N° 11180 du rôle Inscrit le 9 mars 1999 Audience publique du 21 juillet 1999
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Recours formé par Madame … KERGER-THILL, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise d’impôts
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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 11180 et déposée le 9 mars 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KLEYR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KERGER-THILL, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 17 décembre 1998 refusant de faire droit à sa demande de remise gracieuse concernant l’impôt sur le revenu de l’exercice 1997 introduite suivant courrier du 24 juillet 1998;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juin 1999;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Marc KLEYR, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 juillet 1999.
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Par bulletin de l’impôt sur le revenu relatif à l’année d’imposition 1997 émis en date du 16 juillet 1998 par le bureau d’imposition Dudelange, Madame … KERGER-THILL, demeurant à L-…, fut informée que l’imposition y retenue diffère de la déclaration présentée dans la mesure où son option pour le procédé de la déduction forfaitaire des frais d’obtention en relation avec les revenus de location de propriété bâtie fut refusée au motif qu’elle aurait opté en 1995 pour les frais effectifs et que partant une nouvelle option pour le régime forfaitaire ne serait pas encore admissible pour l’exercice en cause.
Par courrier du 24 juillet 1998, Madame KERGER-THILL introduisit alors une demande de remise gracieuse sur base du paragraphe 131 de la loi générale sur les impôts, dite “ Abgabenordnung ”, ci-après appelée “ AO ”, auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après appelé “ le directeur ”.
A l’appui de cette demande, elle exposa ne pas avoir évalué en 1995 la portée du choix de l’option en renvoyant à cet effet au caractère particulièrement étoffé des textes afférents produits dans les annexes des formulaires devant recevoir les déclarations en question. Elle fit valoir en outre que la volonté du législateur aurait été de venir au secours des personnes qui ne sont pas des bailleurs professionnels en leur donnant la possibilité de déduire forfaitairement une somme de leur revenu locatif, sans pour autant devoir avoir recours à un expert fiscal ou préparer des dossiers “ étoffés ”. Elle souligna en outre que ses revenus locatifs seraient de nature à tenir en équilibre sa situation financière, qui, au vu de sa rente de l’ordre de 53.000.-
francs seulement, ne serait pas particulièrement aisée.
Par décision du 17 décembre 1998, le directeur refusa de faire droit à cette demande de remise d’impôt par voie gracieuse au motif que “ sur le plan objectif de la détermination du revenu net de location de biens, il ne saurait être question d’iniquité en ce qui est de l’impôt dû conformément aux dispositions légales et réglementaires régissant la matière et que des circonstances particulières pouvant faire conclure à une rigueur objective inhérente à des dispositions légales inadaptées dans le cas de l’espèce ne sont pas données; qu’il ne convient donc pas de déjouer en l’occurrence la volonté expresse du législateur en la matière ”.
Madame KERGER-THILL fit alors déposer en date du 9 mars 1999 un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de cette décision directoriale.
Etant donné que le paragraphe 131 AO prévoit en la matière un recours de pleine juridiction, le recours principal en réformation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.
A l’appui de son recours, la partie demanderesse expose qu’après avoir opté pendant des années dans sa déclaration d’impôt pour la déduction forfaitaire des frais d’obtention en relation avec ses revenus de location tirés de la location du premier étage d’une maison d’habitation lui appartenant sise à …, elle opta pour l’exercice 1995 pour la déduction de ses frais effectifs en raison d’investissements relativement importants s’élevant à un montant total d’environ 600.000.- francs et effectués au cours de cette année. Dans la mesure où le bureau d’imposition étala cette déduction sur deux années à concurrence respectivement de 300.000.-
francs, elle expose avoir voulu, après ces deux années, revenir au régime de déduction forfaitaire tel qu’elle l’a toujours fait. A l’instar des arguments avancés pour solliciter une remise gracieuse d’impôt auprès du directeur, la demanderesse fait valoir que la portée de son choix unique et exceptionnel d’opter pour le système des frais effectifs lui aurait échappé pour des raisons tout à fait légitimes au regard notamment de son âge avancé et du degré de complexité de la matière. Elle se verrait dès lors confrontée à une imposition exagérée et inutile pour l’année d’imposition en cause, ainsi que pour les quinze années suivantes, conséquence qu’elle estime ne pas correspondre à la volonté du législateur, qui, en prévoyant la possibilité d’opter pour une déduction forfaitaire, aurait plutôt entendu venir au secours des personnes qui ne sont pas des bailleurs professionnels. Elle met en outre en avant le caractère selon elle exagéré de l’imposition à laquelle elle se voit confrontée par rapport à la modicité de ses revenus, en l’occurrence une rente s’élevant à 53.000.- francs.
