N° 11246 du rôle Inscrit le 14 avril 1999 Audience publique du 18 octobre 1999
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Recours formé par la société anonyme HAPPY SNACKS, … contre une décision du ministre de la Culture en matière d’enseignes publicitaires
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Vu la requête inscrite sous le numéro 11246 du rôle et déposée le 14 avril 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond LORANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la société anonyme HAPPY SNACKS S.A., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation d’une décision de la ministre de la Culture du 14 janvier 1999 dans la mesure où elle refuse l’autorisation sollicitée pour l’installation sur l’immeuble abritant le restaurant X., sis à L-… 1) d’une enseigne lumineuse double face au format de 2,50 x 2,50 mètres, fixée sur un pylône d’une hauteur totale de 7 mètres et 2), d’un cordon néon luminescent rouge autour du bâtiment ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 mai 1999 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 septembre 1999 par Maître Edmond LORANG pour compte de la société anonyme HAPPY SNACKS S.A. ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Claude SCHMARTZ, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 octobre 1999.
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La société anonyme HAPPY SNACKS S.A., établie et ayant son siège social à L-…, ci-après appelée « la société » et exploitant le restaurant X., sis à L-…, présenta en date du 13 novembre 1998 une demande à la ministre de la Culture, ci-après dénommée « la ministre », aux fins d’obtenir l’autorisation de procéder à l’installation 1) d’une enseigne lumineuse double face au format 2,50 x 2,50 mètres et fixée sur un pylône d’une hauteur totale de 7 mètres ; 2) d’un cordon néon luminescent rouge autour du bâtiment ; et 3) d’une enseigne non lumineuse à lettrage séparé et fixée sur la toiture de l’immeuble, format 6 x 0,75/1,20 mètres.
Par une décision du 14 janvier 1999, la ministre, sur avis de la commission des sites et monuments nationaux, refusa l’autorisation sollicitée pour les publicités mentionnées sub 1 et 2 au motif que les dimensions de l’enseigne fixée sur pylône et du cordon luminescent sont excessives.
Par requête déposée en date du 14 avril 1999 au greffe du tribunal administratif, la société sollicita l’annulation de cette décision ministérielle du 14 janvier 1999.
A l’appui de son recours la partie demanderesse expose d’abord s’être référée aux dimensions des panneaux publicitaires de la station d’essence Y., voisine du restaurant X., et tire argument de la situation en fait existant dans la rue de Beggen, qui compterait de nombreuses enseignes publicitaires du même type, pour conclure que la décision de refus déférée serait entâchée d’illégalité pour violation, sinon fausse application valant violation du principe de l’égalité des citoyens devant la loi.
Pour soutenir en outre que la décision déférée manquerait de base légale, la partie demanderesse insiste sur l’absence de règlement grand-ducal pris en exécution de l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, fixant les dimensions maxima à respecter pour les publicités sur support immobile autre que les maisons, ainsi que, dans son mémoire en réplique, sur le fait que l’article 10 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 relatif à la publicité visée aux articles 37 et suivants de la loi précitée du 18 juillet 1983, en déléguant le pouvoir décisionnel au ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles, irait à l’encontre de l’article 38 de la loi précitée du 18 juillet 1983, celui-ci n’ayant pas autorisé le pouvoir exécutif à subdéléguer en cette matière son habilitation au ministre.
Dans la mesure où ni la loi précitée du 18 juillet 1983, ni aucune autre disposition légale ne prévoient un recours de pleine juridiction en la matière, le recours en annulation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.
La décision ministérielle attaquée du 14 janvier 1999 renvoie dans ses visa à la fois à la loi du 18 juillet 1983 et au règlement grand-ducal du 4 juin 1984 précités.
Il est constant que l’enseigne sur pylône litigieuse constitue une publicité au sens de l’article 37 de la loi précitée du 18 juillet 1983 en vertu duquel on entend par publicité : « Tout dispositif optique établi en vue de la publicité, quels que soient l’objet de la publicité et l’emplacement du dispositif à l’exception de la publicité produisant son effet exclusivement vers l’intérieur des immeubles », tout en rentrant également dans les prévisions plus particulières de l’article 10 du règlement grand-
ducal du 4 juin 1984 précité qui dispose dans son alinéa 1er que « toute publicité sur support immobile autre que les maisons est sujette à l’autorisation du ministre ayant les affaires culturelles dans ses attributions ».
Or, si l’article 38 de la loi précitée du 18 juillet 1983, en disposant que « toute publicité, qui n’est pas conforme aux critères à définir par règlement grand-ducal est interdite », habilite certes le pouvoir réglementaire à déterminer les critères à respecter en la matière, il n’en demeure cependant pas moins que l’article 10 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 précité, en soumettant les publicités y plus particulièrement visées à une autorisation ministérielle sans autrement définir des critères afférents, dépasse le cadre légal de la disposition habilitante de l’article 38 précité.
