N° 10168 du rôle Inscrit le 24 juillet 1997 Audience publique du 6 octobre 1999 Recours formé par les époux … GAUTIER et X., Hellange contre deux bulletins d’imposition du bureau d’imposition de Dudelange en matière d’impôt sur le revenu
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Vu la requête déposée en date du 24 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … GAUTIER, gérant de société, et de son épouse, Madame X., employée privée, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de rejet pour silence gardé au-delà de six mois ainsi visée du directeur de l’administration des Contributions directes à l’encontre d’une réclamation introduite contre les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les exercices fiscaux 1990 et 1991 pour non exemption à due concurrence de revenus de capitaux mobiliers réalisés ;
Vu le mémoire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 mai 1998 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Fernand ENTRINGER et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 2 juin, 30 juin et 22 septembre 1999.
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Considérant que suivant acte reçu par le notaire … de résidence à Luxembourg en date du 3 juin 1985 a été constituée la société à responsabilité limitée GAUTIER s.à r.l. établie et ayant son siège social à Luxembourg, …, avec un capital initial de 1.000.000.- francs;
Que suivant assemblée générale extraordinaire du 9 mars 1988 tenue devant le même notaire, les deux associés, Monsieur … GAUTIER, gérant de société et son épouse, Madame X., employée privée, les deux demeurant ensemble à L-…, ont décidé d’augmenter le capital social initial de 1.000.000.- francs à concurrence de 2.000.000.-
francs par apports en numéraire par la création de 200 parts sociales nouvelles souscrites et entièrement libérées, par chacun à raison de 1.000.000.- francs représentés par cent parts.
Que se prévalant des dispositions de la loi du 27 avril 1984 visant à favoriser les investissements productifs des entreprises et la création d’emplois au moyen de la promotion de l’épargne mobilière, communément appelée « loi RAU », les époux GAUTIER-X. ont fait valoir au titre de parts de bénéfice allouées, exemptées de l’impôt sur le revenu, les deux tiers des montants respectivement dégagés pour les exercices sociaux 1989 et 1990 et touchés les années fiscales subséquentes, sur base de la clé de répartition issue de la proportion entre le capital anciennement souscrit et l’augmentation de capital opérée en 1988 ;
Que les bulletins de l’impôt sur le revenu relatifs aux exercices fiscaux 1990 et 1991, émis tous les deux en date du 6 mai 1993 par le bureau d’imposition de Dudelange ont mis en compte un revenu de capitaux mobiliers dans le chef des époux GAUTIER-X. de…- francs pour l’exercice fiscal 1990 et de…- francs pour l’exercice fiscal 1991, face aux revenus nets afférents déclarés de respectivement 890.867.-
francs pour 1990 et ….- francs pour 1991 ;
Que les époux GAUTIER-X. ont introduit en date du 9 juin 1993 une réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu précités du 6 mai 1993 « dans la mesure où l’assiette de l’impôt sur le revenu retenu pour les exercices 1990 et 1991 diffère des revenus renseignés dans la déclaration d’impôt », concernant les revenus nets de capitaux mobiliers imposés au-delà de ceux déclarés tels que ci-avant relatés ;
Que cette réclamation étant restée sans suite, les époux GAUTIER-X., ont, par requête déposée en date du 24 juillet 1997 « en application de l’article 8.3 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif », présenté un recours contre « une décision de rejet par le silence de l’administration à l’encontre d’une réclamation introduite contre les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les exercices 1990 et 1991 » en y demandant au dispositif de voir « réformer sinon annuler les décisions entreprises » dans le sens de la réclamation ci-avant relatée et de voir « ordonner la restitution des impôts payés indument avec les intérêts légaux à partir du paiement jusqu’au remboursement » ;
Considérant qu’en application des dispositions conjuguées des articles 8 (3) et 97 (2) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation dans la mesure où il vise les deux bulletins de l’impôt sur le revenu relatifs aux années fiscales 1990 et 1991 émis le 6 mai 1993 et frappés utilement de réclamation;
Que dans cette mesure le recours en réformation est également recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, rendant irrecevable dans les mêmes limites le recours en annulation formulé en ordre subsidiaire;
Qu’il importe d’analyser la question de la recevabilité de la demande en restitution du trop-payé allégué par la partie demanderesse une fois dégagés les mérites du recours au fond concernant les bulletins d’imposition critiqués ;
