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25/10/1999 | LUXEMBOURG | N°10749a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 octobre 1999, 10749a


Numéro 10749a du rôle Inscrit le 11 juin 1998 Audience publique du 25 octobre 1999 Recours formé par Monsieur … METTE, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 10749 du rôle, déposée le 11 juin 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou

rg, au nom de Monsieur … METTE, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à ...

Numéro 10749a du rôle Inscrit le 11 juin 1998 Audience publique du 25 octobre 1999 Recours formé par Monsieur … METTE, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 10749 du rôle, déposée le 11 juin 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … METTE, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 11 mars 1998 ayant déclaré non justifiée sa réclamation du 4 octobre 1993 contre le bulletin de l'impôt sur le revenu pour l’exercice 1988, émis le 8 juillet 1993;

Vu le jugement du 21 juillet 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée;

Ouï Maître Fernand ENTRINGER, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par acte notarié du 30 avril 1987, Monsieur … METTE, demeurant à L-…, fit l'acquisition de l’immeuble sis à cette même adresse et en donna certaines parties en location respectivement à la société X. AG et à Monsieur … Suivant courrier du 15 juillet 1988, la société X. informa Monsieur … METTE que , suite à un entretien du 10 juillet entre parties, elle était disposée à mettre à sa disposition la somme de 100.000 DEM en vue du remboursement du prêt accordé par l’ancienne propriétaire de l’immeuble prévisé. Suivant un document signé le 25 juillet 1988 par un représentant de la société X. et par Monsieur … METTE, la somme de 2.000.000 LUF fut mise à disposition de Monsieur … METTE en vue du remboursement d’un emprunt hypothécaire auprès d’un établissement de crédit.

Par bulletin de l'impôt sur le revenu pour l’année 1988 du 8 juillet 1993, le bureau d'imposition Grevenmacher qualifia cette somme de LUF 2.000.000 ainsi mise à disposition de Monsieur … METTE comme avance sur loyers et l’ajouta au revenu imposable de l’année 1988 en tant que recette en provenance de la location de l’immeuble prévisé.

Par courrier du 4 octobre 1993, parvenu au bureau d'imposition le 6 octobre suivant, Monsieur METTE réclama contre ce bulletin d’impôt en soutenant que cette somme de LUF 2.000.000 devrait être qualifiée de crédit au lieu d’avance sur loyers, vu qu’elle n’était pas à sa libre disposition, mais avait été affectée conventionnellement au remboursement d’une dette en relation avec l’immeuble en cause.

Cette réclamation fut toisée par une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 11 mars 1998 déclarant la réclamation recevable, mais non fondée sur le point critiqué par Monsieur METTE. Sur base du paragraphe 243 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée Abgabenordnung (AO), le directeur a encore opéré plusieurs redressements in pejus par rapport au bulletin d’impôt ayant fait l’objet de la réclamation.

A l’encontre de cette décision directoriale, Monsieur METTE fit introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 11 juin 1998.

Au vu de l’accord des parties exprimé à la barre de voir dans un premier stade les débats limités à un premier stade à la question du respect du paragraphe 205 (3) AO, le tribunal a, par jugement du 21 juillet 1999, dit que cette disposition a été respectée en l’espèce et a fixé l’affaire pour continuation des débats à une audience ultérieure.

Au fond, le demandeur soutient que le montant mis à sa disposition par la société X.

AG constituerait « manifestement » un prêt destiné à lui permettre d’éteindre sa dette hypothécaire à concurrence de ce même montant et ayant pour effet une compensation, pour une certaine période, entre les mensualités à verser de sa part et les loyers mensuels dus par la société X. AG. Il estime partant que cet effet ne saurait être confondu avec l’objet de l’obligation dans le chef du contribuable concerné.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le directeur aurait retenu à juste titre que la somme de 2.000.000 LUF constituerait un paiement anticipé de loyers, qualification d’ailleurs confirmée par l’écrit prévisé du 25 juillet 1998, étant donné que les conditions légales d’un contrat de prêt, dont surtout l’obligation de remboursement, y feraient défaut. Il relève encore que les loyers mensuels auraient été diminués conventionnellement à concurrence de 7,8 % et que la déclaration d’impôt du demandeur ne renseignerait que les prêts bancaires et les paiements effectifs sans mentionner la somme de 2.000.000 LUF à aucun titre.

L’administration fiscale n’étant pas liée par la qualification donnée à une opération par les parties, elle pourrait redresser une fausse qualification en y substituant « celle qui lui paraît convenir ».

Le demandeur réplique qu’on peut parfaitement faire la distinction entre les loyers et les remboursements même si les deux sont échelonnés dans le temps pour un montant identique. Il tend encore à voir rejeter les motifs repris dans la décision directoriale tirés de l’achat de l’immeuble sans fonds propres, mais grâce à des fonds empruntés garantis par ses parents qui seraient locataires d’une partie de l’immeuble, son père n’étant par ailleurs pas un 2 inconnu de la société X., locataire de l’autre partie de l’immeuble en cause, ainsi que de l’absence de « klare Rechtsgestaltung und klare Verhältnisse ».

L’objet du litige portant en substance d’abord sur la qualification du montant de 2.000.000 LUF mis à disposition du demandeur au cours de l’année 1988, il convient d’analyser en détail les pièces soumises au tribunal afin de documenter la relation établie entre le demandeur et la société X..

