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28/07/1999 | LUXEMBOURG | N°11006

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juillet 1999, 11006


N° 11006 du rôle Inscrit le 4 décembre 1998 Audience publique du 28 juillet 1999

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Recours formé par Monsieur … D’ANTUONO, … contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’inscription au registre des diplômes

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 1998 par Maître Pierre METZLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxem

bourg, au nom de Monsieur … D’ANTUONO, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du mini...

N° 11006 du rôle Inscrit le 4 décembre 1998 Audience publique du 28 juillet 1999

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Recours formé par Monsieur … D’ANTUONO, … contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’inscription au registre des diplômes

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 1998 par Maître Pierre METZLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … D’ANTUONO, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 23 octobre 1997 et « pour autant que le courrier en date du 13 octobre 1998 soit considéré comme une véritable décision, contre cette décision explicite de refus »;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 février 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur en date du 29 mars 1999;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement en date du 6 avril 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes ministériels attaqués;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Isabelle STOURM, en remplacement de Maître Pierre METZLER et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 20 mai 1997, Monsieur … D’ANTUONO, né le … à … (Italie), de nationalité italienne, demeurant actuellement à L-…, s’adressa au ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, ci-après appelé le « ministre », pour solliciter l’inscription au registre des diplômes d’enseignement supérieur de son « diplôme d’expert-comptable délivré en date du 20 mai 1996 par l’Institut des Experts-Comptables (I.E.C.) de Bruxelles ».

Par lettre du 27 juin 1997, le ministre informa Monsieur D’ANTUONO de ce que « (…) la Commission des Titres a avisé votre dossier lors de sa réunion du 17 juin 1997.

La Commission constate que le titre conféré représente un titre professionnel, qui ne saurait être considéré comme un grade d’enseignement supérieur et que par conséquent le titre ne tombe pas dans le champ d’application de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur. Je me rallie à cet avis. En conséquence, votre titre d’expert-comptable ne sera pas inscrit au registre des titres d’enseignement supérieur.

Je vous signale que, conformément à l’article 4 de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur, la présente décision est susceptible d’un recours en réformation devant le tribunal administratif. Ce recours doit être intenté par ministère d’avocat dans les trois mois de la notification de la présente. (…) ».

Le 18 septembre 1997, Monsieur D’ANTUONO introduisit un recours gracieux contre la prédite décision ministérielle du 27 juin 1997. Ledit recours gracieux est libellé comme suit:

« En réponse à votre lettre du 27 juin 1997, je me permets de solliciter de nouveau la reconnaissance de mon diplôme d’expert comptable.

Je suis en effet étonné de ce refus vu le contexte européen dans lequel nous nous trouvons.

Vous trouverez en annexe une copie de mon diplôme de gradué en comptabilité délivré par l’Institut Sainte Marie à Liège (B), établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat. Ce diplôme ne vous avait pas été envoyé lors de ma première demande de reconnaissance du diplôme d’expert comptable.

Je voudrais également vous informer que ni l’Etat, ni aucun établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat ne délivre de diplôme d’expert comptable. Le titre d’expert comptable belge m’a en effet été conféré à l’issue des épreuves suivantes:

1. examen d’entrée donnant accès au stage d’expert comptable 2. stage de trois ans avec un maître de stage (expert comptable) 3. examen final donnant accès à la profession d’expert comptable Ces épreuves ont été passées auprès de l’Institut des Experts Comptables de Belgique.

Au cas où, vous ne pourriez pas satisfaire à ma reconnaissance d’expert comptable, je sollicite la reconnaissance de mon diplôme de « gradué en comptabilité » comme diplôme d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat et certifiant la qualification professionnelle pour l’accès au stage d’expert comptable au Luxembourg ».

Faisant suite au prédit recours gracieux, le ministre informa Monsieur D’ANTUONO, par lettre du 23 octobre 1997, de ce qui suit: « (…) selon la documentation disponible au Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle, votre diplôme belge de gradué en comptabilité, option: fiscalité, décerné par l’Institut Sainte-Marie, sanctionne actuellement une formation d’enseignement supérieur de plein exercice et de type court d’une durée de trois années.

En ce qui concerne la reconnaissance de votre titre d’expert-comptable, je ne peux que confirmer qu’il s’agit d’un titre professionnel qui ne tombe pas dans le champ 2 d’application de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur. Par ailleurs le Ministère des Classes Moyennes (avenue Emile Reuter 6, L-2420 Luxembourg) est l’autorité compétente pour l’exercice de la profession d’expert-comptable au Grand-Duché de Luxembourg ».

