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28/07/1999 | LUXEMBOURG | N°10847

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juillet 1999, 10847


N° 10847 du rôle Inscrit le 24 août 1998 Audience publique du 28 juillet 1999

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Recours formé par Monsieur … CELEBIC contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 24 août 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … CELEBIC, de nationalité yougoslave, demeura

nt à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 3 ju...

N° 10847 du rôle Inscrit le 24 août 1998 Audience publique du 28 juillet 1999

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Recours formé par Monsieur … CELEBIC contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête déposée le 24 août 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … CELEBIC, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 3 juin 1998 lui refusant l’octroi d’un permis de travail;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé le 15 juin 1999 au nom du demandeur;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Monique ADAMS, en remplacement de Maître Anne-Marie SCHMIT, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Par déclaration datée du 20 décembre 1996, entrée le 24 décembre 1996 à l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée « l’ADEM », la société anonyme X. S.A., avec siège social à L-…, introduisit une demande en obtention d’un permis de travail, pour un poste d’« ouvrier » non autrement spécifié, en faveur de Monsieur … CELEBIC, de nationalité yougoslave, né le …, demeurant actuellement à L-….

Le ministre du Travail et de l’Emploi, refusa la délivrance d’un permis de travail par arrêté du 4 mars 1997, «- pour des raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi;

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur;

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place».

Le 6 février 1998, Monsieur CELEBIC se maria avec Madame F. D., de nationalité belge, demeurant à Luxembourg.

1 Il ressort d’un courrier émanant du mandataire de Madame M. P., la mère de l’épouse de Monsieur CELEBIC, adressé le 27 mars 1998 au ministère de la Justice que: « (…) La fille de ma mandante, Madame F. D., s’est mariée à l’insu de ses parents avec Monsieur … CELEBIC, demeurant à…, par-devant l’officier de l’état civil de Luxembourg le 6 février 1998.

Ma partie a été informée du mariage civil lorsque Monsieur CELEBIC a voulu faire un changement d’adresse en se déclarant domicilié auprès de ma mandante ainsi que de son mari.

Depuis le 6 février 1998, Madame D. et Monsieur CELEBIC continuent à résider à leurs adresses respectives.

Il n’y a pas de vie commune.

Ayant examiné le dossier de Monsieur CELEBIC au Ministère de la Justice, il appert que Monsieur CELEBIC s’est marié avec une ressortissante CEE après que tous ses recours successifs devant le Tribunal administratif et Fiscal, respectivement, devant la Cour Administrative, avaient été rejetés.

Ma partie est persuadée que le mariage de sa fille est intervenu par une pure complaisance et sur insistance de Monsieur CELEBIC.

Elle me demande dès lors de vous informer de la présente situation afin que Monsieur CELEBIC ne puisse pas se prévaloir de l’existence d’une prétendue famille au Luxembourg, qui n’en est pas une.

Madame D., qui ne gagne que le salaire social minimum, ne peut certainement pas fournir à Monsieur CELEBIC les moyens de subsistance légaux nécessaires alors qu’il est sans emploi depuis plusieurs mois déjà. (…) ».

Il ressort d’un procès-verbal du commissariat de police de Merl/Belair en date du 27 avril 1998 que: « laut Angaben von D. F., lebt sie von ihrem Ehemann CELEBIC … getrennt.

Die Scheidung ist beantragt. D. lebt im Haushalt ihrer Mutter, zu Luxemburg, 88, Av. G.

Diderich. CELEBIC soll in …wohnhaft sein. Er soll keiner lohnbringenden Arbeit nachgehen.

D. arbeitet im Geschäft L. (…) und verdient … Franken brutto monatlich ».

Suite à une demande afférente, le ministre de la Justice informa Monsieur CELEBIC par lettre du 18 mai 1998 de ce que « suite à un réexamen de votre dossier, j’ai dû constater qu’il n’existe plus de communauté de vie après 2 mois de mariage. Comme vous n’êtes pas en possession d’un permis de travail établi par le Ministère du Travail, et par conséquent sans moyens d’existence propres, une autorisation de séjour ne vous saurait être accordée. Vous êtes par conséquent invité à quitter le pays. (…) ».

Par déclaration non datée, envoyée en annexe à un pli postal daté au 7 mai 1998, à l’adresse du ministère du Travail, Monsieur…, exploitant l’auberge-restaurant WEIDENDALL, à L-…, introduisit une demande en obtention d’un permis de travail, pour un poste de « plongeur » en faveur de Monsieur CELEBIC.