Considérant au fond que la partie défenderesse retient que les époux GAUTIER-X., en raison de l’augmentation de capital de 1.000.000.- francs à 3.000.000.- francs opérée en 1988 « bénéficient incontestablement de l’exemption d’impôt selon l’article 4 de la loi (précitée du 27 avril 1984) pour les parts de bénéfice allouées en raison des titres représentatifs de leur nouvel apport, et ce pendant cinq années d’imposition » tout en ajoutant que « pour l’imposition il faut donc ventiler les dividendes entre le capital ancien et le capital nouveau et en rendant attentif que tout bénéfice distribué ne donne lieu à des revenus de capitaux non pas l’année de l’exercice social au cours duquel il a été réalisé, mais l’année fiscale au cours de laquelle il a été mis à la disposition des associés concernés » ;
Qu’au vu des pièces supplémentaires réclamées à la fois par le tribunal et le représentant étatique, ce dernier s’est rapporté à l’appréciation du tribunal dans ses explications orales à l’audience ;
Considérant que la loi précitée du 27 avril 1984 prévoit dans le chef des contribuables personnes physiques résidents qui acquièrent pendant les années d’imposition 1984 à 1988 des parts sociales représentatives d’apports en numéraire dans des sociétés à responsabilité limitée dont le capital social atteint un certain montant défini à l’article 2 (1) in fine qu’elles bénéficient des avantages fiscaux prévus aux articles 3 à 5 de ladite loi;
Qu’étant des contribuables personnes physiques résidentes ayant acquis en 1988 des parts sociales représentatives d’apports en numéraire dans une société à responsabilité limitée dont le capital social porté à 3.000.000.- francs suffit aux exigences posées par l’article 2 (1) précité, les époux GAUTIER-X. rentrent dans la catégorie des bénéficiaires des dispositions de la loi RAU du 27 avril 1984 précitée, étant donné que par la loi du 7 juin 1989 portant prorogation et modification de ladite loi du 27 avril 1984, les bénéfices fiscaux y prévus ont été prorogés notamment pour les exercices fiscaux 1990 et 1991, faisant l’objet du présent litige;
Considérant que l’exemption des revenus de capitaux sollicitée par les époux GAUTIER-X. est prévue à l’article 4 (1) de la loi du 27 avril 1984 libellé comme suit:
« les dividendes et parts de bénéfice alloués en raison des titres représentatifs d’apports en numéraire sont exempts de l’impôt sur le revenu, lorsque les titres sont détenus par le contribuable à la fin de l’année de leur acquisition. Toutefois, s’ils continuent à être détenus à la fin d’une ou de plusieurs années subséquentes, l’exemption se prolonge pendant cinq années d’imposition »;
Que cette disposition a été remplacée par la loi du 17 juin 1989, entrée en vigueur le 1er janvier 1989 par le texte suivant « la première tranche de 60.000.- francs par an des dividendes et parts de bénéfice alloués en raison des titres représentatifs d’apports en numéraire est exempte de l’impôt sur le revenu, lorsque les titres sont détenus par le contribuable à la fin de l’année de leur acquisition »;
Qu’il est constant en cause qu’en raison du principe de la non-rétroactivité des lois édicté par l’article 2 du code civil, les dispositions nouvelles de l’article 4 (1), tel qu’inséré dans la loi du 27 avril 1984 par la novelle du 7 juin 1989 précitée, ne trouvent pas leur application pour les revenus d’apports en numéraire dûment effectués durant les années d’imposition 1984 à 1988, les droits acquis sous l’ancien régime ne pouvant être lésés de façon rétroactive du fait de la loi nouvelle;
Que c’est ainsi qu’il a été retenu que le plafond d’exemption introduit par la loi du 7 juin 1989 ne joue pas rétroactivement, et que les dividendes et parts de bénéfice découlant d’acquisitions correspondantes avant l’année 1989, continuent à bénéficier de l’exemption complète prévue par l’article 4 (1) dans sa version de la loi du 27 avril 1984 (cf. doc. parl. 3263, commentaire des articles, ad. article 4 in fine);
Qu’à ce sujet le Conseil d’Etat, dans son avis (cf. doc. parl. 32631, page 4) avait suggéré que « l’article 4, alinéa 1er de la loi du 27 avril 1984 devrait préciser que la tranche d’exemption à prévoir à partir de l’année d’imposition 1989 s’applique aux revenus et aux dividendes et parts de bénéfice provenant de titres acquis au sens de cette loi, telle qu’elle a été modifiée à la suite, c’est-à-dire pour les années d’acquisition 1984 à 1992 »;
Que le législateur n’a cependant pas adopté cette proposition;
Que dès lors les exemptions des revenus de capitaux réalisés en 1989 et 1990 suite à des apports en numéraire effectués en 1988 sont régis par l’article 4 (1) dans sa version de la loi du 27 avril 1984 originaire;
