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04/10/1999 | LUXEMBOURG | N°11251

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 octobre 1999, 11251


N° 11251 du rôle Inscrit le 19 avril 1999 Audience publique du 4 octobre 1999

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Recours formé par Madame … d’HUART contre une décision de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’homologation des titres et grades étrangers

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 avril 1999 par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tabl

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N° 11251 du rôle Inscrit le 19 avril 1999 Audience publique du 4 octobre 1999

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Recours formé par Madame … d’HUART contre une décision de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’homologation des titres et grades étrangers

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 avril 1999 par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Madame … d’HUART, …, demeurant à F-…, tendant à l’annulation d’une décision de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 26 janvier 1999, confirmée sur recours gracieux en date du 8 mars 1999 et portant refus de l’homologation de son diplôme de maîtrise en droit privé, mention carrières judiciaires, qui lui fut décerné en date du 28 octobre 1997 par l’université René Descartes de Paris V;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juin 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse en date du 9 juillet 1999;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement en date du 28 juillet 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Dean SPIELMANN et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Madame … d’HUART, …, demeurant à F-…, s’est adressée en date du 13 septembre 1998 à la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, ci-après appelée la “ ministre ”, pour solliciter l’homologation de son diplôme de maîtrise en droit privé, mention carrières judiciaires, qui lui fut décerné en date du 28 octobre 1997 par l’université René Descartes de Paris V.

1 Cette demande fut avisée négativement par la commission d’homologation pour le droit, désignée conformément à l’article 13 du règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1970 pris en exécution de l’article 3 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres étrangers d’enseignement supérieur, et concernant la composition des commissions d’homologation, leurs attributions et la procédure à suivre. Sur base de deux avis émis par la commission précitée, datés respectivement des 11 décembre 1998 et 25 janvier 1999, la ministre refusa, par arrêté du 26 janvier 1999, l’homologation dudit diplôme au motif que “ Madame d’HUART a obtenu, en raison du fait qu’elle est titulaire d’un doctorat en sociologie et d’un certificat d’études littéraires générales, une équivalence pour la première année des études de droit et qu’elle est titulaire des diplômes de la deuxième année du DEUG, de la licence et de la maîtrise en droit; que la condition quant à la durée minimale des études n’est dès lors pas remplie vu que Madame d’HUART a effectué seulement trois années de droit. Quant aux circonstances que Madame d’HUART a fait deux années de licence en droit, à la suite des ajournements en licence et que l’intéressée a accompli des études à l’Institut d’Etudes Judiciaires après l’obtention du diplôme de maîtrise en droit, elles ne sauraient compenser l’absence de l’accomplissement de la première année de DEUG ”.

Suite à un recours gracieux introduit le 1er février 1999 par Madame d’HUART, la ministre confirma, par lettre du 8 mars 1999, sa décision initiale.

Par requête déposée en date du 19 avril 1999, Madame d’HUART a introduit un recours en annulation contre les deux décisions précitées de la ministre des 26 janvier et 8 mars 1999.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait exposer qu’elle est titulaire notamment d’un doctorat en sociologie délivré en date du 15 janvier 1977 par l’Université de Paris V-

René Descartes et d’un certificat d’études littéraires générales délivré en date du 30 octobre 1950 par la faculté des lettres de l’Université de Paris. Sur base de ces diplômes, elle a obtenu en date du 24 juillet 1978 de l’Université Paris V, faculté de droit, une équivalence pour s’inscrire en 2ème année D.E.U.G. (diplôme d’études universitaires générales). Elle fait préciser qu’elle a obtenu le D.E.U.G le 27 juin 1979, la licence en droit le 27 janvier 1988 et la maîtrise en droit privé, mention carrières judiciaires, le 28 octobre 1997.

