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21/07/1999 | LUXEMBOURG | N°10999

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juillet 1999, 10999


N° 10999 du rôle Inscrit le 30 novembre 1998 Audience publique du 21 juillet 1999

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Recours formé par M. … TIENTCHEU, … (F) contre deux décisions du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’homologation des titres et grades étrangers

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 1998 par Maître Joseph HANSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à L

uxembourg, assisté de Maître Vincent ISITMEZ, avocat, inscrit audit tableau, au nom de Monsieur … T...

N° 10999 du rôle Inscrit le 30 novembre 1998 Audience publique du 21 juillet 1999

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Recours formé par M. … TIENTCHEU, … (F) contre deux décisions du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’homologation des titres et grades étrangers

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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 1998 par Maître Joseph HANSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Vincent ISITMEZ, avocat, inscrit audit tableau, au nom de Monsieur … TIENTCHEU, étudiant, demeurant à F-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du « 10 novembre 1998 et pour autant que de besoin contre une décision en date du 6 juillet 1998 ayant refusé d’homologuer son diplôme de Maîtrise en droit privé, mention droit des affaires, obtenu à l’Université Robert Schuman - Faculté de droit de Strasbourg »;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur en date du 24 mars 1999;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement en date du 20 avril 1999;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Vincent ISITMEZ et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … TIENTCHEU, né le …, de nationalité française, demeurant à F-…, obtint son baccalauréat au Cameroun en 1986.

Il entama ensuite des études de droit en France et, le 1er décembre 1993, l’Université Robert Schuman de Strasbourg lui délivra un diplôme de maîtrise en droit privé, mention droit des affaires.

En juin 1998, il s’adressa au ministre luxembourgeois de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, ci-après appelé le « ministre », pour solliciter l’homologation dudit diplôme, dans le but de s’inscrire aux cours complémentaires en droit luxembourgeois.

Par lettre du 6 juillet 1998, le ministre déclara sa demande en homologation de son diplôme irrecevable au motif que « je me permets d’attirer votre attention sur l’article 2 du règlement grand-ducal du 18 décembre 1970 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers qui stipule que « Nul ne pourra présenter à l’homologation un diplôme final d’enseignement supérieur étranger sanctionnant des études en droit, s’il n’est pas titulaire d’un certificat de fin d’études secondaires, luxembourgeois ou étranger reconnu équivalent suivant la réglementation luxembourgeoise en vigueur ».

La décision d’équivalence requise est prise par la Ministre de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle sur la base de la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires, signée à Paris le 11 décembre 1953 et ratifiée par la loi luxembourgeoise du 13 décembre 1954. La République du Cameroun n’ayant pas signé cette Convention, la Ministre de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle ne dispose actuellement d’aucune base légale ni réglementaire pour arrêter la reconnaissance d’un diplôme camerounais ».

Suite à un recours gracieux introduit le 15 septembre 1998 par le mandataire de Monsieur TIENTCHEU, le ministre confirma, par lettre du 10 novembre 1998, sa décision initiale. Ladite décision confirmative est motivée comme suit:

« (…) Je ne puis que confirmer ma décision antérieure de refus, à savoir que la réglementation luxembourgeoise ne permet d’accorder des décisions d’équivalence de diplômes de fin d’études secondaires étrangers au diplôme luxembourgeois que sur base de la Convention de Paris du 11 décembre 1953.

Or, une telle reconnaissance d’équivalence constitue le préalable pour l’homologation d’un diplôme universitaire en droit.

Dans le cas de votre mandant, une reconnaissance d’équivalence n’est pas possible alors que l’Etat où a été délivré son diplôme de fin d’études secondaires n’est pas signataire de cette Convention.

Le Protocole additionnel à la Convention n’est pas applicable en l’espèce; alors que le diplôme en question n’a pas été délivré par un établissement encouragé officiellement par la France hors de son territoire comme l’exige l’article 1er, paragraphe I du Protocole.