Considérant que les parties demanderesses font grief à l’administration d’avoir ajouté à la loi en ce sens que pour ventiler les dividendes suivant les capital social nouveau et capital social ancien, elle a tenu également compte des réserves accumulées, alors que la loi ne fait aucune référence aux réserves accumulées, en sorte qu’il y aurait violation de la loi et par conséquent imposition illégale;
Considérant que l’article 4 (1) dans la version consacrée par la loi du 27 avril 1984 ouvre l’exemption des revenus de capitaux y prévus aux dividendes et parts de bénéfice alloués en raison des titres représentatifs d’apports en numéraire sans opérer une quelconque distinction, ni limitation afférentes;
Que ce texte n’a pas figuré dans la proposition de loi initiale RAU n° 2568, mais y a été introduit, sous le même libellé que celui consacré par la loi, suivant amendement gouvernemental du 25 août 1983, le commentaire des articles afférent se limitant à préciser que l’article 4 en question « prévoit l’exemption complète des revenus alloués en raison des titres représentatifs d’apports en numéraire. Il en découle que la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux est sujette à restitution »;
Que la Commission des finances et du budget de la Chambre des Députés, dans le cadre des amendements proposés en date du 9 décembre 1983, s’est limitée relativement audit article 4 à constater qu’elle « se rallie au texte gouvernemental sauf qu’il y a lieu de supprimer le bout de phrase en « numéraire » »;
Que dans sa prise de position du 30 décembre 1983, le directeur de l’administration des Contributions directes et des accises s’est borné, relativement à l’article 4 en question, à retenir « tout, comme à l’article 2, la suppression ou maintien des termes « en numéraire » est fonction de la décision à prendre au sujet de l’article 1er »;
Que dans le cadre de l’examen des articles, le Conseil d’Etat n’a pas autrement commenté non plus le texte de l’article 4 en question sauf à retenir que « tout en se ralliant aux modifications de texte proposées par la commission des Finances et du Budget au regard de l’article 2, le Conseil d’Etat estime, en faisant siens les arguments du Directeur des Contributions, que la mesure envisagée devrait se limiter aux apports en numéraire… »;
Que le rapport de la Commission des finances et du budget du 4 avril 1984, réserve aux commentaires de l’article 4 une seule phrase ainsi libellée « vu l’exclusion des apports en nature, la commission se rallie au texte gouvernemental »;
Que c’est ce texte qui est devenu loi;
Considérant que force est de constater qu’après une année d’application, des questions soulevées par le libellé de l’article 4 se sont fait jour, ayant amené le Gouvernement à déposer en date du 5 novembre 1985 un projet de loi n° 2952 portant modification des articles 2 alinéa 1er et 4 alinéa 1er de la loi du 27 avril 1984 retenant sous l’exposé des motifs et commentaire des articles que « l’exemption totale, sans limitation aucune, des revenus de capitaux, telle qu’elle est prévue par l’article 4, alinéa 1er de la loi du 27 avril 1984, risque de porter atteinte aux objectifs poursuivis, alors que, par contre, d’importantes évasions fiscales à la portée d’un grand nombre de contribuables y ont trouvé leur assise légale. Par les truchements de la première phrase de ladite disposition, il est devenu possible d’éviter complètement, pendant la durée de cinq années, la double imposition économique en matière d’impôt sur le revenu des collectivités, principe que le Luxembourg est le seul Etat, avec les Pays-Bas, à maintenir fermement au sein de la Communauté Européenne…. il semble inconcevable de tolérer que la possibilité de pareille transgression puisse subsister par la mise à profit d’une loi dont le but se situait sur un tout autre plan. L’introduction d’un plafond d’exemption des revenus telle que réalisée par l’article 2 du présent projet rétablit le système classique de double imposition économique en matière d’impôt sur le revenu des collectivités tout en créant un équilibre souhaitable avec l’abattement de revenu -
limité lui aussi - fixé par l’article 3 de la loi du 27 avril 1984 »;
Que l’exposé des motifs et le commentaire des articles en question concluent que « la rétroactivité à l’année d’imposition 1985 s’impose afin d’interdire toute spéculation éventuelle successive à la publication du présent projet de loi »;
Que ce projet de loi n’a jamais été suivi d’effet propre (cf. doc. parl. 32631, avis du Conseil d’Etat, page 2);
Considérant que relativement à l’analyse du projet de loi 3263 prérelaté, devenu la loi du 7 juin 1989 précitée, le Conseil d’Etat résume la situation en ce sens que « de l’avis du Conseil d’Etat, la loi du 27 avril 1984 contenait certaines dispositions qui se prêtaient à contourner son objectif proprement dit, à savoir de « favoriser les investissements productifs des entreprises drainant l’épargne sous forme de capital à risque vers les entreprises établies dans le pays ». Parmi ces effets critiquables il y a d’abord la possibilité d’importantes évasions fiscales à la portée d’un certain nombre de contribuables en raison du fait que la loi du 27 avril 1984 prévoyait dans son article 4, alinéa 1er, l’exemption totale, sans limitation aucune, des revenus de capitaux »;
