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14/07/1999 | LUXEMBOURG | N°11104

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 1999, 11104


Numéro 11104 du rôle Inscrit le 29 janvier 1999 Audience publique du 14 juillet 1999 Recours formé par Monsieur … PIETRASIK, … contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11104 du rôle, déposée le 29 janvier 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie ERPELDING, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom

de Monsieur … PIETRASIK, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformati...

Numéro 11104 du rôle Inscrit le 29 janvier 1999 Audience publique du 14 juillet 1999 Recours formé par Monsieur … PIETRASIK, … contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11104 du rôle, déposée le 29 janvier 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie ERPELDING, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … PIETRASIK, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 14 octobre 1998 lui refusant le permis de travail pour un emploi de buffetier ainsi que de la décision confirmative du 23 décembre 1998 intervenue sur recours gracieux du 12 novembre 1998;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mars 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juin 1999 par Maître Jean-Marie ERPELDING au nom de Monsieur PIETRASIK;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Marc WALCH, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Au cours de l’année 1996, Monsieur … PIETRASIK, de nationalité polonaise, demeurant actuellement à L-…, fut pris sous contrat par le club de handball d’….

En date du 31 octobre 1996, le ministre du Travail et de l’Emploi délivra à Monsieur PIETRASIK un permis de travail de la catégorie A pour un emploi de buffetier auprès de la société à responsabilité limitée « Café … », valable jusqu’au 31 mai 1997.

Sur demande afférente, ce permis de travail fut prolongé jusqu’au 31 mai 1998 par arrêté ministériel du 2 juin 1997.

Suite à la relégation du club de handball d’… à une division inférieure à la fin de la saison 1997/98, Monsieur PIETRASIK décida d’aller rejoindre les rangs d’un autre club hors des frontières du pays. Il se vit également résilier le contrat de travail le liant à la société « Café … » avec effet au 1er juin 1998.

En réponse à un courrier du ministère du Travail et de l’Emploi rendant attentif à l’expiration en date du 31 mai 1998 du permis de travail en cours, Monsieur X., à la fois associé majoritaire de la société « Café … » et président du club de handball d’…, informa ledit ministère des faits suivants:

« Par la présente, je tiens à vous informer que le ressortissant polonais PIETRASIK … ANDRZEJ d’une part ne travaille plus, à partir du 1 juin courant, au CAFE … SARL à …, et d’autre part ne joue plus en tant que gardien pour les couleurs du HANDBALLCLUB ….

Le salarié, de sa part, n’a plus voulu renouveler le contrat à durée déterminée, de même qu’il a renoncé, à la suite de la relégation du …, de jouer à une division inférieure du championnat.

Le nouvel employeur de PIETRASIK est le CAFE … à … et c’est donc, si nous sommes bien informés, à ce dernier de garantir la caution bancaire requise pour que ce dernier puisse jouer du hand au Luxembourg. Le nouveau club … ne nous est pas connu ».

Par déclaration d’engagement du 24 septembre 1998, parvenue à l’administration de l’Emploi le 5 octobre 1998, la société à responsabilité limitée « … » et Monsieur PIETRASIK sollicitèrent en faveur de ce dernier le permis de travail pour un poste de buffetier sous contrat à durée indéterminée, demande qui fut favorablement avisée par l’administration de l’Emploi en date du 7 octobre 1998, en ce que l’émission d’un permis de la catégorie B fut proposée.

Suivant arrêté du 14 octobre 1998, le ministre rejeta cette demande aux motifs suivants:

« - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place: 45 buffetiers inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur -occupation irrégulière depuis le 01.06.1998 - augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi durant le cinq dernières années: 3.526 en 1993, 4.643 en 1994, 5.130 en 1995, 5.680 en 1996 et 6.357 en 1997 ».

En réaction à un recours gracieux introduit le 12 novembre 1998, le ministre confirma sa décision de refus par courrier du 23 décembre 1998 aux motifs suivants:

2 « En réponse à votre lettre du 12 novembre 1998 dans l’affaire reprise sous rubrique, je suis au regret de vous informer que faute d’éléments nouveaux, je ne me vois pas en mesure de revenir sur ma décision du 14 octobre 1998.

