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21/07/1999 | LUXEMBOURG | N°11269

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juillet 1999, 11269


N° 11269 du rôle Inscrit le 29 avril 1999 Audience publique du 21 juillet 1999

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Recours formé par Madame … MULLER, … contre une décision de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’homolgation des titres et grades étrangers

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 avril 1999 par Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Madame … MULLER, docteur en droit, d...

N° 11269 du rôle Inscrit le 29 avril 1999 Audience publique du 21 juillet 1999

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Recours formé par Madame … MULLER, … contre une décision de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’homolgation des titres et grades étrangers

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 avril 1999 par Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Madame … MULLER, docteur en droit, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 29 janvier 1999 portant refus de l’homologation de son diplôme allemand en droit intitulé “ Erste juristische Staatsprüfung ” qui lui fut décerné en date du 2 juillet 1993 par le “ Ministerium der Justiz Rheinland-Pfalz - Landesprüfungsamt für Juristen ”;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 juin 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Alain STEICHEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 juillet 1999.

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Madame … MULLER, demeurant à L-…, s’est adressée en date du 23 mai 1996 au ministre de la Justice pour solliciter l’homologation de son diplôme allemand en droit intitulé “Erste juristische Staatsprüfung ” lui délivré en date du 2 juillet 1993 à Mainz par le “ Ministerium der Justiz Rheinland-Pfalz - Landesprüfungsamt für Juristen ”. Cette demande, qui avait été transmise pour raisons de compétence à la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, ci-après appelée “ la ministre ”, fut avisée négativement par la commission d’homologation pour le droit, désignée conformément à l’article 13 du règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1970 pris en exécution de l’article 3 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres étrangers d’enseignement supérieur, et concernant la composition des commissions d’homologation, leurs attributions et la procédure à suivre. Sur base de cet avis, la ministre 1 refusa, par arrêté du 29 janvier 1999, l’homologation dudit diplôme au motif que celui-ci “ ne sanctionne pas un cycle complet d’études de droit de quatre années, alors que selon le “ Deutsches Richtergesetz ” par. 5a) la durée des études est de trois ans et demi (“ die Studienzeit beträgt dreieinhalb Jahre ”); que dès lors le diplôme ne répond pas à la condition à laquelle l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1970 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en droit subordonne l’homologation ”.

Par requête déposée en date du 29 avril 1999, Madame MULLER fit alors introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de cet arrêté ministériel.

Aucun recours de pleine de juridiction n’étant prévu en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que son diplôme allemand intitulé “ Erste juristische Staatsprüfung ” sanctionnerait un cycle complet d’études juridiques de quatre années au moins et donnerait accès au stage préparatoire à la profession d’avocat en Allemagne. Elle estime partant que c’est à tort que l’arrêté ministériel déféré se réfère au seul paragraphe 5a), alinéa premier du “ Deutsches Richtergesetz ”, pour retenir que la durée de ses études de droit serait de trois ans et demi, alors qu’il y aurait lieu de se référer, outre à cette loi fédérale (Bundesrecht), à la législation de l’Etat fédéré concerné, en l’occurrence la Rhénanie-Palatinat, et plus particulièrement à son “ Landesgesetz über die juristische Ausbildung ”, ci-après appelé “ JAG ”, ainsi qu’au règlement d’exécution de cette loi, la “ Juristische Ausbildungs- und Prüfungsordnung ”, ci-après appelée “ JAPO ”, en vertu desquels la “ Erste juristische Staatsprüfung ” sanctionnerait dans le “ Land ” en cause des études juridiques de neuf semestres, soit quatre années et demi.

Le délégué du Gouvernement fait valoir qu’il n’appartiendrait pas aux législateurs des “ Länder ” de prolonger la durée des études minimales, mais uniquement de prévoir des modalités pratiques selon lesquelles se déroulent ces études. Quant à la législation invoquée de Rhénanie-Palatinat, le représentant étatique signale que les textes fédéraux invoqués à l’appui du recours datent des 30 novembre et 29 décembre 1993 et que la demanderesse avait partant déjà terminé ses études de droit au moment de leur promulgation, de sorte que la référence à ces textes manquerait en tout état de cause de pertinence en l’espèce.