Considérant qu’en présence des dispositions d’un texte clair et précis n’incluant aucun élément de distinction, et en l’absence, dans les travaux préparatoires relatifs à l’article précis sous analyse, d’éléments dirimants de nature à contredire le sens littéral reflété par cette disposition, force est pour la juridiction saisie d’en faire application suivant sa lettre, sauf à voir éviter tout effet abusif contradictoire avec les objectifs généraux de la législation en question;
Qu’il est constant que l’article 4 (1), dans sa version de la loi du 27 avril 1984, prévoit l’exemption de l’impôt sur le revenu pour les seuls dividendes et parts de bénéfice alloués en raison des titres représentatifs d’apports en numéraire sous des conditions précises de détention des titres en question y énoncées;
Que l’élément fondamental de l’exemption des revenus de capitaux y prévus est la corrélation nécessaire et suffisante entre les apports en numéraire effectués durant la période d’application couvrant les exercices 1984 à 1988 inclus, venus constituer tout ou partie du capital social des sociétés concernées, et les revenus en résultant, dividendes ou parts de bénéfice suivant le cas, exemptés en raison du texte sous analyse, sans qu’aucune autre distinction y non prévue ne soit en principe permise, sous peine de violer le principe « ubi lex non distinguit … »;
Que les apports en numéraire seuls susceptibles d’engendrer des revenus de capitaux sujets à exemption sont ceux visés à travers la notion de capitaux à risque par l’article 5 de la même loi, par elle parallèlement exemptés de l’impôt sur la fortune pendant les années d’imposition 1984 à 1988, sans préjudice des dispositions légales ultérieures;
Que partant l’exemption des revenus de capitaux prévue par l’article 4 en question s’entend comme contrepartie des seuls apports en numéraire ainsi définis à l’exclusion de tout autre élément ne faisant pas partie du capital social nouvellement souscrit et libéré suivant les conditions dudit article;
Que c’est dès lors uniquement à travers les éléments composant le capital social, par ventilation entre le capital antérieurement constitué et les apports en numéraire nouvellement souscrits et libérés durant la période utile mentionnée que sont dégagés respectivement les dividendes ou parts de bénéfice jouissant de l’exemption prévue à l’article 4 prévisé;
Considérant que si d’après la lettre du texte tous les dividendes et parts de bénéfice distribués en période utile en raison des apports en numéraire visés par l’article 4 en question sont sujets à exemption, sans limitation apparente, il n’en reste pas moins que fondamentalement et par essence-même seuls peuvent jouir de ladite exemption les dividendes et parts de bénéfice générés après l’augmentation de capital considérée;
Qu’ainsi aucune exemption de revenu de capitaux ne saurait être accordée pour des dividendes et parts de bénéfice engendrés avant que les apports en numéraire en question n’aient été faits, étant donné que de toute évidence ils n’auraient pas été produits en raison des apports nouveaux;
Que plus particulièrement les réserves constituées avant l’augmentation de capital en question, obligatoires ou non, ne sont, en cas de distribution, pas de nature à figurer parmi les dividendes et parts de bénéfice éligibles d’exemption;
Que ce n’est que dans la mesure où il s’agit de réserves constituées comme ayant été générées après l’augmentation du capital visée par l’article 4 en question, que leur distribution en période utile sous forme de dividendes ou parts de bénéfice, peut le cas échéant donner lieu à exemption, en suivant la clé de ventilation issue de la proportion dans le capital social des apports en numéraire de nature à engendrer l’exemption en question;
Considérant qu’il résulte de l’annexe au bilan de la société à responsabilité limitée GAUTIER s.à r.l. arrêté au 31 décembre 1989 que pour l’exercice social 1989 un bénéfice de …- francs a été réalisé ;
Que suivant décision de ladite société, ce bénéfice a été distribué à raison de 2.000.000.-francs au titre de l’exercice social 1989 durant l’année fiscale 1990 aux deux associés à raison de la moitié dans le chef de chacun d’eux, soit 1.000.000.-
francs pour Monsieur GAUTIER et 1.000.000.- francs pour Madame X.;
Que le surplus de … a été reporté à nouveau ;
Qu’il se dégage des pièces comptables ainsi présentées que la distribution de dividendes au titre de l’exercice social 1989 provient entièrement de la réalisation du bénéfice dégagé pour l’année sociale en question sans que les réserves accumulées antérieurement y aient conflué d’une quelconque manière ;
