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14/10/1999 | LUXEMBOURG | N°11105

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 octobre 1999, 11105


N° 11105 du rôle Inscrit le 29 janvier 1999 Audience publique du 14 octobre 1999

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Recours formé par Monsieur … BOATENG contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu la requête déposée le 29 janvier 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BOATENG, de nationalité ghanéenne, demeurant à L->
…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 17...

N° 11105 du rôle Inscrit le 29 janvier 1999 Audience publique du 14 octobre 1999

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Recours formé par Monsieur … BOATENG contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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Vu la requête déposée le 29 janvier 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BOATENG, de nationalité ghanéenne, demeurant à L-

…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 17 décembre 1998 lui refusant l’octroi d’une autorisation de séjour au Luxembourg et l’invitant à quitter le pays sans délai;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mars 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé le 11 juin 1999 au nom du demandeur;

Vu le mémoire en duplique déposé le 16 juin 1999 par le délégué du gouvernement;

Vu les pièces versées en cause;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Claude WAGENER, en remplacement de Maître Anne-Marie SCHMIT, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête déposée le 29 janvier 1999, Monsieur BOATENG a introduit un recours en annulation sinon en réformation contre une décision du 17 décembre 1998 du ministre de la Justice par laquelle ce dernier a refusé de faire droit à sa demande du 10 novembre 1998 en obtention d’un permis de séjour et qui l’a invité à quitter le territoire du Grand-Duché de Luxembourg sans délai.

Le demandeur fait exposer qu’en 1995, il aurait bénéficié d’une autorisation de séjour, qu’à l’époque, il aurait habité ensemble avec son épouse, Madame E. H. T., de nationalité belge, et leur fille commune, que suite à une dispute entre époux en 1996, son épouse l’aurait mis à la porte, que son épouse aurait déménagé en Allemagne et qu’elle aurait emmené leur fille commune ainsi que ses documents officiels. Il précise cependant qu’il ne serait pas seul au Luxembourg, mais qu’il serait soutenu moralement et financièrement par des membres de sa famille, en l’occurrence deux cousines qui seraient installées et intégrées au Luxembourg. En 1 outre, il ne serait pas financièrement dépendant de sa famille au motif que Madame R. S-M, gérante d’un supermarché, lui aurait offert un emploi dans son commerce et qu’un contrat aurait été signé entre parties en date du 30 décembre 1998, étant précisé que ce contrat serait soumis à la condition suspensive de l’obtention d’un permis de séjour et d’un permis de travail.

En droit, le demandeur se base en premier lieu sur un jugement du tribunal administratif du 10 juin 1998 (n° 10401 du rôle) pour conclure à l’annulation de la décision querellée au motif qu’il a été invité à quitter le territoire grand-ducal sans délai, alors que le ministre aurait obligatoirement dû fixer un délai précis pour lui permettre de prendre toutes les dispositions nécessaires pour faire suite à cette invitation.

En outre, il soutient qu’il se dégagerait de son exposé ci-avant retracé, qu’il serait en mesure de subvenir à ses propres besoins par des revenus légaux et que, par conséquent, la décision ministérielle de refus serait manifestement infondée.

Le demandeur demande encore au tribunal d’assortir son recours du bénéfice de l’effet suspensif.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’un recours au fond ne serait pas prévu par les dispositions légales applicables en la matière.

Concernant la demande tendant à l’octroi du sursis à exécution de la décision critiquée, le délégué conclut à son rejet au motif que l’affaire au fond serait en état d’être décidée à brève échéance. En outre, les conditions d’octroi d’un sursis à exécution ne seraient pas remplies en l’espèce.

Quant à l’exposé des faits, le représentant étatique entend préciser qu’en date du 22 mars 1994, le demandeur aurait été autorisé de séjourner au Luxembourg en raison du fait qu’il a épousé le 30 mars 1993 une ressortissante belge domiciliée au Luxembourg. Il ajoute que le demandeur ne serait venu au Luxembourg qu’en date du 24 juillet 1995.

Il relève encore qu’il ressortirait d’un rapport de la brigade de gendarmerie de Wasserbillig du 13 décembre 1995 que ni le demandeur ni son épouse n’auraient eu une occupation salariée, mais qu’ils vivaient des allocations familiales et d’une prime d’éducation.

Le délégué du gouvernement précise encore que le 3 décembre 1996, l’épouse du demandeur serait partie pour l’Allemagne et que l’autorisation de séjour du demandeur aurait expiré le 28 août 1996, mais que le demandeur n’aurait sollicité une nouvelle autorisation qu’en date du 10 novembre 1998, soit après un séjour irrégulier de plus de 26 mois.

Enfin, il relève que le permis de travail a été refusé au motif que le demandeur a été sans emploi et qu’il ne disposait que du soutien de ses deux cousines pour subvenir à ses frais de séjour.

