N° 10625 du rôle Inscrit le 19 mars 1998 Audience publique du 25 août 1999
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Recours formé par Monsieur … BECKER contre un bulletin de l’impôt sur le revenu en matière d’impôt sur le revenu
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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10625 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 mars 1998 par Monsieur … BECKER, demeurant à L-…, introduisant un recours en réformation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1991 à 1993, émis par l’administration des Contributions directes en date du 20 juillet 1995, suite au silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions directes postérieurement à une réclamation introduite auprès de lui en date du 29 août 1995;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 février 1999;
Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Michel MOLITOR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Monsieur … BECKER;
Vu les pièces versées en cause;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Michel MOLITOR et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.
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Le 20 juillet 1995, l’administration des Contributions directes émit à l’encontre de Monsieur … BECKER des bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 1991 à 1993.
Contre lesdits bulletins, Monsieur BECKER introduisit, par lettre du 29 août 1995, une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, en reprochant au bureau d’imposition que, lors de la fixation du revenu de capitaux mobiliers, il a manqué de tenir compte de l’intégralité des intérêts débiteurs déclarés en relation avec ces revenus.
En l’absence d’une décision directoriale à la suite de ladite réclamation, Monsieur BECKER a introduit le 19 mars 1998 un recours en réformation contre les bulletins précités du 20 juillet 1995.
Dans son recours, le demandeur conclut en premier lieu à la nullité des bulletins entrepris au motif qu’avant l’établissement des impositions litigieuses, il n’aurait pas été informé, préalablement à son imposition, par le bureau d’imposition, selon les prescriptions du 1 paragraphe 205 alinéa 3 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », sur les redressements que le bureau entendait opéré par rapport à ses déclarations d’impôt .
En outre, le demandeur soutient remplir les conditions posées par l’article 105 (1) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », et il demande la déductibilité des intérêts débiteurs d’un prêt hypothécaire qu’il a contracté en vue de l’acquisition d’actions d’une société anonyme comme frais d’obtention des revenus provenant de ces titres.
Dans ce contexte, il critique plus spécialement le fait que les intérêts qui se rapportent à une même dette sont considérés en partie comme des frais d’obtention et pour le reste comme des dépenses spéciales et il soutient que le bureau d’imposition aurait tort de retenir que le revenu de capitaux mobiliers ne pourrait jamais déclencher de perte et, concernant des intérêts débiteurs, de n’admettre l’excédent des frais d’obtention sur les recettes qu’en tant que dépenses spéciales.
Le délégué du gouvernement conclut au non-fondé du moyen tiré de la violation du paragraphe 205 alinéa 3 AO. Admettant que la disposition y prévue a un caractère impératif, apparaissant comme un corollaire du principe inquisitoire régissant la procédure d’imposition et qu’elle constitue à ce titre, non seulement une simple formalité protectrice du contribuable, mais une véritable règle de bonne administration, il soutient que le bureau d’imposition ne pourrait s’écarter des déclarations faites par le contribuable qu’après avoir entendu le contribuable en ses observations que dans la mesure où la divergence de vues existant entre ce dernier et le bureau d’imposition porterait sur les faits, et non pas sur les questions de droit qui seraient expressément réservées au bureau d’imposition en vertu du paragraphe 166 AO.
Comme en l’espèce, le bureau d’imposition s’est limité à qualifier des faits déclarés par le demandeur et d’y appliquer une certaine interprétation de la loi d’impôt, il n’aurait pas été tenu de communiquer sa décision avant de la notifier.
Au fond, en se référant à un arrêt du Conseil d’Etat du 24 février 1982 (n°6895 du rôle), le délégué du gouvernement admet, que lorsque les frais d’obtention dépassent les recettes, l’excédent ne change pas de nature pour devenir une dépense spéciale. Il estime toutefois que les intérêts débiteurs d’un capital emprunté pour acheter des valeurs mobilières ne constitueraient des frais d’obtention que si la dépense a été faite directement pour acquérir des recettes, tel n’étant pas le cas d’un placement qui n’a pas pour but de produire des revenus courants mais qui vise la constitution d’une réserve de valeur voire la réalisation d’une plus-
value. - En l’espèce, il estime que le demandeur devrait apporter plus d’éclaircissements sur son placement et les revenus qu’il compte en tirer.
Le recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi et non autrement contesté sous ce rapport, il est recevable.