2 Le ministre du Travail et de l’Emploi refusa la délivrance d’un permis de travail par arrêté du 3 juin 1998 «pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place: 2337 ouvriers non-

qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi et 11 personnes ont été assignées à l’employeur - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi durant les cinq dernières années: 3.526 en 1993, 4.643 en 1994, 5.130 en 1995, 5.680 en 1996 et 6.357 en 1997».

Il ressort encore d’un rapport du 6 juillet 1998 de la brigade de Béreldange de la gendarmerie grand-ducale que : « CELEBIC … ist bis dato noch immer zu …bei seinem Bruder CELEBIC H. wohnhaft.

CELEBIC verfügt hierlands weder über eigene Existenzmittel noch ist derselbe Eigentümer von Immobilien. Der Interessent gibt an vom Einkommen seines Bruders zu leben, dieser arbeitet bei der Firma I. zu Steinsel und bezieht einen monatlichen Bruttolohn von zirka ….- Franken.

Der Interessent ging am 6. Februar 1998 die Ehe mit D. F. [suivent la date de naissance et l’adresse de résidence] ein.

D. wohnt an obenerwähnter Adresse bei ihren Eltern.

CELEBIC wohnte jedoch bis dato noch nicht mit seiner Frau zusammen und hat derzeit auch keinen Kontakt zu derselben, dies da die Schwiegereltern seine Präsenz nicht dulden.

CELEBIC beauftragte seinen Anwalt F. F. gegen den Entscheid des Justizministeriums Berufung einzulegen.

Hiesige Stelle wartet auf weitere Anweisungen dortiger Stelle, unsererseits wird sich vorerst auf Gegenwärtiges beschränkt (…) ».

Par requête déposée le 24 août 1998, Monsieur CELEBIC a introduit un recours en annulation contre la décision du ministre du Travail et de l’Emploi précitée du 3 juin 1998.

Le demandeur soutient en premier lieu que la formulation de la décision litigieuse serait stéréotype et ne prendrait pas en considération les particularités de sa situation déterminée et qu’une pareille motivation serait trop vague pour valoir motivation légale.

Ensuite, il soutient qu’on ne saurait lui opposer une priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen, ci-après dénommé l’«E.E.E. » dès lors qu’il est marié à une femme de nationalité belge.

3 Il reproche encore au ministre du Travail et de l’Emploi d’avoir basé sa décision sur des faits qui ne correspondraient pas à la réalité.

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours pour non-respect du délai légal pour agir. Dans ce contexte, il soutient que la décision litigieuse du 3 juin 1998 ne serait que confirmative de celle antérieure du 4 mars 1997. En l’absence d’un fait juridique nouveau, susceptible d’entraîner une modification de la décision négative antérieure, la décision du 3 juin 1998 n’aurait pas pu ouvrir un nouveau délai de recours contentieux en faveur du demandeur.

Au fond, le délégué rétorque que la motivation de l’arrêté litigieux serait légale, réelle et suffisante.

Il soutient que le ministre du Travail et de l’Emploi aurait le pouvoir de refuser un permis de travail pour des raisons liées à la situation, à l’évolution et à l’organisation du marché du travail. Or, les statistiques officielles renseigneraient que la situation du marché de l’emploi aurait été et serait toujours mauvaise, et que l’accès à l’emploi devrait été réservé aux demandeurs qui bénéficient d’une priorité. Dans ce contexte, le représentant étatique relève qu’au 31 mai 1998, 5.207 demandeurs d’emploi auraient été inscrits aux bureaux de placement de l’ADEM et, plus particulièrement, que 2.337 ouvriers non qualifiés inscrits auraient été concrètement disponibles et susceptibles de pourvoir le poste de plongeur dont question, lequel ne requerrait aucune qualification particulière, de sorte que le ministre aurait été autorisé à réserver l’accès à l’emploi aux demandeurs d’emploi bénéficiant de la priorité à l’emploi et à refuser le permis de travail à un non-ressortissant de l’E.E.E., qui, pour le surplus, n’aurait pas d’autorisation de séjour.

Le délégué relève encore que, suite à une déclaration de poste vacant en date du 12 juin 1997, 11 candidats auraient été assignés à Monsieur … parmi lesquels un candidat, de nationalité portugaise, aurait été engagé par l’employeur. Par la suite, l’employeur n’aurait plus déclaré de vacance de poste.

Quant à la priorité à l’emploi des ressortissants de l’E.E.E., le délégué relève qu’elle constitue une obligation imposée aux Etats membres de l’Union européenne par le droit communautaire. - Il soutient encore que le demandeur, non-ressortissant d’un Etat membre de l’E.E.E., ne saurait se prévaloir d’un droit dérivé du fait de la nationalité belge de son conjoint au motif que ce dernier ne se trouverait pas dans une situation de circulation entre Etats membres. Par ailleurs, il relève que les deux époux n’auraient à aucun moment eu une adresse commune.

