N° 10024 du rôle Inscrit le 27 mai 1997 Audience publique du 18 octobre 1999
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Recours formé par Monsieur … METZ, X.
contre des décisions de taxe communale de l’administration communale d’X.
en matière de taxes communales
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Vu la requête, inscrite sous le numéro 10024 du rôle, déposée en date du 27 mai 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre PROBST, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … METZ, hôtelier, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation « d’une décision de taxe communale de la Commune d’X. prise en date du 26 février 1997 sous le numéro 12002700 fixant la taxe canal à payer à 24.225.- frs par an ainsi que toutes les décisions de fixation forfaitaire de taxe-canal l’ayant précédée ces décisions ne portant aucune indication de recours »;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 23 janvier 1998 par lequel ladite requête a été signifiée à l’administration communale d’X.;
Vu le mémoire en réponse déposé en date du 29 septembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre THIELEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale d’X.;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, préqualifié, du 5 octobre 1998 par lequel ce mémoire en réponse a été signifié à Monsieur … METZ;
Vu le mémoire en réplique déposé en date du 12 avril 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges MARGUE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du demandeur;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 1er avril 1999 par lequel ce mémoire en réplique a été signifié à l’administration communale d’X.;
Vu le mémoire en duplique déposé en date du 15 juin 1999 au greffe du tribunal administratif au nom de l’administration communale d’X.;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 17 juin 1999 par lequel ledit mémoire en duplique a été signifié au demandeur;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;
1 Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Georges MARGUE et Pierre THIELEN en leurs plaidoiries respectives.
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Le 27 mai 1997, Monsieur … METZ, demeurant à L-…, a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation « d’une décision de taxe communale de la Commune d’X. prise en date du 26 février 1997 sous le numéro 12002700 [sic] fixant la taxe canal à payer à 24.225.- frs par an ainsi que toutes les décisions de fixation forfaitaire de taxe-canal l’ayant précédée ces décisions ne portant aucune indication de recours ».
Concernant lesdites décisions antérieures, le demandeur a précisé dans sa requête introductive d’instance « qu’il s’agit en l’occurrence des décisions du 26.1.1996 portant sur un montant de 24.255 [sic] francs pour l’année 1995 ».
Le tribunal constate que parmi les pièces qui lui ont été fournies par le demandeur en annexe à sa requête introductive d’instance figure, d’une part, une « facture » établie par le receveur de la commune d’X. le 26 février 1997 d’un import de 24.225.- francs au titre d’une taxe canal pour l’utilisation du réseau public d’assainissement relativement à l’année 1996 et, d’autre part, une seule « facture » établie par le prédit receveur en date du 26 janvier 1996 d’un même import de 24.225.- francs au titre d’une taxe canal relativement à l’année 1995. Sur base de ce constat et à défaut d’avoir pu obtenir des éclaircissements de la part de l’actuel litismandataire du demandeur quant à la question de savoir si la requête introductive d’instance visait, le cas échéant, encore d’autres « factures », le tribunal retient que le recours sous analyse est dirigé à l’encontre des seules « factures » précitées des 26 janvier 1996 et 26 février 1997.
L’administration communale d’X. soulève principalement et globalement l’incompétence du tribunal pour connaître du recours en ce qu’il tend à la réformation des « factures » querellées, au motif qu’aucun texte de loi n’attribuerait compétence à la juridiction administrative pour statuer au fond en la matière.
En ordre subsidiaire, - étant précisé qu’en termes de plaidoiries le mandataire de la partie défenderesse a expressément précisé que ce moyen d’irrecevabilité était présenté en ordre subsidiaire et uniquement dans le cadre du recours en réformation, pour le cas où le tribunal devait se déclarer compétent pour en connaître - elle soutient que « à supposer que les taxes litigieuses s’analysent en impôts directs déguisés (quod non), le recours adverse est à déclarer irrecevable pour avoir été interjeté omisso medio alors que le § 228 de la loi générale des impôts tel que modifié par l’article 97, 5) de la loi du 7.11.96 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif prévoit une réclamation devant le directeur de l’Administration des Contributions directes dont la décision est susceptible d’un recours devant le tribunal administratif qui statuera au fond ».
