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30/09/1999 | LUXEMBOURG | N°11510

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 septembre 1999, 11510


N° 11510 du rôle Inscrit le 1er septembre 1999 Audience publique du 30 septembre 1999

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Recours formé par Monsieur … QURI contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11510 et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 1999 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … QUR

I, alias … …, sans état particulier, de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tenda...

N° 11510 du rôle Inscrit le 1er septembre 1999 Audience publique du 30 septembre 1999

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Recours formé par Monsieur … QURI contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11510 et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 1999 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … QURI, alias … …, sans état particulier, de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 23 juillet 1999, par laquelle sa demande en obtention du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … QURI, alias … …, sans état particulier, né le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, introduisit en date du 11 février 1999 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en présence de son avocat en date du 21 mai 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 12 juillet 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur QURI par lettre du 23 juillet 1999, notifiée le 6 août 1999, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants:

« (…) Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, vous n’invoquez aucune crainte sérieuse de persécution pour une des raisons visées de la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par requête du 1er septembre 1999, Monsieur QURI a introduit un recours en réformation contre la décision du 23 juillet 1999.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’aucun recours au fond n’est prévu en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile.

Le mandataire du demandeur n’a pas pris position par rapport à ce moyen d’irrecevabilité par voie écrite, mais lors de ses plaidoiries à l’audience, il a soutenu que, même dans le cadre d’un recours en réformation, il pourrait se limiter à développer des moyens d’annulation. Pour le surplus, il demande au tribunal de requalifier son recours en recours en annulation.

En matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées, l’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 précise que la décision ministérielle de refus ne peut que faire l’objet d’un recours en annulation devant les juridictions administratives et que ledit recours doit être introduit dans un délai d’un mois à partir de la notification de la décision afférente.

Dans une matière dans laquelle seul un recours en annulation est prévu par la loi, le recours introduit sous forme de recours en réformation est néanmoins recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués, à condition d’observer les règles de procédure et les délais sous lesquels le recours en annulation doit être introduit (v. trib.

adm. 26 mai 1997, n° 9370 du rôle, Pas. adm. 2/99, V° Recours en annulation, n°25, page 266).

En l’espèce, la décision litigieuse date du 23 juillet 1999 et elle a été notifiée le 6 août 1999. Comme le recours contentieux a été déposé en date du 1er septembre 1999 et qu’il a par ailleurs été introduit dans les formes prévues par la loi, il est recevable comme recours en annulation dans la mesure des moyens de légalité y contenus.

Le demandeur conclut à l’annulation de la décision querellée pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits. A ce sujet, il soutient que le ministre de la Justice aurait fait une mauvaise appréciation des faits à la base de sa demande étant donné qu’il se dégagerait de ses déclarations qu’il est à considérer comme réfugié au sens de l’article 1er, section A,2), de la Convention de Genève. Il fait valoir plus particulièrement qu’il aurait injurié et frappé un policier qui aurait interrogé son père au domicile familial au sujet « de la réalisation de travaux de voirie ainsi qu’au sujet du prix payé par la commune ». Il explique son comportement violent par le fait que son père avait été condamné « à l’époque du régime communiste » à 10 ans de prison pour des faits anodins. Suite à cet incident, il aurait été incarcéré pendant 2 jours. Lorsqu’il aurait reçu une convocation pour se présenter devant la police, il aurait décidé de quitter le pays, étant donné qu’il ne voulait pas « revivre le même cauchemar ». En conclusion, il estime que son comportement pourrait être interprété par les autorités de son pays comme l’expression d’une opinion politique, de sorte qu’il serait établi qu’il existerait un risque de persécution à caractère politique à son égard qui justifierait l’octroi du statut de réfugié politique.

Le délégué du gouvernement conclut au non fondé du recours au motif que le demandeur ne ferait état d’aucune crainte sérieuse de persécution pour une des raisons visées par la Convention de Genève.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement… ».

En vertu de l’article 3 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Lors de son audition du 21 mai 1999, le demandeur n’a pas fait état de motifs de persécution tels que prévus par l’article 1er, section A, 2) de la Convention de Genève. En effet, lors de son audition, il a basé sa demande en obtention du statut de réfugié politique sur des motifs d’ordre personnel, ainsi que sur l’insécurité générale régnant en Albanie. Le demandeur a plus particulièrement déclaré ne pas être membre d’un parti politique ni d’avoir été accusé d’un crime ou délit. Interrogé plus précisément respectivement sur les raisons qui l’ont amené à quitter son pays d’origine et de quoi il avait peur, il a répondu qu’il avait peur du policier et des frères de celui-ci « parce que maintenant c’est un ennemi à mort parce que je l’ai battu et parce que je n’ai pas répondu à la convocation ». Il précise encore que la famille du policier aurait blessé son père en février 1999 par une balle et que depuis cette date, les deux familles seraient ennemies selon la vendetta traditionnelle. A la fin de son audition, il a encore indiqué que c’était son oncle qui avait décidé qu’il devrait quitter le pays et qu’actuellement la situation à la maison se serait calmée: « heureusement l’affaire s’est finie comme-ça ». Il se dégage de ces déclarations, que le demandeur fait état de craintes qui sont liées à des difficultés personnelles qu’il connait avec un agent de police. Il fait encore état d’une « vindicte privée » entre sa famille et celle de cet agent.

De tels motifs ne sauraient toutefois fonder une demande d’asile politique au sens de la Convention de Genève.

La demande d’asile ne repose dès lors sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Etant donné que le demandeur n’a pas fait état de persécutions ou de craintes de persécutions au sens de la Convention de Genève, c’est à bon droit que le ministre a décidé que la demande d’asile politique devait être déclarée manifestement infondée.

Il suit des considérations qui précèdent, que le recours est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour connaître du recours en ce qu’il tend à la réformation de la décision du 23 juillet 1999 du ministre de la Justice;

reçoit le recours en ce qu’il tend à l’annulation de la décision précitée;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 30 septembre 1999 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11510
Date de la décision : 30/09/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-09-30;11510 ?

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