En effet, d’après nos renseignements recueillis auprès du Conseil de l’Europe, la France n’a pas communiqué de liste des établissements encouragés officiellement par elle hors de son territoire, où figurerait un établissement du Cameroun. (…) ».

Par requête déposée le 30 novembre 1998, Monsieur TIENTCHEU a introduit un recours en annulation contre les deux décisions précitées du ministre des 6 juillet et 10 novembre 1998.

Le demandeur soulève en premier lieu la violation de la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes du 11 décembre 1953 et de son Protocole additionnel du 3 juin 2 1964. - Le demandeur estime que le fait que le Cameroun n’est pas signataire de ladite convention serait indifférent. Dans ce contexte, il relève, d’une part, sa nationalité française et soutient que le baccalauréat camerounais serait officiellement admis en équivalence en France depuis un arrêté du secrétaire d’Etat français aux universités du 10 mars 1977 et, d’autre part, que son baccalauréat camerounais aurait été admis en équivalence par décision 7 septembre 1998 du recteur de l’académie de Strasbourg.

En ordre subsidiaire, il soutient que la décision ministérielle de refus constituerait une discrimination dissimulée en violation des articles 7, 48, 59 et 128 du traité instituant la Communauté économique européenne et des directives communautaires 89/48/CE et 92/51/CE, ainsi que de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes en matière de liberté de circulation et d’établissement. Elle serait en outre contraire aux principes généraux du droit communautaire et notamment au principe d’égalité de traitement.

Le délégué du gouvernement relève que le ministre ne s’est pas prononcé sur l’homologation du diplôme en droit du demandeur, mais qu’il a déclaré irrecevable la demande d’homologation, au motif que le demandeur n’était pas en mesure de présenter un diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois ou un diplôme étranger reconnu équivalent. Il en déduit que le litige porterait donc en fait sur une décision de refus d’équivalence d’un diplôme camerounais de fin d’études secondaires, ce refus ayant conduit à l’irrecevabilité de la demande d’homologation.

Concernant le moyen d’annulation tiré de la violation de la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes du 11 décembre 1953, il soutient que ladite convention ne créerait que des obligations réciproques entre les Etats signataires et si un Etat signataire reconnaîtrait unilatéralement des diplômes d’un pays tiers, une telle reconnaissance ne pourrait pas s’imposer aux autres Etats signataires.

Il soutient encore que les dispositions du Protocole additionnel du 3 juin 1964 à la prédite convention ne seraient pas applicables en l’espèce, au motif que le diplôme camerounais en question n’aurait pas été délivré par un établissement encouragé officiellement par la France hors de son territoire comme exigé par l’article premier, paragraphe 1, dudit Protocole.

Etant rappelé qu’au fond le litige porterait sur la reconnaissance d’équivalence d’un diplôme délivré au Cameroun, c’est-à-dire d’un Etat non membre de l’Union européenne, les dispositions du droit communautaire seraient inapplicables en l’espèce.

Par ailleurs, il ne saurait être question d’une discrimination en la présente affaire dès lors que les étrangers seraient placés sur un pied d’égalité avec les Luxembourgeois, les dispositions nationales s’appliquant indistinctement aux uns et aux autres.

Enfin, il ne se poserait aucune question de droit d’établissement des avocats, au double motif que la « directive avocats » n’était pas en vigueur au moment où les décisions litigieuses ont été prises et que le demandeur n’a pas sollicité l’équivalence de son diplôme sur base de la directive précitée 89/48/CE.

Dans sa réplique, le demandeur, tout en reprenant et développant ses moyens initiaux, conteste l’allégation suivant laquelle la France n’aurait pas communiqué de liste au secrétariat 3 du Conseil de l’Europe. Par ailleurs, il relève que le dépôt d’une pareille liste ne constituerait qu’une formalité administrative secondaire, qui ne saurait faire échec à l‘économie générale du Protocole, lequel imposerait aux parties contractantes de reconnaître les diplômes qu’une autre partie assimile aux siens.