Concernant le recours en annulation, la partie défenderesse conclut à son irrecevabilité au motif que, en application de l’article 8 paragraphe 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal ne serait pas appelé à connaître 2 des contestations relatives à des taxes rémunératoires et qu’en l’espèce, la taxe querellée s’analyserait en une telle taxe rémunératoire.
En ordre plus subsidiaire « et seulement pour le cas où la demande adverse ne serait pas déclarée irrecevable pour constituer un recours contre une taxe rémunératoire » elle conclut encore à l’irrecevabilité du recours en annulation pour défaut de motivation du recours.
Au fond, elle estime que les « factures » seraient conformes aux dispositions réglementaires applicables et que le recours manquerait de fondement à cet égard.
Dans son mémoire en réplique et en complément de sa requête introductive d’instance, le demandeur soulève l’illégalité du règlement communal ayant introduit la taxe sur l’utilisation du réseau public d’assainissement de la commune d’X. au motif qu’il n’aurait pas été approuvé par le Grand-Duc. Sur ce, il conclut à son inapplicabilité en vertu de l’article 95 de la Constitution et il sollicite l’annulation des bulletins querellés.
La partie défenderesse rétorque que la taxe litigieuse ne s’analyserait pas en une taxe de quotité, mais en une taxe de remboursement, étant encore soutenu qu’au voeu de l’article 106 7° de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, les taxes de remboursement ne requerraient pour leur validité que l’approbation du ministre de l’Intérieur. - En ordre subsidiaire, elle fait exposer qu’il aurait été « jugé qu’en vertu de l’article 35 no 5 de la loi communale du 24 février 1843 (article 106 de la loi communale actuelle, 7°) que l’approbation du ministre de l’Intérieur est suffisante par rapport à un règlement communal qui ne concerne que la perception d’une imposition légalement existante, l’approbation du Grand Duc, sur avis du Ministre étant nécessaire, d’après l’article 107 de la Constitution et l’article 34 n°5 de la loi communale du 24 février 1843 (art. 105 de la loi actuelle) pour les règlements contenant établissement d’un impôt nouveau ou changement de principe et des modalités de l’imposition même (Cour 25.07.1933, 13, 45) ». Sur ce, elle soutient qu’en l’espèce, la procédure aurait été régulièrement observée « alors que le règlement litigieux (no 18) vise la perception d’une imposition existante (…) ».
QUANT AU RECOURS EN REFORMATION Abstraction faite des moyens tirés de l’irrégularité en la pure forme de la requête introductive d’instance, le tribunal est en premier lieu appelé à examiner sa compétence pour connaître du litige dont il est saisi.
Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2/99, V° Recours en réformation, n° 5, p. 267 et 268, et autres références y citées).
Une disposition légale qui crée et organise des voies de recours contre une décision constitue une qualité inhérente à la décision elle-même et l’existence de cette voie de recours est régie, en l’absence de mesures transitoires, par la loi sous l’empire de laquelle a été rendue la décision attaquée (v. Juris-classeur de procédure civile, fasc. 61, n° 72; R.T.D.C. 1976, p.
182).
3 En l’espèce, si le recours contre les deux « factures » litigieuses a été introduit après l'entrée en vigueur de la loi précitée du 7 novembre 1996, qui a eu lieu le 1er janvier 1997, il importe de relever que le tribunal a été saisi, d’une part, d’une « facture » qui a été établie le 26 janvier 1996, c’est-à-dire antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi précitée du 7 novembre 1996 et, d’autre part, d’une « facture » qui a été établie le 26 février 1997, donc postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996.
Si les dispositions de la loi précitée du 7 novembre 1996 sont partant applicables au recours dont se trouve saisi le tribunal dans la mesure où il est dirigé contre la deuxième « facture » en date, à savoir celle du 26 février 1997, il se pose cependant la question de l’applicabilité de ladite loi au recours dans la mesure où il est dirigé contre la première « facture » en date, à savoir celle du 26 janvier 1996, question qui doit être examinée au regard des dispositions transitoires contenues dans cette loi.
