N° 10395 du rôle Inscrit le 5 novembre 1997 Audience publique du 28 juillet 1999
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Recours formé par les époux … FAURE et X.
contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d’imposition Luxembourg IV en matière d’impôt sur le revenu
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Vu la requête inscrite sous le numéro 10395 du rôle et déposée le 5 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert WILDGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Monsieur Roger MOLITOR, réviseur d’entreprises, demeurant à Luxembourg, au nom de Monsieur … FAURE, directeur de banque, et de son épouse Madame X., demeurant ensemble actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu portant sur l’année 1995, émis le 12 décembre 1996, pour non-prise en compte des cotisations payées à titre obligatoire en tant que salarié à des organismes publics étrangers de sécurité sociale;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 octobre 1998;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 1999 par Maître Albert WILDGEN, assisté de Monsieur Roger MOLITOR, au nom des époux … FAURE et X.;
Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin déféré;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Charles OSSOLA, en remplacement de Maître Albert WILDGEN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie X. en leurs plaidoiries respectives.
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Suivant accord intervenu sur proposition de la Banque Y. France du 17 août 1993, Monsieur … FAURE, directeur de banque, demeurant actuellement à L-…, a été affecté à compter du 1er octobre 1993 auprès de la société anonyme Banque Y. (Luxembourg) S.A. en qualité de directeur général, suivant une mission initiale fixée à trois années, reconductible, à partir d’une situation de référence auprès de la Banque Y. France d’un directeur adjoint, situation révisible annuellement d’après les règles applicables au personnel de la Banque Y.
France avec possibilité de réintégration en France, à l’issue de sa mission, en fonction de la situation de référence en vigueur à ce moment.
1 Le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1995, émis le 12 décembre 1996 par le bureau d’imposition Luxembourg IV, retient au titre de cotisations selon l’article 110 n°s 1 et 2 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée « LIR », le montant de …- francs ainsi déclaré, en n’y incluant pas les cotisations sociales obligatoires du régime particulier à l’employeur de Monsieur FAURE.
Madame …, tax manager, a adressé au nom des époux FAURE-X., en date des 5 et 28 février 1997, une réclamation au bureau d’imposition Luxembourg IV concernant le bulletin d’imposition précité pour non prise en considération des cotisations obligatoires versées par Monsieur FAURE à sa caisse de retraite en France.
N’ayant pas obtenu de réponse du directeur de l’administration des Contributions directes, les époux FAURE-X. ont fait introduire en date du 5 novembre 1997 un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin d’imposition émis en date du 12 décembre 1996 relatif à l’année fiscale 1995.
Aux termes des dispositions combinées des articles 8 (3) 3 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », le tribunal administratif est compétent pour statuer comme juge du fond sur les recours contre des bulletins de l’impôt sur le revenu en cas de silence du directeur suite à une réclamation dûment introduite par le contribuable.
Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours en réformation.
Le représentant étatique soulève l’irrecevabilité du recours en tant que formé par Madame X. dans la mesure où cette dernière n’aurait pas personnellement réclamé contre le bulletin litigieux, de sorte qu’elle ne saurait être admise à former un recours contentieux per saltum.
Ce moyen n’est cependant pas fondé, dès lors qu’il se dégage du libellé de la lettre du 5 février 1997, introductive de la réclamation devant le directeur, que le mandataire des demandeurs a agi en nom et pour compte des deux époux. En effet, ladite lettre précise qu’elle « concerne: Monsieur et Madame … FAURE-X. … » et qu’il y est encore précisé que le mandataire agit « en vertu du mandat qui nous a été conféré par nos clients ».
Par voie de conséquence, le recours contentieux introduit au nom de Madame et Monsieur FAURE-X., non autement critiqué sous ce rapport, est recevable pour avoir par ailleurs été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.
Le recours subsidiaire en annulation est partant à déclarer irrecevable.
Dans leurs réclamations et recours, Monsieur et Madame FAURE-X. demandent globalement à ce que les cotisations légalement obligatoires payées en France par Monsieur FAURE aux Caisses de retraite complémentaires françaises ARRCO et AGIRC soient considérées comme des cotisations payées à titre obligatoire par des salariés à des organismes publics étrangers de sécurité sociale au sens de l’article 110, n° 1 LIR.