Il soutient encore qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir sollicité l’équivalence de son diplôme sur base de la directive précitée 89/48/CE dès lors que « c’est le Gouvernement qui arrête la procédure à suivre en matière d’homologation dans le cadre des inscriptions aux cours complémentaires en droit luxembourgeois, de sorte que le requérant n’a jamais eu le choix de la procédure à suivre en la matière ». - Enfin, il aurait « néanmoins sollicité l’application des dispositions de la directive précitée dans son recours en annulation ».

Dans sa duplique, le délégué du gouvernement soutient que le demandeur confondrait les deux voies d’accès qui existent pour accéder au barreau, d’une part l’accès via l’accomplissement de cours complémentaires en droit, dont l’inscription se ferait sur production d’un diplôme final en droit homologué par le ministre, et la voie alternative donnée par la directive 89/48/CE, transposée en droit luxembourgeois par une loi du 10 août 1991 en ce qui concerne la profession d’avocat. En l’espèce, le ministre n’aurait pas imposé la première procédure au demandeur, comme soutenu par ce dernier, mais ce serait lui seul qui aurait délibérément opté pour la seule première voie.

Le recours, non autrement contesté sous ce rapport, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Avant d’analyser les moyens et arguments développés par les parties à l’instance, il convient de situer le cadre juridique du présent litige.

Il est constant en cause que le demandeur, titulaire d’un diplôme de maîtrise en droit délivré par l’Université Robert Schuman de Strasbourg, s’est adressé au ministre luxembourgeois compétent pour solliciter l’homologation dudit diplôme dans le but de s’inscrire aux cours complémentaires en droit luxembourgeois en vue d’accéder à la profession d’avocat. Le demandeur n’est pas titulaire d’un diplôme qui lui donne accès direct au barreau en France, c’est-à-dire d’un diplôme lui permettant d’y accéder directement et d’exercer la profession d’avocat, mais qu’il y devrait poursuivre une formation professionnelle supplémentaire en vue de ce faire. Mais plutôt que de ce faire en France, il a opté pour la poursuite de sa formation professionnelle au Luxembourg afin d’accéder à ladite profession.

Au Luxembourg, la formation post-universitaire requise pour accéder à la profession d’avocat est organisée par le règlement grand-ducal modifié du 21 janvier 1978 portant organisation du stage judiciaire et réglementant l’accès au notariat. En l’espèce, il s’agit de se référer à la teneur dudit règlement grand-ducal avant sa modification par règlement grand-

ducal du 8 avril 1999, entré en vigueur le 1er mai 1999.

L’article 4 dudit règlement grand-ducal de 1978 dispose que « (…) l’inscription aux cours [complémentaires] a lieu sur demande à adresser au Ministre de l’Education nationale.

Pour être admis, il faut avoir obtenu l’homologation du grade étranger d’enseignement supérieur conformément au règlement grand-ducal du 18 décembre 1970 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en droit ainsi que la transcription de cette 4 homologation conformément à l’article 6 de la loi du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades d’enseignement supérieur ».

Aux termes de l’article 2 du règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1970 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en droit « nul ne pourra présenter à l’homologation un diplôme final d’enseignement supérieur étranger sanctionnant des études en droit, s’il n’est pas titulaire d’un certificat de fin d’études secondaires, luxembourgeois ou étranger reconnu équivalent suivant la réglementation luxembourgeoise en vigueur ».

Le règlement grand-ducal précité du 18 décembre 1970 a été pris sur base des articles 4 et 12 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur.

En effet, aux termes de l’article 4, premier alinéa, de la loi précitée du 18 juin 1969 « l’homologation ne pourra être accordée que si les études supérieures des postulants et leurs diplômes ou titres d’examens finaux étrangers répondent à certains critères généraux, à établir par règlement grand-ducal pour chaque discipline. (…) ». - Le quatrième alinéa dudit article 4 dispose que « nul ne pourra présenter à l’homologation un diplôme final d’enseignement supérieur étranger, s’il n’est pas titulaire d’un certificat de fin d’études secondaires, luxembourgeois ou étranger reconnu équivalent suivant la réglementation luxembourgeoise en vigueur ».