QUANT A LA COMPETENCE DU TRIBUNAL POUR CONNAITRE DU RECOURS EN REFORMATION EN CE QU’IL EST DIRIGE CONTRE LA « FACTURE » DU 26 JANVIER 1996 ET QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS SOUS CE RAPPORT La loi précitée du 7 novembre 1996 organise la répartition des litiges pendants devant le Comité du contentieux du Conseil d’Etat entre les deux juridictions nouvellement créées qui lui succèdent, d’après les règles qui délimitent leurs compétences respectives (article 96 (1)).
Elle ne contient cependant aucune disposition qui affecte les autres principes de droit commun des conflits de lois dans le temps, et en particulier celui selon lequel les voies de recours contre une décision sont régies par la loi en vigueur au moment où la décision a été prise.
Il s’ensuit que l’admissibilité et l’étendue des voies de recours contre la « facture » émise en date du 26 janvier 1996 est régie par les dispositions légales en vigueur à cette date et que, pour déterminer sa compétence, le tribunal est appelé en premier lieu à examiner la question relative à la compétence originaire du Comité du contentieux.
Aux termes de l’article 153 de la loi communale précitée « les contestations en matière d’impositions communales sont vidées conformément à l’article 8 de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 sur les impôts, taxes, cotisations et droits (…) ».
Il résulte de l’article 8 de l’arrêté grand-ducal précité du 26 octobre 1944 - dans sa teneur avant son abrogation par la loi du 7 novembre 1996, précitée, - et de son complément constitué par l’arrêté ministériel du 10 avril 1946, que la réclamation contre un bulletin, au sens de l’article 149 de la loi communale précitée, est à porter devant le collège échevinal et que le recours contre la décision du collège échevinal est à porter devant le Conseil d’Etat, Comité du contentieux, qui statuera comme juge du fond.
Or, l’article 153 vise la seule matière des impositions communales, de sorte que tous les litiges en rapport avec des prélèvements qui n’ont pas la nature juridique d’une imposition communale sont soustraits à la compétence du Comité du contentieux.
En effet, s’il est vrai que depuis la réforme opérée par la loi communale du 13 décembre 1988, en matière d’impositions communales, la compétence d’attribution des juridictions de l’ordre judiciaire est limitée à la vérification de la régularité du mode de recouvrement en la forme, et au contentieux des difficultés relatives à l’exécution et que le 4 fond du litige, qui oppose le redevable à une commune au sujet des impositions communales, relève des juridictions administratives (Cass. 13 novembre 1986, Pas.27, 34), il n’en reste pas moins que ceci n’affecte en rien le contentieux des redevances civiles, à caractère nécessairement non fiscal, qui reste soustrait à la compétence des juridictions administratives pour relever de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
La détermination de la compétence est donc commandée par l’appréciation préalable d’une question de fond, à savoir l’analyse de la nature juridique de la « taxe canal » dont il est question en l’espèce. - La nature de ladite perception doit être déterminée au regard des dispositions qui l’ont instituée, sans préjudice quant au moyen développé par le demandeur et tiré de l’illégalité formelle du règlement-taxe de la commune d’X..
Aux termes de l’alinéa 1er du paragraphe 1er de la loi générale des impôts - ci-après dénommée « LGI » - l’impôt est défini comme suit: « Steuern sind einmalige oder laufende Geldleistungen, die nicht eine Gegenleistung für eine besondere Leistung darstellen und von einem öffentlich-rechtlichen Gemeinwesen zur Erzielung von Einkünften allen auferlegt werden, bei denen der Tatbestand zutrifft, an den das Gesetz die Leistungspflicht knüpft. Zölle fallen darunter; nicht darunter fallen Gebühren für besondere Inanspruchnahme der Verwaltung und Beiträge (Vorzugslasten)».
