur. Faute par l'employeur de ce faire, l'ADEM est mise dans l'impossibilité de lui assigner utilement des candidats et de rapporter ainsi la preuve de la disponibilité concrète de main-

d'oeuvre apte à occuper le poste vacant, de sorte qu’aucune autorisation de travail ne saurait être délivrée au travailleur étranger (trib. adm. 30 avril 1998, Pas. adm. 2/99 V° Travail, II. Permis de travail, n° 14, p.280 et autres références y citées).

En l’espèce, il est constant que l’employeur a introduit le 10 juin 1998 auprès de l’ADEM une déclaration d’engagement pour un poste de « femme à tout faire », cette déclaration valant demande en obtention d’un permis de travail pour Madame MUSLI. Comme ladite déclaration mentionne comme date d’entrée en service le 8 octobre 1997, soit une date antérieure à la date d’introduction auprès de l’ADEM et que la demande d’embauche est limitée à une seule personne, l’administration n’était pas tenue d’assigner d’autres candidats à l’employeur qui n’avait manifestement pas l’intention d’engager une autre personne que celle nommément visée et d’ores-et-déjà entrée en service.

Dans ces circonstances, le ministre n’a pas été mis en mesure d’établir concrètement l’existence de travailleurs appropriés et disponibles sur place, qui auraient pu bénéficier d’une priorité d’emploi en leur qualité de ressortissant d’un Etat membre de l’U.E. ou de l’E.E.E., avant l’entrée en service effective de la demanderesse.

L’argumentation qui précède ne saurait être énervée par la situation familiale de la demanderesse qui fait état de ce que toute sa famille aurait quitté le Kosovo et que son frère vivrait depuis 1991 légalement au Grand-Duché de Luxembourg. En effet, aucun texte de loi ne prévoit, dans un tel cas, une dérogation au principe de la priorité à l’emploi des ressortissants de l’E.E.E..

La considération tirée de ce que la demanderesse était de bonne foi et qu’elle faisait confiance à son employeur pour qu’il fasse les démarches administratives requises afin qu’elle puisse obtenir le permis de travail, n’est pas non plus de nature à énerver la légalité de l’arrêté déféré, quelle que soit par ailleurs sa pertinence en fait.

Il suit des considérations qui précèdent que la décision ministérielle de refus litigieuse se trouve légalement justifiée par le motif analysé ci-dessus et que l’examen des autres motifs à la base de la décision ministérielle, de même que des moyens d’annulation y afférents invoqués par la demanderesse, devient surabondant.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 25 octobre 1999, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11066
Date de la décision : 25/10/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-10-25;11066 ?

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