N° 11492 du rôle Inscrit le 23 août 1999 Audience publique du 23 septembre 1999
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Recours formé par Monsieur … MALINOV contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique
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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11492 et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 août 1999 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MALINOV, sans état particulier, né le … à … (Afghanistan), sans nationalité déterminée, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 18 mai 1999, par laquelle sa demande en obtention du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 août 1999;
Vu le mémoire en réplique déposé le 17 septembre 1999 au nom du demandeur;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.
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Monsieur … MALINOV, sans état particulier, né le … à … (Afghanistan), sans nationalité déterminée, demeurant actuellement à L-…, introduisit en date du 20 octobre 1998 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-
après dénommé « la Convention de Genève ».
Il fut entendu en date du 31 mars 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.
Sur avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés du 3 mai 1999, le ministre de la Justice informa Monsieur MALINOV par lettre du 18 mai 1999, notifiée le 5 juillet 1999, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants: « (…) Me ralliant à l’avis de la commission consultative pour les réfugiés à laquelle j’avais soumis votre demande et dont 1 je joins une copie en annexe à la présente, je regrette de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.
En effet, il ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.
Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».
Par requête du 23 août 1999, Monsieur MALINOV a introduit un recours en réformation contre la décision du 18 mai 1999.
Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, d’une part, pour dépôt tardif de la requête introductive d’instance et, d’autre part, au motif que l’article 10 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ne prévoit pas de recours au fond en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996.
Concernant le moyen d’irrecevabilité tiré du non-respect du délai pour agir, le demandeur réplique qu’aucun délai pour agir n’aurait pu commencer à courir au motif que la décision litigieuse n’aurait pas été motivée à suffisance de droit et qu’ainsi, le délai de recours aurait été suspendu. Dans ce contexte, il soutient que, contrairement au libellé de la décision ministérielle, l’avis de la commission consultative pour les réfugiés n’aurait pas été joint en annexe à ladite décision et que la simple référence à l’avis consultatif serait insuffisante pour valoir comme motivation suffisante, dès lors que la décision ne comporterait par ailleurs que des « clauses de style » que l’on retrouverait dans toutes les décisions de rejet rendues en la matière.
Concernant la nature de son recours, le demandeur soutient que, même dans le cadre d’un recours en réformation, il pourrait se limiter à développer des moyens d’annulation. Pour le surplus, il demande au tribunal de requalifier son recours en recours en annulation En matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée, l’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 précise que la décision ministérielle de refus ne peut que faire l’objet d’un recours en annulation devant les juridictions administratives et que ledit recours doit être introduit dans un délai d’un mois à partir de la notification.
Dans une matière dans laquelle seul un recours en annulation est prévu par la loi, le recours introduit sous forme de recours en réformation est néanmoins recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués, à condition d’observer les règles de procédure et les délais sous lesquels le recours en annulation doit être introduit (v. trib. adm. 26 mai 1997, n° 9370 du rôle, Pas. adm. 2/99, V° Recours en annulation, n°25, page 266).
2 En l’espèce, la décision litigieuse date du 18 mai 1999 et elle a été notifiée le 5 juillet 1999. Comme le recours contentieux a seulement été déposé en date du 23 août 1999, il est en principe irrecevable.
Le demandeur a raison de relever que, conformément à l’article 6 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, toute décision qui refuse de faire droit à la demande d’un administré doit indiquer « les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base » et qu’au voeu de l’article 7 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, la sanction du non-respect de cette obligation de motivation consiste dans la suspension des délais tant administratifs que contentieux, lesquels ne commencent à courir qu’à partir de la communication des motifs.
En l’espèce, le moyen tiré de l’insuffisance de la motivation et de la suspension corrélative des délais de recours manque cependant de fondement.
En effet, même s’il ne ressort pas des éléments du dossier si l’avis de la commission consultative pour les réfugiés a été joint en annexe à la décision litigieuse, de sorte que les motifs énoncés dans ledit avis ne sauraient être considérés comme faisant partie de la motivation énoncée dans l’acte attaqué, il n’en reste pas moins qu’en la présente matière, le fait par l’autorité compétente d’avoir précisé dans la décision déférée qu’il « ressort de votre dossier que vous n’invoquez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. » et que « votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 (…) » s’analyse en une motivation suffisamment précise tant en droit qu’en fait. Non seulement, le texte de loi sur lequel le ministre s’est fondé est-il clairement indiqué, mais le ministre a également précisé que le demandeur d’asile est resté en défaut de faire valoir des craintes raisonnables de persécution au sens de la Convention de Genève. Cette motivation est suffisamment complète pour mettre le demandeur en mesure d’assurer la défense de ses intérêts et le ministre n’était pas obligé d’énoncer, dans le corps même de la décision, l’ensemble des motifs indiqués et des déclarations faites par le demandeur d’asile au cours de l’instruction de son dossier et en quoi lesdits motifs et déclarations sont insuffisants pour constituer des craintes raisonnables de persécution au sens de la Convention de Genève.
En outre, abstraction faite de ce que le demandeur a tort de qualifier les phrases précitées de « clauses de style », pareille notion n’ayant pas de sens en dehors du domaine contractuel, - il semble plutôt viser des éléments de motivation standard, car utilisés, en la présente matière, dans grand nombre de décisions, il convient de relever que, tout comme les stipulations contractuelles qui s’analysent en des clauses de style n’en produisent pas moins leur effet normal (cf. Cour d’appel 14 juillet 1986, Pas. 27, page 13), des phrases même standard ne sont pas pour autant vidées de leurs signification et portée.
Il se dégage des développements qui précèdent que le recours est irrecevable.
3 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
déclare le recours irrecevable;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 23 septembre 1999, par le vice-président, en présence de M.
Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 4