Il convient de préciser que la loi du 20 avril 1977 modifiant la loi du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur a notamment ajouté un sixième alinéa à l’article 4 précité, aux termes duquel « un règlement grand-ducal peut déterminer la procédure et les conditions d’une reconnaissance d’équivalence au certificat luxembourgeois de fin d’études secondaires des diplômes étrangers correspondants délivrés par des pays qui n’ont pas adhéré à la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires, signée à Paris le 11 décembre 1953 et approuvée par la loi du 13 décembre 1954 ». - Il ressort des documents parlementaires relatifs à ladite loi de 1977 que « (…) la condition préalable indispensable à la présentation d’une demande d’homologation est d’être titulaire d’un diplôme de fin d’études secondaires. Si ce diplôme a été obtenu à l’étranger, il faut qu’il soit reconnu équivalent au certificat de fin d’études secondaires luxembourgeois suivant la réglementation luxembourgeoise en vigueur. La réglementation en vigueur découle de la "Convention européenne relative à l'équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires" (Convention de Paris) signée le 11 décembre 1953 (…). Il n'y a donc pas de réglementation pour les diplômes délivrés par les pays non-membres du Conseil de l'Europe » (doc. parl. n°20561, rapport de la commission de l'Education Nationale et des Affaires Culturelles, p. 3). « Cette lacune rend irrecevables, aux termes de l’alinéa 4 de l’article 4 de la loi du 18 juin 1969, les demandes en homologation des personnes, de nationalité luxembourgeoise ou étrangère, titulaires d’un certificat de fin d’études émis par un pays qui n’a pas adhéré à la Convention de Paris (…) » (doc. parl. n°2056, exposé des motifs, p.4). - Il convient cependant de constater que jusqu’à ce jour, aucun règlement grand-

ducal n’a encore été pris sur base de ladite disposition habilitante.

Concernant le moyen d’annulation tiré de la violation de la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes du 11 décembre 1953, ratifiée par une loi du 13 décembre 1954 et entrée en vigueur le 12 janvier 1955, ci-après dénommée la « Convention de Paris », 5 laquelle pose dans son article 1er, paragraphe premier, l’obligation pour chaque partie contractante de reconnaître aux diplômes délivrés sur le territoire des autres parties contractantes la même qualification que celle qui y est attachée dans le pays d’origine, il convient de constater que le Cameroun n’a pas adhéré à la Convention de Paris, de sorte que les diplômes délivrés par le Cameroun ne tombent pas dans le champ d’application de la dite convention.

Le moyen tiré de la violation du Protocole additionnel à la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires, signé à Strasbourg, le 3 juin 1964, approuvé par une loi du 19 juin 1965, entré en vigueur le 30 décembre 1965 et l’argumentation fondée sur ce que, d’une part, en général, le baccalauréat camerounais serait officiellement admis en équivalence en France depuis un arrêté du secrétaire d’Etat français aux universités du 10 mars 1977 et, d’autre part, en particulier, l’admission en équivalence de son baccalauréat camerounais aurait été confirmée par décision du recteur de l’académie de Strasbourg en date du 7 septembre 1998 ne sont pas non plus fondés. - En effet, s’il est vrai que le Protocole additionnel dispose dans son article 1er que « toute Partie Contractante reconnaît, pour l’admission aux universités situées sur son territoire, lorsque cette admission est soumise au contrôle de l’Etat, l’équivalence des diplômes délivrés par les établissements qu’une Partie Contractante encourage officiellement hors de son territoire et dont Elle assimile les diplômes à ceux délivrés sur son territoire », il n’en reste pas moins que l’obligation en découlant pour les Etats signataires est conditionnée par l’article 2 qui précise que « chaque Partie Contractante communiquera au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe une liste des établissements encouragés officiellement par Elle hors de son territoire, qui délivrent des diplômes conférant la qualification requise pour être admis dans les universités situés sur son territoire ». Or, comme il ressort d’une information délivrée le 20 avril 1999 par la « Higher Education and Research Section, Education Department, Directorate of Education, Culture and Sport » du Conseil de l’Europe, suite à une demande afférente du 7 avril 1999 du ministre, la France n’a pas déposé de « liste d’établissements encouragés officiellement ». Par conséquent, à défaut d’avoir communiqué, en bonne et due forme, au secrétaire général du Conseil de l’Europe la liste des établissements que la France encourage officiellement, l’autonomie du Grand-Duché de Luxembourg quant à la faculté d’acceptation sur son territoire des diplômes qui sont délivrés dans un Etat tiers reste complète et le Grand-Duché ne saurait être obligé de reconnaître un diplôme délivré dans un Etat tiers en raison du seul fait qu’un autre pays signataire ou pays ayant adhéré à la Convention de Paris, usant de la même faculté, a volontairement et unilatéralement reconnu ledit diplôme.