Considérant par ailleurs qu’aucune limitation de jouissance des parts sociales nouvellement émises suite à l’augmentation du capital opérée le 9 mars 1988 n’a été retenue, ni ne résulte comme telle d’un document versé au dossier concernant l’exercice social 1988 ;
Que par ailleurs en vertu de l’article 4 (1) de la loi RAU du 27 avril 1984, telle que prorogée pour l’année fiscale 1990, la détention par le contribuable à la fin de l’une ou de plusieurs des cinq années subséquentes à l’augmentation capitale engendre que les parts de bénéfice allouées en raison des titres représentatifs d’apports en numéraire effectués durant l’année sociale en question sont exempts de l’impôt sur le revenu pour l’année subséquente au courant de laquelle intervient leur mise à disposition ;
Considérant qu’il se dégage des développements qui précèdent que dans le chef des époux … GAUTIER et X., ayant détenu l’ensemble des parts sociales de la société à responsabilité limitée GAUTIER s.à r.l., les parts de bénéfice mises à leur disposition durant l’exercice fiscal 1990 du chef de l’année sociale 1989 pour un total de 2.000.000.- francs, sont exemptes de l’impôt sur le revenu à concurrence de la proportion de l’augmentation de capital opérée en 1988 dans le capital social augmenté, soit à raison des deux tiers, correspondant à une part des bénéfices distribuée de …- francs ;
Considérant que la détention des parts sociales par les époux GAUTIER-X. à la fin de l’exercice social 1990 n’a pas non plus été autrement mise en doute ;
Considérant qu’au titre de l’année sociale 1990 un bénéfice de ….- francs a été réalisé, à partir duquel les parts de bénéfice distribuées aux associés se sont élevées au total de …- francs, un montant résiduel de bénéfice de …- francs ayant été reporté à nouveau de sorte qu’aucune distribution de réserves accumulées ne se dégage non plus des comptes annuels au 31 décembre 1990 arrêtés et publiés ;
Considérant que les époux GAUTIER-X. détenant chacun la moitié des parts sociales, ils se sont vu distribuer un montant brut de …- francs au titre de l’exercice social 1990, mis à disposition durant l’année fiscale 1991, dont deux tiers correspondant à …- francs sont à considérer comme exempts en vertu des dispositions de la loi RAU telle que prorogée également pour l’exercice fiscal 1991 ;
Considérant que les deux bulletins de l’impôt sur le revenu déférés émis le 6 mai 1993 encourent partant la réformation, dans la mesure où ils n’ont pas tenu compte de la portion exemptée des parts de bénéfice distribuées respectivement durant l’année fiscale 1990 au titre de l’exercice social 1989 à concurrence de …- francs et durant l’année fiscale 1991 au titre de l’exercice social 1990 à concurrence de …-
francs ;
Considérant que le rôle du tribunal saisi d’un recours au fond en matière fiscale visant en particulier la cote d’impôt, ne consiste pas à dégager par un calcul final la cote nouvelle applicable sur recours – le dossier fiscal n’ayant en l’occurrence même pas été soumis au tribunal – mais à fixer les principes d’imposition nécessaires et suffisants permettant à l’autorité fiscale compétente de dégager utilement la cote d’impôt à appliquer sur recours contentieux ;
Considérant que la partie demanderesse réclame encore « la restitution des impôts payés en trop à la suite de cette mauvaise application de la loi avec les intérêts qui lui ont été mis en compte, respectivement avec le taux d’intérêt légal. Elle se réserve de prendre position quant au montant exact fixé quand elle connaîtra la méthode de calcul de l’administration » ;
Considérant que le représentant étatique conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation dans la mesure où il tend à voir ordonner la restitution, avec les intérêts légaux des impôts indûment payés, principalement comme s’agissant d’une demande nouvelle, subsidiairement du fait que la restitution en exécution d’un dégrèvement est extérieure à la procédure du dégrèvement et fait l’objet d’une décision séparée conformément au paragraphe 151 de la loi générale des impôts dite Abgabenordnung et désignée ci-après par « AO » et plus subsidiairement du fait que la restitution sur dégrèvement se fait sans intérêts en raison du paragraphe 20 de la loi d’adaptation fiscale, les réclamants ayant été libres de demander un sursis à exécution au bureau d’imposition sur base du paragraphe 251 AO pour parer aux conséquences dommageables du privilège de l’exécutoire;
Considérant que fondamentalement la perception de l’impôt se divise en trois phases, à savoir la phase d’assiette, la phase de liquidation de l’impôt et la phase de recouvrement de l’impôt (cf. Jean Olinger, Le droit fiscal, études fiscales n°s 93-95, p.