Dans un dernier ordre d’idées, le délégué soutient que la présence irrégulière du demandeur sur le territoire luxembourgeois constituerait un motif de refus du permis de travail.

En effet, cette présence irrégulière sur le territoire luxembourgeois aurait pour conséquence que le demandeur serait à considérer juridiquement comme un « travailleur recruté à l’étranger », de sorte que l’employeur aurait manqué à l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’emploi et portant création d’une Commission nationale de l’emploi en omettant de solliciter auprès de l’ADEM l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger.

4 Dans sa réplique, le demandeur soutient que la décision querellée ne s’analyserait pas en une décision confirmative de celle émise le 4 mars 1997. Il relève que plusieurs éléments nouveaux se seraient produits après le 4 mars 1997 modifiant sa situation juridique, en l’occurrence, il aurait passé différentes épreuves organisées par la Chambre des Métiers, ce qui lui aurait permis d’obtenir la reconnaissance par le ministre de l’Education nationale et de la Formation Professionnelle de l’équivalence de son diplôme d’électrotechnicien.

Concernant le recrutement à l’étranger, le demandeur soutient que le ministre du Travail et de l’Emploi ne saurait faire dépendre l’octroi d’un permis de travail de l’obtention préalable d’un permis de séjour. Par ailleurs, il soutient n’avoir pas été recruté à l’étranger et il expose qu’il aurait été contraint de quitter son pays par des circonstances indépendantes de sa volonté et qu’eu égard à la situation précaire existant dans son pays d’origine, il désirerait rester avec son épouse au Grand-Duché de Luxembourg.

Concernant le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement et tiré du non-respect du délai pour agir, abstraction faite de ce qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier à quelle date la décision du 4 mars 1997 a été notifiée au demandeur, il échet de retenir que la décision litigieuse du 3 juin 1998 ne s’analyse pas en une décision simplement confirmative de la décision antérieure prise au mois de mars 1997, mais qu’il s’agit d’une décision nouvelle ouvrant une nouvelle voie de recours et un nouveau délai de recours, étant donné qu’elle fait état de motifs différents de ceux de la décision antérieure et, surtout, qu’elle a été prise suite à une nouvelle demande d’octroi d’un permis de travail pour un poste différent et auprès d’un employeur différent, c’est-à-dire qu’elle intervient suite à un changement de la situation de fait du demandeur. Le moyen d’irrecevabilité n’est partant pas fondé et doit être écarté.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes de la loi, il est recevable.

Concernant le moyen tiré de l’insuffisance voire de l’absence d’une motivation suffisante de la décision querellée, il convient de relever qu’une obligation de motivation expresse exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.

Dès lors que la motivation expresse d’une décision peut se limiter, conformément à l’article 6 précité, à un énoncé sommaire de son contenu, il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment du refus, quitte à ce que l’administration concernée les complète a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours d’une procédure contentieuse (cf. Cour adm., 13 janvier 1998, Pas. adm.

2/99, V° Travail, II. Permis de travail, n° 23, p. 283, et autres références y citées).

5 En l’espèce, l’arrêté du 3 juin 1998 énonce 4 motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère et il suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, cette motivation étant utilement complétée par le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, de sorte que le demandeur n’a pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il s’agit encore d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision attaquée.

L’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés au travailleur étranger pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi, compte tenu de la priorité à l’embauche dont bénéficient les ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, conformément à l’article 1er du règlement CEE 1612/68 concernant la libre circulation des travailleurs ».

Cette disposition trouve sa base légale habilitante à la fois dans l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, qui dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi » et dans l’article 1er du règlement CEE précité n° 1612/68, qui dispose que « 1. Tout ressortissant d’un Etat membre, quelque soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet Etat. 2. Ils bénéficient notamment sur le territoire d’un autre Etat membre de la même priorité que les ressortissants de cet Etat dans l’accès aux emplois disponibles ».

Lesdits articles 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, confèrent à l’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail, la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (v. trav. parl. relatifs au projet de loi n° 2097, exposé des motifs, page 2).

Au voeu de l’article 28 de la loi précitée du 28 mars 1972, et de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union européenne (U.E.) et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E. sont dispensés de la formalité du permis de travail.

En l’espèce, la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’U.E et de l’E.E.E. se justifie donc, en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité yougoslave, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’U.E. et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E.

6 Ceci étant, il convient encore d’examiner l’argumentation développée par le demandeur et tirée de ce qu’il est marié à une ressortissante du Royaume de Belgique.