Le tribunal est encore appelé à examiner le moyen du demandeur tiré de la violation du droit communautaire, notamment des articles 7, 48, 59 et 128 du traité instituant la Communauté économique européenne et des directives communautaires 89/48/CE et 92/51/CE, en ce que les décisions attaquées et, par ricochet, leur base légale, à savoir l’article 2 du règlement grand-ducal précité du 18 décembre 1970 s’analyseraient en une discrimination dissimulée des ressortissants des autres Etats membres.

Le traité instituant la Communauté économique européenne prohibe les discriminations exercées en raison de la nationalité (article 7 du traité). Les articles 48, en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs salariés à l’intérieur de la Communauté, 52 et 59, en ce qui concerne le droit d’établissement et la libre prestation de services ont notamment pour objet de mettre en oeuvre le principe fondamental de non-discrimination et l’article 57 dudit traité prévoit l’adoption d’instruments juridiques « visant à la reconnaissance mutuelle des 6 diplômes, certificats et autres titres », afin de garantir l’exercice effectif de la libre circulation professionnelle.

C’est en application du prédit article 57 que le Conseil des Ministres de l’U.E. a pris les deux directives invoquées par le demandeur, à savoir la directive n° 89/48 du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, entrée en vigueur le 4 janvier 1991 et transposée en droit luxembourgeois par une loi du 13 août 1992, complétée par deux règlements grand-ducaux des 2 juin 1994 et 16 avril 1996, étant précisé que, pour ce qui concerne la profession d’avocat, le Luxembourg a adopté en outre une mesure de mise en oeuvre spécifique de la directive, laquelle a été transposée par la loi du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, et la directive n° 92/51 du 18 juin 1992, relative à un système de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive n° 89/48, entrée en vigueur le 18 juin 1994 et transposée en droit luxembourgeois par règlements grand-

ducaux des 2 juin 1994 et 16 avril 1996.

Le tribunal doit en premier lieu examiner la question de savoir si le demandeur est en droit d’invoquer les garanties accordées par le droit communautaire et les systèmes de reconnaissance des diplômes susvisés.

Il est constant en cause que le demandeur en tant que ressortissant d’un Etat membre de l’Union Européenne, en l’occurrence la France, qui entend se déplacer sur le territoire d’un autre Etat membre de l’U.E., en l’occurrence le Grand-Duché de Luxembourg, bénéficie, en principe, de la libre circulation et, de ses corollaires, les mesures visant à en faciliter l’exercice.

Il convient ensuite d’analyser le champ d’application des deux directives précitées n° 89/48 du 21 décembre 1988 et n° 92/51 du 18 juin 1992, qui instituent, la première, un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur et, la deuxième, un système général complémentaire. Abstraction faite de toutes autres considérations et différences entre les systèmes général et complémentaire, force est de constater que si les deux directives visent effectivement à garantir la libre circulation professionnelle et, par conséquent, des mesures tendant à en faciliter l’usage, il convient de ne pas perdre de vue que leur champ d’application est limité aux diplômes qui préparent à l’accès et à l’exercice d’une profession déterminée, c’est-à-dire aux diplômes qui répondent aux exigences minimales de formation pour l’accès à une profession dans l’Etat de délivrance du diplôme.

