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20/10/1999 | LUXEMBOURG | N°11209

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 octobre 1999, 11209


N° 11209 du rôle Inscrit le 24 mars 1999 Audience publique du 20 octobre 1999 Recours formé par la société anonyme SECURITAS, Luxembourg et Monsieur X., … contre une décision du ministre de la Justice en matière de gardiennage et surveillance

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 mars 1999 par Maître Pierrot SCHILTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1. la société anonyme SECURITAS S.A., sociétÃ

© de surveillance et de sécurité, établie et ayant son siège social à L-…, et 2. Monsi...

N° 11209 du rôle Inscrit le 24 mars 1999 Audience publique du 20 octobre 1999 Recours formé par la société anonyme SECURITAS, Luxembourg et Monsieur X., … contre une décision du ministre de la Justice en matière de gardiennage et surveillance

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 mars 1999 par Maître Pierrot SCHILTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1. la société anonyme SECURITAS S.A., société de surveillance et de sécurité, établie et ayant son siège social à L-…, et 2. Monsieur X., demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 29 décembre 1998 portant refus d’agrément d’exercer une activité de gardiennage et de surveillance dans le chef de Monsieur X. pour le compte de la société anonyme SECURITAS ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 22 mars 1999 par lequel cette requête a été signifiée à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé en date du 17 mai 1999 au greffe du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marc THEISEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 octobre 1999.

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Considérant que Monsieur X., né le … à …, demeurant à L-…, ayant sollicité l’autorisation prévue par la loi du 6 juin 1990 relative aux activités privées de gardiennage et de surveillance, en vue d’être engagé en qualité d’agent de sécurité auprès de la société anonyme SECURITAS S.A., établie et ayant son siège social à L-

…, le ministre de la Justice, par décision du 29 décembre 1998, notifiée le 11 janvier 1999 à la société anonyme SECURITAS, refusa l’agrément demandé « en raison des antécédents judiciaires de [Monsieur X.] et suite à l’avis négatif de la part des autorités judiciaires » ;

Que par courrier de leur mandataire du 28 janvier 1999, tant Monsieur X. que la société anonyme SECURITAS ont formulé un recours gracieux contre la décision ministérielle de refus en question ;

Que par courrier du 26 février 1999, le ministre de la Justice a retenu qu’il ne lui était pas possible d’accepter favorablement le recours gracieux et de revenir sur sa décision antérieure ;

Que par requête déposée en date du 24 mars 1999 les deux réclamants ont introduit un recours devant ce tribunal tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle du 29 décembre 1998 par eux directement critiquée ;

Considérant que dans la mesure où d’après l’article 4 (5) de la loi précitée du 6 juin 1990 les juridictions de l’ordre administratif sont appelées à statuer comme juge du fond à l’encontre des décisions ministérielles concernant l’octroi, le refus et la révocation des autorisations prévues par ladite loi, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal contre la décision critiquée susmentionnée du 29 décembre 1998, telle que confirmée sur recours gracieux, les deux décisions étant à considérer comme formant un seul tout, celle purement confirmative tirant son existence de celle par elle confirmée (cf. trib. adm. 21 avril 1997, n° 9459 du rôle, GRES, confirmé par Cour adm. 23 octobre 1997, n° 10040C du rôle, Pas. adm. 02/99, V° Procédure contentieuse, n° 63, p. 245) ;

Que le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi est recevable ;

Que par voie de conséquence le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire encourt l’irrecevabilité ;

Considérant que conformément aux conclusions du représentant étatique, il échet en toute hypothèse de laisser à charge des parties demanderesses les frais de la signification du recours effectuée à l’Etat, pareille formalité étant superfétatoire au regard des dispositions de l’article 18 de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, applicable en l’espèce, la communication de la requête à l’Etat étant effectuée par la voie du greffe, chaque fois notamment que le recours est dirigé contre une décision émanant d’un organe étatique ;

Considérant qu’au fond les parties demanderesses font valoir que la décision du 29 décembre 1998 serait insuffisamment motivée au regard de l’article 4 (4) de la loi précitée du 6 juin 1990, dans la mesure où elle ne préciserait pas dans laquelle des trois hypothèses de refus émargées par l’article 5 alinéa second de ladite loi elle se situerait ;