La même conclusion s’impose en ce qui concerne l’article 39 de la loi du 18 juillet 1983 précitée, qui, en disposant qu’ « un règlement grand-ducal désigne (…) les sites, les localités ou les parties de localités dans lesquelles toute publicité est subordonnée à une autorisation du ministre (ayant dans ses attributions les affaires culturelles) », n’habilite pas non plus le pouvoir exécutif à soumettre de manière générale à une autorisation ministérielle la publicité faite dans les localités non désignées par un règlement grand-ducal, telle celle en cause, la rue de Beggen ne faisant pas partie du secteur protégé de la Ville de Luxembourg pourtant seul énuméré à ce titre à l’article 13 du règlement grand-ducal précité du 4 juin 1984 (cf. trib. adm.
24 septembre 1997, ARAL, n° 9502 du rôle, Pas. Adm. 2/99 v° Sites et monuments, n° 2 et autres références y citées).
Il s’ensuit qu’à défaut de toute autre disposition légale habilitante, le tribunal doit refuser l’application dudit article 10, ceci conformément à l’article 95 de la Constitution, aux termes duquel les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois.
Il se dégage des considérations qui précèdent qu’à propos de la publicité faisant l’objet du premier volet de la décision déférée, en l’occurrence l’enseigne lumineuse double face fixée sur pylône, la décision ministérielle est dépourvue de base légale et encourt dès lors l’annulation.
En ce qui concerne en second lieu le cordon néon luminescent rouge à installer autour du bâtiment, la partie demanderesse fait valoir dans son mémoire en réplique que l’installation en cause constituerait non pas un dispositif optique établi en vue de la publicité, mais plutôt une décoration, ceci pour conclure que cette installation ne tomberait sous le champ d’application ni de la loi précitée du 18 juillet 1983, ni du règlement grand-ducal précité du 4 juin 1984.
Au vu de l’article 37 précité de la loi du 18 juillet 1983, il y a lieu d’entendre par publicité tout dispositif optique établi en vue de la publicité. S’il ne fait en l’espèce pas de doute que l’installation litigieuse est un dispositif optique, qui, considéré isolément se présente de manière neutre et sans rapport direct a priori avec la chaîne de restauration X., il reste cependant que cette installation s’inscrit dans un ensemble publicitaire qui, globalement considéré, se rapporte clairement à un seul et même objet publicitaire, en l’occurrence le restaurant X., dont le signe distinctif réside dans le choix du coloris rouge, également repris au niveau cordon luminescent litigieux.
Etant donné que le dispositif en question constitue dès lors pour le moins l’accessoire, sinon l’un des éléments constitutifs du dispositif publicitaire globalement considéré et établi en vue de la publicité d’un même restaurant, il y a lieu d’admettre que le cordon luminescent en cause constitue un dispositif publicitaire visé par l’article 37 de la loi précitée du 18 juillet 1983.
Dans la mesure où l’endroit devant recevoir la publicité litigieuse sis à L-1220 Luxembourg, 154, rue de Beggen, n’est pas désigné parmi les endroits où toute publicité est subordonnée à une autorisation ministérielle suivant l’article 13 du règlement grand-ducal précité du 4 juin 1984, une autorisation ministérielle est uniquement requise dans l’hypothèse où le dispositif publicitaire ne s’inscrit pas dans le cadre des prescriptions des articles 1er à 8 du règlement grand-ducal précité du 4 juin 1984, les dispositions dérogatoires de l’article 9 dudit règlement grand-ducal prévoyant en effet que sur demande motivée à présenter à l’administration communale, et sur avis de celle-ci, le ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles peut accorder, la commission des sites et monuments nationaux entendue en son avis, des dérogations aux dites dispositions.
Or, même à admettre en l’espèce que le dispositif publicitaire litigieux ne répond pas aux critères fixés à l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 4 juin 1984 pour être fixé sur une façade autre que celle(s) principale(s) de l’immeuble et pour dépasser par ailleurs la surface maximale prévue à l’article 6 du même règlement, et que la décision litigieuse serait partant intervenue sur base des dispositions dérogatoires précitées de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 4 juin 1984, force est de constater que ledit article 9, en ce qu’il prévoit que le ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles peut accorder des dérogations sous la forme y visée, sort du cadre de la disposition habilitant de l’article 38 de la loi précitée du 18 juillet 1983 au vœu duquel les critères auxquels toute publicité devra répondre pour être légale doivent être définis par règlement grand-ducal, ce texte n’autorisant pas le pouvoir exécutif à déléguer en cette matière son application à un ministre. (cf. Trib.
adm. 16 février 1998, Caisse Centrale Raiffeisen, n°s 10130 et 10131 du rôle, Pas.
Adm. 2/99 v° Sites et monuments n° 4 et autres références y citées) Il s’ensuit qu’à défaut de toute autre disposition légale habilitante, le tribunal administratif est amené à refuser également l’application dudit article 9, ceci conformément à l’article 95 de la Constitution précité.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le décision ministérielle déférée du 14 janvier 1999 est dépourvue de base légale et encourt partant l’annulation.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond le dit justifié ;
partant annule la décision déférée de la ministre de la Culture du 14 janvier 1999 ;
met les frais à charge de l’Etat.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 octobre 1999 par :
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Delaporte