S’il est vrai que la LGI n’est pas applicable à tous les impôts, notamment aux impôts communaux autres que l’impôt commercial et l’impôt foncier, il n’en reste pas moins que la définition de l’impôt, contenue au §1er, (1), LGI doit être considérée comme étant générale et couvrant tous les impôts perçus au Grand-Duché, indépendamment de leur dénomination, parfois incorrecte (p.ex. taxe), du moment que le prélèvement répond aux caractéristiques de la définition donnée. (cf. Jean OLINGER, Introduction à l’étude du droit fiscal et luxembourgeois, études fiscales Numéros 93/94/95, page 33, n° 16).
La deuxième phrase du §1er LGI distingue les impôts des taxes (Gebühren für besondere Inanspruchnahme der Verwaltung), qui, au sens le plus large du terme, peuvent être définies comme les prélèvements perçus en contrepartie d’un service public mis à la disposition par l’administration au redevable.
Les taxes se distinguent des impôts proprement dits par la caractéristique essentielle de l’existence d’un service effectivement rendu ou susceptible d’être rendu.
La taxe peut être établie par l’autorité publique compétente sous la forme d’une taxe de quotité ou sous la forme d’une taxe de remboursement (voir en ce sens Cass. crim. 23 mars 1961, Pas. 18, 268).
La taxe de quotité se définit comme un prélèvement obligatoire pour la mise à disposition d’un service public. Le payement est obligatoire en contrepartie d’un service tantôt imposé tantôt simplement mis à disposition. Le montant de la recette n’est pas proportionné au coût des dépenses engagées et la recette est due même lorsque le service n’est pas effectivement utilisé.
La taxe de remboursement se définit comme la juste rémunération d’un service effectivement rendu et obligatoire. Le prélèvement est nécessairement proportionné au coût des dépenses engagées par la commune dans l’intérêt du redevable.
5 Le critère distinctif réside au niveau de la proportionnalité entre les recettes et les coûts, de sorte qu’on peut ventiler les taxes, d’une part, en taxes proprement dites (taxes de quotité) qui sont « rémunératoires », étant donné qu’elles constituent, dans une certaine mesure, la contrepartie d’un service mis à disposition, mais sans qu’il y ait proportionnalité entre le coût du service et le prélèvement opéré et, d’autre part, en taxes purement rémunératoires (taxes de remboursement) qui constituent la juste rémunération d’un service rendu.
Les taxes de quotité, tout en restant distinctes des impôts par leur caractère rémunératoire, participent cependant de la même nature que les impôts en ce que les unes et les autres, constituent des prélèvements à caractère fiscal, c’est-à-dire des prélèvements caractérisés par leur établissement durable et permanent, leur applicabilité obligatoire à la généralité des citoyens et surtout par le fait qu’ils ne sont pas destinés à couvrir les dépenses relatives à un service rendu.
D’un autre côté, les taxes de remboursement se perçoivent à l’occasion d’une mise à disposition d’un service public par l’autorité étatique ou communale. La juste rémunération du service effectivement utilisé constitue l’élément caractéristique qui distingue la taxe de remboursement de la taxe de quotité.
La taxe de remboursement est assimilée à une redevance civile. (v. Cass. 23 mars 1961, précité).
La redevance, notion proche de la taxe de remboursement en ce qu’elle est également établie en rémunération d’un service rendu et en ce que les redevances ne sont dues que par les usagers effectifs du service presté, s’en distingue cependant par le fait que la prestation est librement acceptée, partant facultative.
La redevance n’a pas le caractère d’un prélèvement fiscal et elle échappe donc au régime juridique spécial régissant les impositions communales. L’établissement et le recouvrement des redevances sont régis par les règles de droit commun et la débition d’une redevance engendre de simples rapports civils entre l’autorité locale et le redevable (v. Rép.
prat. dr. belge, Vo Taxes communales nos 34 et 35).
Les taxes de remboursement et les redevances ne sont pas des impositions, c’est-à-dire qu’elles ne participent pas de la nature des prélèvements fiscaux.