Elle fait valoir en premier lieu que son diplôme de maîtrise en droit privé sanctionnerait un cycle complet d’études juridiques de quatre années et que ce diplôme donnerait accès au stage préparatoire à la profession d’avocat en France. Elle estime partant que c’est à tort que l’arrêté ministériel déféré se base sur une violation de l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1970 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en droit, en ce que son diplôme précité ne remplirait pas la condition d’un cycle complet d’études de droit d’au moins quatre années, étant donné que par l’effet de l’équivalence lui accordée, elle aurait accompli les études telles que prescrites par le prédit règlement grand-

ducal pour pouvoir s’inscrire au Centre Universitaire de Luxembourg au département de formation juridique pour suivre les cours complémentaires de droit luxembourgeois. Elle souligne encore qu’elle a étudié toutes les branches juridiques telles que requises par l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 18 décembre 1970, à savoir le droit civil, le droit commercial, le droit pénal, le droit judiciaire, le droit international privé ou public ainsi que le droit administratif, de sorte que son diplôme ne saurait être considéré comme “ incomplet ” au regard des exigences de la législation luxembourgeoise. Dans ce contexte, elle estime encore 2 que l’exigence d’avoir accompli matériellement et physiquement la première année du D.E.U.G. irait à l’encontre du texte et de l’esprit de l’article 4 précité.

Le délégué du gouvernement rétorque que le motif de refus tiré de la violation de l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 18 décembre 1970 serait fondé en fait et en droit. A ce titre, il précise que le règlement grand-ducal précité, en utilisant les termes de “ cycle complet ”, ferait référence à une formation juridique complète commençant avec la première année de droit avec ses enseignements spécifiques tels que par exemple l’introduction générale au droit pour être suivie de la 2e, 3e et 4e années d’études en droit. Il ajoute que les auteurs du prédit règlement grand-ducal avaient pris soin de préciser dans les commentaires de l’article 4 qu’il “ s’agit d’écarter les études composées d’éléments hétéroclites ne constituant pas un ensemble structuré d’études progressives ”. Il estime que la comparaison entre les études de sociologie et d’études littéraires avec celles des études de droit ferait apparaître des disparités considérables, de sorte qu’une reconnaissance des équivalences universitaires ne s’imposerait pas de plein droit aux autorités luxembourgeoises.

Aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il est constant en cause que la demanderesse, titulaire d’un diplôme de maîtrise en droit délivré par l’Université de Paris V, s’est adressée à la ministre pour solliciter l’homologation de son diplôme dans le but de s’inscrire aux cours complémentaires en droit luxembourgeois en vue d’accéder à la profession d’avocat.

Au Luxembourg, la formation post-universitaire requise pour accéder à la profession d’avocat est organisée par le règlement grand-ducal modifié du 21 janvier 1978 portant organisation du stage judiciaire et réglementant l’accès au notariat. En l’espèce, il y a lieu de se référer à la teneur dudit règlement grand-ducal avant sa modification par règlement grand-

ducal du 8 avril 1999, entré en vigueur le 1er mai 1999.

L’article 4 dudit règlement grand-ducal de 1978 dispose que “ (…) l’inscription aux cours [complémentaires] a lieu sur demande à adresser au Ministre de l’Education nationale.

Pour être admis, il faut avoir obtenu l’homologation du grade étranger d’enseignement supérieur conformément au règlement grand-ducal du 18 décembre 1970 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en droit ainsi que la transcription de cette homologation conformément à l’article 6 de la loi du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades d’enseignement supérieur ”.

Aux termes de l’article 4 alinéa 1er du règlement grand-ducal précité du 18 décembre 1970 “ le diplôme présenté à l’homologation doit sanctionner un cycle complet d’études de droit d’au moins quatre années ou huit semestres ou douze trimestres ”.

En l’espèce, il est constant que la demanderesse a accompli des études de droit à l’Université de Paris V et il se dégage des pièces versées au dossier et plus particulièrement des inscriptions figurant dans son livret d’études que ces études ont englobé toutes les matières sur lesquelles l’enseignement doit obligatoirement avoir porté en vertu de l’article 4 alinéa 2 du règlement grand-ducal précité du 18 décembre 1970.