Que les parties demanderesses de relever plus particulièrement qu’au moment où la décision critiquée a été rendue, le casier judiciaire de Monsieur X. ne renseignait aucune condamnation ;

Que s’il était vrai, tel que le relève le parquet de Luxembourg, que plusieurs procès-verbaux ont été établis à l’encontre de Monsieur X., il n’en resterait pas moins qu’aucune poursuite judiciaire n’aurait été engagée à son encontre et que plusieurs procès-verbaux ont été classés sans suite;

Qu’à défaut de condamnation dans son chef, il serait à considérer comme innocent, de sorte qu’en l’absence de faits couverts par une condamnation pénale, aucun élément défavorable, résultât-il de procès-verbaux établis à son encontre, ne saurait être retenu contre lui pour dire que les conditions de moralité prévues par la loi ne seraient pas par lui réunies à suffisance;

Que bien que la décision critiquée énonce que le casier judiciaire ne constituerait que l’un des éléments permettant de vérifier l’honorabilité et le sens de responsabilité de l’impétrant et que la décision ministérielle serait portée par l’ensemble des renseignements obtenus sur Monsieur X., ce dernier est à se demander de quel ensemble de renseignements il s’agit en l’espèce ;

Considérant que l’article 5 alinéa 2 de la loi du 6 juin 1990 précitée dispose que « l’autorisation est refusée pour l’engagement :

de personnes âgées de moins de 18 ans ;

de celles exerçant des activités jugées incompatibles avec la mission de surveillance ;

de celles qui ne remplissent pas les conditions de moralité » ;

Considérant que s’il est vrai que la décision déférée du 29 décembre 1998 ne se place pas expressis verbis dans le cadre d’un des trois cas d’ouverture précités, il n’en reste pas moins qu’elle se réfère aux antécédents judiciaires de Monsieur X., ainsi qu’à l’avis négatif porté devant le ministre de la Justice par les autorités judiciaires consultées ;

Que la décision confirmative sur recours gracieux du 26 février 1999 statue, quant à elle, de façon expresse relativement à l’honorabilité et au sens des responsabilités de Monsieur X. ;

Considérant que la référence faite à la fois aux antécédents judiciaires ainsi qu’aux avis négatifs donnés par les autorités judiciaires concernées constitue à elle seule une motivation suffisante au regard de l’article 4 (4) de ladite loi du 6 juin 1990 portant que lorsque l’autorisation est refusée, la décision ministérielle doit être motivée, abstraction même faite des précisions données sur recours gracieux ;

Considérant qu’il découle de la décision ministérielle du 29 décembre 1998, telle que confirmée sur recours gracieux, que celle-ci a entendu analyser l’honorabilité et le sens des responsabilités de Monsieur X. non seulement par rapport aux inscriptions figurant à son casier judiciaire, mais sur base de tous les éléments fournis au dossier, dont l’avis négatif de la part des autorités judiciaires expressément relevé, de sorte que la décision ministérielle s’insère dans l’hypothèse c) prévue par l’article 5 alinéa 2 prérelaté, en ce que Monsieur X. ne remplit pas les conditions de moralité y prévues ;

Considérant qu’à travers la généralité des termes y employés, les conditions de moralité posées par ladite hypothèse c) de l’article 5 alinéa 2 de la loi du 6 juin 1990, au-delà des inscriptions au casier judiciaire, qui n’en fournissent qu’un élément, il est vrai d’importance, s’analysent sur base de l’ensemble des facettes du comportement du candidat à l’agrément en question ;

Considérant que dans la mesure où le tribunal exerce les pouvoirs de pleine juridiction en la matière, son analyse est portée sur le moment auquel il statue, englobant les éléments de fait et de droit acquis depuis le jour où la décision déférée a été prise ;

Considérant que les conditions de moralité pouvant être légitimement posées à l’encontre d’un candidat à l’exercice d’une activité de gardiennage et de surveillance pour le compte de tiers sont mesurées par rapport aux exigences spécifiques posées dans le chef du futur agent de sécurité en raison de la nature même de la mission dont il désire être revêtu ;