Le 15 septembre 1998, Monsieur D’ANTUONO introduisit une nouvelle demande tendant à « la reconnaissance et l’inscription au registre des titres d’enseignement supérieur, soit de mon diplôme de gradué en comptabilité, soit de mon diplôme d’expert-comptable belge. En effet, suite à mon entretien téléphonique du 10 septembre 1998 avec Monsieur J. T., celui-ci m’a conseillé de réitérer ma demande. Vous trouverez en annexe les documents suivants: - une copie de toute la correspondance échangée avec le Ministère des Classes Moyennes et le ministère de l’Education Nationale; - une copie de l’Arrêté Royal belge du 22 novembre 1990 relatif aux diplômes des candidats Experts-Comptables; - une copie du Certificat de formation professionnelle continue en fiscalité (…) ».

Le 13 octobre 1998, le ministre l’informa de ce « qu’il n’existe aucun élément nouveau permettant une réouverture de votre dossier. Il n’y a pas lieu de revenir sur les décisions (…) du 27 juin 1997 et du 3 février 1998 refusant l’inscription au registre des titres du diplôme et du titre précités (…) ».

Par requête déposée le 4 décembre 1998, Monsieur D’ANTUONO a introduit un recours en réformation contre la décision ministérielle précitée du 23 octobre 1997 et « pour autant que le courrier en date du 13 octobre 1998 soit considéré comme une véritable décision, contre cette décision explicite de refus ».

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours pour non-respect des délais pour agir.

Il soutient que, d’une part, la décision ministérielle initiale du 27 juin 1997 aurait, conformément à l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, précisé l’existence des voie et délai de recours et, d’autre part, une décision confirmative sur recours gracieux n’aurait pas besoin d’indiquer une nouvelle fois la voie de recours, pour en conclure que le recours contentieux, dans la mesure où il est dirigé contre la décision précitée du 23 octobre 1997, serait irrecevable faute d’avoir été introduit dans un délai de trois mois suite à la réception de ladite décision.

Concernant la décision du 13 octobre 1998, il estime qu’il s’agit d’une décision purement confirmative intervenue sans qu’il y ait eu une nouvelle instruction, de sorte qu’aucun nouveau délai n’aurait commencé à courir.

Le demandeur soutient que le recours serait recevable dans la mesure où il est dirigé contre la décision précitée du 23 octobre 1997, au motif que bien qu’il s’agisse d’une décision confirmative d’une décision antérieure, elle aurait dû mentionner les voies de recours existantes. Faute de ce faire, le délai légal du recours contentieux n’aurait pas valablement pu courir.

3 Concernant le courrier du 13 octobre 1998, il soutient que, à supposer que le tribunal le considérerait comme une véritable décision attaquable, « les mêmes développements que précédemment s’imposent ».

Le demandeur a encore expressément précisé que son recours « est relatif au refus du Ministère de l’Education nationale d’inscrire le diplôme d’expert-comptable au registre des diplômes et non pas le diplôme de comptable ».

Etant donné que l’article 4 de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur, prévoit, en la présente matière, la possibilité d’intenter un recours au fond devant les juridictions administratives, le tribunal est compétent pour connaître du présent recours.

Ledit article 4 précise encore que le recours doit être intenté dans un délai de trois mois et que, pour le demandeur en inscription, il prend cours à partir du jour de la notification de la décision ministérielle.

Il se dégage par ailleurs de l'article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 que le délai de recours contentieux ne commence à courir que si la décision administrative refusant de faire droit à la demande de l’administré indique correctement les voies de recours ouvertes contre elle, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l’autorité à laquelle il doit être adressé, ainsi que la manière de laquelle il doit être présenté, sous peine de ne pas faire courir le délai légal pour introduire le recours contentieux.

Il est constant en cause que le délai contentieux de trois mois a commencé à courir à partir de la notification de la décision ministérielle initiale du 27 juin 1997, étant précisé que cette décision contient une information conforme à l’article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979.

En vertu de l’article 11, alinéa 2 de l'arrêté royal grand-ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d'Etat, maintenu en vigueur devant les juridictions de l'ordre administratif par l'article 98, (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, si une partie intéressée a adressé une réclamation à l'autorité compétente avant l'expiration du délai du recours, le délai du recours ne commence à courir qu'à partir de la notification de la nouvelle décision qui intervient à la suite de cette réclamation.