Au fond, le délégué du gouvernement soutient qu’aucune disposition légale n’exigerait qu’une invitation à quitter le territoire national doit mentionner un délai précis et que la référence à la jurisprudence citée ne serait pas pertinente alors que cette espèce visait un citoyen de l’Union européenne pour lesquels existe une réglementation spécifique.

2 En outre, la décision de refus querellée serait justifiée à suffisance de droit par le fait que le demandeur n’a pas pu justifier de l’existence de moyens de subsistance personnels.

Dans sa réplique, le demandeur, tout en maintenant ses moyens et arguments antérieurs, soutient que, même en l’absence de disposition textuelle, l’indication d’un délai pour quitter le pays constituerait une « formalité substantielle qui est prise en garantie des droits de la défense » et découlerait de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Concernant la jurisprudence citée, il estime qu’elle énoncerait une règle de principe applicable indépendamment de la nationalité des personnes concernées. Il soutient encore que seule l’urgence justifierait une exception à ce principe.

Le demandeur conteste encore avoir séjourné illégalement pendant 26 mois au Luxembourg, mais qu’il ressortirait de son passeport que fin 1996, il serait parti du Luxembourg pour retourner au Ghana et qu’il ne serait revenu au Luxembourg qu’au mois de novembre 1998 « pour rejoindre ses cousines respectivement pour retrouver son épouse ».

QUANT A LA RECEVABILITE Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision litigieuse. En effet, comme l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Par ailleurs, si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2/99, V° Recours en réformation, n° 5, p. 267 et 268, et autres références y citées).

Etant donné qu’aucune disposition légale ne prévoit un recours de pleine juridiction contre une décision de refus d’un permis de séjour, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en annulation, non autrement contesté sous ce rapport, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

QUANT A LA DEMANDE DE SURSIS A EXECUTION Le tribunal étant amené à vider le fond du litige, la demande en effet suspensif est à abjuger.

QUANT AU FOND L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, 3 dispose que: «l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger: (…) -

qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise. Il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

Il ressort des éléments du dossier et des renseignements qui ont été fournis au tribunal, que Monsieur BOATENG ne disposait pas de moyens personnels propres au moment où la décision attaquée a été prise.

D’une part, c’est à tort que le demandeur entend justifier l’existence de moyens personnels suffisants par la production d’une déclaration de prise en charge en date du 23 octobre 1998 émanant de Monsieur et Madame W.- K. par laquelle ils « s’engagent (…) à prendre à leur charge intégrale tous [ses] (…) frais de logement et d’entretien ». En effet, une prise en charge signée par un membre de la famille du demandeur ainsi qu'une aide financière apportée au demandeur par celui-ci ne sont pas considérés comme moyens personnels au sens de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 (cf. trib. adm 9 juin 1997, n°9781 du rôle, Pas.

adm 2/99, V° Etrangers, n°69 et autres références y citées).

D’autre part, le demandeur a encore tort de faire état d’un contrat de travail conclu sous condition suspensive ainsi que des rémunérations qu’il pourrait obtenir si le ministre du Travail et de l’Emploi devait faire droit à une demande en délivrance d’un permis de travail lui permettant d’exercer une profession au Luxembourg, dès lors que, abstraction faite de toutes autres considérations, notamment de celle que le demandeur n’avait pas communiqué ledit contrat au ministre de la Justice et qu’on saurait difficilement reprocher audit ministre de ne pas avoir tenu compte d’éléments d’information qui n’étaient pas à sa connaissance, force est de relever que le demandeur n’était pas en possession, au moment de la prise de décision, d’un permis de travail et qu’il n’était dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et à toucher des revenus provenant de cet emploi.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé l’autorisation de séjour sollicitée.

C’est encore à tort que le demandeur reproche au ministre de la Justice de ne pas lui avoir fixé un délai suffisant lui permettant de prendre les dispositions nécessaires en vue de quitter le territoire national. En effet, en l’absence de disposition légale exigeant explicitement la fixation d’un tel délai, le ministre de la Justice n’était pas tenu de ce faire. Dans ce contexte, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement soutient que tant la jurisprudence invoquée par le demandeur que l’article 12 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales ne sont respectivement pas applicables ou transposables dans le cas d’espèce dès lors que le demandeur ne rentre pas dans les prévisions de l’article 1er dudit règlement. Par ailleurs, l’argumentation basée sur la violation de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme est à écarter étant donné qu’une décision de refus d’un permis de séjour ne rentre pas dans le champ d’application dudit article, la procédure afférente 4 ne constituant ni une procédure en matière pénale ni une procédure concernant des contestations sur des droits et obligations de caractère civil.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à écarter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

rejette la demande de sursis à exécution;

au fond, déclare le recours en annulation non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 14 octobre 1999 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11105
Date de la décision : 14/10/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-10-14;11105 ?

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