Un premier courrier de la société X. du 15 juillet 1988 énonce que « unsere Gesellschaft ist bereit Ihnen ein Darlehen zur Ablösung des Darlehens der Frau Rose zu gewähren », les conditions du prêt ainsi énoncé prévoyant un capital mis à disposition de 100.000 DEM, une durée du prêt de 10 ans, une échéance trimestrielle des remboursements et un taux d’intérêt de 7,5 % fixe pour toute la durée du prêt. Le plan de remboursement y annexé prévoit le remboursement échelonné trimestriel du 30 juillet 1988 au 30 juin 1998.

Un second document datant du 25 juillet 1988, portant les signatures du demandeur et d’un représentant de la société X., stipule de son côté que « unsere Gesellschaft hat die Absicht, eine Mietvorauszahlung in Höhe von LFr. 2.000.000,- (zwei Millionen) unter folgenden Voraussetzungen Ihnen in den nächsten Tagen zur Verfügung zu stellen :

1. Die gesamte Summe wird zur teilweisen Tilgung Ihrer Hypothekendarlehen bei der CEE eingesetzt.

2. Unsere monatliche Mietleistung wird um die Zinsersparnis von zur Zeit 7,8 % p.a.

herabgesetzt.

3. Der Mietvertrag läuft frühestens am 31.07.1998 aus.

4. Während der Laufzeit des Mietvertrages haben wir einen Anspruch auf Rückzahlung der Mietvorauszahlung für den Fall, dass Sie einen Verkauf des Hauses vornehmen und wir unsere Option zum Kauf des Hauses nicht wahrnehmen.

5. Der mit Ihnen abgeschlossene Darlehensvertrag zur Tilgung des Rose-Darlehens wird von uns bis zum Januar 1989 ausgesetzt. Wir werden das Rose-Darlehen im Januar tilgen ».

Un nouveau plan de remboursement du 30 juillet 1988 fait état de mensualités de 24.166,67 LUF et prévoit un remboursement jusqu’à la fin de l’année 1997, avec la précision qu’il n’y aurait pas de flux financiers entre parties, étant donné que les loyers à échoir seraient compensés par les remboursements.

D’un côté, la suite chronologique et le libellé des deux documents précités des 15 et 25 juillet 1988 tendent à la conclusion que les parties envisageaient à l’origine la conclusion d’un contrat de prêt portant sur la somme de 100.000 DEM destiné au remboursement du prêt accordé par l’ancien propriétaire de l’immeuble, mais ont ensuite préféré conclure une convention prévoyant le versement d’avances de loyers de 2.000.000 LUF, servant au remboursement partiel du prêt hypothécaire en cours auprès d’un établissement de crédit, tout en décalant la conclusion du contrat de prêt jusqu’à l’année 1989. La réduction des loyers à échoir à concurrence de 7,8 %, pris en compte dans le second plan de remboursement et destinée à compenser l’avantage de la mise à disposition anticipée en faveur du demandeur, tendent également à admettre la qualification d’avance de loyers.

3 D’un autre côté, la stipulation d’intérêts débiteurs mis en compte sur toute la durée du remboursement, annulant par ailleurs l’avantage de la mise à disposition anticipée, et les éléments du plan de remboursement, prévoyant outre lesdits intérêts débiteurs notamment un remboursement échelonné du capital, tendent à faire admettre la qualification de contrat de prêt, une avance de loyers n’étant par définition plus remboursable.

Il y a dès lors lieu de se référer à l’économie globale de l’opération sous analyse selon laquelle le but des parties était de permettre au demandeur de réduire partiellement ses dettes résultant de l’acquisition de l’immeuble par lui donné en location par la mise à disposition d’une certaine somme d’argent, la société locataire se trouvant en contre-partie déliée pour une période donnée de l’obligation de versements mensuels de loyers. Au vu des éléments de l’espèce, il y a lieu d’admettre que les parties au contrat ont entendu opérer une mise à disposition anticipée de loyers à échoir, cette qualification se trouvant confirmée par les stipulations conventionnelles librement convenues entre elles et par la réduction des loyers à échoir en raison de l’avantage de la mise à disposition anticipée des montants afférents.

S’il est bien vrai que la convention du 25 juillet 1988 stipule à charge du demandeur des charges d’intérêts et un remboursement échelonné du capital lui versé, cette modalité ne saurait énerver le résultat économique global de l’opération, étant donné que la compensation entre créances réciproques, telles celles visées en l’espèce, aboutit au même résultat. La circonstance que les termes convenus entre le demandeur et la société X. aboutissent à une période allongée de libération des paiements de loyers en faveur de la société X. par rapport au cas d’une simple mise à disposition sans stipulation d’intérêts ou remboursements relève du libre arbitre de l’acteur économique quant à l’opportunité économique de ses obligations, mais n’affecte point non plus la qualification en droit de l’opération globalement considérée.

Pareillement, la circonstance que la somme fournie au demandeur soit affectée conventionnellement au remboursement partiel d’un crédit en relation avec l’immeuble loué et ne se trouvait en conséquence pas à sa libre disposition reste sans influence sur la qualification juridique de l’arrangement contractuel en cause.

Il se dégage de l’ensemble des éléments qui précèdent que c’est à juste titre que le directeur a qualifié la convention du 25 juillet 1988 de mise à disposition anticipée de loyers et a ajouté, conformément aux articles 104 et 108 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 sur l'impôt sur le revenu, la somme de 2.000.000 LUF au revenu déclaré du demandeur en tant que recette dans le cadre des revenus en provenance de la location de biens.

Le recours laisse en conséquence d’être fondé.

PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, vidant le jugement du 21 juillet 1999, déclare le recours non justifié, partant en déboute, 4 laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 25 octobre 1999 par M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT DELAPORTE 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10749a
Date de la décision : 25/10/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-10-25;10749a ?

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