3 La ministre a cependant refusé l’homologation du diplôme de la demanderesse au motif principal que “ l’équivalence obtenue à Paris ne s’impose pas en tant que telle au Luxembourg ”. Il convient dès lors d’examiner le bien-fondé de ce motif, étant précisé que la demanderesse remplit par ailleurs les autres conditions en vue de l’homologation de son diplôme.

Il convient de rappeler que l’article 4 alinéa 1er précité dispose que “ le diplôme présenté à l’homologation doit sanctionner un cycle complet d’études de droit d’au moins 4 années (…) ”. Il est constant que, du point de vue de la législation française, la demanderesse est bien en possession d’un tel diplôme, étant donné que la délivrance d’un tel diplôme présuppose en principe l’accomplissement de quatre années d’études en droit. Au vu du diplôme français présenté à l’homologation, il y a lieu de retenir qu’il remplit l’exigence de la durée minimale inscrite à l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 18 décembre 1970, étant donné qu’il sanctionne une durée objective des études de droit de quatre années. A cet effet, il importe peu que la demanderesse ait reçu une équivalence pour la première année de droit, étant donné que le diplôme présenté à l’homologation est à considérer comme sanctionnant globalement un cycle d’études de quatre années de droit.

S’il incombe aux autorités luxembourgeoises d’exiger notamment que la demanderesse présente un diplôme correspondant aux exigences du règlement grand-ducal précité et qu’elle ait suivi toutes les matières énumérées à l’article 4 alinéa 2 du règlement grand-ducal précité, à savoir le droit civil, le droit commercial, le droit pénal, le droit judiciaire, le droit international privé ou public ainsi que le droit administratif, il ne leur appartient cependant pas d’apprécier si une équivalence accordée en France, pour accéder à la deuxième année des études en droit, est à considérer comme pouvant constituer une année d’étude en droit. En effet, c’est le diplôme de maîtrise en droit qui est soumis à homologation en tant que tel, avec l’exigence qu’il doit sanctionner un cycle complet de quatre années d’études en droit, ce qui est le cas en l’espèce.

Il se dégage de ces considérations que si un Etat délivre un diplôme qu’il qualifie de “ maîtrise en droit ”, sanctionnant un cycle complet de quatre années d’études, que si l’enseignement suivi a porté sur les matières obligatoires exigées par l’article 4 alinéa 1er du règlement grand-ducal précité et que si le droit enseigné correspond dans ses conceptions fondamentales aux principes généraux du système juridique luxembourgeois, la ministre possède une compétence liée et elle est tenue d’homologuer le diplôme afférent.

En l’espèce, la demanderesse est en possession d’un diplôme sanctionnant un cycle complet de quatre années d’études de droit, de sorte que le motif invoqué à l’appui des décisions de refus de la ministre est illégal. Aucun autre motif de refus tiré des conditions inscrites par ailleurs dans le règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1970 précité n’ayant été avancé ni dans la motivation des décisions déférées, ni en cours d’instance, il y a lieu de constater, au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, que les décisions déférées des 26 janvier et 8 mars 1999 ne sont pas légalement justifiées et encourent partant l’annulation.

Etant donné que les décisions précitées encourent l’annulation pour le motif analysé ci-

dessus, l’examen des autres motifs d’annulation, ayant trait notamment au droit communautaire, devient surabondant.

4 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare justifié et partant annule l’arrêté ministériel du 26 janvier 1999 ainsi que la décision confirmative du 8 mars 1999;

renvoie le dossier pour prosécution de cause à la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 4 octobre 1999, par le vice-président, en présence de Madame Wiltzius, greffière.

Wiltzius Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11251
Date de la décision : 04/10/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-10-04;11251 ?

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