N° 10955 du rôle Inscrit le 15 octobre 1998 Audience publique du 14 juillet 1999
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Recours formé par Madame … SCHON, épouse …, …, contre une décision du directeur de l'administration des Contributions directes et une décision confirmative du ministre des Finances en matière de promotion
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Vu la requête déposée le 15 octobre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Monique WATGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … SCHON, épouse …, receveur principal au bureau de recette des Contributions de …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l'administration des Contributions directes du 18 mars 1998 par laquelle la candidature de Monsieur X., inspecteur des contributions, demeurant à L-…, pour le poste du grade 12 vacant au bureau d'imposition Luxembourg …, fut retenue par préférence à celle de la demanderesse, et de la décision confirmative prise le 13 juillet 1998 par le ministre des Finances comme suite à un recours gracieux;
Vu l'exploit de l'huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 19 octobre 1998, portant signification dudit recours à Monsieur X., préqualifié;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 avril 1999;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 avril 1999 au nom de la demanderesse;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé le 10 juin 1999;
Vu les pièces versées et notamment les décisions critiquées;
Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Monique WATGEN et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.
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Le 3 mars 1998, Madame … SCHON, épouse …, , demeurant à L-…, receveur principal au bureau de recette des Contributions de …, emploi classé au grade 11 du cadre fermé, posa sa candidature pour le poste du grade 12 vacant au bureau d'imposition Luxembourg … 2 Le 18 mars 1998, le directeur des Contributions lui notifia la copie d'un courrier adressé à Monsieur X., inspecteur des contributions, informant ce dernier que sa candidature pour le poste vacant avait été retenue et que l'arrêté grand-ducal de nomination à la fonction d'inspecteur principal lui parviendrait ultérieurement.
Par lettre du 24 mars 1998, Madame SCHON exerça un recours gracieux auprès du ministre des Finances contre la prédite décision, en se prévalant de son meilleur classement au tableau d'avancement.
Le ministre lui répondit le 13 juillet 1998 qu'il estimait que le directeur des Contributions, en considérant l'ancienneté de grade pour prendre sa décision, avait agi en conformité avec la réglementation existant en la matière et qu'il confirmait partant la décision de celui-ci.
Par requête du 15 octobre 1998, Madame SCHON a introduit un recours en réformation, et subsidiairement en annulation contre les décisions respectives du directeur des Contributions du 18 mars 1998 et du ministre des Finances du 13 juillet 1998.
Recevabilité Le tribunal a soulevé d'office la question de la recevabilité de la demande au vu du problème de l'épuisement du recours gracieux suite à la saisine du ministre des Finances, ceci au vu de la solution retenue par un arrêt de la Cour administrative du 18 mai 1999 (N° 10985C du rôle, Feidt), qui a déclaré prématuré un recours introduit par une fonctionnaire de l'administration des Contributions directes contre une décision du directeur des Contributions ayant préféré la candidature d'un autre fonctionnaire pour une promotion, au motif que le ministre des Finances, saisi d'un recours gracieux par la fonctionnaire écartée, n'avait pas de compétence en la matière, aucune disposition légale n'attribuant un pouvoir hiérarchique au ministre des Finances en matière de changement d’affectation des fonctionnaires de l'administration des Contributions, et qui a renvoyé le dossier en question devant le directeur des Contributions en prosécution de cause.
Il est constant en cause que l'objet du présent litige est une promotion, c'est-à -
dire la nomination à un poste hiérarchiquement supérieur d'un fonctionnaire de l'administration des Contributions par préférence à un autre qui se sent lésé dans ses droits par cette mesure.
En vertu de l'article 15 de la loi modifiée du 17 avril 1964 portant réorganisation de l'administration des contributions directes et des accises, le pouvoir de nomination des fonctionnaires de l'administration des Contributions au-delà du grade 7 de la carrière moyenne du rédacteur appartient au Grand-Duc.