Les questions de procédure étant à analyser avant les questions ayant trait au fond, le tribunal est tout d’abord amené à examiner le moyen invoqué par le demandeur quant à une prétendue violation du paragraphe 205, alinéa 3 AO.
2 Le paragraphe 205 alinéa 3 AO dispose que: « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ».
Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il envisage de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.
Le paragraphe 205 alinéa 3 AO constitue une application du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu par le bureau d’imposition (« Anspruch auf Gehör »), tel qu’il résulte du paragraphe 204 alinéa 1er AO. L’application de ce principe général a pour conséquence que sans une consultation appropriée du contribuable, il n’est pas possible de fixer une imposition correcte de la situation patrimoniale d’un contribuable (v. Becker, Riewald, Koch: Reichsabgabenordnung, Kommentar, Band II, Carl Heymanns Verlag, 1965, 6.
Das Recht auf Gehör, pages 288 et s.) Le droit d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration ou lui fixant une imposition sur base des informations et documents qui sont à la disposition du bureau d’imposition, doit être interprété comme comportant un droit élémentaire au profit du contribuable face à l’administration fiscale, découlant à la fois du principe du contradictoire et des droits de la défense durant la phase précédant l’établissement d’un bulletin d’impôt, pareille façon de procéder étant de plus de nature à éviter des réclamations et recours ultérieurs.
Le droit à la consultation du contribuable par le bureau d’imposition ne s’applique pas exclusivement à des questions ayant trait à la matérialité des faits soumis à imposition, mais également aux questions de droit, tenant à l’interprétation à donner aux dispositions légales ou réglementaires et à la qualification juridique des faits. Pour que l’obligation prévue par la disposition précitée trouve application, il suffit que le bureau d’imposition entende s’écarter de manière notable d’une situation existante, découlant des informations et documents qui sont en sa possession, peu importe que cette divergence de vues porte sur des questions de fait ou sur des questions de droit. S’il est vrai, comme le soutient le délégué du gouvernement, que le paragraphe 166 alinéa 2 AO dispose notamment qu’il appartient exclusivement au bureau d’imposition de décider de l’imposabilité d’une situation, il n’en demeure pas moins que le contribuable, sans avoir évidemment le pouvoir de prendre une décision d’imposition, a intérêt, tout comme pour une divergence de vues existant quant aux éléments de fait susceptibles d’influer sur la décision d’imposition, à présenter son argumentation devant le bureau d’imposition quant à l’interprétation ou à l’application de certaines dispositions légales ou réglementaires ou encore par rapport à la qualification juridique des faits concernant sa situation fiscale, ceci afin d’éviter des réclamations et recours ultérieurs.
L’information préalable et le droit de faire connaître ses observations étant destinés à protéger les droits des contribuables, tout en contribuant à éviter des réclamations et recours ultérieurs, ils doivent être qualifiés de formalités substantielles. Dans la mesure où la violation de cette formalité a été invoquée devant le tribunal dans le cadre d’un recours ayant pour objet une cote d’impôt ou le principe d’imposabilité, elle entraîne l’annulation des bulletins d’impôt émis au terme de la procédure ainsi viciée.
3 En l’espèce, il est constant que le bureau d’imposition a procédé à une interprétation divergente des faits et de leur qualification juridique tels qu’ils se sont présentés à lui à la suite du dépôt, par le demandeur, de ses déclarations d’impôt sur le revenu relativement aux années litigieuses, en omettant d’en informer celui-ci, préalablement à l’émission des bulletins d’impôt entrepris. Il a ainsi mis le demandeur dans l’impossibilité de présenter les observations qui, à son avis, justifieraient sa qualification juridique desdits faits et partant ses droits de la défense ont été violés.
Le tribunal administratif peut, dans le cadre d’un recours en réformation, se limiter à prononcer l’annulation du bulletin entrepris au cas où, comme en l’espèce, une formalité substantielle n’a pas été respectée lors de l’instruction du dossier par le bureau d’imposition. Il s’ensuit que les bulletins entrepris, émis le 20 juillet 1995, encourent l’annulation, l’analyse des autres moyens invoqués devenant par ailleurs superflue.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en réformation en la forme;
au fond le déclare partiellement justifié;
annule les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 1991, 1992 et 1993, émis le 20 juillet 1995;
renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour prosécution;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 25 août 1999 par le vice-président, en présence de M. May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.
May Schockweiler 4