Numéro 11027 du rôle Inscrit le 14 décembre 1998 Audience publique du 14 juillet 1999 Recours formé par Madame Mersiha ADROVIC-HAJDARPASIC, Luxembourg contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail
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Vu la requête, inscrite sous le numéro 11027 du rôle, déposée le 14 décembre 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland MICHEL, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame Mersiha ADROVIC-
HAJDARPASIC, demeurant à L-1540 Luxembourg, 21, rue Benjamin Franklin, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 13 octobre 1998 rejetant sa demande en obtention d’un permis de travail;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mars 1999;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 1999 par Maître Roland MICHEL au nom de Madame ADROVIC-HAJDARPASIC;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Roland MICHEL, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.
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Depuis le 15 janvier 1996, Madame Mersiha ADROVIC-HAJDARPASIC, demeurant à L-1540 Luxembourg, 21, rue Benjamin Franklin, bénéficie d’un permis de travail de la catégorie B pour un emploi d’ouvrière auprès de la société UTOPIA S.A., valable jusqu’au 14 janvier 2000.
En date du 1er juin 1997, elle fut engagée par la société à responsabilité limitée PROINTEE en qualité d’assistante juridique. Par courrier du 25 juin 1998, cette société licencia la demanderesse en raison de sa mise en liquidation annoncée.
Par déclaration d’engagement du 17 juillet 1998, la société PROINTEE et Madame ADROVIC-HAJDARPASIC sollicitèrent un permis de travail en faveur de cette dernière pour un emploi d’assistante juridique, tout en indiquant comme date d’entrée en service prévue le 1er juin 1997.
Le ministre rejeta cette demande par lettre du 13 octobre 1998 aux motifs suivants:
« 1) Depuis le 15 janvier 1996 vous êtes titulaire d’une autorisation de travail de type B qui vous autorise à travailler comme ouvrière auprès de la S.A. UTOPIA. Cette autorisation, valable jusqu’au 14 janvier 2000, vous confère le droit de changer d’employeur mais non de profession.
Or, il résulte de la déclaration d’engagement du 17 juillet 1998 que vous avez été engagée par la S.A.R.L. PROINTEE non comme ouvrière mais comme assistante juridique. Vous avez dès lors changé de profession sans autorisation préalable et sans que la S.A.R.L. PROINTEE ait déclaré préalablement la vacance de poste à l’Administration de l’Emploi, conformément à l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972.
2) En affirmant en date du 17 juillet 1998 que votre engagement était à durée « indéterminée » vous avez fait une fausse déclaration puisqu’il résulte de notre dossier que vous avez été licenciée en date du 25 juin 1998.
Pour les raisons invoquées ci-avant, je ne me vois pas en mesure de délivrer l’autorisation sollicitée d’autant plus que des demandeurs d’emploi bénéficiant de la priorité à l’emploi et susceptibles d’occuper le poste d’assistant juridique étaient et sont toujours disponibles sur place ».
A l’encontre de cette décision de refus, la demanderesse fit introduire un recours en annulation par requête déposée le 14 décembre 1998.
Le délégué du Gouvernement oppose en premier lieu le moyen d’irrecevabilité tiré du libellé obscur de la requête en ce qu’elle se référerait à une décision du ministre de la Justice portant refus de l’indemnité de chômage en faveur de la demanderesse.
Il est bien vrai que, d’après la formulation de son dispositif, la requête tend à voir « annuler la décision du Ministre de la Justice du 13 octobre 1998 refusant à la requérante les bénéfices des indemnités de chômage ». Dans la mesure cependant où une copie de la décision déférée au tribunal, à savoir celle du 13 octobre 1998 émanant du ministre du Travail et de l’Emploi et refusant un permis de travail à la demanderesse, a été insérée dans le corps de la requête et qu’elle a été correctement visée à la première page de la requête, laquelle comporte une argumentation à l’encontre de cette même décision, il y a lieu d’admettre, au-
delà de toute considération liée au soin de la rédaction et de la présentation du recours, que la partie défenderesse n’a pu se méprendre sur l’identité et la teneur exacte de la décision visée par le recours contentieux, étant donné notamment que le délégué du Gouvernement a répondu en connaissance de cause et a pu exposer et produire tels arguments et pièces que la défense 2 des droits et intérêts de l’Etat lui a fait considérer comme nécessaires ou utiles. Il s’ensuit que ce moyen d’irrecevabilité est à écarter.
Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Quant au fond, la décision déférée énonce comme premier motif de refus un changement de profession non préalablement autorisé dans le chef de la demanderesse, étant donné que le permis de travail de la catégorie B lui délivré le 15 janvier 1996 autoriserait un changement d’employeur, mais non pas un changement de profession.
La demanderesse se fonde sur sa résidence au Luxembourg depuis 1992 pour soutenir que, suite à sa demande introduite le 17 juillet 1998, l’administration aurait dû lui délivrer un permis de travail de la catégorie C en raison de sa durée de résidence au pays supérieure à cinq ans.
Il est vrai que l’article 3 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-
Duché de Luxembourg dispose que « peuvent obtenir le permis C: 1. les travailleurs justifiant d’une résidence et occupation ininterrompues d’au moins cinq ans dans le Grand-Duché ». Il ressort néanmoins du libellé de cette disposition qu’elle confère à l’administration la faculté de délivrer un tel permis de travail, dont elle est appelée à faire usage en vertu d’un pouvoir d’appréciation, mais qu’elle ne consacre aucunément au travailleur concerné un droit à l’octroi automatique d’un tel permis dès lors qu’il peut se prévaloir d’une durée de résidence dépassant cinq ans. En l’absence d’éléments invoqués tendant à établir une erreur manifeste d’appréciation en l’espèce, le premier moyen laisse en conséquence d’être fondé.
La demanderesse reproche en deuxième lieu à la décision en cause de lui avoir imputé la faute de l’absence de déclaration préalable de vacance de poste, alors qu’un tel manquement ne saurait exister que dans le chef de l’employeur.
Il résulte des dispositions de l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 qu’un travailleur étranger doit être muni d’un permis de travail pour occuper un poste et qu’une déclaration préalable de ce poste à l’administration de l’Emploi, même faite par l’employeur, doit être dûment contresignée par le travailleur étranger concerné. Ce texte impose ainsi à l’employeur et au travailleur une obligation déclarative conjointe, de sorte que les deux peuvent se voir opposer les conséquences légales d’un manquement y relatif. Il est constant que la demanderesse a été engagée le 1er juin 1997 et que la déclaration d’engagement ne date que du 17 juillet 1998. En l’absence d’une déclaration d’engagement préalable, l’administration a dès lors été mise dans l’impossibilité d’assigner à la société PROINTEE d’autres demandeurs d’emploi et de prouver ainsi la disponibilité concrète sur place de travailleurs bénéficiant de la priorité à l’emploi consacrée par les textes communautaires et les dispositions luxembourgeoises d’application. Cette circonstance, partiellement imputable à la demanderesse, constitue à elle seule un fondement suffisant pour refuser le permis de travail sollicité pour le poste en cause.
Il s’ensuit que la décision litigieuse du 13 octobre 1998 se justifie par le premier motif y énoncé, de sorte que l’examen des autres moyens du demandeur devient superflu et que le recours est à rejeter.
3 PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 1999 par:
M DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.
Schmit Delaporte 4