En l’espèce, il appert à l’examen du règlement-taxe de la commune d’X. que la taxe de canalisation instituée dans ladite commune, en ce qu’elle concerne l’utilisation du réseau public d’assainissement - les taxes de raccordement audit réseau n’étant pas litigieuses en l’espèce -
est établie de manière durable et permanente par un règlement-taxe applicable à la généralité des habitants de la commune et qu’elle constitue la rémunération obligatoire d’un service public déterminé tantôt imposé tantôt mis à la disposition des redevables, qui sont astreints à la charge par le fait d’une exigibilité indépendante de l’utilisation effective dudit service et les recettes perçues (essentiellement un prélèvement fixe) ne sont pas proportionnées au coût individuel des dépenses effectives de la commune pour la mise à disposition dudit service, étant spécialement relevé que la base d’assiette des prélèvements fixes ne présente pas de relation directe apparente avec les dépenses engagées par la commune y relatives.
6 Il suit de ce qui précède que la taxe de canalisation perçue pour l’utilisation du réseau public d’assainissement de la commune d’X. est à qualifier de taxe de quotité et relève partant de la catégorie des prélèvements de nature fiscale qui sont de la compétence originaire du Comité du contentieux du Conseil d’Etat. - Etant donné qu’il se dégage encore des développements qui précèdent que les deux « factures » litigieuses s’analysent en des bulletins d’impositions communales, tels que visés par l’article 149 de la loi communale du 13 décembre 1988, le tribunal les désignera ci-après par « bulletins » litigieux.
En l’absence de disposition spécifique autre que l’article 96 (1) de la loi du 7 novembre 1996, précitée, qui organise uniquement le transfert des affaires pendantes devant le Comité du contentieux, au moment de l’entrée en vigueur de ladite loi de 1996, la réponse à la question de savoir laquelle des deux nouvelles juridictions administratives est compétente pour connaître d’une affaire qui est de la compétence originaire du Conseil d’Etat mais qui est introduite postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi précitée de 1996 est fonction des règles de compétence qui sont propres aux nouvelles juridictions administratives.
L’article 8 (1), b) de la loi précitée du 7 novembre 1996 attribue compétence au tribunal administratif pour connaître des contestations relatives « aux impôts et taxes communaux, à l’exception des taxes rémunératoires ».
Il se dégage des développements qui précèdent que c’est le tribunal administratif qui a compétence de principe pour connaître du recours en réformation sous analyse dans la mesure où il est dirigé contre le bulletin du 26 janvier 1996. - Il s’ensuit que le recours en annulation dirigé contre ledit bulletin est à déclarer irrecevable.
Avant de procéder à l’examen de la question relative à la compétence du tribunal pour connaître du recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre le bulletin du 26 février 1997, il y a lieu de procéder d’abord à l’examen du moyen d’irrecevabilité soulevé par la partie défenderesse et tiré de l’exception omisso medio du recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre le bulletin du 26 janvier 1996.
Si c’est à tort que la partie défenderesse se réfère aux dispositions de la LGI et soutient qu’un recours hiérarchique obligatoire aurait dû être introduit impérativement avant l’introduction du recours contentieux sous examen, il n’en reste pas moins que l’article 153 de la loi communale précitée, ensemble l’article 8 de l’arrêté grand-ducal précité du 26 octobre 1944 - dans sa teneur avant son abrogation par la loi du 7 novembre 1996, précitée, - et son complément constitué par l’arrêté ministériel du 10 avril 1946, exige que la réclamation contre un bulletin, au sens de l’article 149 de la loi communale précitée, doit être portée devant le collège échevinal, préalablement à l’introduction d’un recours contentieux. En l’espèce, étant donné qu’il est constant qu’aucun recours hiérarchique n’a été introduit devant le collège des bourgmestre et échevins de la commune d’X., il s’ensuit que le recours en réformation est irrecevable omisso medio dans la mesure où il est dirigé contre le bulletin litigieux du 26 janvier 1996.
QUANT A LA COMPETENCE DU TRIBUNAL POUR CONNAITRE DU RECOURS EN REFORMATION EN CE QU’IL EST DIRIGE CONTRE LE BULLETIN DU 26 FEVRIER 1997 7 Comme il vient d’être énoncé ci-dessus, le tribunal administratif est compétent, au voeu de l’article 8 (1), b) de la loi précitée du 7 novembre 1996 pour connaître des contestations relatives « aux impôts et taxes communaux, à l’exception des taxes rémunératoires ».