A titre subsidiaire, il relève que le “ JAG ”, dans sa version invoquée par la partie demanderesse, ne prévoirait pas dans son paragraphe 2 (1) une durée d’études obligatoires de quatre ans et demi, mais seulement que les études devraient être terminées après neuf semestres. Il signale en outre qu’en vertu des dispositions de l’alinéa 2 du même paragraphe, les études comprendraient deux parties, une première de trois années et une seconde d’une année, de sorte qu’il résulterait de ces textes que le premier cycle ne durerait en fait que trois ans et que même dans l’hypothèse de l’organisation des études telle que prévue par ces textes, l’on ne saurait parler d’un cycle complet de quatre années d’études au sens du règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1970 précité.

Conformément aux dispositions du 1er alinéa de l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1970 précité, “ le diplôme présenté à l’homologation doit sanctionner un cycle complet d’études de droit d’au moins quatre années ou huit semestres ou douze trimestres ”.

2 En l’espèce il est constant que la demanderesse a accompli ses études de droit à l’université de Trèves dans l’Etat fédéré de Rhénanie-Palatinat et il se dégage des pièces versées au dossier et plus particulièrement des inscriptions figurant dans son livret d’études (Studienbuch), que ces études ont duré en fait onze semestres.

Au regard de l’exigence d’une durée minimale inscrite à l’article 4 du règlement grand-

ducal précité du 18 décembre 1970, il y a néanmoins lieu de déterminer la durée objective des études sanctionnées par le diplôme présenté à l’homologation, ceci conformément à la législation étrangère afférente, étant entendu que l’état du droit allemand en la matière invoqué à la base de la décision de refus déférée constitue une question de fait et que le tribunal saisi d’un recours en annulation ne peut que vérifier, d’après les pièces versées au dossier administatif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

S’il se dégage en l’espèce certes de la loi de la République fédérale d’Allemagne intitulée “ Deutsches Richtergesetz ”, invoquée à la base de la décision déférée et versée en cause, que pour accéder aux professions judiciaires y plus particulièrement visées, il faut notamment être détenteur du diplôme universitaire en droit intitulé “ Erstes Staatsexamen ” et qu’il y est précisé expressément au paragraphe 5 a) que la durée des études afférentes est de trois ans et demi, il est néanmoins constant, au vu des pièces produites tant à l’appui du recours sous examen qu’en cours d’instance par la partie demanderesse, que la législation fédérale (Bundesrecht) invoquée par la ministre n’est pas la seule à réglementer la durée des études de droit en Allemagne, alors qu’il existe pour le moins dans l’Etat fédéré de Rhénanie-

Palatinat une législation du “ Land ” ayant trait aux études de droit, en l’occurrence le JAG et son règlement d’exécution la JAPO, précités, qui comportent également des indications relatives notamment à la durée des études sanctionnées par la “ Erste juristische Staatsprüfung ” .

Dans son mémoire introductif d’instance, la partie demanderesse se réfère plus particulièrement aux dispositions du paragraphe 2, alinéa 1er JAG, ainsi que du paragraphe 4, alinéa 1er et 2 JAPO pour soutenir que le dernier examen écrit de la “ Erste juristische Staatsprüfung” ne peut avoir lieu au plus tôt qu’après huit semestres et qu’afin d’obtenir ledit diplôme, il y a ensuite encore lieu de réussir un examen oral qui, en pratique, aurait lieu six mois après la réussite à l’examen écrit. Elle en déduit que les études aboutissant au diplôme litigieux présenté à l’homologation auraient une durée minimale de neuf semestres, soit quatre années et demi.