En l'espèce, le poste à pourvoir était classé au grade 12, de sorte que le pouvoir de nomination afférent relevait du Grand-Duc. Par conséquent, l'écrit du directeur des Contributions du 18 mars 1998 est à considérer non comme acte de nomination, mais 3 comme information portée à la connaissance des intéressés que ledit directeur avait proposé à l'autorité investie du pouvoir de nomination de retenir la candidature de Monsieur X..
Etant donné, cependant, que la demanderesse n'a pas reçu d'autre communication concernant la nomination de ce dernier au poste brigué par elle, sa requête est à considérer comme dirigée contre l'arrêté grand-ducal de nomination de Monsieur X..
Le recours gracieux est un recours non formellement prévu par un texte, porté devant l'autorité même qui a pris la décision.
Le Grand-Duc étant l'autorité investie du pouvoir de nomination au poste litigieux, le recours gracieux adressé au ministre des Finances, membre du gouvernement ayant dans ses attributions l'administration des Contributions directes, en vertu de l'arrêté grand-ducal du 13 juillet 1994 portant constitution des départements ministériels, a été adressé à l'autorité compétente.
Le ministre ayant rejeté le recours gracieux, cette voie de recours a été définitivement épuisée, laissant à la demanderesse la seule voie de recours contentieuse, faisant l'objet de la présente procédure, qui à cet égard a été valablement introduite.
Le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation, aucune disposition légale ou réglementaire ne lui accordant compétence pour statuer au fond en matière de promotion des fonctionnaires.
En revanche, le recours en annulation, répondant aux exigences de forme et ayant été introduit le 15 octobre 1998, soit moins de trois mois après la notification de la décision attaquée qui a eu lieu le 16 juillet 1998, ainsi qu'il se dégage des pièces versées, est recevable.
Fond Au fond, Madame SCHON fait valoir qu'elle fut nommée au cadre fermé de l'administration avant Monsieur X., et que lors de cette nomination, elle devançait partant ce dernier au tableau d'avancement. Elle estime que si la candidature de Monsieur X. a été préférée à la sienne, ce dernier a dû la devancer au tableau d'avancement et qu'alors les critères retenus pour dresser ce tableau ne sont pas objectifs et prédéterminés, partant illégaux en ce qu'ils ne permettent pas au juge administratif d'y exercer son contrôle.
En vertu des dispositions du dernier alinéa de l’article 1er, paragraphe 2 de la loi du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat, telle que modifiée notamment par les lois des 27 août 1986 et 14 novembre 1991, l’accès au cadre fermé se fait sur base du tableau d’avancement. Il importe dès lors de souligner que le présent litige ne trouve pas à sa base une contestation ayant trait à l’accès au 4 cadre fermé, mais a trait plus particulièrement à une promotion à l’intérieur dudit cadre, mettant en concurrence deux fonctionnaires faisant d’ores et déjà partie du cadre fermé, le choix étant tombé sur le candidat le plus ancien en rang.
La prise en considération du classement au tableau d'avancement ne s'imposant de manière péremptoire à l'administration qu'en cas de passage du cadre ouvert au cadre fermé, le moyen principal soulevé par la demanderesse, consistant à soutenir que le tableau d'avancement serait dressé en l'espèce sur base de critères ne devant pas entrer en ligne de compte, est à écarter pour défaut de pertinence, étant donné que le litige porte sur une promotion à l'intérieur du cadre fermé.
En ordre subsidiaire Madame SCHON se plaint de ce que la décision de promotion de Monsieur X. a été basée sur le seul critère de l'ancienneté de ce dernier, alors que le classement des candidats à l'examen de promotion devrait primer tout autre critère, quitte à ce que l'ancienneté et l'aptitude du candidat puissent éventuellement corriger le critère principal.