Comme l’article 97 (4) de ladite loi du 7 novembre 1996 a abrogé l’article 8 de l’arrêté grand-ducal précité du 26 octobre 1944, vidant ainsi de sa substance l’article 153 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, qui dispose que « les contestations en matière d’impositions communales sont vidées conformément à l’article 8 de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 sur les impôts, taxes, cotisations et droits (…) » et comme il n’existe aucune autre disposition légale conférant compétence au tribunal administratif pour statuer comme juge du fond en matière de contestations contre des bulletins d’imposition communale émis depuis l’entrée en vigueur de la loi précitée du 7 novembre 1996, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre le bulletin du 26 février 1997.
QUANT AU RECOURS EN ANNULATION QUANT AU RECOURS EN ANNULATION EN CE QU’IL EST DIRIGE CONTRE LE BULLETIN DU 26 FEVRIER 1997 Le recours en annulation étant ouvert, en application de l’article 2 de la loi précitée du 7 novembre 1996, à l’encontre de toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements, le recours en annulation est recevable sous ce rapport dans la mesure où il est dirigé contre le bulletin émis en date du 26 février 1997.
Le recours est également recevable - dans la prédite mesure - au regard des délais pour agir qui ont été respectés.
Le moyen d’irrecevabilité tiré du défaut de motivation suffisante n’est pas fondé étant donné que les arguments et moyens développés dans la requête introductive d’instance, ensemble le complément de motivation apporté par le demandeur - dans le délai du recours contentieux - dans son mémoire en réplique constituent une motivation suffisante à laquelle la partie défenderesse a utilement pu répondre en présentant les arguments et moyens qu’elle a jugés nécessaires ou utiles.
Il suit de ce qui précède que le recours en annulation est recevable dans la mesure où il est dirigé contre le bulletin émis en date du 26 février 1997.
QUANT AU FOND Au voeu de l’article 107 (3) de la Constitution, le conseil communal est compétent pour établir des impositions communales, sous l’approbation du Grand-Duc.
Aux termes de l’article 105 de la loi communale précitée, « sont soumises à l’approbation du Grand-Duc les délibérations des conseils communaux relatives à l’établissement, au changement et à la suppression des impositions communales et les règlements y relatifs (…) ».
8 En l’espèce, il se dégage des développements précédemment faits au sujet de la qualification de la nature juridique de la taxe dont il est question qu’elle s’analyse en une taxe communale de quotité, c’est-à-dire en un prélèvement à caractère fiscal et que le bulletin par lequel elle est recouvrée constitue un bulletin tel que visé par l’article 149 de la loi communale précitée, de sorte que, par application des principes susénoncés, la légalité des délibérations de l’autorité communale compétente est notamment conditionnée par une approbation grand-
ducale.
Or, il se dégage de deux extraits du registre aux délibérations du conseil communal d’X. produits en cause, qu’en date du 21 décembre 1994, le conseil communal d’X. a pris, entre autres, deux délibérations distinctes sous les numéros 18 et 18 b. - Par la délibération n° 18, le conseil communal a décidé l’introduction d’un règlement-taxe relatif à l’évacuation et à l’épuration des eaux usées. Ledit règlement-taxe, en ce qui concerne l’utilisation du réseau public d’assainissement, soumet ladite utilisation au paiement, d’une part, d’une taxe fixe mensuelle et, d’autre part, d’une taxe variable. Si le règlement-taxe fixe, dans son annexe, des coefficients de conversion en équivalents/habitants des producteurs d’eaux résiduaires domestiques et assimilables, il convient de constater qu’il ne fixe pas les taxes et tarifs. En effet, la fixation des taxes relatives à l’évacuation et à l’épuration des eaux usées prévues au prédit règlement-taxe fait l’objet d’une délibération séparée n° 18 b.