Dans ce contexte, il convient de citer Madame Hildegard SCHNEIDER, « Die Anerkenung von Diplomen in der Europäischen Gemeinschaft », Ius Commune - Metro, p.

172, selon laquelle: « Aus dem Diplom muss desweiteren hervorgehen, "dass der Zeugnisinhaber über die beruflichen Voraussetzungen verfügt, die für den Zugang zu einem reglementierten Beruf oder dessen Ausübung in diesem Mitgliedstaat erforderlich sind, wenn die durch das Diplom, Prüfungszeugnis oder einen sonstigen Befähigungsnachweis bescheinigte Ausbildung überwiegend in der Gemeinschaft erworben wurde" (…). Ist in einem Mitgliedstaat der Zugang zum Beruf zusätzlich von einer an die Prüfung anschliessenden einführenden Tätigkeit unter Anleitung einer Person, die den vollen Berufstatus hat, abhängig, ist erst mit dem Zeugnis über den Abschluss dieser einführenden Tätigkeit " die über das Studium hinaus erforderliche Ausbildung" abgeschlossen. Man spricht in diesem Zuammenhang von dem sogenannten "Endprodukt". Ein typisches Beispiel für ein "Endprodukt" ist der Beruf des Rechtsanwalts. In nahezu allen Mitgliedstaaten bedarf der 7 Rechtsanwalt zur Zulassung nicht nur den Nachweis seiner akademischen Qualifikation, sondern auch eine Bescheinigung der praktischen Ausbildung [selon une note en bas de page -

« Eine Ausnahme gilt lediglich für Spanien »]. (…) Der Inhaber eines Universitätsdiploms, ohne die anschliessende für die Ausübung eines bestimmten Berufes geforderte Praxisausbildung, fällt daher nicht unter den Anwendungsbereich der Richtlinie [89/48/CE], da er nicht als Endprodukt qualifiziert werden kann ».

En l’espèce, à défaut d’être titulaire d’un diplôme donnant accès direct à la profession d’avocat, les directives ne sont pas applicables et les moyens et arguments afférents sont à écarter, de même que sont à écarter comme non fondés les moyens, non autrement développés, tirés de la violation des articles 48, 59 et 128 du traité instituant la Communauté économique européenne.

Il convient encore d’analyser plus spécifiquement le moyen d’annulation tiré de la violation de l’article 7 du traité instituant la Communauté économique européenne qui pose la règle générale prohibant toute discrimination fondée sur la nationalité. En effet, si, comme il a été relevé ci-avant, les articles 48, 52 et 59 du traité instituant la Communauté économique européenne (pour les domaines respectifs de la libre circulation des travailleurs salariés, du droit d’établissement et de la libre prestation de services), ainsi que les directives susvisées ont notamment pour objet d’assurer une mise en oeuvre spécifique du principe fondamental prévu par ledit article 7, le champ d’application de ce dernier dépasse ce cadre restreint et il a vocation à s’appliquer de façon autonome, pour interdire en général toutes les pratiques discriminatoires en raison de la nationalité.

Le moyen consiste en substance à soutenir que la condition préalable indispensable à la présentation d’une demande d’homologation fixée par l’article 2 du règlement grand-ducal précité du 18 décembre 1970, à savoir qu’il faut être titulaire d’un certificat de fin d’études secondaires, luxembourgeois ou étranger reconnu équivalent suivant la réglementation luxembourgeoise en vigueur serait contraire à l’article 7 précité.

Ledit moyen manque cependant de fondement, dès lors que l’exigence posée par ledit article 2 n’a ni pour objet ni pour effet de placer les ressortissants des autres Etats membres dans une situation de fait moins avantageuse que les nationaux, pour la simple raison que l’exigence ainsi posée vise tant les nationaux luxembourgeois que les ressortissants des autres Etats membres, qui sont tous soumis à une égalité de traitement.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et doit être rejeté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

8 condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 21 juillet 1999, par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10999
Date de la décision : 21/07/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-07-21;10999 ?

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