En l’espèce, suite au recours gracieux introduit par le demandeur en date du 18 septembre 1997, le ministre a confirmé sa décision initiale le 23 octobre 1997. C’est donc à partir de la notification de cette nouvelle décision que le délai du recours a recommencé à courir.

Il convient encore d’examiner le moyen tiré du non-respect de l’article 14 du règlement grand-ducal précité de 1979 et d’examiner si la réponse de l’autorité administrative, intervenue suite à une réclamation formulée dans le délai contentieux, doit à nouveau indiquer les voies de recours ouvertes contre elle.

Concernant une décision qui refuse de faire droit à une demande d’un administré, la réponse à cette question est fonction de la nature de la réponse que l’administration donne au 4 recours gracieux. En présence d’une réponse expresse de l’administration, il s’agit de distinguer deux cas de figure différents. D’un côté, si la réponse à la réclamation s’analyse en une décision différente de la première, c’est-à-dire en une décision « nouvelle » qui se fonde sur de nouveaux motifs par rapport à la première décision, en faisant notamment état de nouveaux faits ou d’un changement survenu dans la situation juridique, la décision doit indiquer correctement les voies de recours ouvertes contre elle, sous peine de ne pas faire courir le délai légal pour introduire le recours contentieux.

Cependant, d’un autre côté, si la réponse donnée par l’administration à la suite d’une réclamation est purement et simplement confirmative de la décision antérieure, une nouvelle information sur les voies de recours n’est pas requise. - En effet, une décision purement et simplement confirmative d’une décision antérieure tire son existence de cette dernière et c’est uniquement la décision initiale qui s’analyse en une véritable décision qui ouvre la voie de recours et dont la notification fait commencer le cours du délai pour agir, de sorte qu’elle doit partant suffire aux exigences de l’article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, tandis que la décision confirmative ne tombe pas dans le champ d’application dudit article 14, dès lors qu’elle ne comporte aucun élément décisionnel propre et distinct de la décision initiale et qu’elle n’ouvre ni une nouvelle voie de recours, ni encore un nouveau délai - étant rappelé que la réclamation ne fait que sauvegarder le délai du recours contentieux, dont le point de départ est uniquement reporté, par l’effet de la loi, à la date de la notification de la réponse apportée au recours gracieux.

Cette analyse est à mettre en parallèle avec le principe énoncé par l’article 11 alinéa 3 de l'arrêté royal grand-ducal précité du 21 août 1866, qui dispose que si un délai de plus de trois mois s'est écoulé depuis la présentation de la réclamation sans qu'il soit intervenu une nouvelle décision, le délai de recours commencera à courir à partir de l'expiration du troisième mois. En d’autres termes, le silence gardé par l'administration pendant trois mois suite à l'introduction d'un recours gracieux ouvre un nouveau délai de recours d'une durée de trois mois commençant à courir à l'expiration du délai de trois mois pendant lequel l'administration était appelée à répondre à la réclamation, et à l'expiration d'un délai de six mois après l'introduction de la réclamation, devant le silence de l'administration, l'administré est forclos à introduire un recours contentieux, et cela encore que, par la force des choses, la décision de refus implicite se dégageant du silence n'ait pas été notifiée, ni ne soit motivée, ni encore ne contienne des instructions sur les voies de recours.

Etant donné qu’il ressort de la requête introductive d’instance, que la réponse ministérielle a été notifiée en date du 23 octobre 1997, il suit des développements qui précèdent que le recours introduit le 4 décembre 1998 contre la décision ministérielle du 23 octobre 1997 est tardif.

Le recours est encore dirigé contre la lettre précitée du 13 octobre 1998.

Force est de constater que cette lettre s’analyse également comme une décision purement confirmative de la décision initiale de refus du 27 juin 1997 et, implicitement de la décision confirmative du 23 octobre 1997. Or, étant donné que le délai de recours contentieux est écoulé depuis le 23 janvier 1998, date à partir de laquelle la décision ministérielle de refus a acquis autorité de chose décidée, l’administré ne saurait plus la contester par le biais d’un recours contre une simple décision confirmative additionnelle, de sorte que le recours est également irrecevable sous ce rapport.

5 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation;

le déclare cependant irrecevable;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 28 juillet 1999, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11006
Date de la décision : 28/07/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-07-28;11006 ?

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