Dans la mesure où les versions des textes ainsi invoqués et produits dans un premier temps en annexe au recours datent respectivement du 30 novembre 1993 en ce qui concerne le JAG et du 29 décembre 1993 en ce qui concerne la JAPO, c’est à juste titre que le délégué du Gouvernement a signalé dans son mémoire en réponse qu’ils ne sauraient, dans cette teneur, trouver application en l’espèce, étant donné que le diplôme litigieux fut délivré en 1992, soit avant la promulgation des textes en question.

Il s’ensuit que tant les développements de la demanderesse basés concrètement sur ces textes dans leur teneur ainsi écartée des débats, que l’argumentation y relative présentée à titre subsidiaire par le représentant étatique tombent à faux.

3 La partie demanderesse ayant cependant complété les pièces versées à l’appui de son recours en déposant en date du 1er juillet 1999 au greffe du tribunal administratif un extrait de la version de la JAPO dans sa teneur d’avant la modification précitée du 29 décembre 1993 et la partie défenderesse ayant utilement pu consulter cette pièce avant la prise en délibéré de l’affaire, il y a lieu de constater qu’à l’époque où la décision litigieuse est intervenue, la JAPO, prise en exécution du JAG, disposait au sujet de la “ Erste juristische Staatsprüfung ” dans son paragraphe 1er, alinéa 1er que la durée normale des études sanctionnées par ce diplôme est de neuf semestres (“ die Regelstudienzeit beträgt einschliesslich der ersten juristischen Staatsprüfung neun Semester.).

Au regard des éléments de fait ainsi dégagés il est constant qu’il existe pour le moins une dualité de sources au niveau de la législation allemande en ce qui concerne les textes légaux permettant de dégager la durée des études sanctionnées par le diplôme allemand intitulé “ Erste juristische Staatsprüfung ”.

Pour conclure au bien-fondé de la décision déférée en ce qu’elle est basée en droit allemand sur les seules dispositions du “ Deutsches Richtergesetz ”, le représentant étatique affirme en substance que conformément à la hiérarchie des normes allemandes en présence, tendant en substance à dire que la durée minimale des études telle que consacrée au niveau de la loi fédérale, et plus particulièrement par le “ Deutsches Richtergesetz ”, ne saurait être prolongée par une loi de Rhénanie-Palatinat sous peine de dépasser le cadre légal prétracé en la matière au niveau fédéral.

Les éléments de droit non luxembourgeois constituent des faits qui, lorsqu’ils figurent comme base d’une décision administrative, doivent être établis à l’exclusion de tout doute. Or, en l’espèce il y a lieu de constater qu’au stade actuel du dossier, la prééminence alléguée de la loi fédérale sur les textes légaux de Rhénanie-Palatinat invoqués à l’appui du recours repose sur une simple affirmation que ni les pièces versées au dossier, ni les explications fournies à l’audience ne permettent de confirmer avec toute la certitude requise, abstraction même faite de la considération qu’en Allemagne la compétence principale en matière culturelle, éducative et universitaire se situe en principe au niveau des Länder.

Il s’ensuit que l’arrêté ministériel déféré n’est pas motivé à suffisance de droit et de fait à cet égard.

Aucun autre motif de refus tiré des conditions inscrites par ailleurs dans le règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1970 précité et ayant trait notamment au contenu de l’enseignement suivi et à la correspondance du droit enseigné dans ses conceptions fondamentales aux principes généraux du système juridique luxembourgeois, n’ayant été avancé ni dans la motivation de la décision déférée, ni en cours d’instance, il y a lieu de constater, au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, que la décision déférée du 29 janvier 1999 n’est pas légalement justifiée et encourt partant l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

4 reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le dit justifié;

partant annule l’arrêté ministériel déféré du 29 janvier 1999 et renvoie l’affaire devant la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 juillet 1999 par:

Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11269
Date de la décision : 21/07/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-07-21;11269 ?

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