En outre, d’un côté, c’est à juste titre que le demandeur fait relever qu’il se dégage de l’extrait du registre aux délibérations relatif à la séance publique du 21 décembre 1994 concernant spécialement la délibération n° 18 établissant le règlement-taxe précité, que ledit règlement-taxe a uniquement fait l’objet d’une approbation du ministre de l’Intérieur en date du 31 mars 1995. En effet, l’extrait versé en cause indique in fine: « Vu et approuvé.
Luxembourg, le 31 mars 1995 Pour le Ministre de l’Intérieur, Le Premier Conseiller de Gouvernement, [suivi d’une signature illisible] ».
D’un autre côté, il ressort d’un arrêté grand-ducal du 15 mai 1995, versé en cause par l’administration communale d’X. en annexe à un extrait du registre aux délibérations du conseil communal d’X. relatif à la séance publique du 21 décembre 1994 concernant spécialement la délibération n° 18 b fixant les taxes prévues au règlement-taxe précité, qu’« est approuvée la délibération du 21 décembre 1994 aux termes de laquelle le Conseil communal d’X. a fixé les taxes et tarifs relatifs à l’évacuation et à l’épuration des eaux usées ». - Une mention du règlement portant « fixation des taxes et tarifs relatifs à l’évacuation et à l’épuration des eaux usées », de son approbation par arrêté grand-ducal du 15 mai 1995 et par décision ministérielle du 19 mai 1995, ainsi que de sa publication en due forme a été faite au Mémorial A N° 89 du 30 octobre 1995, page 2063.
Il se dégage de ce qui précède et spécialement du libellé même de l’arrêté grand-ducal du 15 mai 1995 que la délibération n° 18 par laquelle le règlement-taxe relatif à l’évacuation et à l’épuration des eaux usées a été introduit n’a pas été approuvée par le Grand-Duc.
Le tribunal ne saurait admettre que l’approbation grand-ducale de la fixation des taxes et tarifs constitue une approbation implicite du règlement-taxe. En effet, si l’établissement d’une taxe et la fixation des tarifs sont indissociablement liés, il n’en reste pas moins que la fixation d’une taxe et l’établissement proprement dit d’une imposition communale sont deux choses distinctes, l’établissement d’une imposition étant nécessairement préalable à la fixation de la taxe et soumis comme tel à une approbation grand-ducale propre et explicite.
9 Enfin, la jurisprudence invoquée par la partie défenderesse ne prête pas à conséquence en l’espèce, dès lors que le règlement-taxe du 21 décembre 1994 introduit une taxe canal dans la commune d’X. et ne vise pas la perception d’une imposition légalement existante.
En vertu de l'article 95 de la Constitution, les tribunaux n'appliquent les mesures réglementaires que pour autant qu'elles sont conformes à la loi.
Il se dégage de ce qui précède que le règlement-taxe relatif à l’évacuation et à l’épuration des eaux usées n’a pas été légalement établi et il s'ensuit que le tribunal doit en refuser l'application.
Or, le bulletin litigieux du 26 février 1997, attaqué par le demandeur, est basé sur ce règlement-taxe.
Il s'ensuit qu'il est dépourvu de base légale et doit encourir l'annulation.
Chacune des parties ayant succombé en partie dans ses prétentions et compte tenu des proportions dans lesquelles leurs moyens ont pu être accueillis, il échet de faire masse des frais et de les imposer pour moitié à l’administration communale d’X. et au demandeur.
PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, se déclare compétent pour connaître du recours en réformation dans la mesure où il est dirigé contre le bulletin du 26 janvier 1996, le déclare cependant irrecevable sous ce rapport, déclare le recours en annulation dirigé contre le bulletin du 26 janvier 1996 irrecevable, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation dans la mesure où il est dirigé contre le bulletin du 26 février 1997, déclare le recours en annulation dirigé contre le bulletin du 26 février 1997 recevable, le dit également fondé sous ce rapport, partant annule le bulletin du 26 février 1997, fait masse des frais et les impose pour moitié à l’administration communale d’X. et au demandeur.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge 10 Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 18 octobre 1999, par le vice-président, en présence de M.
Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 11