63) ;
Considérant qu’un bulletin d’impôt sur le revenu, dans la mesure où il comporte les seules détermination du revenu imposable et fixation de la cote d’impôt sur le revenu y relative, ne porte que sur les deux premières phases ;
Que les questions relatives respectivement à l’obligation du contribuable de régler un solde d’impôt et à la restitution d’un impôt déjà payé relèvent cependant de la phase de recouvrement ;
Considérant que dans le cadre de l’impôt sur le revenu et dans l’hypothèse d’une réformation d’un bulletin par une instance de recours, le contribuable tire à la fois de l’article 154 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu et du paragraphe 151 AO, un droit au remboursement du trop-payé à titre d’impôt sur le revenu ;
Que dès lors que l’administration n’entend pas exécuter le remboursement dans la mesure voulue par le contribuable, il lui incombe, conformément au paragraphe 150 (2) AO, de matérialiser son refus par un bulletin qui constitue ainsi une décision autonome propre à la phase de recouvrement d’impôt et est soumis aux voies de recours prévues par le paragraphe 235, n° 5 AO ;
Considérant qu’une décision du bureau d’imposition prise sur base du paragraphe 251 AO concernant l’effet suspensif à conférer à une réclamation est étrangère à la restitution d’impôts payés, même si elle a pareillement trait à la phase de recouvrement et constitue par essence une décision autonome ;
Considérant qu’en l’espèce le tribunal n’a connaissance d’aucune décision intervenue sur base du paragraphe 251 AO et se trouve être saisi de deux bulletins de l’impôt sur le revenu se confinant à déterminer le revenu imposable dans le chef des époux GAUTIER-X. au titre des années fiscales 1990 et 1991, et à fixer une cote d’impôt sur le revenu afférente, sans comporter aucun élément décisionnel relativement à une quelconque restitution d’impôt ;
Considérant qu’en l’absence d’une décision de l’administration, préalablement contestée devant le directeur de l’administration des Contributions directes, sur le remboursement d’un trop-perçu d’impôt sur le revenu dans le chef des époux GAUTIER-X. et faute de disposition légale investissant le tribunal d’un pouvoir spontané pour ordonner un remboursement d’impôts, le tribunal, bien qu’étant en principe compétent pour connaître de ces contestations, ne saurait statuer à ce stade sur la demande en restitution en question, laquelle encourt par voie de conséquence l’irrecevabilité (trib. adm. 29 juillet 1998, Spielmann, n° 10166 du rôle, Pas. adm.
02/99, V° Impôts, n° 81) ;
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme en ce qu’il tend à la réformation des bulletins de l’impôt sur le revenu critiqués ;
au fond le déclare justifié ;
réformant, dit que les revenus de capitaux mobiliers provenant des parts de bénéfice distribuées en raison de l’augmentation de capital du 9 mars 1988 sont exempts de l’impôt sur le revenu à concurrence de ….- francs pour l’année fiscale 1990 et à concurrence de ….- francs pour l’année fiscale 1991 ;
renvoie l’affaire devant le directeur en vue de sa transmission au bureau d’imposition compétent pour exécution ;
déclare le recours irrecevable dans la mesure de la demande en restitution des impôts payés avec les intérêts mis en compte, respectivement avec le taux d’intérêt légal, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 octobre 1999 par :
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
Schmit Delaporte