L’article 110 LIR dispose que « sont déductibles les cotisations et primes d’assurances suivantes: 1. les cotisations versées en raison de l’affiliation légalement obligatoire des 2 salariés à un établissement de sécurité sociale luxembourgeois. Ne sont pas déductibles les cotisations relatives à un salaire exempté, à l’exception de celles qui se rapportent aux suppléments de salaires visés à l’article 115, numéro 11. Sont assimilées aux cotisations visées ci-dessus, les cotisations payées à titre obligatoire par des salariés à des organismes publics étrangers de sécurité sociale ».
Il est constant que les éléments de droit non luxembourgeois constituent des faits dont la preuve doit être rapportée par la partie qui s’en prévaut ou s’y réfère.
Le tribunal est amené à constater qu’à défaut de précisions suffisantes fournies par les parties à l’instance sur les éléments de droit non luxembourgeois afférents, le caractère obligatoire des cotisations payées à des organismes français aux fins de déduction, au titre de l’article 110, n°1 LIR, a posé problème pour l’imposition des revenus des époux FAURE-X., de même que le caractère public des organismes en question.
Suite au dépôt par leur mandataire de certaines pièces demandées par le tribunal relatant la situation des demandeurs au cours de l’année d’imposition concernée, il se dégage qu’à partir de l’accord intervenu sur proposition de la Banque Y. France du 17 août 1993, le demandeur a été affecté à compter du 1er octobre 1993 auprès de la société anonyme Banque Y. (Luxembourg) S.A. en qualité de directeur général suivant une mission initiale fixée à trois années reconduite par la suite à partir d’une situation de référence auprès de la Banque Y.
France d’un directeur adjoint de la Banque, situation révisible annuellement d’après les règles applicables au personnel de la Banque Y. France avec possibilité de réintégration en France, à l’issue de sa mission, en fonction de la situation de référence le moment venu.
Monsieur FAURE a ainsi établi son détachement par la maison mère vers sa filiale luxembourgeoise avec maintien de sa situation de référence auprès de la Banque Y. France comportant l’obligation de la continuation des cotisations lui incombant par rapport au régime de sécurité sociale français qui était le sien auparavant.
Il est constant en cause que les époux FAURE-X. sont à considérer comme résidents au Grand-Duché de Luxembourg pour l’exercice fiscal sous référence.
Il est encore constant en cause que les cotisations pour lesquelles la déduction est actuellement litigieuse, se placent complémentairement au-delà des cotisations sociales versées au Grand-Duché de Luxembourg au régime général de la sécurité sociale luxembourgeois et dûment déduites suivant l’article 110, n°1 LIR, dans le cadre du bulletin d’impôt déféré, aucune contestation ne portant sur ce dernier point.
Les demandeurs font exposer que jusqu’au 31 décembre 1993, les salariés de la profession bancaire en France relevaient d’un régime professionnel dont le règlement était propre à chaque banque ayant créé une caisse d’entreprise. Ainsi le fait même d’être salarié dans une banque en France entraînait obligatoirement l’affiliation du salarié à cette caisse. Il ressort des pièces versées par les demandeurs à l’appui de leur recours, que pour la Banque Y.
France, cette caisse a été créée en 1947, et que le règlement de son régime précisait, en son article 42, que le conseil d’administration de la caisse pouvait décider l’affiliation au régime des agents détachés à l’étranger. En 1978, le conseil d’administration aurait ainsi décidé l’affiliation obligatoire à son régime de tous les salariés de Y. détachés à l’étranger.
3 S’il est vrai qu’à partir des explications ainsi fournies, le caractère obligatoire des cotisations en question a pu être valablement établi dans le cadre de l’entreprise concernée, il n’en reste pas moins qu’il s’agit en toute occurrence d’une assurance complémentaire relevant d’un organisme dont le caractère public n’a pas été rapporté, étant entendu que la caisse en question est caractérisée par la banque elle-même comme étant propre à son entreprise.
Concernant la période à compter du 1er janvier 1994, les demandeurs exposent que les salariés de la profession bancaire auraient relevé des régimes de retraite interprofessionnels ARRCO et AGIRC.