Il est vrai qu’aux termes de l’article 11 du règlement CEE précité n°1612/68 « le conjoint et les enfants de moins de vingt et un ans ou à charge d’un ressortissant d’un Etat membre exerçant sur le territoire d’un Etat membre une activité salariée ou non salariée ont le droit d’accéder à toute activité salariée sur l’ensemble du territoire de ce même Etat, même s’ils n’ont pas la nationalité d’un Etat membre ». En d’autres termes, ledit article 11 consacre le droit du conjoint de tout travailleur bénéficiaire de la libre circulation d’accéder à une activité salariée sur le territoire de l’Etat membre d’accueil.

Il est vrai encore qu’en utilisant le mot « conjoint », le règlement CEE précité n°1612/68 vise un rapport fondé sur le mariage et que ce lien conjugal n’est pas dissous tant qu’il n’y a pas été mis un terme par l’autorité compétente, tel n’étant pas le cas des époux qui vivent simplement de façon séparée (CJCE 13 février 1985, aff.267/83, Diatta c/ Land Berlin, Rec. 567).

Cependant, le droit d’accéder à l’emploi du conjoint non-ressortissant d’un Etat membre de l’E.E.E. est conditionné, au-delà d’un lien conjugal, par l’existence d’une vie commune effective. - En effet, si un Etat membre de l’U.E., qui accueille un travailleur -

ressortissant d’un autre Etat membre -, ne peut pas s’opposer au droit d’accès au travail de son conjoint - ressortissant d’un Etat tiers - en invoquant un défaut de cohabitation permanent entre les époux, une telle exigence n’étant pas requise par l’article 11 précité, il n’en reste pas moins que l’application des droits conférés par le droit communautaire au conjoint nécessite l’existence d’une relation réelle et effective avec un travailleur communautaire migrant.

En l’espèce, en l’absence d’un quelconque élément de preuve contraire apporté en cours d’instance par le demandeur, c’est à juste titre que le ministre a pu déduire des pièces et informations qui étaient à sa disposition au moment où il a pris la décision litigieuse, que le demandeur n’avait pas de vie commune effective avec Madame D. et, sur ce, lui refuser la reconnaissance du droit prioritaire d’accès à l’emploi.

Après avoir vérifié que la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’U.E. et de l’E.E.E. est, en principe, justifiée en l’espèce, le tribunal doit encore examiner si des demandeurs d’emploi prioritaires aptes à occuper le poste vacant étaient concrètement disponibles sur le marché de l’emploi.

S’il faut, en principe, que le ministre établisse, in concreto, la disponibilité sur place de ressortissants d’un Etat membre de l’E.E.E., susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé, il n’en reste pas moins que l’employeur doit mettre l’ADEM en mesure d’établir cette disponibilité concrète de ressortissants de l’E.E.E., en introduisant auprès d’elle une déclaration de vacance de poste.

La déclaration de poste vacant, qui peut ressortir le cas échéant d’autres pièces ou documents introduits auprès de l’ADEM, doit être faite avant l’entrée en service du travailleur. Faute par l'employeur de ce faire, l'ADEM est mise dans l'impossibilité de lui assigner utilement des candidats et de rapporter ainsi la preuve de la disponibilité concrète de main-d'oeuvre apte à occuper le poste vacant, de sorte qu’aucune autorisation de travail ne saurait être délivrée au 7 travailleur étranger (trib. adm. 30 avril 1998, Pas. adm. 2/99 V° Travail, II. Permis de travail, n° 16, p.281 et autres références y citées).

En l’espèce, il est constant en cause que l’employeur a envoyé par pli postal du 7 mai 1998, à l’adresse du ministère du Travail une déclaration d’engagement pour un poste de plongeur, cette déclaration valant demande en obtention d’un permis de travail pour Monsieur CELEBIC. Ladite déclaration d’engagement a donc pu arriver à destination au plus tôt le lendemain 8 mai 1998. Il ressort encore des éléments du dossier que Monsieur CELEBIC a travaillé pour l’auberge-restaurant … du 3 au 21 mai 1998. Il se dégage de la comparaison des prédites dates que la date d’entrée en service était antérieure à la date d’introduction de la demande d’embauche. La demande d’embauche étant en outre limitée à une seule personne, l’administration n’était pas tenue d’assigner d’autres candidats à l’employeur qui n’avait manifestement pas l’intention d’engager une autre personne que celle nommément visée et d’ores et déjà entrée en service.

Il suit des considérations qui précèdent que la décision ministérielle de refus litigieuse se trouve légalement justifiée par le motif analysé ci-dessus, sans qu’il y ait encore lieu à examiner les autres motifs à la base de la décision ministérielle et le recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 28 juillet 1999 par le vice-président, en présence de M.

Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10847
Date de la décision : 28/07/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-07-28;10847 ?

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