Le délégué du Gouvernement rencontre ces moyens en signalant que le paragraphe 131 AO permettrait seulement une remise d’impôt et non l’application d’un régime personnalisé. Il fait valoir en outre que la légalité de l’impôt telle qu’elle est voulue par la Constitution ne laisserait de place ni pour une décision ex aequo et bono ni même pour des considérations comparables aux circonstances atténuantes pour conclure que les développements de la requête introductive n’infirmeraient pas les motifs de la décision entreprise.
Au voeu du paragraphe 131 AO, une remise gracieuse se conçoit dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable. Une remise gracieuse n’est donc justifiée que si ou bien la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l’impôt compromet son existence économique et le prive de moyens de subsistance indispensables, ou bien si objectivement l’application de la législation fiscale conduit à un résultat contraire à l’intention du législateur.
Le pouvoir de réformation se limitant par ailleurs en matière de remise gracieuse à la possibilité d’accorder, en lieu et place du directeur, une remise d’impôt au demandeur, le tribunal ne saurait en tout état de cause ni admettre la partie demanderesse à repasser au système de la déduction forfaitaire, ni lui permettre de déduire intégralement ou partiellement le forfait prévu par la loi, tel que sollicité par elle dans sa requête introductive d’instance, sous peine d’excéder le cadre de sa compétence.
Il est constant qu’en vertu des dispositions de l’article 5 (1) du règlement grand-ducal modifié du 23 octobre 1980 portant exécution de l’article 107, alinéa 6 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu “ le contribuable ayant opté pour la déduction forfaitaire, peut y renoncer et repasser dans la suite à la déduction des frais d’obtention effectifs avec perte toutefois du droit d’opter de nouveau pour la déduction forfaitaire endéans une période de 15 années suivant celle de la renonciation ”.
S’il est bien vrai que la rigueur objective peut se concevoir en une iniquité de l’imposition en elle-même (cf. trib. adm. 7 mai 1997, Wammer, n°9538, Pas. adm. 1/99, v° impôt, n° 66), et que dans ce cas la décision sur l’existence d’une rigueur objective doit tendre à aboutir à la solution que le législateur aurait prise s’il avait eu à réglementer la situation sous examen, il n’en demeure pas moins qu’une demande de remise gracieuse s’analyse également et exclusivement en une pétition du contribuable d’être libéré, sur base de considérations tirées de l’équité, de l’obligation de régler une certaine dette fiscale et ne comporte ainsi aucune contestation de la légalité de la fixation de cette même dette.
Dans la mesure où la partie demanderesse a précisé tant dans sa demande de remise gracieuse adressée au directeur que dans sa requête introductive d’instance contentieuse qu’elle n’entend pas contester la légalité de la disposition réglementaire qui constitue la base légale du refus de lui accorder le régime forfaitaire sollicité, et que par ailleurs une critique ayant trait à l’imposition même est étrangère à la matière gracieuse, l’argument de la demanderesse suivant lequel l’intention du législateur n’aurait pas été d’empêcher le contribuable ayant renoncé à la déduction forfaitaire d’y opter à nouveau pendant une période de 15 ans, se heurte aux termes clairs et précis employés par le législateur à cet égard, tout comme il est étranger au présent litige.
La voie gracieuse ayant en dernière analyse pour objet d’assurer l’égalité des citoyens devant l’impôt selon l’article 101 de la Constitution (cf. trib. adm. 12 janvier 1999, Kayser, n° 10802 du rôle), le moyen ayant trait à l’erreur d’appréciation dans le chef de la demanderesse des conséquences légales de la renonciation au forfait par elle opérée en 1995, n’est pas non plus de nature à énerver le bien-fondé de la décision déférée, alors que l’erreur, fût-elle compréhensible, est concevable dans le chef de tout contribuable, de sorte qu’elle ne saurait valoir à l’imposition en cause le caractère inéquitable requis pour qualifier une rigueur objective dans le chef de la demanderesse.
La décision de renoncer au régime de déduction forfaitaire relevant en effet du libre arbitre du contribuable, une erreur d’appréciation y relative ne constitue pas non plus une rigueur subjective face à l’impôt échu, à moins que la faculté contributive de l’intéressé n’ait été affectée de façon dirimante, circonstance que la demanderesse reste en défaut d’établir en l’espèce.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation laisse d’être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en réformation en la forme;
au fond le dit non justifié et en déboute;
déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;
laisse les frais à charge de la demanderesse.
Ainsi jugé par:
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge et lu à l’audience publique du 21 juillet 1999 par Madame le premier juge, déléguée à ces fins, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
Schmit Delaporte