Considérant que d’après l’article 2 de la loi du 6 juin 1990 précitée, les activités de gardiennage et de surveillance y visées comprennent :

« a) la surveillance de biens mobiliers et immobiliers ;

b) la protection de personnes ;

c)le transport, le convoyage et la surveillance de transports de fonds et d’objets mobiliers ;

d)l’installation et la gestion de centres d’alarmes privés » ;

Considérant qu’il découle de cette définition des tâches que les critères de moralité posés par l’article 5 alinéa 2 point c) prérelaté appellent une appréciation d’autant plus stricte que le comportement du candidat par rapport à l’intégrité physique ainsi qu’à la propriété d’autrui est visé (trib. adm. 18 octobre 1999, Securitas et Y., n° 11297 du rôle);

Considérant que s’il est vrai que suivant le bulletin n° 2 de l’extrait du casier judiciaire versé au dossier administratif, Monsieur X. a été condamné à une seule peine d’amende pour contravention à la législation relative à la circulation sur les voies publiques, il n’en reste pas moins que les renseignements par ailleurs fournis et notamment ceux relatifs aux procès-verbaux dressés à son encontre, pour l’essentiel non encore toisés par une juridiction, seule une affaire de coups et blessures volontaires ayant été classée en raison du fait que les poursuites ont été jugées inopportunes par le parquet, deux affaires, l’une de vol domestique, l’autre de violation de domicile sont pendantes ;

Considérant que c’est l’affaire de vol domestique qui a d’ailleurs amené le procureur d’Etat de Luxembourg en personne à reconsidérer son avis en la matière ;

Que suivant un premier avis du 18 novembre 1998 ledit procureur avait conclu que « nonobstant les informations défavorables figurant au dossier de gendarmerie, il y a lieu de faire droit à la demande. En effet les affaires de vol domestique et de coups et blessures ont été classées. Par contre l’affaire du chef de délit de fuite n’a pas encore été jugée. L’emploi constitue certainement une mesure d’insertion pour X. » ;

Que suite à la demande du parquet général le priant d’indiquer les suites réservées aux soupçons de vol de la gendarmerie d’Esch-sur-Alzette à l’encontre de Monsieur X. (dringender Verdacht wegen Diebstahls 21.1.98 Gie.Esch/A), le même procureur d’Etat a formulé en date du 9 décembre 1998 les observations suivantes :

« retourné à Monsieur le procureur général d’Etat, avec l’information que le substitut en charge de l’affaire en question, vient de prendre la décision de réserver des poursuites pénales à cette affaire. Dans les conditions données et eu égard aux circonstances de ce vol (auprès d’une personne de 84 ans, où il travaillait comme aide-

senior, il a d’ailleurs été licencié auprès de l’association en question) je rapporte mon avis antérieur et émets mon avis négatif » ;

Que le représentant du parquet général a formulé en date du 11 novembre 1998 un avis défavorable conforme ;

Considérant que tel que le relève à juste titre le ministre de la Justice sur recours gracieux en date du 26 février 1999, les faits dénotés, non encore toisés par une décision judiciaire définitive, l’empêchent de retenir au stade actuel une réponse d’ores et déjà positive quant à l’honorabilité et au sens des responsabilités du candidat en question ;

Que loin de revenir à condamner la personne concernée avant que le juge pénal n’ait statué, pareille décision ministérielle constitue, au regard des exigences spécifiques concernant le respect de la personne et de la propriété d’autrui posées par la loi du 6 juin 1990 précitée, et compte tenu des missions à conférer aux agents en question, une prise de position légitime, étant entendu que l’absence de pareils faits déclarés n’aurait pas habilité le ministre à décider de la sorte ;

Considérant que c’est dès lors à juste titre qu’en suivant l’avis négatif du procureur d’Etat de Luxembourg ensemble celui du procureur général d’Etat s’y ralliant, le ministre de la Justice a refusé l’agrément sollicité sur base des renseignements fournis, tels que résultant du dossier administratif soumis au tribunal ;

Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en réformation recevable ;

au fond le dit non justifié ;

dit le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi fait et jugé à l’audience publique du 20 octobre 1999 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11209
Date de la décision : 20/10/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-10-20;11209 ?

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