Par ailleurs, je tiens à vous faire savoir que Monsieur PIETRASIK n’a bénéficié d’un permis de travail du 31/101996 au 31/05/1998 qu’en raison de son activité sportive au sein du Handball-Club … et pour lui permettre de mener une vie décente durant son séjour au Grand-Duché de Luxembourg.

Etant donné qu’il résulte d’un courrier du président du Handball-Club … que Monsieur PIETRASIK ne joue plus pour ce club (selon nos informations il joue actuellement pour un club allemand), je ne me vois pas en mesure de lui délivrer une nouvelle autorisation de travail, d’autant plus que des demandeurs d’emploi bénéficiant d’une priorité à l’emploi étaient et sont toujours disponibles ».

A l’encontre des décisions précitées des 14 octobre et 23 décembre 1998, Monsieur PIETRASIK fit introduire un recours en annulation, sinon en réformation par requête déposée le 29 janvier 1999.

Alors même que le tribunal est saisi principalement d’un recours en annulation, il échet d’examiner en premier lieu l’existence d’un recours au fond en la matière, étant donné que celui-ci rendrait le recours principal en annulation irrecevable. Etant donné cependant qu’aucune disposition légale ne prévoit un recours au fond en matière de permis de travail, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation. Le recours principal en annulation est par contre recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur reproche en premier lieu aux décisions attaquées une violation de la loi en ce qu’elles se confineraient à une motivation stéréotype consistant en des formulations générales et abstraites sans tenir compte de sa situation précise et de la spécificité de son travail. Le poste de buffetier consisterait dans le service à la terrasse pendant la saison de forte affluence touristique et impliquerait la manipulation à longueur de journée de lourds tableaux avec des boissons, de sorte que seules des personnes disposant d’un physique fort pourraient soutenir ces efforts pendant des périodes étendues.

D’après le demandeur, la simple référence à la situation du marché de l’emploi ne peut constituer un motif valable de refus, étant donné que les deux permis antérieurs lui avaient été délivrés à une époque où le taux de chômage était déjà pratiquement le même qu’aux dates des décisions attaquées.

Il estime encore que la simple mention de la priorité à l’emploi des ressortissants des pays de l’E.E.E. serait insuffisante, alors qu’aucune personne bénéficiant de cette priorité et susceptible d’occuper ce poste ne se serait encore présenté à la société « Aal Eechternoach » depuis la date de la première décision de refus.

Le demandeur avance encore que le ministre a commis un excès de pouvoir en basant les décisions déférées sur des considérations qui sont manifestement étrangères à la matière. Il résulterait de la décision du 23 décembre 1998 que les permis antérieurs avaient été délivrés en raison de son activité sportive au sein d’un club de handball et afin de lui « permettre de mener une vie décente », sans qu’à ce moment des considérations tirées de la situation du marché de 3 l’emploi n’aient empêché leur octroi. L’émission d’un nouveau permis serait cependant refusée suite à l’information de la part du président du club de handball au ministère concernant son départ de ce même club, malgré le fait qu’il continuait à résider sur le territoire luxembourgeois et que son besoin de mener une vie décente subsisterait toujours. Etant donné qu’une décision de sa part de changer de club sportif représenterait un droit élémentaire, le ministre ne pourrait pas en tirer de conséquence professionnelle, alors que toutes les autres conditions et circonstances sont restées identiques par rapport aux dates des permis de travail précédents.

Le demandeur conclut finalement à un détournement de pouvoir, alors qu’il résulterait des décisions attaquées que le refus du permis de travail n’est pas fondé sur des considérations inhérentes au marché du travail, mais tiendraient uniquement au fait qu’il ne jouerait plus pour une association sportive déterminée. Une telle décision ne procéderait pas du mobile recherché de la réglementation du marché du travail et de sa protection, mais constituerait en réalité un mobile d’ordre purement privé qui n’aurait pas trait à la situation sur le marché de l’emploi.