S’il est bien vrai qu’avant la réforme législative du 27 août 1986 le critère de l’ancienneté était autrement consacré dans la mesure où l’ancien article 1er, paragraphe 2, dernier alinéa de la loi du 28 mars 1986 disposait que la nomination aux différentes fonctions du cadre fermé se faisait sur la base du tableau d’avancement établi à la suite de l’examen de promotion, il y a lieu de constater que le législateur s’est ravisé sur ce point en accordant un pouvoir d’appréciation plus étendu à l’autorité de nomination pour les avancements à l’intérieur du cadre fermé. En effet, la nouvelle disposition précitée est à interpréter dans le sens que seul le passage du cadre ouvert au cadre fermé de la carrière en cause est fonction du rang au tableau d’avancement. Pour les avancements ultérieurs dans le cadre fermé, le pouvoir de nomination dispose partant d’un pouvoir d’appréciation non lié, étant entendu que cette appréciation doit néanmoins reposer sur des critères objectifs et s’opérer d’une manière non arbitraire (cf. C.E. 3 juillet 1995, Lepage, n° 9160 du rôle).
Disposant d'un pouvoir d'appréciation en la matière, l’autorité de nomination n'est pas obligée de retenir comme seul critère de sélection l’ancienneté en rang. Il n’en reste pas moins qu’au stade des promotions dans le cadre fermé, ce critère est appelé à figurer comme l’un possible parmi plusieurs autres, et peut même être le seul à être retenu par l’autorité de nomination, après due prise en considération de la situation globale en droit et en fait.
En l'espèce, le délégué du gouvernement explique que le directeur des Contributions a apprécié la situation globale des candidats également admissibles et a précisément, après due prise en considération de la situation globale en droit et en fait, parmi plusieurs critères possibles, retenu celui de l'ancienneté de grade pour départager les candidats. - Il se dégage par ailleurs des pièces versées, et notamment de la lettre du ministre des Finances du 13 juillet 1998 rejetant le recours gracieux de la demanderesse et d'un courrier subséquent du 14 octobre 1998 émanant de la direction des Contributions, faisant suite à une demande de communication de renseignements concernant la promotion litigieuse par le conseil de Madame SCHON, que s'il est vrai que l'autorité investie du pouvoir de nomination a fait dépendre son choix de l'ancienneté des différents postulants, elle ne l'a pas fait parce qu'elle se soit sentie 5 contrainte de ce faire, à l'exclusion du recours à d'autres critères, mais parce qu'elle a délibérément opté pour le critère en question.
Elle a ainsi agi légalement dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et le moyen tiré de l'application d'un critère de sélection non admissible est à écarter.
En ordre plus subsidiaire, Madame SCHON estime que même à admettre la légalité du recours au seul critère de l'ancienneté de service, elle aurait encore dû être choisie par préférence à Monsieur X., dès lors qu'elle bénéficierait d'une plus grande ancienneté que ce dernier.
Il se dégage cependant de l'application de l'article 31, paragraphe 1er de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, dans sa teneur applicable aux faits de l'espèce, et dont la demanderesse ne conteste ni la constitutionnalité, ni l'applicabilité à la présente espèce, que pendant la période de service consécutive au 14 avril 1988, date à laquelle la première année de congé pour travail à mi-temps, faisant suite à son congé de maternité, son temps de service s'est réduit de moitié, vu son statut spécial de fonctionnaire en congé pour travail à mi-
temps, ce qui a permis à Monsieur X., nommé au cadre fermé après la demanderesse, à la devancer en termes d'ancienneté de service.
Il s'ensuit que le moyen tiré de sa plus grande ancienneté de service est à écarter à son tour.
La décision de nomination de Monsieur X. au poste vacant étant basée sur des critères légalement admissibles, le recours en annulation dirigé contre cette nomination est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à défaut à l’égard de Monsieur X. et contradictoirement à l’égard des autres parties, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;
reçoit le recours en annulation en la forme;
au fond le dit non justifié et en déboute;
met les frais à charge de la demanderesse.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 1999 par:
M. Ravarani, président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
6 s. Schmit s. Ravarani