Il ressort des éléments d’information fournis par les parties demanderesses que l’ARRCO constitue l’association des régimes de retraite complémentaire, créée par un accord du 8 décembre 1961 en vue d’assurer la pérennité des régimes et de promouvoir entre eux une coordination et une compensation appropriées, rassemblant des caisses qui existaient avant sa création et qui ont gardé une certaine autonomie.
L’AGIRC est l’association générale des institutions de retraite des cadres qui regroupe obligatoirement toutes les caisses de retraite en la matière, coordonne et contrôle le régime et a notamment pour mission d’assurer la compensation des charges entre les caisses, et de fixer la valeur du point de retraite.
L’ARRCO joue sensiblement le même rôle vis-à-vis des caisses de non-cadres que l’AGIRC à l’égard des caisses de cadres.
Les deux organismes, ARRCO et AGIRC, sont constitués dans le cadre d’un régime conventionnel et paritaire sur base d’accords conclus entre le patronat et les organisations syndicales de salariés, à l’opposé des différentes branches de la sécurité sociale (vieillesse, maladie, accident du travail …) reposant sur un régime légal pour avoir été créé par des lois, ordonnances, décrets ou règlements afférents.
En l’espèce, le demandeur reste en défaut d’établir dans le chef des organismes ARRCO et AGIRC le caractère public requis par l’article 110, n°1 LIR, sinon du moins l’assimilation suffisante en droit français des caisses de retraite complémentaires ainsi visées comme basant sur des accords interprofessionnels et ne revêtant pas, d’après les informations à ce jour fournies par les époux FAURE-X., la caractéristique ainsi requise par la législation luxembourgeoise.
La demande tendant à la déductibilité fiscale des cotisations payées en France par Monsieur FAURE pour l’année 1995 aux Caisses de retraites complémentaires françaises ARRCO ET AGIRC, qui s’élèvent à un montant de …- francs, doit dès lors être rejetée.
Les demandeurs se basent encore sur l’article 101 de la Constitution, en renvoyant à des situations décrites comme similaires à la leur, pour lesquelles des bureaux d’imposition auraient accordé aux contribuables concernés la déduction des cotisations par eux déclarées au titre de l’article 110, 1 LIR sans limite de plafond, en sus des cotisations sociales versées au Luxembourg au régime général de la sécurité sociale luxembourgeois.
Aux termes de l’article 101 de la Constitution « il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts ».
4 Ledit article 101 dispose encore que « nulle exemption ou modération ne peut être établie que par une loi », étant ainsi un principe corollaire à celui inscrit à l’article 99 de la Constitution, suivant lequel « aucun impôt au profit de l’Etat ne peut être établi que par une loi ».
Même à supposer que des bureaux d’imposition aient appliqué à des cotisations analogues à celles déclarées par les époux FAURE-X. les dispositions de l’article 110, n°1 LIR en admettant les déductions y prévues, le tribunal n’est pas saisi de ces impositions dans le cadre du présent litige.
Celles-ci ne seraient de toute façon pas de nature à autoriser les demandeurs à réclamer dans leur chef l’application desdites dispositions à leur profit de façon absolue, dans la mesure où leur recours a dû être déclaré non fondé faute d’élément de fait établi à suffisance de droit engendrant que les conditions fixées par ledit article 110, n°1 LIR se trouvent être réunies dans le chef des parties demanderesses au présent litige.
Par ailleurs l’égalité devant la loi, impliquant l’égalité de traitement de tous les administrés, notamment au regard des charges publiques et plus précisément devant l’impôt, n’a lieu que dans les limites de la stricte légalité, le droit ne pouvant être valablement appliqué qu’aux éléments de fait dûment établis en cause.
Le moyen y afférent doit dès lors également être écarté.
Il résulte des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé pour l’ensemble des moyens proposés.
Les parties demanderesses réclament encore la condamnation de l’Etat à une indemnité de procédure de 60.000.- francs en application de l’article 131-1 du code de procédure civile.
Cependant, eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation afférente est à écarter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
se déclare compétent pour connaître du recours en réformation;
le dit recevable;
au fond le dit non justifié et en déboute;
déclare le recours en annulation irrecevable;
écarte la demande en allocation d’une indemnité de procédure;
condamne les parties demanderesses aux frais.
Ainsi jugé par:
5 M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 28 juillet 1999, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Schockweiler 6