Une obligation de motivation expresse exhaustive d’un arrêté ministériel de refus de prolongation d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.

l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base.

Dès lors que la motivation expresse d’une décision peut se limiter, conformément à l’article 6 précité, à un énoncé sommaire de son contenu, il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment du refus, quitte à ce que l’administration concernée les complète a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours d’une procédure contentieuse (cf. Cour adm., 13 janvier 1998, Da Rocha Oliveira, n° 10243C, Pas adm. 1/99, v° procédure administrative non contentieuse, n° 25, et autres décisions y citées).

En l’espèce, l’arrêté du 14 octobre 1998 énonce, de façon certes sommaire, cinq motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 prévisé, cette motivation étant utilement complétée par la décision confirmative du 23 décembre 1998, ainsi que par le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement.

Il s’ensuit que le premier moyen laisse d’être fondé.

Les considérations développées par le demandeur quant aux motifs de l’obtention de ses permis antérieurs, quel qu’ait été l’impact de ses activités sportives, telles que présentées, sont étrangères au refus ministériel déféré, étant donné que le ministre est en droit, tout comme lors de la première délivrance d’un permis de travail, d’apprécier s’il y a lieu de le renouveler au vu de la situation, de l’évolution et de l’organisation du marché du travail (cf. doc. parl.

2097, avis du Conseil d’Etat, p. 11, et 20971, rapport de la commission des affaires sociales, p.

1).

4 Il ressort de l’arrêté litigieux du 14 octobre 1998 et du certificat de travail émis par la société « Aal Eechternoach » le 26 octobre 1998 que le demandeur a commencé à travailler comme buffetier auprès de son nouvel employeur le 1er juin 1998, tandis que la déclaration d’engagement afférente n’est parvenue à l’administration de l’Emploi qu’en date du 5 octobre 1998.

Il est bien vrai que le ministre, soutenant que des ressortissants de l’Espace Economique Européen devraient bénéficier d’une priorité à l’emploi par rapport à des ressortissants de pays tiers, doit en principe établir, in concreto, la disponibilité de ressortissants de l’Espace Economique Européen sur place, susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé, et qu’une déclaration de poste vacant qui n’a pas été spécialement et expressément faite peut encore se dégager implicitement de la déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention d’un permis de travail. Par contre, cette dernière déclaration d’engagement doit être déposée en tout cas avant l’entrée en service du travailleur étranger pour laisser à l’administration de l’Emploi un délai raisonnable afin d’assigner utilement des demandeurs d’emploi au poste vacant.

En l’espèce, il est établi que l’employeur n’avait pas l’intention d’engager, le cas échéant, un demandeur d’emploi envoyé par l’administration de l’Emploi, mais qu’il voulait exclusivement engager le demandeur, qui travaillait de manière illégale dans son établissement depuis plusieurs mois au moment où la déclaration d’engagement est parvenue à l’administration de l’Emploi.

L’employeur a ainsi mis l’administration de l’Emploi dans l’impossibilité de lui assigner un quelconque travailleur disponible inscrit auprès de ses bureaux et d’établir ainsi la disponibilité concrète de demandeurs d’emploi appropriés sur place. On ne saurait dès lors reprocher à l’administration de l’Emploi de ne pas avoir assigné de candidat à l’employeur et de ne pas avoir rapporté la preuve de la disponibilité concrète de main-d’oeuvre susceptible d’occuper le poste de buffetier. En effet, le poste était déjà occupé par le demandeur et l’employeur n’avait pas l’intention d’engager une autre personne pour l’occuper.

Les refus ministériels des 14 octobre et 23 décembre 1998 se justifient ainsi par ce seul motif, de sorte que le recours laisse d’être fondé et que l’analyse des autres moyens à l’encontre de l’arrêté attaqué devient surabondante.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, reçoit le recours principal en annulation en la forme, au fond le non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

5 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 1999 par:

M DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11104
Date de la décision : 14/07/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;1999-07-14;11104 ?

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